N’affectons surtout pas une taxe à une agence qui doit être indépendante, et qui, en l’occurrence, pourrait avoir un intérêt à faire vendre des produits pharmaceutiques pour gagner plus d’argent et financer la recherche. C’était le premier point ; je suis défavorable au principe même de cette taxe.
Ensuite, je souhaite prendre une minute pour m’exprimer sur la recherche en cancérologie. Cette recherche est, aujourd’hui, la mieux financée de l’ensemble de la recherche biomédicale en France, grâce aux différents plans Cancer successifs. Elle bénéficie, selon les années, de 50 millions à 60 millions d’euros, voire parfois de 70 millions d’euros, qui proviennent du budget de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, laquelle finance la recherche en cancérologie, sanctuarisée par les plans Cancer.
Il s’agit donc du seul budget de recherche qui ne baisse jamais. Il est même parfois difficile de le dépenser en totalité, parce qu’il faut financer de la bonne recherche, et non n’importe quoi ; il ne faut pas financer des recherches qui ne peuvent déboucher sur des résultats ou dont les méthodes sont mauvaises. Il faut entretenir un esprit de compétition pour valoriser ceux qui travaillent bien et ne pas financer à tout-va ni saupoudrer l’argent.
Cette somme est par conséquent déjà importante, et il faut encore y ajouter, en moyenne, 40 millions d’euros par an, provenant de la Ligue contre le cancer et de la Fondation ARC. Ainsi, il y a déjà au moins 100 millions d’euros à dépenser par an dans la recherche sur le cancer, ce qui est, je le répète, le plus gros budget de la recherche biomédicale en France.
Environ un dixième de cette somme est dédié à la recherche sur les cancers des enfants. L’une des raisons, puisque vous m’interpellez sur ce sujet, pour lesquelles on n’améliore pas la survie dans certains cancers de l’enfant – certes, il y a eu d’énormes progrès dans le traitement des leucémies –, réside dans le fait que l’industrie pharmaceutique ne développe pas de nouveau médicament. Il faut donc surtout être incitatif, pour que l’industrie pharmaceutique internationale développe des produits traitant les cancers de l’enfant.
D’autre part – excusez-moi d’être un peu technique –, les mécanismes des cancers de l’enfant sont très différents de ceux des cancers des adultes ; les origines ne sont pas du tout les mêmes. Aussi, c’est probablement la recherche très fondamentale sur l’embryogenèse qui fera progresser le traitement des cancers de l’enfant. Nous attendons, en quelque sorte, des progrès en matière de compréhension du développement des tissus.
Par conséquent, c’est clairement la recherche fondamentale qu’il faudrait mieux financer, plutôt que la recherche dédiée à certains cancers de l’enfant qui n’apportera pas de réponse de rupture par rapport aux questions aujourd’hui posées à propos des cancers des enfants.
Pardonnez-moi de prendre ce temps d’explication, mesdames, messieurs les sénateurs, mais vouloir sans arrêt affecter de l’argent à la recherche dédiée et appliquée ne constitue pas, à mon avis, la bonne piste. Nous ferions mieux d’être collectivement très attentifs au budget de la recherche en général, notamment de la recherche fondamentale. En effet, bien souvent, les innovations de rupture viennent de sujets qui n’ont rien à voir avec l’endroit où l’on creusait.
Voilà pour mon avis sur le fond et, sur la forme, je le répète, je suis totalement défavorable à une taxe dédiée à l’INCa.