Intervention de Philippe Mouiller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 novembre 2017 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « solidarité insertion et égalité des chances » et article 63 - examen du rapport spécial

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Je rejoins les conclusions de mes collègues rapporteurs de la commission des finances. J'avais, l'année dernière, évoqué plus particulièrement le dispositif de la prime d'activité qui, malgré des intentions louables bien que certainement trop ambitieuses, souffrait déjà d'une sous-budgétisation dont il avait fallu rattraper les risques en urgence. Le même risque se présente à nous aujourd'hui, avec le chiffre de 4,99 milliards d'euros qu'annonce le projet de loi de finances pour 2018. Voilà qui devrait permettre la couverture d'un taux de recours financier d'environ 75,4 %. J'insiste sur le mot « financier », car les administrations sont très disertes sur le taux de recours « personnel », qui frôle les 70 %, mais ne disent pas grand-chose de ce même taux appliqué aux montants. Or je rappelle qu'il ne faut pas sous-estimer le recours de ceux, précisément, qui sont éligibles aux plus hauts niveaux de prime d'activité.

J'avais eu également l'occasion de m'interroger sur le double objectif assigné à la prime d'activité : lutte contre la pauvreté ou incitation financière au retour à l'emploi ? Son inscription aux crédits de la mission « Solidarité » ainsi que les hésitations du Gouvernement quant à son impact sur le chômage semblent confirmer qu'il s'agit en fait tout bonnement d'un nouveau minimum social aux allures améliorées. C'est donc à l'aune de ce constat qu'il nous faudra juger de la pertinence de ce dispositif.

Concernant les réformes de l'AAH, je ne peux que souscrire aux propos de mes collègues. Quatre grands risques doivent être identifiés.

D'abord, les conditions du cumul de deux AAH par un couple sont revues à la baisse : le plafond de leurs revenus de remplacement passe de 2 SMIC à 1,8 SMIC. Ensuite, les deux compléments de l'AAH 1 que sont le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome seront fusionnés, conduisant là aussi à leur diminution. L'augmentation du niveau de l'AAH, pour réjouissante qu'aurait été cette mesure si elle ne s'était pas assortie de ces tempéraments, risque également d'avoir un impact négatif sur l'éligibilité de ces publics à la prime d'activité, ce qui serait tout de même un comble.

Enfin, les crédits pour 2018 prévoient une hausse de 15 millions d'euros de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Son rôle est de venir en soutien des rémunérations assurées par les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à leurs employés. Cette augmentation de la GRTH prétend neutraliser les effets de la hausse de la CSG. À ceci près qu'elle a un impact direct sur l'éligibilité du travailleur handicapé à l'AAH, cette dernière étant de nature différentielle : pour trois euros de GRTH en plus, ce sont deux euros d'AAH en moins qui sont versés. L'effet peut être doublement pénalisant. D'abord, la GRTH est imposable à la CSG, ce qui n'est pas le cas de l'AAH : c'est donc à une diminution nette de leurs revenus que sont exposés les travailleurs handicapés employés en ESAT. Ensuite, ce risque pourrait être aggravé par les nouveaux critères de cumul de l'AAH et de la prime d'activité !

Sur tous ces points, je serai amené à déposer des amendements devant la commission des affaires sociales.

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