Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment même où notre pays s'interroge non seulement sur ce que seront ses retraites mais aussi sur la durée du temps de travail, l'avenir de la formation professionnelle en France est une question essentielle.
À ce sujet, réjouissons-nous que le budget de la recherche connaisse une augmentation, mais surtout qu'il se situe dans une perspective de croissance.
Je remercie en particulier notre collègue et ami, Jean-Claude Carle, d'avoir permis l'organisation de ce débat ce matin au sein de notre assemblée. D'ailleurs, la vie n'est-elle pas une formation permanente, toujours inachevée ? §
En effet, la formation professionnelle est un élément clé dans l'identité de notre pays. Elle permet aussi de mettre en exergue une question importante, liée directement à notre capacité de préparer l'innovation. Elle constitue même le fondement de la progression de notre croissance et de l'augmentation du produit intérieur brut.
Innover, c'est développer nos richesses ; former, c'est s'y préparer. Ne faut-il pas penser comme Albert Camus, selon qui « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » ?
Oui, la formation professionnelle en France est un point d'ancrage fondamental au service de l'avenir de toutes les générations. La formation professionnelle n'a pas d'âge ; elle n'a pas non plus de couleur, d'étiquette ou de sexe. Au contraire, elle a son importance tout au long de la vie. Elle constitue la capacité de tout être humain de savoir progresser et avancer. C'est l'oxygène de la vie, le poumon de la réussite.
Avec l'apparition des nouvelles technologies de l'information et de la communication, grâce aux progrès et aux évolutions constantes de notre société, la formation professionnelle devient un investissement constructif pour l'avenir, je dirai même un placement pour demain.
L'annonce récente de modifications de la formation professionnelle, au niveau des séries du CAP mais aussi du BEP, et les débouchés de ce dernier vers un baccalauréat professionnel, n'en finit pas de susciter de nombreuses interrogations.
La suppression à terme du BEP pose, en effet, question. Ne serait-il pas opportun de maintenir des passerelles entre l'apprentissage professionnel, les CAP, et l'objectif de valorisation de son parcours de formation par un baccalauréat professionnel ? Si tel n'est pas le cas, les jeunes qui ne pourront prétendre qu'à la seule formation issue des certificats d'aptitude professionnelle n'auront plus les moyens d'espérer progresser dans leur filière.
S'agissant des formations par apprentissage, il est capital de maintenir les partenariats mis en place par les établissements d'enseignement supérieur avec les entreprises et qui permettent à chaque jeune, ou moins jeune, de construire un véritable projet professionnel lui offrant la possibilité non seulement de s'exprimer, mais aussi de progresser.
Les partenaires s'engagent vis-à-vis de ces jeunes pour les aider à s'insérer dans le monde professionnel grâce à une pédagogie adaptée. Le système peut leur offrir une réelle opportunité d'ascension sociale et d'intégration professionnelle.
Oui, nous le savons tous, l'apprentissage est un véritable outil d'insertion professionnelle, particulièrement bien adapté aux jeunes qui sont à la recherche d'une pédagogie différente.
À cet égard, l'alternance est un instrument pédagogique remarquable, car elle permet une confrontation permanente entre les acquisitions théoriques et leur mise en oeuvre au sein de l'entreprise. De l'abstrait, on passe au concret ; il n'y a plus d'obstacle, plus de frontière entre l'apprentissage théorique et l'apprentissage pratique. L'apprenti peut ainsi prendre conscience progressivement de la complexité des fonctions qu'il aura à assumer dans le cadre de son futur métier.
De plus, ne l'oublions pas, la formation générale, et plus particulièrement les formations en alternance, peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne la valorisation de la recherche et de l'innovation au plus près des entreprises. Cette proximité est une richesse.
Ainsi, dans le cadre du processus d'accompagnement, les apprentis peuvent faire appel aux laboratoires des écoles pour les problématiques technologiques et scientifiques comme pour celles qui sont liées aux évolutions organisationnelles. Cela répond à la demande croissante exprimée par les entreprises en matière d'innovation. L'apprentissage est donc, plus que jamais, au coeur de la formation professionnelle.
Nous le savons tous, les formations par apprentissage sont sous la responsabilité des régions ; ce fait a été relevé à de multiples reprises ce matin. Le financement de ces formations se répartit entre les régions, qui ont tendance à privilégier les formations de niveau inférieur, la taxe d'apprentissage et, enfin, l'établissement de formation lui-même.
Pour permettre à plus de jeunes et d'entreprises de bénéficier de cet outil remarquable, il serait opportun de mieux aider les établissements, notamment en les dotant d'enseignants directement affectés aux missions de formation et d'accompagnement.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les enseignants doivent être des précurseurs en matière d'innovation ; ils doivent être à l'avant-garde de cette évolution. Encourageons-les et donnons-leur les moyens de cette ambition. Ne serait-il pas judicieux qu'ils échangent davantage avec le monde de l'entreprise ?
Pour les territoires, aider les petites et moyennes entreprises à innover est un enjeu essentiel, notamment pour la croissance de demain. Cela impose aux établissements d'enseignement supérieur de mettre en place une démarche structurée s'appuyant sur les réseaux de PME. Coûteuse en temps, cette démarche doit être pragmatique et proche du terrain. Elle impose de connaître le tissu industriel du territoire, d'entretenir une relation privilégiée avec les entreprises, mais aussi de détecter leurs problématiques, tout en les accompagnant dans leur résolution.
Votre écoute permanente, votre attention, monsieur le secrétaire d'État, permettront, j'en suis sûr, d'éclairer l'avenir de la formation professionnelle, indispensable à la construction de l'identité de chaque homme.