Néanmoins, nous devons tous, comme l’a dit M. Marini, faire notre autocritique. Je n’insisterai pas, par délicatesse, mais, d’après moi, il ne faut pas faire la politique du pire en prenant par avance son parti du défaut possible de tel ou tel pays, et de l’éclatement de la zone euro. La monnaie unique est devenue réalité. Elle a demandé beaucoup de sacrifices et représente un symbole fort. Mais elle a aussi beaucoup d’inconvénients. Ainsi, un euro trop fort pénalise nos exportations et favorise les délocalisations industrielles. En revanche, il faut le reconnaître, si la Banque centrale européenne avait échoué à obtenir une parité un peu plus réaliste, le traitement de la crise actuelle a provisoirement réussi. La méthode n’est tout de même pas satisfaisante.
Si je suis partisan, pour ma part, de défendre la zone euro dans son intégrité, et dans son intégralité, afin d’éviter les effets domino, je considère en revanche qu’il convient de changer les règles du jeu.
Madame, monsieur le ministre, que nous proposez-vous par les articles 3 et 4 de ce projet de loi rectificative ?
D’abord, un mécanisme européen de stabilité financière que nous pourrions approuver sous certaines réserves. Ensuite, le relèvement du plafond des prêts de la France au FMI à hauteur de 21 milliards d’euros, à la suite des accords signés lors du sommet du G20 à Londres, 2 avril 2009. Nous approuvons évidemment cette décision. Mais vous nous proposez aussi, implicitement madame la ministre, un concours de plans de rigueur qui, mis bout à bout, ne peuvent conduire qu’à une récession généralisée. J’ai bien entendu les propos de M. Marini, et lu avec attention son rapport. Mais nous ne pouvons pas cautionner cette orientation, déjà mise en œuvre d’ailleurs.
Vous nous proposez un mécanisme de stabilité financière. Il s’agit du fonds européen de stabilité financière, le FESF, alimenté par les États à hauteur de 440 milliards d’euros, auquel viendrait s’ajouter une contribution du budget de l’Union européenne de 60 milliards d’euros et 250 milliards émis par le FMI. Ainsi, la zone euro contribuera à raison des deux tiers de l’aide financière et le FMI à raison d’un tiers. Après la Grèce, c’est le tour du Portugal et de l’Espagne de subir les assauts de la spéculation. L’Espagne est un gros morceau. Elle représente 10 % du PIB de la zone euro et trois fois l’endettement de la Grèce. Il faut, bien évidemment, défendre l’appartenance de l’Espagne à la zone euro. La question ne se pose pas, car notre solidarité ne doit pas faire défaut.
Nous sommes cependant fondés à poser quelques questions.
Première question, quel sera, madame la ministre, la durée des prêts garantis ? Cinq ans, avec trois ans en franchise de remboursement, ai-je entendu. Êtes-vous sûr que des pays très endettés pourront rembourser sous ce bref délai ?
Deuxième question, est-il exact que l’Allemagne ne veut accorder sa garantie que tranche par tranche, et sur la base des fonds qu’elle lèvera elle-même, autrement dit sur la base de sa propre crédibilité ? Un tel dispositif ne risque-t-il pas de faire le jeu de la spéculation, en accroissant les écarts de taux d’intérêt, ou spreads, auxquels les différents pays prêteurs pourront emprunter sur le marché ? Ne s’agirait-il pas d’un mécanisme accélérateur plutôt que stabilisateur ?
Troisième question, relative aux garanties demandées par un pays en difficulté : si ces garanties devaient être honorées, cela ne resterait pas sans incidence sur l’équilibre budgétaire et sur l’endettement public. À mes yeux, l’article 2 du projet de loi de finances rectificative ne trompera que ceux qui veulent bien l’être.