Séance en hémicycle du 22 janvier 2008 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • OPCA
  • apprentissage
  • continue
  • initiale

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président du Sénat a reçu de M. le directeur général de l'Observatoire national de l'enfance en danger le rapport pour 2007 de cet organisme, établi en application de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'informe le Sénat que la question n° 127 de Mme Claire-Lise Campion est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 29 janvier 2008 à la demande de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Le groupe Union pour un mouvement populaire m'a fait connaître qu'il proposait la candidature du président Josselin de Rohan, en remplacement du très regretté président Serge Vinçon.

Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Ordre du jour réservé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 10 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur l'avenir de la formation professionnelle en France.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Jean-Claude Carle interroge M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur l'avenir de la formation professionnelle française.

« La réforme de la formation professionnelle représente en effet l'un des grands chantiers du Président de la République et doit contribuer à résoudre la crise de l'emploi. Ce dernier a d'ailleurs rappelé à plusieurs occasions que notre système de formation professionnelle est à bout de souffle tant dans son organisation que dans son financement, soulignant aussi que la formation ne va pas vers ceux qui en ont le plus besoin.

« C'est le constat formulé, il y a quelques mois, par la mission sénatoriale dont le rapporteur a présenté un tableau relativement pessimiste d'un système marqué par la complexité, les cloisonnements et le corporatisme. De nombreuses propositions ont été formulées pour recentrer le dispositif sur la personne, les partenariats et la proximité.

« Il faut rendre la politique de la formation professionnelle plus réactive et plus efficace, car elle constitue l'investissement le plus important pour notre pays et nos concitoyens. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Président de la République a annoncé que la réforme de la formation professionnelle serait l'un des grands chantiers de 2008.

Il a d'ailleurs expliqué à plusieurs reprises que notre système de formation professionnelle était « à bout de souffle tant dans son organisation que dans son financement », soulignant que, malheureusement, « la formation ne va pas à celles et ceux qui en ont le plus besoin ».

Monsieur le secrétaire d'État, c'est exactement le constat fait par la mission commune d'information du Sénat sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapporteur était notre collègue Bernard Seillier. Notre rapport a été publié en juillet dernier, au terme de six mois d'auditions et d'investigations.

À l'évidence, en matière de formation, les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés. C'est vrai aussi bien pour la formation initiale que pour la formation continue.

En ce qui concerne la formation initiale, le budget de l'éducation nationale, vous le savez mieux que quiconque, a doublé en quinze ans. Cette année, il atteindra 59 milliards d'euros pour l'enseignement scolaire, auxquels il convient d'ajouter 23 milliards d'euros en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Malgré l'effort important engagé depuis des décennies, 150 000 jeunes, soit près de 20 % d'une génération, sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ou qualification, 9 % de la population est en situation d'illettrisme, 90 000 étudiants quittent l'université au cours de la première année d'études. Aujourd'hui, la première porte que pousse un jeune sur cinq est non pas celle d'une entreprise ou d'une administration, mais, malheureusement, celle de l'ANPE.

Le taux de chômage des jeunes demeure d'ailleurs un problème récurrent dans notre pays. Je l'ai dit, il représente 20 % d'une classe d'âge, contre « seulement » 7 % en Allemagne.

Une autre statistique m'interpelle plus encore : aujourd'hui, un fils d'ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur ; il a quatre fois plus de risques d'échec scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Ce qui est vrai .pour la formation initiale l'est également pour la formation continue, dans laquelle près de 26 milliards d'euros sont engagés.

En effet, je le répète, la formation ne va pas vers celles et ceux qui en ont le plus besoin, qu'il s'agisse des personnes physiques ou des personnes morales.

Pour les personnes physiques, 44 % des titulaires d'un BTS ou d'un diplôme de l'enseignement supérieur suivent une formation au cours de leur parcours professionnel, contre seulement 23 % des titulaires d'un CAP ou d'un BEP et à peine 12 % des non-qualifiés ou des non-diplômés.

La formation professionnelle continue reproduit les inégalités de la formation initiale.

Selon une formule souvent entendue lors des auditions que nous avons menées, la formation va à la formation.

Ce qui est vrai pour les personnes physiques l'est également pour les personnes morales.

Les très petites entreprises et les PME consacrent dix fois moins à la formation professionnelle que les grandes entreprises. L'effort moyen de formation par salarié représente ainsi 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les autres.

Ces chiffres confirment les propos du Président de la République : la formation ne va pas à celles et ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les petites entreprises, celles qui aujourd'hui créent la richesse et l'emploi, mais dans lesquelles les salariés ont les parcours les moins sécurisés.

Ce constat étant fait, il importe de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à une telle situation. Selon moi, il y a trois raisons essentielles.

Premièrement, le système, depuis des décennies, repose sur une logique de dépenses. La seule réponse qui a été apportée, tant en formation initiale qu'en formation continue, a été une augmentation des crédits budgétaires.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai beaucoup de doutes, mais je n'ai qu'une certitude : la bonne réponse n'est plus la seule inflation budgétaire.

Deuxièmement, les objectifs assignés à la formation professionnelle ne sont pas eux-mêmes judicieux.

La formation professionnelle initiale est considérée comme une voie d'orientation par défaut, « récupérant » les jeunes en situation d'échec dans la voie générale. La formation professionnelle continue, quant à elle, est chargée essentiellement du traitement social du chômage.

Comment alors s'étonner qu'avec de tels objectifs on arrive aux résultats évoqués ?

Troisièmement, enfin, les conclusions de notre mission viennent rejoindre l'appréciation d'un grand nombre d'observateurs : le système de formation professionnelle français est opaque, éclaté et trop complexe pour assurer efficacement l'adaptation de la main-d'oeuvre et la promotion sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, la formation professionnelle souffre ainsi de trois maux, les « trois C » pour reprendre le qualificatif employé dans notre rapport : complexité, cloisonnements, corporatismes.

Le premier C est donc la complexité, et ce dans tous les domaines.

Au niveau des organismes de formation, il existe en effet 45 000 organismes publics ou privés déclarés, dont seulement 5 000 sont réellement actifs, avec une majorité de petits prestataires, soumis au simple régime déclaratif.

Pour apporter des garanties aux « acheteurs de formations », qui ont bien du mal à se repérer au travers du foisonnement de l'offre, la mission commune d'information propose d'instituer des garanties de solidité financière des organismes, sous la forme d'un dépôt obligatoire lors de la déclaration. De plus, un agrément régional pourrait être délivré par le conseil économique et social régional.

La complexité apparaît également au niveau des diplômes et des certifications.

Plus de 1 200 diplômes ou titres professionnels sont délivrés par sept ministères certificateurs. On peut ainsi recenser 198 CAP, 35 BEP, 73 baccalauréats professionnels et 109 BTS. Près de 1 450 licences professionnelles ont été créées pour seulement 20 000 étudiants, soit une licence pour 14 étudiants. Pour l'anecdote, nous avons même relevé l'existence d'une licence professionnelle « Clown » à l'université de Lyon !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Il y a beaucoup de postulants !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'offre de certification n'est donc pas en phase avec les besoins actuels : la spécialisation des diplômes s'accorde mal avec les exigences de polyvalence requises par le marché du travail.

La complexité atteint, en outre, les financeurs.

On décompte 98 organismes paritaires collecteurs agréés, ou OPCA, spécialisés, à des degrés divers, par branche ou par région, auxquels il convient d'ajouter les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage, ou OCTA.

La complexité touche, enfin, les pouvoirs publics et les administrations d'État ou territoriales. J'y reviendrai dans quelques instants.

J'en viens au deuxième C : les corporatismes.

La complexité fait le lit des corporatismes, voire de petites féodalités, dans lesquels chacun est soucieux de son pré carré et du bon fonctionnement de sa structure, oubliant parfois l'objectif qui consiste à répondre aux besoins des salariés et des entreprises.

Cela induit le troisième C : les cloisonnements. Chacun reste dans son domaine et ne sait pas ce que fait son voisin. C'est la politique de la patate chaude, selon laquelle chacun « se refile le bébé ».

Je me réjouis, par conséquent, de la fusion ANPE-UNEDIC, actuellement en débat au Parlement. Lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à créer un service public de l'emploi universel pour mettre fin au parcours du combattant du demandeur d'emploi, en plaçant celui-ci au centre du système.

Comme l'a souligné le Président de la République, « le devoir d'un chômeur, c'est de rechercher un emploi, pas de supporter le fardeau de la complexité administrative, et le devoir de la collectivité nationale, c'est de mobiliser ses moyens au service du retour du chômeur à l'emploi ». Ainsi, il sera possible de trouver à un même endroit l'ensemble des services, qu'il s'agisse de l'accueil, de l'inscription comme demandeur d'emploi, de l'indemnisation, de la formation et de l'accompagnement dans la recherche d'un nouvel emploi.

Lors du débat devant notre assemblée, j'avais proposé un amendement visant à ce que les services d'orientation de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, soient intégrés à la nouvelle institution.

À l'heure actuelle, la fonction d'orientation professionnelle des personnes, que celles-ci disposent ou non d'un emploi, reste dévolue aux services d'orientation professionnelle de l'AFPA. Or cette situation est quelque peu contraire à l'objectif de simplification visé par la fusion. Cela revient à priver la nouvelle institution des moyens de mieux assurer sa mission d'orientation.

J'ai retiré cet amendement, dans l'attente du prochain texte de loi sur la formation. Notre commission a, pour sa part, demandé qu'un rapport soit présenté au Parlement, d'ici à douze mois, sur les modalités de cet éventuel transfert.

Le tableau étant dressé, comment s'en sortir ? La mission a fait une quarantaine de propositions. J'en citerai trois qui me paraissent très importantes.

Premièrement, il faut passer d'une logique de dépense à une logique d'investissement. Qui dit investissement dit résultats ; qui dit résultats dit évaluation.

Deuxièmement, il faut fixer d'autres objectifs à la formation professionnelle. Tout système de formation doit apporter une triple réponse simultanée, au projet de la personne, aux besoins de l'entreprise et à la diversité des territoires, en s'appuyant sur le triptyque indissociable « formation, employabilité, emploi ».

Troisièmement, et cela concerne la méthode, aux trois C, nous opposons les trois P et les deux E.

Les trois P sont, premièrement, la personne, physique ou morale, qu'il est impératif de remettre au centre du système, car elle en constitue la finalité, deuxièmement, le partenariat, autour de l'ensemble des acteurs de la communauté de formation, c'est-à-dire l'État, les partenaires socio-économiques, la région et les autres collectivités territoriales, et troisièmement, la proximité, d'abord pour répondre au mieux à la diversité des situations, ensuite pour une raison d'efficacité, chaque euro investi ayant un meilleur rendement lorsque la décision est plus proche de l'action. Le bon niveau nous paraît être le bassin de formation.

J'en viens aux deux E.

Il s'agit, tout d'abord, de l'expérimentation, qui est aujourd'hui inscrite dans la Constitution. Elle doit permettre de lever la crainte des effets pervers non maîtrisés lorsqu'on modifie un système aussi complexe.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, tout ministre qui prend ses fonctions est convaincu qu'il est urgent d'agir. Six mois plus tard, il est tout aussi convaincu qu'il est urgent d'attendre, tant les corporatismes de tous bords l'ont persuadé que telle ou telle modification allait mettre la France à feu et à sang. L'expérimentation, inscrite dans la Constitution grâce à Jean-Pierre Raffarin, permettra d'éviter ce risque. Il ne faut pas s'en priver.

