Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 3 juin 2010 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette troisième loi de finances rectificative pour 2010 concrétise l’engagement de la France, qui fait suite à l’accord intergouvernemental intervenu au sein de l’Eurogroupe le 9 mai, après une semaine de tourmente où, comme aux pires moments de la crise financière de 2008, le marché interbancaire s’est grippé et les marchés d’actions ont chuté.

Lors de la discussion de la précédente loi de finances rectificative, où il était question d’être solidaires avec la Grèce, nous avions reproché l’attentisme des États de la zone euro qui avait, par sa durée, du 11 février au 23 avril, alimenté la spéculation. Cette fois, ces États ont réagi vite et conclu un accord à l’arraché qu’il nous faut transcrire dans la loi nationale.

Le groupe socialiste votera donc l’engagement de la France, qui porte sur une garantie de 111 milliards d’euros. Nous le voterons pour les mêmes raisons que nous avions voté le plan de solidarité avec la Grèce, au motif du respect de nos engagements européens et de la solidarité que nous devons exprimer aux pays de la zone euro qui seraient en difficulté pour refinancer leur dette.

Lors de ce débat, nous avions appelé à la constitution d’un fonds monétaire européen, une revendication partagée de longue date par tous les partis socio-démocrates européens. Nous n’y sommes pas encore, mais, si l’on est optimiste, le Fonds européen de stabilité financière, bien qu’il soit limité à trois ans, pourrait en être l’amorce, puisque sa vocation est avant tout préventive. Qui vivra, verra !

Par ailleurs, mais dans le même mouvement, la Banque centrale européenne reprend les titres des États, ce qu’elle avait déjà fait pour la Grèce – j’avais dit alors qu’elle avait franchi le Rubicon –, apportant ainsi de la liquidité aux banques.

Madame la ministre, je l’ai bien noté, alors qu’elles sont souvent vilipendées – pour de bonnes raisons, du reste -, les banques allemandes ont pris l’engagement de conserver les titres qu’elles détiennent sur la Grèce, et les banques françaises sont appelées à faire de même. Espérons qu’elles le feront aussi pour les autres pays où leur exposition est autrement plus importante ; je pense à l’Espagne et au Portugal.

Au passage, je relève tout de même qu’il s’agit d’une monétisation de la dette qui, en fonction de son ampleur, pourrait constituer une nouvelle « bulle » tout aussi dangereuse que celle que nous avons connue.

Cette garantie devrait être rémunérée mais, au moment où nous parlons, nous n’en connaissons pas le taux final. Sera-t-il aussi lourd que celui qui a été arrêté pour le prêt consenti à la Grèce ? Ce ne serait pas souhaitable, car à quoi bon fixer des taux élevés si les États en difficulté ne peuvent pas rembourser ? Si la situation ne s’arrangeait pas, il faudrait bien se poser la question du rééchelonnement et de la restructuration de la dette de certains États.

Au moment où nous débattons, les conditions d’application du mécanisme qui a été adopté le 9 mai sont en effet inconnues, mais nous savons qu’elles font l’objet d’âpres discussions, notamment avec nos partenaires allemands, à qui le Gouvernement français entend manifestement donner des gages de sérieux.

Au demeurant, les craintes des investisseurs ne se sont pas calmées après le 9 mai. S’il s’agissait de les rassurer, ce n’est pas totalement un succès. S’il s’agissait pour les États de conserver les notes qui leur ont été décernées par les agences de notation, cela n’a pas mieux fonctionné, au moins pour un des pays de la zone euro, l’Espagne, et je relève que notre ministre du budget lui-même a également parlé des tensions qui pesaient sur la note de la France.

Il est vrai qu’une dégradation de notre note pourrait nous coûter très cher. Ainsi, selon le rapport Champsaur-Cotis, une progression du taux d’emprunt à sept ans de 2, 5 % à 3 % coûterait 2 milliards d’euros de charges d’intérêt supplémentaires en 2010, 3 milliards d’euros en 2012 et 4 milliards en 2013. M. Fourcade, qui connaît tout cela par cœur, pourra nous confirmer ces chiffres.

Qui veut-on rassurer, finalement ? L’Allemagne, les marchés, les agences de notation ? Pour l’instant, les résultats se font attendre. Une chose est sûre, si j’en crois la lecture des indicateurs du moral des ménages, c’est que l’on ne rassure pas les Français…

En revanche, nous commençons à apercevoir les linéaments des contreparties attendues des États de la zone euro, qui apparaissaient moins clairement dans ce plan, et qui nous renvoient au débat national, et donc au Parlement.

Par petites touches, en effet, le Gouvernement nous propose, ni plus ni moins, une cure d’austérité. C’est bien le terme qu’il faut employer quand le Gouvernement confirme à la Commission européenne son engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB d’ici à 2013.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion