Je donnerai l’avis du Gouvernement sur cet amendement de la commission, mais je répondrai également à M. Daudigny qui s’est exprimé sur l’article.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, les délais de remboursement et le fait que certains patients français pourraient subir des pertes de chance. Comme vous le savez, lorsqu’un médicament est innovant et en voie d’obtenir une autorisation européenne de mise sur le marché, il bénéficie en France d’une autorisation temporaire d’utilisation, une ATU, de cohorte, qui prend généralement effet six mois ou un an avant l’autorisation de mise sur le marché.
Par conséquent, les patients français bénéficient d’un dispositif unique au monde, qui leur permet d’avoir accès à des médicaments innovants un an avant leur mise sur le marché.
Ce n’est pas le cas en Allemagne, par exemple. Ce pays se trouve d’ailleurs souvent en difficulté : dès qu’un médicament obtient l’autorisation de mise sur le marché, il est vendu et la négociation de prix se fait l’année qui suit ; si par la suite le médicament est jugé non innovant par les agences d’évaluation, les Allemands ont beaucoup de difficultés, soit à le retirer du marché, soit à en renégocier le prix ! Ils nous envient donc notre dispositif.
Nous devons être très vigilants à ce que la France conserve cet outil qui permet aux patients d’accéder à l’innovation. En pratique, les médicaments qui n’ont pas d’ATU de cohorte sont ceux qui ne sont pas considérés comme très innovants par la communauté. A priori, cela n’entraîne donc pas une perte de chance.
Bref, aucun industriel, qu’il s’agisse d’une grosse industrie ou d’une biotech, ne se trouve mis difficulté par le dispositif français.
Par ailleurs, vous avez exprimé des craintes au sujet de l’innovation. Le taux Lh est passé de 2 % l’année dernière à 3 % aujourd'hui. Les médicaments innovants, qui généralement font partie de la liste en sus, sont vendus à l’hôpital et vont bénéficier d’une augmentation du taux Lh. Cela prouve bien que nous prenons en compte les innovations pour adapter notre balance entre les médicaments très innovants et ceux pour lesquels nous cherchons des réductions de prix, notamment avec un taux sur les médicaments distribués en ville élevé, qui lui reste à 0 %, car nous ne souhaitons pas que les prix des médicaments non innovants augmentent.
Nous faisons bien la part entre ce qui doit être financé, c’est-à-dire la vraie innovation de rupture, qui sera accompagnée par le taux Lh, et ce qui mérite des économies. Il existe en effet des marges sur les médicaments standards, avec un taux Lv qui restera stable. Il me semble que nous sommes, de ce point de vue, assez discriminants.
Quant à l’amendement n° 151, défendu par le rapporteur général de la commission des affaires sociales, si nous excluions du calcul de déclenchement les contributions versées en année n-1 au titre de la clause de sauvegarde, nous serions dans l’embarras. Nous avons un objectif très ambitieux en matière de maîtrise de la dépense des médicaments. La clause de sauvegarde n’a pour seul but que de sécuriser le respect de cet objectif fixé dans l’ONDAM et les économies prévues.
Son application, pour être efficace, ne doit pas reprendre d’une année sur l’autre les éventuels dépassements, faute de quoi l’on perdrait tout outil de régulation. Ce serait totalement contradictoire avec l’objectif de maîtrise des dépenses de santé, sachant que nous faisons attention à ce que cette maîtrise porte sur les marges d’économies réalisables sur les médicaments de routine et ne pénalise pas les médicaments innovants, qui verront leur taux Lh augmenté.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.