Le second E est l'évaluation, indispensable pour optimiser les performances de l'appareil de formation.

Aujourd'hui, notre système de formation professionnelle et, de manière plus générale, le service public souffrent d'un manque d'évaluation. Le contrôle de l'État est plus souvent axé sur les moyens mis en oeuvre que sur les résultats ; l'évaluation est parcellaire et ceux qui sont juges sont souvent parties.

S'il est difficile d'apprécier qualitativement les formations, il s'agit néanmoins d'une priorité. L'insuffisance des outils permettant d'évaluer l'efficacité des formations est manifeste. Il nous paraît donc indispensable de créer une autorité indépendante chargée d'évaluer l'ensemble du système, en s'appuyant sur les compétences existantes du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le CNFPTLV, ou d'autres organismes. Cette agence d'évaluation pourrait intervenir tant pour la formation initiale que pour la formation continue.

Je souhaite présenter trois propositions de notre mission, qui me semblent figurer parmi les plus importantes.

La première concerne la formation initiale. Il est nécessaire de rendre plus sécants les textes du 4 mai 2004, qui consacre les accords de l'Accord national interprofessionnel, ou ANI, et du 13 août 2004, relatif à la décentralisation, et de donner toute sa dimension au plan régional de développement des formations professionnelles, ou PRDF, afin qu'il ait valeur d'engagement pour l'ensemble des partenaires, ce qui permettra de passer de compétences séparées à des compétences véritablement partagées.

Ce plan relève, à l'heure actuelle, plus souvent d'un catalogue de mesures entre les rectorats et les régions. Il faut donc soumettre à cet engagement les autres partenaires, le monde socio-économique, les élus locaux, et regrouper ainsi la dimension paritaire et la dimension territoriale afin de répondre le mieux possible aux besoins.

La deuxième proposition concerne la formation professionnelle.

Notre mission a proposé la création d'un compte épargne formation à partir d'un nouveau droit individuel à la formation, ou DIF, dont la portabilité serait définie par les partenaires sociaux.

Je dirai quelques mots sur le droit individuel à la formation. Je me réjouis que l'accord sur la modernisation du travail, qui vient d'être validé, constitue une première avancée, en prévoyant la portabilité du droit individuel à la formation en cas de licenciement. On peut encore aller plus loin. C'est aux partenaires sociaux de le décider, en se gardant, bien évidemment, d'une transférabilité totale, qui ne serait pas concevable et supportable par les entreprises.

Permettez-moi de rappeler, à cet égard, que toutes nos propositions sont faites à moyens constants. Nous pensons même qu'il serait possible de réaliser des économies.

Le nouveau DIF transférable impliquera la suppression de l'obligation légale, actuellement peu incitative et donc peu efficace. Les entreprises pourront recourir plus librement et plus largement à des solutions moins coûteuses que le recours systématique à des stages.

Pourquoi s'appuyer sur le droit individuel à la formation ?

Le DIF est à la convergence des souhaits du salarié et des besoins de l'entreprise. Le plan de formation relève de l'initiative de l'entreprise et le congé individuel de formation, ou CIF, dépend du salarié. C'est la raison qui nous a conduits à faire du nouveau DIF, qui pourrait d'ailleurs être rebaptisé « devoir indispensable de formation », le pivot du compte épargne formation.

Le salarié pourrait utiliser ce compte épargne formation prévu par notre mission pour acquérir une qualification utile à son employabilité, au-delà des statuts sous lesquels il sera successivement placé au cours de sa vie active. Il est essentiel d'attacher le droit individuel à la formation à la personne plus qu'à son statut.

Ce compte pourrait être activé dès la sortie de la formation initiale, mais également au moment du départ à la retraite. Mais, en aucun cas, il ne pourrait faire l'objet d'un versement en monnaie sonnante et trébuchante, car cela serait contraire à l'objectif recherché, qui est de permettre à celles et ceux qui en ont le plus besoin d'accéder à la formation.

La troisième proposition concerne l'ingénierie, indispensable afin de rendre les mesures efficaces, en premier lieu en matière de formation initiale.

L'orientation est un enjeu central. Aujourd'hui, elle se fait à la suite d'échecs successifs. Il faut passer de cette orientation négative à une orientation positive, qui concilie le projet du jeune, les besoins de l'économie et ceux des territoires.

Il faut notamment encourager l'orientation vers les voies professionnelles et développer les autres formes d'intelligence que sont celles de la main et du geste.

Nous proposons un certain nombre de mesures qui concernent, notamment, les conseillers d'orientation psychologues, dont la connaissance du monde économique nous paraît très largement insuffisante. Nous souhaitons d'ailleurs les « anoblir » en leur attribuant le titre de « conseillers d'orientation professionnelle et psychologues ». Il nous semble également utile qu'ils soient, à l'instar des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, rattachés à la région, lieu de cohérence de la formation professionnelle.

En matière de formation continue, les PME et les TPE préfèrent payer l'obligation légale plutôt que de former, tant est grande la complexité de mise en place des formations. Il faut soulager les chefs d'entreprise de ces tracasseries administratives. Nous proposons que les organismes paritaires collecteurs agréés, ou OPCA, leur apportent cette ingénierie, afin de leur éviter le parcours du combattant qu'ils connaissent aujourd'hui. Certains OPCA le font, et même très bien. D'autres n'en ont pas les moyens financiers ou humains, ou en ont les moyens, mais ne le font pas ou ne veulent pas le faire. Il faudra les y inciter, voire les y contraindre.

Par ailleurs, afin de faciliter l'accès à la formation des salariés des TPE et PME, pourquoi ne pas s'inspirer des agriculteurs, qui ont mis en place un service de remplacement, et favoriser des groupements d'employeurs ?

De même, il ne serait pas utopique de s'appuyer sur le potentiel existant pour effectuer ces remplacements ; je pense aux préretraités et retraités, qui pourraient également apporter leur savoir-faire aux jeunes des lycées professionnels ou des centres de formation d'apprentis, ou CFA, après avoir acquis un minimum de pédagogie en activant, le cas échéant, le solde de leur compte épargne formation.

Ces mesures, pour être pleinement efficaces, exigent qu'il y ait, à chaque niveau, un chef de file. Nous avons besoin d'une gouvernance capable d'assurer le lien et la cohérence entre les différents lieux de décision. « Il n'y a plus de pilote dans l'avion », comme l'a dit M. Jacques Delors devant la mission d'information pour résumer l'état actuel de la gouvernance de la formation professionnelle.

Au niveau de l'État, il faut, aux côtés du Premier ministre, un chef de file ayant une vision transversale, afin de sortir de la situation actuelle, dans laquelle, en fonction des gouvernements, entre trois et sept ministères s'occupent de la formation professionnelle.

Ce qui est vrai pour le Gouvernement l'est aussi pour le Parlement, l'Assemblée nationale comme le Sénat, où le problème de la formation est « éclaté » entre deux et trois commissions. Notre mission commune en est l'illustration.

Permettez-moi, mes chers collègues, d'ouvrir une parenthèse pour regretter que les mots de formation et d'éducation, qui constituent la première ligne du budget de la nation, ne figurent dans le libellé d'aucune de nos commissions.

Ce qui est vrai au niveau de l'État l'est aussi au niveau de la région.

La région doit être le lieu de cohérence. Ce pilotage lui revient légitimement, car il s'inscrit dans la logique même de la décentralisation. Mais, pour jouer pleinement son rôle et affirmer son autorité, la région a besoin d'un instrument stratégique suffisamment adapté et puissant pour être efficace. Il s'agit du PRDF, dont la signature, je le répète, doit engager l'ensemble des partenaires.

Le niveau du bassin de formation, enfin, est le lieu privilégié de l'action. Il permet une logique partenariale, qui réunit autour d'une même table élus, chefs d'entreprises, partenaires sociaux, associations et services publics, afin de traiter les besoins spécifiques des bassins et de mener des expérimentations.

Notre mission recommande de mettre en place, à titre expérimental, des conseils locaux de la formation, qui se réuniraient pour échanger des informations, faire des propositions et trouver des solutions concrètes à des difficultés signalées dans l'articulation entre orientation, formation et emploi.

Pour conclure, rien ne pourra se faire sans une volonté politique forte, celle qui a été exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République. Or, si le moteur donne toute son énergie, l'embrayage doit rapidement engager le mouvement.

Il n'est plus acceptable - et, personnellement, je ne l'accepte plus - qu'un jeune qui a trouvé une entreprise d'accueil se voie refuser une place dans un établissement. Je n'accepte pas davantage qu'un salarié se voie fermer l'accès à une formation indispensable à son maintien ou à son évolution professionnelle parce que tel ou tel organisme aurait décidé que ce n'était plus la priorité de la branche.

Voila, monsieur le secrétaire d'État, ce que je voulais vous dire. J'attends maintenant de vous des réponses quant à la suite qui sera réservée aux souhaits exprimés par le Président de la République, et dont je souhaite connaître le calendrier.

Je regrette, pour ma part, que Mme la ministre chargée de l'économie, des finances et de l'emploi n'ait pu se rendre disponible pour ce débat. Je ne doute pas de la nature impérative de ces obligations. Mais, une fois de plus, le débat parlementaire et la formation passent au second plan

Cela étant, je sais, monsieur le secrétaire d'État, votre implication dans les domaines de l'économie, de l'emploi et de la formation. Vous en avez donné la preuve comme parlementaire ; vous le prouvez aujourd'hui comme membre du Gouvernement, car la formation est le meilleur investissement de la nation.

Permettez-moi de conclure en citant Socrate, qui, voilà près de vingt-cinq siècles, disait : « Le savoir est la seule matière qui augmente quand on la partage. »

Je souhaite que nous fassions de l'année 2008 celle du partage du savoir, de façon à augmenter les richesses de la nation et à assurer le meilleur avenir pour nos enfants.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, on ne peut qu'être d'accord avec le constat de notre collègue Jean-Claude Carle sur le fait que la formation professionnelle ne bénéficie pas suffisamment à toutes et à tous, mais essentiellement aux salariés les plus diplômés, nonobstant de grosses disparités selon la taille de l'entreprise.

Chaque année, 60 % des salariés ne profitent pas de leur droit à formation ; environ 25 % des titulaires d'un CAP y ont accès, contre près de 45 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur. Selon une récente étude de la direction de l'animation, de la recherche, des études et statistiques, ou DARES, sur la formation des demandeurs d'emploi, seuls 8, 1 % des chômeurs suivaient une formation professionnelle à la fin 2005. Ils étaient 8, 7 % en 2006.

Je rejoins également son analyse sur la complexité de l'offre de formation et du manque de lisibilité pour le salarié au moment où il est confronté au choix, parfois insuffisamment conseillé, et dans une situation d'urgence : perte d'emploi ou reconversion. L'existence de 45 000 organismes de formation et de 98 organismes paritaires collecteurs agréés, ou OPCA, témoigne de cette lourdeur.

Nous avons largement constaté ces difficultés lors des auditions et des déplacements de notre mission d'information, comme notre collègue Jean-Claude Carle l'a précisément rappelé à l'instant.

Je ne contesterai pas non plus sa description des aspirations des salariés sur le droit individuel à la formation attaché à la personne, transférable tout au long de sa vie, destiné à satisfaire ses besoins en matière de développement professionnel et personnel.

