Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 17 novembre 2017 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Article 44 bis

Agnès Buzyn, ministre :

Je répondrai un peu longuement sur cet amendement, afin de ne plus avoir à revenir sur la question du tiers payant.

En tant que ministre de la santé, je dois répondre à un double impératif : d’une part, favoriser l’accès aux soins, car il est insupportable que ceux-ci ne soient pas accessibles pour des raisons financières, et, d’autre part, rendre du temps médical au médecin – c’est une priorité, nous en avons discuté toute la journée. Il me faut donc faire coïncider ces deux objectifs.

Vous le savez, le rapport de l’IGAS, comme celui de la CNAM, montre que le tiers payant généralisé au 1er décembre n’était pas réalisable techniquement. J’ai donc pris une décision pragmatique, qui s’imposait, à savoir le report de cette date, en proposant, surtout, une autre façon de travailler qui permette de répondre aux deux objectifs que je viens d’évoquer.

Je veux bien qu’on rende le tiers payant « généralisé ». Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que certaines populations n’accèdent pas aujourd'hui aux soins parce qu’elles n’ont pas envie de faire des avances de frais. Mais les gens comme nous, dans cet hémicycle, n’avons pas besoin du tiers payant généralisé pour accéder aux soins.

Par conséquent, dans le cadre d’une généralisation, il faut faire en sorte que les gens qui en ont besoin accèdent au tiers payant. Or je rappelle que, d’ores et déjà, le tiers payant généralisé existe et est obligatoire pour toutes les personnes les plus précaires, c’est-à-dire les personnes qui bénéficient de la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire ; cela concerne donc les plus pauvres des Français. Il est également opérationnel pour toutes les personnes prises en charge à 100 %, qui souffrent d’une affection de longue durée, d’une maladie chronique, soit près de 11 millions de personnes.

Aujourd'hui, les patients qui ne peuvent pas accéder au tiers payant généralisé sont ceux qui ont une complémentaire santé, en raison de la difficulté technique d’accéder à 250 complémentaires différentes, avec des niveaux de contrats très hétérogènes.

Vous donnez les pharmaciens en exemple. Ce faisant, vous étayez, en quelque sorte, mon argumentation. En effet, le tiers payant n’a jamais été obligatoire pour ce qui concerne les médicaments vendus dans les pharmacies. Simplement, il s’agissait dans ce cadre d’une procédure tellement simple qu’elle s’est imposée d’elle-même, les complémentaires santé n’ayant qu’à compenser le coût du médicament.

En revanche, pour ce qui concerne les consultations des médecins, les complémentaires santé offrent une multitude de contrats différents. Outre le fait qu’il existe 250 complémentaires santé, comme je l’ai souligné, le niveau de remboursement peut évoluer d’une année sur l’autre, en fonction du statut de la personne, si elle change d’entreprise, par exemple. Tout cela est horriblement compliqué.

En outre, les pharmaciens sont des entrepreneurs, qui ont pu embaucher, pour faire, en back-office, le travail de paperasserie, des concentrateurs, que ne peuvent pas se payer la plupart des médecins libéraux. Par conséquent, le passage au tiers payant est, techniquement, beaucoup plus complexe pour les médecins.

Il faut donc nous laisser le temps de travailler avec les organismes complémentaires pour trouver des solutions techniques.

J’ajoute que je souhaite m’engager en faveur des Français pour lesquels la situation est difficile, en identifiant les populations qui devraient bénéficier du tiers payant obligatoire. Vous avez évoqué les étudiants. Nous avons déjà travaillé sur certaines populations, et la situation est juridiquement complexe. J’ai promis de rendre un rapport au Parlement le 31 mars prochain, pour identifier les populations de Français qui n’accèdent pas aux soins pour des raisons financières.

Somme toute, il serait indécent de penser que 100 % des Français ont besoin aujourd'hui du tiers payant généralisé. Ce n’est pas vrai, nous n’en avons pas besoin, nous pouvons avancer 25 euros pour une consultation. Je mène donc une action pragmatique en la matière.

Pour ce qui concerne les étudiants, il y a un vrai sujet : ils sont aujourd'hui très pauvres et ont beaucoup de difficultés à accéder aux soins. Dans le plan Étudiants présenté par ma collègue Frédérique Vidal, un volet entier est dédié à la santé des étudiants. Nous mettrons en place, au sein des universités, des centres de santé, en modifiant les statuts et les missions des SUMPPS, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Ces centres pourront ainsi rédiger des prescriptions et offrir des consultations de spécialistes, notamment d’ophtalmologie et de gynécologie. Nous nous adressons là spécifiquement aux étudiants ; il s’agit là d’un vrai sujet.

Nous sommes également en train d’identifier, dans le cadre du rapport qui sera remis le 31 mars prochain, les sous-populations ayant besoin du tiers payant. Toutefois, soyons raisonnables ! Certes, il faut rendre le tiers payant accessible à la majorité des gens. Mais il convient également de ne pas obérer le temps du médecin, qui est vraiment précieux. Pour ce faire, le dispositif doit être techniquement simple, afin qu’il s’impose progressivement de lui-même. C’est tout l’enjeu de la réforme que je propose.

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