Intervention de Sylvie Desmarescaux

Réunion du 22 janvier 2008 à 16h00
Santé au travail des salariés et risques professionnels — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Sylvie DesmarescauxSylvie Desmarescaux, rapporteur :

Je commencerai par la médecine du travail.

Dans la proposition de loi sont abordées successivement les questions du dossier médical personnalisé, le DMP, et de l'accueil des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Ainsi, il nous est proposé d'introduire dans le DMP un volet « santé au travail » renseigné par les médecins du travail, ces derniers n'ayant accès qu'aux informations reportées dans cette partie du dossier.

Cette proposition apporte un élément de réponse à un problème crucial : le suivi de la santé des travailleurs et la traçabilité de l'exposition aux risques. La branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite branche AT-MP, a mis en place un groupe de travail sur la traçabilité des expositions au sein de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, la CATMP. Les partenaires sociaux doivent remettre des propositions au mois de juin. La commission des affaires sociales estime indispensable d'attendre leurs analyses et leurs propositions avant de nous prononcer sur l'accès des médecins du travail au DMP.

Il est également prévu dans la proposition de loi de mettre en place dans chaque caisse régionale d'assurance maladie, ou CRAM, une cellule chargée d'accueillir les victimes. La convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP le prévoit déjà. Il ne nous semble donc pas indispensable de légiférer sur ce point.

D'autres dispositions du texte réforment le droit de l'inaptitude. Il est ainsi proposé d'informer le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSTC, ou les délégués du personnel, de la proposition de reclassement du salarié déclaré inapte et d'obliger le chef d'entreprise à faire connaître les mesures qu'il envisage de prendre en vue d'un reclassement extérieur dans le cas où celui-ci est impossible de dans l'entreprise.

Dans la proposition de loi, il est également envisagé de verser au salarié ni reclassé ni licencié une allocation nouvelle, compensatrice de perte de salaire.

Il est proposé par ailleurs des dispositions relatives à la définition des missions des médecins du travail, à la périodicité des examens médicaux obligatoires et à la coordination des services de santé au travail.

Sur ce dernier point, particulièrement important, la création d'une agence nationale est proposée, ce qui n'est pas sans évoquer l'étatisation préconisée en février 2006 par la mission d'information sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante de l'Assemblée nationale. Je rappelle que d'autres solutions ont été avancées par ailleurs, le rattachement de la médecine du travail à la branche AT-MP, par exemple.

De mon côté, j'ai tendance à souhaiter la conservation du lien entre les services de santé au travail et les entreprises. Ce lien fait en effet du médecin du travail le conseiller du chef d'entreprise, ce qui devrait favoriser la montée en puissance du rôle de ces médecins en matière de prévention.

Peut-être faut-il alors s'en tenir au schéma actuel, tout en donnant aux services de l'État, conformément aux préconisations du récent rapport-bilan des professeurs Françoise Conso et Paul Frimat, les moyens de conduire une politique fondée sur des objectifs de santé au travail et non plus seulement sur des indicateurs de moyens et d'activité.

En ce qui concerne les consultations médicales, la proposition de loi donne une périodicité annuelle à la visite obligatoire pour tous, très consommatrice en temps médical et assez modestement contributive au maintien de la santé au travail. Si l'on veut améliorer l'exercice par les médecins du travail de leur mission de prévention, il est souhaitable de ne pas les ensevelir sous une avalanche de consultations obligatoires auxquelles ils suffisent déjà difficilement !

Ces différentes propositions touchent des aspects importants et sensibles de la médecine du travail, laquelle pose cependant bien d'autres questions. C'est pourquoi je crois nécessaire d'inscrire leur discussion dans une démarche plus large et plus intégrée, telle que celle qui est suggérée dans le rapport Conso et Frimat. Trois grands axes de progression y sont proposés.

Premièrement, il s'agit de résoudre rapidement la question, essentielle, de la démographie des médecins du travail et des ressources des services de santé au travail, en passant d'un exercice individuel à une pratique collective de la prévention.

Deuxièmement, il s'agit de mettre véritablement la prévention au centre de l'activité des médecins du travail.

Troisièmement, enfin, il s'agit de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et de régulation.

La commission des affaires sociales a estimé nécessaire d'aborder simultanément ces trois axes.

Les propositions du rapport Conso et Frimat ont été soumises aux partenaires sociaux. Par ailleurs, M. le ministre a demandé au Conseil économique et social un avis sur ce sujet d'ici à la fin du mois de février, et s'est engagé à présenter un plan de réforme à la fin du premier semestre.

La commission des affaires sociales souhaite traiter dans ce cadre l'ensemble du dossier de la médecine du travail.

Le deuxième thème de la proposition de loi concerne la prévention des risques.

Dans ce domaine, il est tout d'abord envisagé dans le texte d'informer les salariés sur les risques pour la santé et la sécurité.

Ainsi, il est donné valeur législative à l'inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail que constitue le document unique d'évaluation des risques, actuellement régi par un décret.

C'est ainsi aussi que sont renforcées les exigences relatives à la publicité de ce document. Ces modalités sont cependant susceptibles d'alourdir les charges administratives des entreprises, sans que le bénéfice en soit évident pour les salariés.

Il est prévu la réalisation d'un livret d'information sur les risques qui serait délivré par l'employeur à chaque salarié. Je note que cette mesure a été rejetée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, car l'actuel document unique d'évaluation des risques assure déjà bien l'information. Aller au-delà ferait peser une charge inutile sur les petites et moyennes entreprises, ainsi que sur les très petites entreprises.

Un deuxième volant de propositions concerne les problèmes posés par l'intervention, dans une entreprise, de salariés d'entreprises extérieures. Je ne vais pas les détailler, car elles sont extrêmement techniques. Sachez, mes chers collègues, qu'elles posent le problème de l'équilibre entre le risque de dispersion des responsabilités en matière de prévention des risques et la nécessité de tenir compte du fait que la dangerosité et la complexité de certaines activités nécessitent parfois un degré de coresponsabilité entre l'entreprise d'accueil et l'entreprise extérieure. La commission des affaires sociales a considéré que la consultation des partenaires sociaux serait nécessaire avant de modifier cet équilibre.

Un troisième volant de propositions concerne les CHSCT.

La proposition de loi permet à l'inspecteur du travail d'imposer la mise en place d'un CHSCT en cas de risque grave et d'étendre les compétences d'un CHSCT existant à d'autres entreprises. Or, d'une part, le code du travail permet déjà à l'inspecteur du travail d'imposer la création d'un CHSCT en raison de la nature, de l'agencement ou de l'équipement des travaux, ce qui englobe les situations de risques graves. D'autre part, je ne suis pas convaincue qu'un CHSCT élu par les salariés d'une entreprise puisse être également compétent pour les salariés d'autres entreprises.

Il est aussi prévu dans le texte la création de représentants des salariés en matière de prévention, de santé au travail dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Cependant, les missions du CHSCT sont exercées dans ces établissements par les délégués du personnel : il ne paraît pas utile de créer une nouvelle catégorie de représentants du personnel.

Enfin, dans un article de la proposition de loi est abordé le droit de retrait des salariés du poste de travail avec la création d'une infraction si l'employeur ne répond pas au problème que révèle l'exercice de ce droit. Faut-il vraiment ajouter une telle infraction à l'ensemble des garanties législatives et des solutions jurisprudentielles existant en la matière ? Nous n'en avons pas été convaincus.

Au demeurant, une négociation vient d'être lancée par les partenaires sociaux sur l'initiative du ministre, à la suite des travaux de la Conférence sociale tripartite sur les conditions de travail, qui s'est tenue le 4 octobre dernier.

Cette négociation porte sur trois thèmes : la mise en place d'un cadre pour le dialogue social sur les conditions de travail dans les PME et dans les TPE ; le rôle et les missions des CHSCT ainsi que la durée des mandats et la formation des représentants du personnel à cette instance ; enfin, les modalités d'alerte sur les conditions de travail.

De fait, les questions à régler sont nombreuses.

Il faut à la fois améliorer la couverture des CHSCT et créer des modalités d'appui au dialogue social dans les PME et TPE.

Par ailleurs, le fonctionnement des CHSCT n'est pas entièrement à la hauteur des nouveaux enjeux de la santé au travail. Il faut en particulier améliorer leurs capacités d'expertise.

Enfin, les modalités d'alerte sur les conditions de travail sont à revoir, dans la mesure où l'alerte est actuellement liée à l'existence d'un CHSCT ou de délégués du personnel dans l'entreprise. Il s'agit donc de créer, pour des risques majeurs, un mécanisme d'alerte, quelle que soit la taille de l'entreprise, y compris dans celles qui sont dépourvues de toute représentation du personnel.

À nouveau, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous recommande d'attendre les propositions des partenaires sociaux et celles du Gouvernement avant de légiférer.

Le troisième thème de la proposition de loi concerne le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Il faut manifestement agir dans le domaine des accidents du travail, dont les chiffres ne décroissent pas assez vite, tout le monde le sait. Le plan de modernisation et de développement de l'Inspection du travail, lancé en 2006 sur l'initiative de notre collègue Gérard Larcher, a permis de relancer fortement les contrôles, ce qui est un élément essentiel de réponse.

Les problèmes restent, certes, importants. Par exemple, le phénomène de la sous-déclaration fait supporter à l'assurance maladie des charges qui relèvent normalement de la branche AT-MP, ...

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