Oui, s'il est vrai qu'il faut réformer la formation professionnelle, c'est avant tout pour donner les mêmes droits à toutes et à tous, salarié comme demandeur d'emploi, quel que soit son âge, son niveau de formation initiale, dans les petites, comme dans les grandes entreprises. Et, comme vous le savez, mes chers collègues, j'ai toujours dans mes préoccupations les territoires ruraux, très présents dans mon département, l'Isère. Ce droit doit donc également être à la portée de tous nos concitoyens, quel que soit le territoire de leur résidence.

Mais, et vous n'en serez pas surpris, mon accord avec notre collègue Jean-Claude Carle s'arrête à ces constats.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Selon moi, si la formation professionnelle ne bénéficie pas aux ouvriers les moins qualifiés, c'est de par la volonté du patronat qui, la considérant comme un retour sur investissement, a besoin d'un noyau dur de personnel à qualification élevée et, à côté de cela, d'un bataillon de salariés non qualifiés, d'intérimaires, destiné à faire de la productivité. Cela peut paraître simpliste pour celles et ceux qui ne fréquentent pas la sortie des usines, mais c'est pourtant la réalité.

Aujourd'hui, alors que se préparent un ou des projets de loi sur cette question fondamentale, alors que le Président de la République a déclaré vouloir réaliser des milliards d'euros d'économies en réformant la formation professionnelle et en la recentrant sur ceux qui en ont le plus besoin, « chômeurs et salariés les moins qualifiés », le rapport Carle ouvre un questionnement qui appelle des réponses de la part du patronat et du Gouvernement.

Je me propose donc de les résumer brièvement et de mettre le doigt sur les menaces qui me semblent pointer à l'horizon.

J'ai relevé dans l'intervention de Mme Lagarde - dont je regrette moi aussi l'absence ce matin - devant notre assemblée que « le Gouvernement avancera, en 2008, en associant régions et partenaires sociaux ; je vais mettre en place un groupe de travail sur la formation professionnelle continue afin de clarifier les priorités stratégiques et de distinguer ce qui relève de la négociation collective et du législateur ».

Voilà donc la problématique posée. Il en découle une question fondamentale.

Je suis profondément attachée au principe de solidarité de la formation professionnelle, tout comme de l'UNEDIC, notre système de protection sociale contre la privation involontaire d'emploi, je le rappelais ici même dans notre débat sur le service public de l'emploi. Car la protection contre le chômage, l'emploi, la formation continue et, en amont, la formation initiale sont étroitement liés.

Je voudrais donc rappeler le rôle primordial de l'État. Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ne veulent pas son désengagement de la formation, pas plus que de la protection contre le chômage. Si le paritarisme a fait ses preuves, notamment dans la gestion de l'assurance chômage, il n'est pas question d'y trouver matière à un nouveau désengagement de l'État, qui consisterait à renvoyer dos à dos les branches ou les entreprises pour financer chacune « leur » formation professionnelle.

Évoquant les nécessaires partenariats, notre collègue Jean-Claude Carle définit des « chefs de file ». Qui seront-ils ? Les régions ? Les bassins d'emploi ? Les branches ?

Le débat de ce jour devrait d'ailleurs être le moyen de clarifier le rôle des régions, qui détiennent la compétence en matière de formation des moins de 26 ans, des publics les plus éloignés de l'emploi et, désormais, des adultes non salariés.

Dans ma région, Rhône-Alpes, nous notons que les transferts de compétences se sont effectués sans le transfert des moyens afférents. Il en est ainsi des carrières sanitaires et sociales, avec 62 écoles d'infirmières, désormais à la charge de la région, destinées à répondre aux besoins énormes en matière de formation d'infirmières.

Toujours dans ma région, on estime à plus de 10 millions d'euros le déficit des centres de formation d'apprentis, ou CFA, à la suite de la baisse de la collecte de la taxe d'apprentissage, consécutive à la réforme nationale de sa collecte.

Enfin, le transfert des AFPA - 12 centres en Rhône-Alpes et 20 000 stagiaires par an - avec à terme, sans doute, le transfert à venir des locaux et des personnels, est également d'un coût élevé.

Au sujet des AFPA, et bien qu'il ne soit pas fait mention de ce point dans la question de notre collègue, je tiens à réaffirmer ici notre opposition à l'amendement proposé par le rapporteur du texte, Mme Catherine Procaccia, et voté au cours du débat sur la réforme du service public de l'emploi.

Cet amendement, devenu article nouveau, nous inspire beaucoup d'inquiétude, car il nous apparaît comme la première étape du démantèlement de l'AFPA, dont les demandeurs d'emplois eux-mêmes seraient les premières victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement démontre aussi un manque de connaissance de cet organisme, dont l'orientation est une mission indissociable de la formation, car indispensable au retour vers l'emploi des chômeurs les plus en difficulté.

Qui plus est, cet amendement a été proposé sans discussion préalable avec les partenaires sociaux, et à quelques semaines de nouveaux textes sur ce sujet. Il n'y avait vraiment pas urgence en la matière ! Je souhaite que l'Assemblée nationale puisse revenir sur ce nouvel article !

Mais j'en viens à la question d'aujourd'hui et à la mesure phare préconisée par Jean-Claude Carle qui est de supprimer l'obligation légale pour le plan de formation, au motif que cela déresponsabiliserait l'entreprise, et d'y substituer le financement attaché à la transférabilité du DIF dynamisé - et monétisé - au travers d'un compte épargne formation.

Certes, la proposition d'un compte épargne-formation est intéressante. Mais l'on prend le risque, en l'instaurant, parallèlement à la suppression des 0, 9 %, de remettre en cause l'un des fondements de l'accord national interprofessionnel de 2003. Cet accord consiste à développer les compétences collectives à travers le plan de formation, l'autre fondement étant le développement du droit individuel à la formation, donc deux axes très complémentaires. N'y a-t-il pas là un détournement du DIF issu de l'ANI ?

Et, au bout du compte, qui va payer ? L'État, les régions, les OPCA, l'ANPE ? Sont également évoqués l'instauration d'une participation des individus via les indemnités de licenciement ou encore le compte épargne-temps.

Il est à craindre, à l'opposé des dires de notre collègue Carle, un affaiblissement de la responsabilité de l'employeur, notamment au regard de son obligation de permettre aux salariés d'acquérir de nouvelles compétences en vue de nouvelles tâches ou responsabilités.

Par ailleurs, comme le soulignent certaines organisations syndicales, la participation de beaucoup de petites entreprises se situe au minimum légal, et la mutualisation des fonds n'est rendue possible que grâce à l'obligation. On est ainsi fondé à se demander ce qu'il adviendrait sans cette mutualisation qui permet le financement d'actions de formation dépassant largement la contribution annuelle de l'entreprise. Ce serait, sans aucun doute, la fin d'une équité déjà mise à mal en matière de formation professionnelle.

Le regroupement des OPCA, en portant par la voie réglementaire le plancher de collecte de 15 millions à 50 millions d'euros, devrait avoir pour conséquence la disparition des plus petits d'entre eux.

« À terme, une seule collecte, un seul collecteur, un seul contrat ». Tel est le credo de notre collègue Jean-Claude Carle. Une conséquence sur laquelle il ne faut pas fermer les yeux est le financement du paritarisme via la formation professionnelle et, y compris, la représentativité des organisations syndicales, des employeurs comme des salariés.

C'est un enjeu qu'il serait certainement honnête de mettre à plat. En tout état de cause, il faut un financement pérenne du paritarisme pour garantir la démocratie. On pourrait le trouver ailleurs - pourquoi pas ? - mais dans une nécessaire transparence.

Par ailleurs, ce plancher de collecte des OPCA est-il un argument valable ? Permettez-moi d'en douter. Certains organismes font du bon travail avec une collecte modeste, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

...d'autres, à plus large surface financière, ne remplissent pas leurs missions de proximité. Gardons-nous donc des décisions à l'emporte-pièce et regardons précisément les résultats. Sans doute faut-il « faire le ménage » au sein des OPCA. Mais il ne faudrait pas le faire sans un état des lieux préalable.

J'estime qu'il conviendrait également et surtout, ai-je envie de dire, de nous interroger sur le contenu de la formation et sur sa durée.

Je reprends à mon compte une remarque faite par la CFE- CGC selon laquelle la formation n'est pas seulement une « seconde chance ». C'est aussi un outil de promotion sociale.

Gardons-nous donc bien de ne considérer la formation continue que par le petit bout de la lorgnette, autrement dit, par le seul objectif du patronat de former en fonction exclusivement des besoins de l'entreprise, ou dit encore autrement, sous le seul angle financier !

Notons que le droit individuel à la formation est actuellement de 20 heures par an, cumulables sur 5 ans. Cela représente approximativement 15 jours tous les 5 ans. Cela me semble notoirement insuffisant pour accéder à une formation qualifiante. Et quid des grosses entreprises qui organisent leurs propres formations ? Seront-elles exonérées de contribution ? Leurs formations seront-elles reconnues en cas de changement d'entreprise du salarié ? Seront-elles prises en compte pour la validation des acquis de l'expérience, par exemple ?

Dernière question, mais non la moindre, pourquoi cette hâte ? L'accord national interprofessionnel signé le 5 décembre 2003 par toutes les organisations syndicales, peine à se mettre en place. Aucune évaluation n'a été faite, aucune concertation n'a eu lieu. Cela me semblerait pourtant un préalable. Un groupe de travail a été constitué au sein du comité paritaire national pour la formation professionnelle. Les premiers résultats devraient précisément être connus en ce début d'année. Pourquoi ne pas attendre cette évaluation avant de proposer de nouveaux mécanismes ?

En guise de conclusion, je rappellerai brièvement les propositions portées par le groupe communiste, républicain et citoyen.

Nous défendons, et nous nous attacherons à la défendre au cours des futurs débats, une vision humaniste et à long terme de la formation tout au long de la vie : un droit individuel, attaché à la personne, quel que soit son contrat de travail, garanti collectivement, transférable et opposable. Ce droit doit s'accompagner d'un nouveau statut progressiste du salariat, permettant à chaque salarié ayant suivi une formation d'obtenir une promotion professionnelle et sociale et sa reconnaissance par l'employeur en termes de qualification, de classification, de rémunération, de conditions de travail.

Cela pourrait se concrétiser, selon nous, par la création d'un pôle de service public, en quelque sorte, une « maison de la formation et de l'emploi », dans laquelle, bien sûr, les associations oeuvrant en direction des salariés handicapés auraient toute leur place, aux fins de promouvoir une insertion professionnelle durable pour toutes et tous.

C'est fort de cette conviction que notre groupe entend tenir toute sa place dans les débats à venir sur la réforme de la formation professionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le monde économique et salarial ressent les graves insuffisances de la formation professionnelle comme un handicap grevant notre économie : une profonde refonte du dispositif actuel apparaît nécessaire à tous.

Dans le cadre de la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, Jean-Claude Carle a mis brillamment en exergue les trois maux dont souffre la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatismes.

L'accès à la formation professionnelle est très inégalitaire, puisque 60 % des salariés n'y accèdent jamais, en particulier les personnes payées au SMIC, ce qui n'est pas acceptable.

J'ajoute que les responsabilités enchevêtrées des régions, de l'UNEDIC, des branches professionnelles et de l'État rendent cet accès fort peu lisible. De plus, il est peu ouvert, puisque seulement 1 % des salariés suivent une formation en vue d'obtenir un diplôme, contre 13 % en Suède et 9 % au Royaume-Uni, ce qui prive notre pays d'un réel potentiel de développement dans les secteurs à forte valeur ajoutée.

Pourtant, et heureusement, on peut constater un engouement certain des jeunes pour l'apprentissage, qui, hélas ! est principalement réservé à des niveaux IV - CAP et BEP - ou V - baccalauréat -, alors qu'il devrait aussi s'organiser à des niveaux supérieurs. Pour cela, il serait nécessaire de revaloriser l'apprentissage professionnel, en assurant un véritable partenariat formation-entreprise, afin de faire face aux échecs de la formation supérieure.

Le contrat d'apprentissage est un bon outil, car il répond à la fois aux besoins des jeunes et à ceux des entreprises. Son développement sur le territoire national étant très inégal, il est donc essentiel que l'État assure un rôle de régulateur et garantisse un socle commun de prise en charge des coûts de formation, des primes aux maîtres d'apprentissage ainsi que du financement des conditions de vie de l'apprenti, telles que l'hébergement ou le transport.

Il est également indispensable de rétablir les exonérations fiscales pour le contrat de professionnalisation qui viennent - on ne peut comprendre pourquoi - d'être supprimées, ce qui le rend bien évidemment moins attractif pour les entreprises.

S'agissant de la formation continue, la rationalisation me semble essentielle. On ne peut que déplorer la multitude des acteurs - État, région, établissements privés et publics, associations, organisations professionnelles - pour un public de plus en plus classifié dans de multiples catégories : chômeurs, chômeurs longue durée, RMIstes, salariés, chefs d'entreprise.

Les chambres consulaires, qui regroupent l'ensemble des acteurs économiques participant au développement du territoire, sont au coeur des dispositifs de création, de reprise ou de développement des entreprises. À ce titre, elles devraient être mieux reconnues dans le dispositif de la formation continue, afin de coordonner l'ensemble des parties concernées.

Si la formation professionnelle connaît, à l'évidence, beaucoup de difficultés, je ne peux néanmoins que me féliciter de l'accord des partenaires sociaux du 11 janvier dernier sur la modernisation du marché du travail, qui installe les prémices de la réforme : la « transférabilité » du droit individuel à la formation.

Les salariés pourront ainsi conserver ce droit et l'utiliser au cours de la première moitié de leur période d'indemnisation s'ils sont au chômage ou pendant les deux années suivant leur embauche en cas de nouvel emploi. C'est une avancée majeure en termes d'équité et d'investissement dans les ressources humaines.

Jean-Claude Carle a cité Socrate ; plus modestement, je citerai Gustave Thibon, qui écrit : « Rien ne prédispose plus au conformisme que le manque de formation. » Or notre économie doit absolument demeurer riche de ses multiples facettes. Il est donc urgent de mettre en place une véritable réforme de la formation professionnelle, de conjuguer au présent et pour l'avenir les préoccupations des hommes et des entreprises.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'avenir de la formation professionnelle en France passe nécessairement par la refonte en profondeur de l'ensemble du dispositif actuellement en place et par un véritable repositionnement de tous les acteurs concernés.

C'est le constat qui ressort des travaux récents de la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, présidée par Jean-Claude Carle.

Le champ de la formation professionnelle englobe celui de la formation professionnelle initiale et celui de la formation professionnelle continue.

Cette dernière, conformément à ses objectifs initiaux, consiste en une politique d'adaptation professionnelle des salariés aux évolutions de leurs métiers, de mobilité et de sécurité professionnelles.

Ainsi, elle est supposée permettre au salarié d'être performant et à l'employeur de gagner en compétitivité et en productivité.

De plus, à partir des années soixante-dix, la formation professionnelle continue, à l'instar de la formation professionnelle initiale, s'est positionnée en politique du traitement du chômage.

Toutefois, formation professionnelle initiale et formation professionnelle continue ne remplissent pas, ou pas totalement, leurs objectifs. Le système en vigueur apparaît inefficace à plusieurs égards.

Jean-Claude Carle l'a rappelé, chaque année, 160 000 jeunes, soit 20 % d'une génération, sortent du second degré sans qualification professionnelle et sans diplôme. Trois ans après leur sortie du circuit scolaire, le taux de chômage de ces jeunes non qualifiés atteint 40 %.

Selon les dernières statistiques, seulement 8% des demandeurs d'emploi suivent une formation professionnelle.

De plus, les formations profitent davantage aux jeunes chômeurs qu'à leurs aînés. En 2005, 14 % des demandeurs d'emploi de moins de vingt-six ans étaient en formation contre 6 % des chômeurs de vingt-six ans et plus.

Au sein des entreprises, le taux de départ en formation des salariés est trois fois plus élevé dans les grands groupes que dans les TPE ou les PME.

En ce qui concerne les salariés, ce sont les plus jeunes et les plus qualifiés qui accèdent à la formation professionnelle continue.

On l'aura compris, la formation professionnelle initiale enregistre un cuisant échec pour ce qui est de l'entrée sur le marché de travail de nombre de jeunes et la formation professionnelle continue ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin.

C'est d'autant plus regrettable que 25 milliards d'euros sont consacrés chaque année à cet objectif. À une certaine inefficacité s'ajoute dès lors une vraie gabegie.

Les principales raisons de cette situation, mises en exergue par la mission commune d'information, sont la complexité du système, le manque de passerelles entre les différents dispositifs, la déconnexion avec le marché de l'emploi, la multiplicité des acteurs, avec une absence de coordination et de gouvernance, enfin, le foisonnement des financeurs.

Les chiffres sont éloquents : plus de 1 200 diplômes ou titres professionnels délivrés par sept ministères différents, quelque 45 000 organismes de formation déclarés, quatre-vingt-dix-huit organismes paritaires collecteurs agréés, ou OPCA. Aussi, à chaque catégorie d'individus pouvant prétendre à des sessions de formation, correspondent des conditions d'accès particulières.

Alors, que faire ? Les propositions de la mission commune d'information sont nombreuses et concrètes. Elles ont d'ailleurs été saluées par nombre d'observateurs pour leur pertinence et leur audace.

Pour ma part, je considère qu'il est fondamental de remettre du sens, du liant, de la cohérence et de la simplicité.

Il faut simplifier en regroupant contrat d'apprentissage et contrat de professionnalisation au sein d'un contrat d'insertion en alternance, et ainsi optimiser les capacités d'accueil en entreprise et en centre de formation.

Il faut remettre de la cohérence avec la rationalisation des financements.

À ce propos, il convient d'insister sur le regroupement interprofessionnel des OPCA et la suppression de l'obligation légale faite aux entreprises de verser 0, 9 % de leur masse salariale brute pour le financement du plan de formation.

Les sommes ainsi libérées abonderaient en partie un compte d'épargne de formation individualisé.

Le champ d'application de ce dispositif se veut plus large que celui du droit individuel à la formation, qui, même transférable, reste circonscrit aux salariés en activité, laissant ainsi plusieurs catégories de population en marge du système.

Attaché à la personne tout au long de sa vie professionnelle, le compte d'épargne de formation couvrirait alors les individus indépendamment de leur statut : les primo-entrants dans le monde du travail, les salariés en activité, les demandeurs d'emploi, les personnes en reconversion et les retraités.

Un seul outil répondrait alors à une grande variété de situations.

Il faut encore remettre du sens et du liant au travers d'une gouvernance territoriale articulant des niveaux de compétences clairement définis.

L'État doit demeurer dans son rôle de cadrage normatif mais également se poser en tant que garant de l'équité.

Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie a légitimement vocation à devenir l'instance de concertation nationale, garante des objectifs nationaux de la formation professionnelle.

La mise en cohérence des politiques de formation doit revenir à la région. Élaboré sous l'autorité du président du conseil régional, le plan régional de développement des formations professionnelles s'avère l'instrument adapté pour assurer la coopération régionale des acteurs publics, associatifs, professionnels et privés autour d'un même projet.

Enfin, c'est à l'échelon du bassin d'emploi que doit se faire l'articulation entre les besoins en emplois et les formations à mettre en place.

En conclusion, la réforme de la formation professionnelle est un défi capital à relever sans attendre ; les sénateurs du groupe UC-UDF sont prêts à concourir efficacement à cette réforme.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Quelques jours après avoir débattu d'un texte sur la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, quelques jours après que les partenaires sociaux ont conclu de difficiles négociations sur la modernisation du marché du travail et des contrats de travail, quelques jours après que le Gouvernement a effectué une déclaration au sujet du « Grenelle de l'insertion » et que le Président de la République a annoncé l'examen d'un prochain texte portant sur la formation professionnelle, quelques mois après la remise du rapport de la mission d'information commune sur les dispositifs de ce secteur que présidait notre collègue Jean-Claude Carle, nous débattons de la question qu'est l'avenir de la formation professionnelle, question essentielle s'il en est.

C'est, bien évidemment, indispensable. Certes, et mon préambule le laissait entendre, nous aurions préféré que ces débats et projets législatifs multiples, parfois inscrits dans l'urgence alors que rien ne le justifie réellement, soient plus et mieux associés. De la sorte, l'action gouvernementale aurait certainement gagné en cohésion et les multiples acteurs, institutionnels et associatifs, en lisibilité.

« Savoir pour prévoir, afin de pouvoir », disait Auguste Comte. La mise en perspective de la formation au savoir, en l'occurrence professionnelle, est donc d'importance.

Cela a déjà été dit, mais je tiens à le rappeler, chaque année, 20 % d'une génération, soit plus de 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans qualification suffisante pour intégrer dans de bonnes conditions la vie active.

Les jeunes sont inégaux devant cette situation, qui frappe particulièrement ceux qui vivent dans les quartiers populaires et connaissent un taux de chômage voisin de 40 %, soit quatre à cinq fois la moyenne nationale.

Dans une société de la connaissance, où les technologies évoluent très rapidement et conditionnent l'exercice professionnel, l'accès au savoir et à la compétence est une donnée essentielle. Débattre de la formation professionnelle renvoie ainsi à deux dimensions.

La première, collective, est liée à notre avenir économique et social. La seconde, individuelle, conditionne la possibilité offerte à chacun de progresser, de s'adapter, de s'accomplir, de trouver sa place dans la société et de contribuer à l'amélioration de cette dernière. Ces deux dimensions sont liées et influent de manière importante sur notre pacte social et sur notre pacte républicain.

Débattre de la formation professionnelle renvoie également, bien évidemment, aux enjeux financiers que représentent les presque 30 milliards d'euros qui y sont consacrés annuellement, mais conduit aussi à s'interroger sur une responsabilité partagée par l'État, les régions, les départements et les partenaires sociaux.

J'ai participé aux travaux de la mission d'information commune sur les dispositifs de formation professionnelle que présidait notre collègue Jean-Claude Carle. Je reprendrai certains éléments du rapport auquel cette mission a abouti, qui dresse un état des lieux exhaustif et émet un certain nombre de propositions.

Notre système de formation professionnelle est composé d'une multitude de dispositifs. Il couvre un large spectre allant de la formation professionnelle initiale sous statut scolaire à la formation continue des salariés, en passant par l'apprentissage, la formation des demandeurs d'emploi -indemnisés ou non - et la validation des acquis de l'expérience, ou VAE. Comme M. Carle l'a souligné, ce système est à la fois complexe et cloisonné.

Au-delà de cette présentation globale, je voudrais insister sur plusieurs constats : permettre à l'éducation nationale de qualifier tous les élèves constitue un préalable ; la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin, je le répète, car plus une personne sort diplômée de la formation initiale et plus elle recourt à la formation continue ; les financeurs, et particulièrement les entreprises, considèrent la formation davantage comme une dépense que comme un investissement ; la question de la gouvernance et du pilotage est essentielle. Je développerai ces quatre éléments.

Tout d'abord, permettre à l'éducation nationale de qualifier tous les élèves avant leur sortie constitue effectivement un préalable. Dans cette perspective, l'orientation doit être à la fois préparée et choisie, et l'offre de formation professionnelle diversifiée. En effet, trop souvent encore, l'orientation, faute d'avoir été bien préparée, est subie par les élèves, ce qui est source d'échecs et de renoncements.

Aussi, la généralisation des modules de « découverte professionnelle » à tous les collégiens des classes de troisième constituerait sans doute une avancée de premier ordre dans la connaissance et l'appréhension des métiers.

Il nous semble important de faire porter aussi nos efforts sur la professionnalisation des acteurs de l'orientation. Je pense, notamment, à la mise en oeuvre de stages de connaissance de l'entreprise dans la formation initiale et continue des enseignants et des conseillers d'orientation psychologues. Il convient d'ailleurs - je reprends ici la proposition formulée par M. Carle - de renommer ces derniers « conseillers d'orientation professionnelle et psychologues ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Reste qu'aucun blocage ne pourra être levé si nous ne généralisons pas « l'orientation concertée », qui réunit et mobilise l'ensemble des acteurs de la communauté éducative, c'est-à-dire les familles, les élèves, les enseignants, les personnels de direction et, bien sûr, les conseillers d'orientation. Ainsi, les élèves et leurs familles seront-ils mieux informés sur les métiers qui recrutent et les différentes filières de formation.

À ce propos, je m'inquiète des menaces qui, même si elles semblent provisoirement écartées, pèsent sur l'existence même de certains lycées professionnels, ainsi que des fermetures de section, car ces mesures ne vont pas dans la bonne direction. Tout se passe comme si le ministère avait l'intention de renvoyer tous les jeunes en formation professionnelle vers l'apprentissage, ce qui n'est pas possible et n'est souhaitable ni pour les entreprises ni pour ces jeunes.

Diversifier la formation professionnelle constitue également une priorité. En favorisant l'accès au contrat d'apprentissage pour les jeunes qui le souhaitent, indépendamment de leur milieu social et de leurs origines -j'insiste sur ce point -, les collèges et les CIO, les centres d'information et d'orientation, rapprocheront les élèves des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

À cette fin, il est indispensable de s'assurer que chaque jeune ayant un contrat d'apprentissage ne sera pas contraint à y renoncer faute de place dans les CFA, les centres de formation d'apprentis.

Dans cette logique, il nous faut absolument poursuivre la mise en oeuvre des lycées des métiers, qui offrent aux jeunes accueillis un parcours de qualification professionnelle, depuis le niveau V, à savoir les CAP et les BEP, jusqu'au niveau III, soit le BTS, en passant par le niveau IV, c'est-à-dire le baccalauréat professionnel ou baccalauréat technologique.

Cette dynamique doit s'accompagner d'une simplification des cursus, de l'évolution, voire de la suppression de certains diplômes qui ne répondent plus aux besoins, de la création de parcours plus itératifs, jusqu'au diplôme, entre études et activités professionnelles, enfin, bien sûr, de la mise en place du statut du lycéen professionnel.

L'économiste John Maurice Clark écrivait : « Le savoir est le seul outil de production qui ne soit pas sujet aux rendements décroissants ». La formation professionnelle doit donc être considérée comme un investissement et non comme une dépense. Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs de se rappeler de la situation des personnes peu qualifiées qui, lorsqu'elles perdent leur emploi, connaissent les plus grandes difficultés pour en retrouver un.

II nous faut donc engager une nouvelle dynamique afin d'orienter l'offre de formation vers celles et ceux qui en ont le plus besoin ; je pense aux actifs dont le niveau de qualification est bas. Nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle, qui voit la formation bénéficier majoritairement aux plus diplômés.

Une telle politique participerait de la lutte contre le « descendeur social » et contre le déterminisme social qui, malheureusement, sont encore si prégnants dans notre société. Il s'agit donc d'inscrire la formation professionnelle dans une logique de justice sociale.

Il nous faut aussi garantir le droit et l'accès permanent à la formation pour tous les actifs, que ce soit dans les TPE, les très petites entreprises, les PME ou les grandes entreprises. Le DIF, le droit individuel à la formation, instauré par les partenaires sociaux et qui s'inscrit désormais dans la logique de « la portabilité des droits », doit constituer une véritable modalité de formation négociée.

Dans cette dynamique, il paraît important d'intensifier le dispositif de validation des acquis de l'expérience, pour offrir une deuxième chance à la qualification. À cette fin, il semble nécessaire de renforcer l'accompagnement des candidats, en y impliquant de façon plus dynamique l'ensemble des organismes d'accueil que sont le service public de l'emploi, les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, les missions locales et les CIO.

Au-delà de la professionnalisation des acteurs de l'orientation, il est indispensable de donner corps, en la généralisant, à une réelle coordination entre les différentes structures, dans laquelle les régions devraient jouer tout leur rôle. Les maisons de l'emploi participent de cette logique, tout comme la fusion entre l'ANPE, l'Agence nationale pour l'emploi, et les ASSEDIC.

En outre, le défi que constitue l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie est primordial. Il participe de la mise en oeuvre de la sécurisation du parcours professionnel que demandent légitimement nos concitoyens, mais qui est aussi requis par l'optimisation de la qualité des biens et services créés par les salariés au sein des entreprises.

Enfin, nous devrions également réfléchir à l'ouverture de la VAE aux élus locaux, associatifs et syndicaux. Des avancées en la matière constitueraient une reconnaissance des compétences que les élus ont développées dans le cadre de leurs responsabilités et favoriseraient, en outre, leur reconversion en fin de mandat.

Je le répète, la formation professionnelle mobilise, chaque année, près de trente milliards d'euros. Dans le cadre du paritarisme, dont le financement devrait être revu, du dialogue social et de la négociation, nous devons parvenir à rationaliser et à optimiser l'usage de ces fonds.

En premier lieu, il me semble important de distinguer ce qui relève directement de la participation des partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle, à savoir le « 0, 75% » versé aux organisations professionnelles membres des OPCA, et ce qui n'en relève pas directement, c'est-à-dire le « 0, 75% » versé au FONGEFOR, le Fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle continue, et qui doit par conséquent être financé dans le cadre du budget de l'État, au titre du fonctionnement de la démocratie, et plus particulièrement de la démocratie sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

De même, dans le contexte d'un développement des services rendus par les OPCA aux entreprises, ne serait-il pas envisageable de relever à 1 % le plafond, qui est aujourd'hui de 0, 75 %, des rémunérations versées aux organisations professionnelles membres des OPCA ?

Enfin, pour optimiser l'efficacité des services d'ingénierie et d'accompagnement rendus par les OPCA aux entreprises, il paraît souhaitable de reconfigurer ces organismes, notamment en favorisant leur regroupement via le relèvement par voie réglementaire du plancher de collecte qui conditionne la délivrance de l'agrément administratif. À cette fin, ne faudrait-il pas porter à 50 millions d'euros le seuil de collecte actuellement fixé à 15 millions d'euros ?

De même, la mise en place d'un cadre incitatif au regroupement des OPCA interprofessionnels est une idée que nous devons prendre en compte.

Ainsi, dans la perspective de l'attribution des sommes collectées à un fonds régional ad hoc, il pourrait être décidé de créer des OPCA interprofessionnels régionaux ayant pour mission d'encaisser, de gérer collectivement et de mobiliser les fonds dégagés par les financeurs de la formation professionnelle en faveur d'actions finançables par le compte d'épargne formation.

Cette amélioration pourrait également comporter un volet de mutualisation des fonds perçus par les OPCA. Celle-ci serait rendue obligatoire, en particulier pour aider les PME et le TPE dans les démarches et formalités qui sont liées à l'accès à la formation continue. Dans ce cadre, les OPCA exerceraient une fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement auprès de ces entreprises, en particulier des plus petites d'entre elles, dont les salariés, on le sait bien, bénéficient moins que les autres de la formation continue.

S'agissant de l'ingénierie de formation, notre pays dispose d'une structure de première qualité, à savoir le Conservatoire national des arts et métiers. Utiliser ce savoir-faire, cette capacité de recherche et d'innovation pour donner naissance à un véritable laboratoire d'ingénierie de la formation constitue une piste de réflexion intéressante, me semble-t-il.

Le savoir-faire du CNAM pourrait être utilement diffusé auprès des organismes qui ne disposent pas de la taille suffisante pour financer des recherches en ingénierie de formation et de ceux qui, à l'instar de certains établissements scolaires ou universitaires, ont besoin d'une impulsion pour évoluer vers des pratiques pédagogiques mieux adaptées à leurs besoins.

Dans ce cadre rénové, la gouvernance et l'évaluation de la formation professionnelle seraient essentielles. À ce titre, je le répète, l'action de l'Etat doit être recentrée autour de sa mission visant à assurer l'équité au plan national.

Ce principe a un caractère prioritaire, notamment au regard des inégalités territoriales que la régionalisation pourrait créer. En outre, cette priorité doit être déclinée autour des quatre grands axes de réforme de la politique de formation, à savoir le lien avec l'emploi et la formation, l'accès à la formation, l'efficacité de l'appareil de formation et la rationalisation des circuits financiers.

L'État doit donc définir les grands objectifs nationaux de la formation dans le cadre d'états généraux de la formation professionnelle, qu'il pourrait lancer en s'appuyant sur les travaux des conseils existants, notamment le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, ou CNFPTLV, le Conseil d'analyse stratégique, ou CAS, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, ou DARES, et le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, ou CEREQ.

Partant, l'État devra animer les débats concernant les objectifs de la politique de formation professionnelle, mobiliser les instruments normatifs et de contrôle qu'il détient et contractualiser des objectifs et des moyens avec les régions.

Enfin, pour renforcer la coordination des politiques de l'Etat, il serait sans doute utile de placer sous l'autorité du Premier ministre un secrétaire d'État ou un haut-commissaire chargé de coordonner l'action des administrations compétentes en matière de formation professionnelle continue et initiale - M. Carle n'a pas rappelé cette proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Pardonnez-moi, mon cher collègue, je n'avais pas entendu !

Une présence au plus près des réalités économiques et sociales participe de la réussite des actions engagées. C'est pourquoi nous souhaitons que soit confié aux régions le pilotage territorial des politiques de formation professionnelle ; la région doit être désignée comme le lieu privilégié de mise en cohérence des politiques de formation tout au long de la vie.

De fait, il nous semble important de modifier la loi afin de donner au plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDFP, une valeur prescriptive, ce qui permettrait à l'éducation nationale et au monde économique de s'engager dans un cadre fait d'engagements, de partenariats et de confiance. La nécessaire démarche de gestion partagée des compétences seraient enfin lancée.

En effet, il faut que le PRDFP devienne l'instrument de la stratégie de formation à l'échelle régionale. Ce plan doit être préparé dans le souci permanent de maintenir le dialogue social, à tous les stades de la procédure d'élaboration ; toutefois, il doit aussi être conçu avec l'ensemble des parties concernées, c'est-à-dire les services de l'Etat - le rectorat et l'ensemble des services déconcentrés intéressés -, les partenaires sociaux et les autres acteurs présents dans la région et dans les bassins d'emploi ; je pense, notamment, aux conseils généraux, aux organismes consulaires, aux prestataires de formation, à la communauté éducative, aux associations de parents et aux associations familiales.

Donner naissance à une gouvernance efficiente suppose aussi de structurer le dialogue social à l'échelon régional. Cela ne sera possible que si nous nous appliquons à favoriser l'émergence, du côté des partenaires sociaux, de « pôles paritaires » régionaux permettant de structurer le dialogue social en région, dans un cadre dont le périmètre pourra être variable. Je pense notamment à des conférences des financeurs, qui existent parfois, aux groupements d'intérêt public ou bien encore à des comités de coordination.

Enfin, l'évaluation des politiques de formation est indispensable. Au regard des enjeux auxquels nous sommes confrontés, nous proposons la création d'une mission parlementaire chargée d'évaluer annuellement ces politiques. Le rapport remis portera notamment sur l'évaluation de la qualité des formations dispensées, l'adéquation entre l'offre de formation et les attentes du marché du travail, le respect du principe constitutionnel d'égalité.

La formation professionnelle est une chance pour notre pays ; je le répète, elle participe de la justice sociale. Parce qu'elle est insuffisamment ou mal utilisée, nous devons en augmenter le degré d'efficience, en clarifier le fonctionnement. Il faut que nos concitoyens et nos entreprises l'intègrent à leur dynamique personnelle et collective.

Ce défi est à relever d'urgence : il conditionnera notre avenir social et économique collectif. Il est donc de notre responsabilité d'en faire une priorité.

En conclusion, j'insiste sur le fait que ce rapport ne doit pas rester sans suite : il doit déboucher sur des réalisations et sur des propositions concrètes du Gouvernement.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Cela doit déboucher aussi sur la nomination d'un ministre !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour réaliser l'objectif de plein-emploi, la formation professionnelle initiale et continue constitue un élément primordial.

À une question écrite que j'ai adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi m'a apporté les éléments de réponse suivants : « la qualification des personnes est un des éléments clés pour permettre à la France de participer à la construction d'une zone économique plus compétitive ».

Dans cette optique, le système visant à la nécessaire qualification reste peut-être insuffisamment articulé sur les entreprises et sur leurs besoins. C'est bien connu - et, hélas ! ce n'est pas d'aujourd'hui - l'enseignement professionnel reste encore trop souvent une orientation par défaut.

D'autres handicaps existent : la spécialisation des titres et des diplômes face à la polyvalence requise par le marché du travail, l'éclatement de la gestion de la formation professionnelle entre sept ministères, le poids prépondérant que conserve le diplôme initial.

Comme tout commence par une orientation choisie, il est nécessaire d'améliorer la connaissance concrète des métiers que peuvent avoir les plus jeunes. Ainsi, monsieur Carle, vous avez évoqué, à juste titre, l'importance de la classe de troisième, de la découverte professionnelle, de l'information des élèves et des familles sur les débouchés des filières.

À ce stade de mon propos, je ne puis passer sous silence l'importance de l'apprentissage et, plus précisément, du préapprentissage. Celui-ci prend la forme de classes préparatoires à l'apprentissage, dont l'existence prendra fin au mois de juin prochain.

Je prendrai l'exemple d'un centre de formation d'apprentis de mon département, dont on peut tirer les chiffres suivants. Alors qu'environ 5 % des jeunes qui ont suivi une classe préparatoire à l'apprentissage mettent fin à leur contrat d'apprentissage, ce taux est de 10 % à 15 % en cas d'apprentissage direct, c'est-à-dire sans préapprentissage préalable.

Sur l'accès à la formation, l'une des critiques les plus souvent formulées - elle l'a été de nouveau ce matin - porte sur la difficulté d'accès des personnes à la formation, qui « doit s'articuler avec la politique de recherche », selon les termes mêmes de la réponse à la question écrite que j'ai déjà mentionnée.

Ainsi, l'inégalité d'accès à la formation est l'une des principales faiblesses du dispositif dédié aux salariés. Des chiffres ont déjà été cités, je ne les rappellerai pas.

J'en viens maintenant aux chômeurs. Les statistiques de l'ANPE indiquent que seulement 16 % des demandeurs d'emploi non qualifiés émettent un souhait de formation pendant l'entretien avec un conseiller, alors qu'une telle requête est le fait de 24 % des chômeurs les plus diplômés. La formation des chômeurs est bien emblématique de la complexité d'un système que les différentes personnalités auditionnées par la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ont souvent comparé à un parcours d'obstacles. La réforme de l'ANPE pourrait y remédier.

Sur la question de l'apprentissage encore, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi précisent que la réforme « visera précisément à faire en sorte que les chômeurs, indemnisés ou non, bénéficient davantage de possibilités de se former pour améliorer leur capacité d'accès et de maintien dans l'emploi ».

En ce qui concerne les salariés, le mouvement a été lancé par l'accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle du 5 décembre 2003 et par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui ont créé à cette fin le droit individuel de formation, le DIF. Cet outil a été expressément construit afin de favoriser l'accès à la formation des salariés qui en sont le plus éloignés. Or le DIF est actuellement lié au contrat de travail et disparaît avec lui, sauf quand un accord de branche a prévu sa « transférabilité » à l'intérieur de la branche. J'insiste sur la portée limité du DIF, même si j'ai bien entendu les remarques que vous avez émises sur la place qu'il doit occuper, monsieur Carle.

L'offre des appareils de formation est diverse et hétéroclite. Principal organisme du secteur public, l'AFPA témoigne, selon moi, de l'effort de restructuration que le service public doit poursuivre.

Pour ce qui est des autres réseaux, le nombre d'organismes déclarés est impressionnant, alors que seuls quelques milliers d'entre eux sont actifs. Sans doute serait-il nécessaire d'instituer des garanties de solidité financière de ces organismes, mais c'est sans doute plus facile à dire qu'à mettre en oeuvre. Mon propos n'est pas aujourd'hui de dénoncer des lacunes ou des faiblesses.

Le financement de la formation professionnelle s'élève à 24 milliards d'euros, mais je n'entrerai pas dans le détail de sa répartition.

La réforme de l'apprentissage de 2005 s'est traduite par des prélèvements accrus et théoriquement mieux ciblés sur l'apprentissage. Il n'en reste pas moins que le circuit de cette taxe est particulièrement complexe. Ainsi, est-il désormais partiellement dirigé vers des régions fortement responsabilisées dans l'allocation des ressources de l'apprentissage.

Afin de simplifier le fonctionnement des entreprises, ne faudrait-il pas que celles-ci aient la possibilité de choisir librement un seul collecteur délégataire pour la collecte de l'obligation légale et de la taxe d'apprentissage ?

Par ailleurs, des économies d'échelle seraient souhaitables afin que chaque OPCA puisse proposer aux entreprises les services qu'elles sont en droit d'attendre, à commencer par une présence à l'échelon local. Par conséquent, ne serait-il pas utile de suggérer un mouvement de concentration des quatre-vingt-dix-huit OPCA ?

Avant de conclure, je tiens à évoquer le problème de la gouvernance. Sous le régime de la loi portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente du 16 juillet 1971, la gouvernance de la politique de formation continue était assurée par l'État et les partenaires sociaux. La décentralisation engagée à partir de 1983 a ensuite fait émerger un nouvel acteur, la région. Après quelque vingt-cinq ans de décentralisation, peut-on estimer, à l'instar de Jacques Delors, initiateur de la loi de 1971, qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion ?

Dans leurs relations avec l'État, les régions sont confrontées en amont aux impératifs de l'éducation nationale. Alors même qu'elles ont acquis des responsabilités croissantes dans le champ de l'enseignement, notamment pour la construction, l'équipement, l'accueil, l'entretien des lycées, elles se voient imposer la carte des formations professionnelles, ce qui se traduit par un défaut de rationalité. Parallèlement, elles doivent réaliser avec les partenaires sociaux la difficile conciliation entre logique territoriale et logique de branche, sans qu'une réelle structuration du dialogue social à l'échelon régional existe à l'heure actuelle.

Surgissent également des difficultés d'articulation avec d'autres collectivités territoriales, comme les départements, surtout depuis la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Ces constats conduisent à distinguer trois échelons, l'État, la région, le département dans lequel se trouve le bassin d'emploi. Dans cette optique, il me semble élémentaire de rappeler que l'État doit veiller à la stricte égalité entre les différents points du territoire. Aux régions appartient la mise en cohérence des politiques de formation professionnelle et de leurs acteurs. À cette fin, il faut faire du plan régional de développement des formations professionnelles l'instrument de la stratégie globale de fondation à l'échelon régional, en associant à son élaboration l'ensemble des parties concernées.

Je conclurai mon propos en citant une dernière fois la réponse qui m'a été adressée : « La réforme de la formation professionnelle [...] fait partie des objectifs assignés par le Président de la République [...]. L'idée essentielle est de permettre que chaque Français ait la possibilité, à tout moment de sa vie professionnelle [...], de suivre une formation suffisamment longue pour lui permettre de changer de métier, de filière ou de qualification. La refonte des politiques de formation professionnelle constitue donc un chantier important pour 2008. Cette réforme devra prendre en compte les résultats des négociations des partenaires sociaux sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. »

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que ma contribution, qui s'ajoute aux conclusions de la mission présidée par Jean-Claude Carle, que j'approuve, permette au Gouvernement de faire en sorte que cette politique de formation qu'il veut fermement élaborer ou parfaire devienne réalité, pour une meilleure santé de l'emploi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment même où notre pays s'interroge non seulement sur ce que seront ses retraites mais aussi sur la durée du temps de travail, l'avenir de la formation professionnelle en France est une question essentielle.

À ce sujet, réjouissons-nous que le budget de la recherche connaisse une augmentation, mais surtout qu'il se situe dans une perspective de croissance.

Je remercie en particulier notre collègue et ami, Jean-Claude Carle, d'avoir permis l'organisation de ce débat ce matin au sein de notre assemblée. D'ailleurs, la vie n'est-elle pas une formation permanente, toujours inachevée ? §

En effet, la formation professionnelle est un élément clé dans l'identité de notre pays. Elle permet aussi de mettre en exergue une question importante, liée directement à notre capacité de préparer l'innovation. Elle constitue même le fondement de la progression de notre croissance et de l'augmentation du produit intérieur brut.

Innover, c'est développer nos richesses ; former, c'est s'y préparer. Ne faut-il pas penser comme Albert Camus, selon qui « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » ?

Oui, la formation professionnelle en France est un point d'ancrage fondamental au service de l'avenir de toutes les générations. La formation professionnelle n'a pas d'âge ; elle n'a pas non plus de couleur, d'étiquette ou de sexe. Au contraire, elle a son importance tout au long de la vie. Elle constitue la capacité de tout être humain de savoir progresser et avancer. C'est l'oxygène de la vie, le poumon de la réussite.

Avec l'apparition des nouvelles technologies de l'information et de la communication, grâce aux progrès et aux évolutions constantes de notre société, la formation professionnelle devient un investissement constructif pour l'avenir, je dirai même un placement pour demain.

L'annonce récente de modifications de la formation professionnelle, au niveau des séries du CAP mais aussi du BEP, et les débouchés de ce dernier vers un baccalauréat professionnel, n'en finit pas de susciter de nombreuses interrogations.

La suppression à terme du BEP pose, en effet, question. Ne serait-il pas opportun de maintenir des passerelles entre l'apprentissage professionnel, les CAP, et l'objectif de valorisation de son parcours de formation par un baccalauréat professionnel ? Si tel n'est pas le cas, les jeunes qui ne pourront prétendre qu'à la seule formation issue des certificats d'aptitude professionnelle n'auront plus les moyens d'espérer progresser dans leur filière.

S'agissant des formations par apprentissage, il est capital de maintenir les partenariats mis en place par les établissements d'enseignement supérieur avec les entreprises et qui permettent à chaque jeune, ou moins jeune, de construire un véritable projet professionnel lui offrant la possibilité non seulement de s'exprimer, mais aussi de progresser.

Les partenaires s'engagent vis-à-vis de ces jeunes pour les aider à s'insérer dans le monde professionnel grâce à une pédagogie adaptée. Le système peut leur offrir une réelle opportunité d'ascension sociale et d'intégration professionnelle.

Oui, nous le savons tous, l'apprentissage est un véritable outil d'insertion professionnelle, particulièrement bien adapté aux jeunes qui sont à la recherche d'une pédagogie différente.

À cet égard, l'alternance est un instrument pédagogique remarquable, car elle permet une confrontation permanente entre les acquisitions théoriques et leur mise en oeuvre au sein de l'entreprise. De l'abstrait, on passe au concret ; il n'y a plus d'obstacle, plus de frontière entre l'apprentissage théorique et l'apprentissage pratique. L'apprenti peut ainsi prendre conscience progressivement de la complexité des fonctions qu'il aura à assumer dans le cadre de son futur métier.

De plus, ne l'oublions pas, la formation générale, et plus particulièrement les formations en alternance, peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne la valorisation de la recherche et de l'innovation au plus près des entreprises. Cette proximité est une richesse.

Ainsi, dans le cadre du processus d'accompagnement, les apprentis peuvent faire appel aux laboratoires des écoles pour les problématiques technologiques et scientifiques comme pour celles qui sont liées aux évolutions organisationnelles. Cela répond à la demande croissante exprimée par les entreprises en matière d'innovation. L'apprentissage est donc, plus que jamais, au coeur de la formation professionnelle.

Nous le savons tous, les formations par apprentissage sont sous la responsabilité des régions ; ce fait a été relevé à de multiples reprises ce matin. Le financement de ces formations se répartit entre les régions, qui ont tendance à privilégier les formations de niveau inférieur, la taxe d'apprentissage et, enfin, l'établissement de formation lui-même.

Pour permettre à plus de jeunes et d'entreprises de bénéficier de cet outil remarquable, il serait opportun de mieux aider les établissements, notamment en les dotant d'enseignants directement affectés aux missions de formation et d'accompagnement.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les enseignants doivent être des précurseurs en matière d'innovation ; ils doivent être à l'avant-garde de cette évolution. Encourageons-les et donnons-leur les moyens de cette ambition. Ne serait-il pas judicieux qu'ils échangent davantage avec le monde de l'entreprise ?

Pour les territoires, aider les petites et moyennes entreprises à innover est un enjeu essentiel, notamment pour la croissance de demain. Cela impose aux établissements d'enseignement supérieur de mettre en place une démarche structurée s'appuyant sur les réseaux de PME. Coûteuse en temps, cette démarche doit être pragmatique et proche du terrain. Elle impose de connaître le tissu industriel du territoire, d'entretenir une relation privilégiée avec les entreprises, mais aussi de détecter leurs problématiques, tout en les accompagnant dans leur résolution.

Votre écoute permanente, votre attention, monsieur le secrétaire d'État, permettront, j'en suis sûr, d'éclairer l'avenir de la formation professionnelle, indispensable à la construction de l'identité de chaque homme.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je veux vous indiquer à quel point j'ai apprécié vos interventions, qui ont toutes été très intéressantes. En effet, je ne crois pas qu'une seule voix dissonante se soit élevée à propos du diagnostic posé par la mission commune d'information présidée, avec talent, par Jean-Claude Carle et dont le rapporteur était M. Bernard Seillier. Cet accord est un premier élément essentiel.

Pour autant, faut-il penser que tout est réglé ? Je ne le crois pas. Mon activité parlementaire a occupé quelques années de ma vie ; c'est ainsi que je me souviens d'un rapport d'une commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale, diffusé dans les années quatre-vingt-dix, qui avait retenu nombre de mots qui sont repris aujourd'hui par la mission commune d'information du Sénat.

Établir un diagnostic aussi clair et complet que celui qui fait l'objet de notre présent débat ne suffit pas ; il faut aussi avoir une vision précise des propositions qui doivent maintenant être mises en oeuvre. De ce point de vue, j'ai beaucoup apprécié la conclusion de Jean-Claude Carle relative à la volonté politique de faire en sorte qu'une fois pour toutes, dans notre pays, la formation professionnelle initiale ou continue soit l'un des éléments permettant à nos concitoyens de relever le défi de la mondialisation, autrement dit le défi de l'adaptation. Il convient en effet que les salariés de notre pays, comme les personnes qui sont aujourd'hui privées d'emploi, puissent, grâce à une formation professionnelle particulièrement efficace, s'adapter au monde actuel, qui bouge.

Comme vous le savez, atteindre le plein-emploi d'ici à 2012 constitue, pour le Gouvernement, l'une des principales priorités de la mandature, conformément aux engagements pris par le Président de la République.

En cet instant, je veux vous prier, mesdames, messieurs les sénateurs, d'excuser l'absence de Christine Lagarde, que certains intervenants ont relevée. Ma collègue aurait été très heureuse de participer à ce débat, mais, malheureusement, elle défend en ce moment même, devant l'Assemblée nationale, le projet de loi instaurant la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, que vous avez adopté voilà quelques jours. Quoi qu'il en soit, je vais essayer de répondre aux différentes questions que vous avez posées.

Tout d'abord, Christine Lagarde et moi-même allons tout mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif du plein emploi d'ici à 2012. Je veux vous donner quelques raisons de penser que cet objectif est tout à fait atteignable. La baisse continue du chômage depuis deux ans, qui s'est accélérée au troisième trimestre de l'année 2007 - nous sommes passés sous le seuil symbolique des 8 %, au sens du Bureau international du travail, le BIT, et des 2 millions de chômeurs inscrits en catégorie 1 à l'ANPE -, montre que la tendance est bonne.

Ce mouvement va se poursuivre, j'en suis convaincu. Les transformations à l'oeuvre sur le marché du travail, qui tiennent à la fois à une dynamique retrouvée de création d'emplois et à une situation démographique particulière, nous offrent une opportunité historique de sortir durablement de trois décennies de chômage de masse.

Les chiffres officiels de l'INSEE relatifs à la création d'entreprises pour l'année 2007 vont être rendus publics dans quelques heures ; cette création participe de la vitalité économique et de la création d'emplois. Selon les chiffres provisoires de l'Agence pour la création d'entreprises, qui seront très peu différents de ceux de l'INSEE, en 2007, tous les records en la matière auront été battus, y compris celui, historique, de 2006, qui s'établissait à 282 000. Ainsi, ce sont près de 322 000 entreprises qui auront été créées l'an dernier.

Nous le constatons : aujourd'hui, notre pays se trouve dans une phase de vitalité entrepreneuriale qui, j'en suis convaincu, va encore s'accélérer. Christine Lagarde et moi-même élaborons en ce moment un projet de loi sur l'entreprise et l'entrepreneur, qui s'attachera à parfaire les importants dispositifs adoptés au cours de la mandature précédente, dans le cadre des deux lois pour l'initiative économique.

Ce projet de loi visera à faciliter la création d'activité, sans pour autant que l'entrepreneur soit obligé de créer une entreprise sous forme de société. Il instaurera l'auto-entrepreneur, qui pourra procéder à une création sur papier simple, puis arrêter ou renouveler son activité selon un statut très simplifié, notamment en matière de forfaitisation de charges sociales et fiscales. Il faut, en effet, que les procédures soient beaucoup plus simples Des dispositions concerneront également la transmission des petites et moyennes entreprises, ainsi que les délais de paiement.

Cet ensemble contribuera encore, je l'espère, à donner des opportunités de création d'emplois pour ceux qui en ont besoin. En effet, dans les années à venir, il faut s'attendre à de profondes modifications du marché de l'emploi. D'ores et déjà, chaque jour, quelque 30 000 emplois sont créés ou détruits en France.

L'économie va poursuivre sa tertiairisation aux deux extrêmes de l'échelle des qualifications. C'est ainsi qu'il y aura davantage d'emplois qualifiés de niveau « cadre » dans l'informatique, le commerce et les services aux entreprises, mais aussi, avec le vieillissement de la population, plus d'emplois moins qualifiés dans le secteur des services à la personne. Aujourd'hui, ce dernier connaît une réelle dynamique, qu'il s'agisse des aides à domicile, des employés de maison, des assistantes maternelles et des agents d'entretien. Tous ces emplois constituent une extraordinaire opportunité pour faciliter les mutations économiques que ce marché enregistre.

En ajoutant les emplois libérés par les départs en retraite aux créations nettes d'emplois, on peut estimer les besoins de main-d'oeuvre à environ 750 000 par an jusqu'en 2015, alors que la population active devrait se stabiliser d'ici à quelques années, d'après les dernières projections de l'INSEE.

Ces besoins vont renforcer encore plus les tensions actuellement observées en matière de recrutement ; c'est une réalité. Plusieurs centaines de milliers d'offres d'emplois ne sont pas pourvues, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs. On cite le chiffre de 500 000. Des tensions importantes sont enregistrées dans l'hôtellerie et la restauration, les services financiers et informatiques, la santé et l'action sociale.

En dépit du nombre d'actifs disponibles sur le marché du travail, ces déséquilibres ne se résorberont pas tout seuls, d'abord et surtout, parce que les profils recherchés ne correspondent pas toujours aux profils disponibles ; ensuite, parce que les métiers en tension sont souvent perçus, à tort ou à raison, comme peu attractifs. Le risque est donc grand de voir coexister durablement chômage et tensions dans certains secteurs ou territoires. Tel est tout le paradoxe de la situation actuelle.

Tout l'enjeu va consister, dans les années à venir, à prolonger ce flux important de créations d'emplois, de préférence durables et de qualité, ce qui suppose que nous ayons une croissance dynamique, grâce aux réformes structurelles, et que nous soyons en mesure de pourvoir à ces emplois, grâce à un système de formation capable de répondre aux nouveaux besoins de qualification et à des règles sécurisant les parcours professionnels pour accompagner les transitions.

C'est parce que ce défi est considérable que le Gouvernement entend réformer profondément le marché du travail, et ce autour de trois piliers.

L'accord des partenaires sociaux du 11 janvier dernier constitue le premier pilier. Il s'agit là d'un point très important ; de nombreux orateurs, y compris M. de Montesquiou, l'ont noté. Le pari du Gouvernement, en confiant aux partenaires sociaux des sujets difficiles - le contrat de travail, la formation continue tout au long de la vie professionnelle -, dans des délais contraints du fait de l'urgence, est en passe d'être gagné.

La réforme du service public de l'emploi est le deuxième pilier, avec, notamment, la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, mais aussi, comme l'a réaffirmé ici Mme Christine Lagarde, le rôle renforcé des maisons de l'emploi - créées sous l'impulsion de M. Gérard Larcher, dont je salue la présence -, afin de rendre notre dispositif d'intermédiation plus efficient.

Le troisième pilier, ce doit être la réforme de la formation professionnelle. Après l'accord des partenaires sociaux en janvier et la loi sur la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC de février, je suis convaincu qu'une première étape importante de la réforme de la formation professionnelle sera franchie dès le mois de mars.

En effet, conformément à l'agenda social défini par le Président de la République, Mme Christine Lagarde va mettre en place dans les tout prochains jours, le 31 mars au plus tard, un groupe de travail sur la formation professionnelle continue, réunissant l'État, les partenaires sociaux et les régions.

C'est un élément très important. Ce groupe de travail sera chargé, en effet de clarifier les priorités stratégiques en matière de formation professionnelle et d'établir un partage clair entre, d'une part, les sujets à traiter par la négociation collective et, d'autre part, ceux qui feront l'objet d'une réforme législative, prévue avant la fin de l'année.

Ce travail devra permettre de fixer les objectifs et de dégager des premières orientations. Il ne s'agira pas de refaire, une nouvelle fois, le diagnostic de la situation. J'ai rappelé les travaux précédents qui ont été menés, mais je tiens à saluer, une nouvelle fois, le travail remarquable qui a été accompli par la mission d'information sénatoriale. J'en profite pour décerner, monsieur le président, un satisfecit à la Haute Assemblée, car nombre de ses rapports d'information nourrissent les réflexions et les travaux du Gouvernement.

La mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, que M. Carle a présidée et dont M. Seillier était le rapporteur, a effectué un travail considérable et très riche d'enseignements. Ce travail n'est pas à refaire, il est plutôt une base de départ.

Avec Christine Lagarde, nous avons d'ores et déjà tiré plusieurs convictions, à partir du diagnostic établi et des questions soulevées dans ce rapport.

Je reviendrai en quelques mots sur le diagnostic, sans trop m'y attarder, tant il a été unanimement partagé.

La formation professionnelle continue est aujourd'hui au coeur de la préoccupation de nombreux salariés et demandeurs d'emploi, comme elle est au coeur du débat public. Les attentes en la matière n'ont probablement jamais été aussi fortes.

Il faut, en effet, pouvoir offrir à ceux qui entrent sur le marché du travail une qualification solide et adaptée aux offres d'emploi. II faut également donner à ceux qui sont sur le marché du travail accès à une formation qui leur permette de s'adapter à des organisations du travail en forte évolution.

Vous le savez, je n'y insisterai donc pas : selon nous, la réponse à la mondialisation, c'est l'adaptation, et l'une des clés de cette adaptation, c'est la formation professionnelle, initiale ou continue.

L'efficacité du système de formation professionnelle continue constitue, de toute évidence, un élément central de la sécurisation des parcours pour les salariés et les demandeurs d'emploi - cela a été rappelé unanimement ici -, un enjeu de productivité et de gestion des compétences pour les entreprises et un facteur plus global de compétitivité pour notre économie.

Les critiques à l'égard du système actuel sont nombreuses. J'ai relevé, monsieur Carle, une formule qui court tout au long de votre rapport, et prouve votre sens de la synthèse sémantique, celle des « trois C » : complexité, cloisonnement, corporatisme. Ainsi se trouve bien résumé l'ensemble des critiques que l'on peut formuler à l'égard de notre système.

Les dépenses au titre de la formation professionnelle sont très élevées - les uns et les autres l'ont noté - puisqu'elles s'élevaient, en 2005, à plus de 25 milliards d'euros, qu'elles aient été consenties par les entreprises, l'État, les régions ou l'UNEDIC, notamment.

Il est un exemple particulièrement significatif du fait que cela ne va pas bien : sur les 25 milliards d'euros dépensés en 2004 pour la formation professionnelle continue, seulement 3, 7 milliards d'euros ont bénéficié aux demandeurs d'emploi. Cela doit attirer notre attention. Le premier, le Président de la République a déploré que les sommes consacrées à la formation professionnelle n'aillent pas à ceux qui en ont le plus besoin. Quel chiffre est plus parlant que celui-là ? Je voulais le citer devant vous.

Les facteurs explicatifs sont nombreux, nous les connaissons et vous les avez rappelés, mesdames, messieurs les sénateurs : d'abord, la déconnection encore forte entre le segment « salariés » et le segment « actifs inoccupés » du système, et le cloisonnement des financements au-delà même de ces deux segments ; ensuite, la complexité de la gouvernance et l'enchevêtrement des responsabilités ; encore, l'insuffisance de la coordination, notamment entre les financeurs ; enfin, des logiques potentiellement concurrentes, avec, d'un côté, une logique sectorielle et, de l'autre, une logique territoriale.

Certes, le système français de formation professionnelle a fait l'objet de plusieurs réformes ces dernières années, mais on sent bien qu'il est aujourd'hui à bout de souffle, et qu'il faut maintenant s'atteler à sa refonte, pour en faire un élément fort de la compétitivité indispensable que nous devons donner à notre économie.

Il convient donc de réformer ce système en travaillant autour de quatre axes : la construction et l'actualisation des compétences tout au long de la vie professionnelle, l'optimisation des financements et circuits de financement de la formation professionnelle, le renforcement de la logique territoriale du système de formation professionnelle, l'accès des très petites entreprises et de leurs salariés à la formation.

Vous le voyez, monsieur Carle, nous n'avons pas fait preuve d'une grande originalité, mais pourquoi être original à tout prix, lorsque l'on dispose d'éléments aussi pertinents que ceux que nous a fournis la mission commune d'information ?

Le premier axe, c'est la construction et l'actualisation des compétences tout au long de la vie professionnelle.

L'accès de tous les salariés à des formations de courte durée sera progressivement garanti par la généralisation du droit individuel à la formation, le DIF. En revanche, il n'existe pas, actuellement, pour un individu, de possibilités indépendantes de son statut de faire valoir un projet de formation lié à un souhait ou une nécessité d'évolution professionnelle.

Il n'existe pas davantage de lieu clairement identifié où un adulte peut se faire aider dans la conception d'un tel projet.

Enfin, il n'existe pas non plus de garanties pour l'individu sur la qualité de l'organisme de formation auquel il s'adresse.

Dans le prolongement de la réforme de 2004 créant le DIF, le Gouvernement a d'ores et déjà indiqué son attachement à ce que soit mis en oeuvre un compte épargne-formation. L'accord interprofessionnel du 11 janvier dernier, qui prévoit la portabilité des droits à la formation professionnelle, va d'ores et déjà dans ce sens.

Il nous faut aller plus loin et être concrètement les porteurs de la création de ce compte épargne-formation. Comme vous l'avez très bien dit dans votre rapport, monsieur Carle, passer d'une logique de statut à une logique d'individu est primordial.

Parallèlement, la responsabilisation des personnes et l'individualisation accrue de la démarche de formation doivent être accompagnées. Deux points semblent importants à cet égard : comment faciliter le conseil en évolution professionnelle pour tous les adultes, notamment par l'analyse des mobilités potentielles ? Comment s'assurer de la qualité de l'offre de formation ?

Nous avons toute latitude pour pouvoir le faire grâce aux propositions que vous avez formulées, et qui ont été reprises sur d'autres travées de cette assemblée, s'agissant de l'évaluation : 25 milliards d'euros sans évaluation, comment peut-on continuer ainsi ? Il y a là matière à réflexion et à action.

Enfin, il sera certainement nécessaire de réfléchir aux moyens de compléter la logique de capitalisation des droits par des dispositifs de mutualisation des ressources et d'abondements éventuellement complémentaires au profit de bénéficiaires prioritaires.

Le deuxième axe de la réforme, c'est l'optimisation des financements et circuits de financement de la formation professionnelle. Je ne reviens pas sur l'inefficience du système, mais il est clair qu'un plus grand décloisonnement des financements de la formation professionnelle est sans doute souhaitable. Dans le rapport sénatorial sont très directement posées la question de la pertinence du système de l'obligation légale de dépense sur le plan de formation et celle de la réorganisation de la collecte des fonds de la formation professionnelle et du regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA.

De ce point de vue, monsieur Mouly, nous partageons votre avis : la simplification passe certainement par le regroupement d'un certain nombre d'OPCA. C'est en tout cas une question vraiment importante, si nous voulons renforcer l'efficacité - ce ne sera pas trop difficile ! - du système actuel.

Le troisième axe, c'est le renforcement de la logique territoriale du système de formation professionnelle ; les uns et les autres, vous avez beaucoup insisté sur ce point. De nombreuses institutions - ministères, conseils régionaux, partenaires sociaux, chambres consulaires - interviennent auprès des individus et des entreprises afin de favoriser le développement des compétences et des qualifications, mais de manière trop cloisonnée.

Un consensus existe aujourd'hui pour dire que l'articulation entre les différentes institutions intervenant dans le domaine de la formation professionnelle devrait se faire à l'échelon régional. C'est certainement le niveau d'efficacité adéquat. Encore faut-il que l'État puisse jouer son rôle. Il a été rappelé sur certaines travées de cette assemblée, y compris par Mme Demontès, qu'il est le seul à pouvoir assurer la nécessaire fonction d'équité et de péréquation du système.

La définition des règles de gouvernance et de financement de la formation professionnelle, associant l'ensemble des acteurs à la définition des objectifs, à la programmation des moyens et à l'organisation efficace des circuits de financement, reste un objectif à atteindre, malgré la multiplication des outils, ou à cause d'elle : plan régional de développement de la formation professionnelle, contrat d'objectifs territoriaux, contrats d'objectifs et de moyens, conférence des financeurs, comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, ce foisonnement renforce la complexité dénoncée dans le rapport.

La question centrale est de savoir comment articuler les actuelles logiques sectorielles de branche avec des logiques territoriales régionale - c'est tout l'enjeu du défi qui nous est lancé, - afin de mieux répondre aux besoins des territoires, des entreprises et des individus.

Il faudra déployer des outils de prospective pour mieux articuler la formation professionnelle et les besoins actuels et futurs du territoire, dans un contexte de tensions croissantes sur le marché du travail, et associer les différents financeurs, par exemple dans le cadre d'un éventuel fonds régional mutualisant les financements.

Le quatrième axe de la réforme - j'y suis particulièrement sensible, en tant que responsable des entreprises, notamment des PME -, ce pourrait être l'accès des très petites entreprises et de leurs salariés à la formation.

Les uns et les autres l'ont rappelé : on constate une inégalité choquante, dans le système actuel, ceux qui en ont le plus besoin, notamment les salariés des petites ou des très petites entreprises, se voyant les moins bien pourvus en matière de formation.

Les difficultés d'accès des TPE à la formation sont un problème récurrent que les réformes engagées n'ont pas permis de réduire.

D'une part, la complexité de l'organisation de la formation et le peu de transparence du marché rendent nécessaire l'exercice d'une fonction de conseil, voire d'intermédiation, aujourd'hui inégalement disponible.

D'autre part, les modes d'organisation du travail dans ces entreprises nécessitent de recourir à des formes différentes d'acquisition des compétences qui se démarquent de la forme traditionnelle du stage. Une piste consisterait à développer véritablement un service de conseil de proximité auprès des très petites entreprises.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je voulais vous apporter. Vous avez accompli un travail considérable ; je vous remercie, car la contribution de chacun d'entre vous au débat m'a intéressé. Je prie ceux d'entre vous auxquels je n'ai pas pu répondre complètement de m'en excuser.

La tâche est immense, à la hauteur des enjeux : il s'agit de faire de notre appareil de formation initiale ou continue l'un des atouts majeurs de la France pour s'adapter à la mondialisation, qui peut être une chance, si nous savons la saisir. Grâce à cette réforme que nous allons mettre en chantier, et qui aboutira en 2008, nos structures seront aptes à relever ce défi qui nous est aujourd'hui lancé.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je rappelle que le groupe de l'Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Josselin de Rohan membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Michèle André.