La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Les crédits de la mission « Justice », concernent les moyens de la justice judiciaire, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le Gouvernement propose une augmentation significative des moyens du ministère de la justice, de 3,95 % en 2018, qui se poursuivrait sur toute la période triennale, entre 2018 et 2020. Cette trajectoire témoigne d'une prise de conscience partagée : une remise à niveau des moyens de notre système judiciaire est indispensable. Même les ministères de l'intérieur et de la défense ne sont pas aussi bien traités. Pour autant, les résultats demeurent mitigés, avec une surpopulation carcérale en hausse, notamment dans les maisons d'arrêt, et un allongement des délais de traitement des contentieux.

Par ailleurs, les comparaisons européennes demeurent frappantes : alors qu'en France, on compte 10 juges pour 100 000 habitants, ils sont 24 en Allemagne et 19 au Portugal. De même, alors que notre pays consacre 72 euros par habitant à ses juridictions, ce montant s'élève à 95 euros en Italie et jusqu'à 146 euros en Allemagne.

La moitié des 330 millions d'euros supplémentaires dont bénéficierait la mission « Justice » est destinée aux dépenses de personnel. Il s'agit ainsi de financer à la fois les recrutements intervenus l'année dernière mais aussi les créations de postes prévus l'année prochaine. En effet, 1 000 emplois seraient créés en 2018, notamment pour renforcer les effectifs de surveillants pénitentiaires.

Je doute, cependant, que ce plan de recrutements ambitieux suffise à améliorer la situation, notamment en raison du manque d'attractivité de certains métiers du ministère de la justice. Les surveillants pénitentiaires sont particulièrement concernés, avec un taux de vacance de près de 7 % en 2016 et des difficultés à recruter.

Mais c'est aussi le cas des fonctionnaires des services judiciaires, dont le taux de vacances s'élève à plus de 7 % au 1er janvier, contre 4,5 % en 2008. La situation est particulièrement préoccupante dans les cours d'appel de Paris et de Versailles. La direction du tribunal de grande instance de Bobigny, que j'ai rencontrée, m'a ainsi fait part de sa difficulté quotidienne à assurer la continuité du service de l'action judiciaire, notamment en raison du manque de greffiers.

Si le plan de transformation numérique du ministère, prévu dans ce projet de budget, pourrait contribuer à sa modernisation, il ne sera pas suffisant : le ministère de la justice enregistre en effet un retard considérable en matière d'équipements et de logiciels informatiques ; en outre, l'informatique ne constitue qu'un outil, certes susceptible de produire des gains de productivité, mais qui ne saurait remplacer des réformes d'organisation ou de procédure.

Les dépenses immobilières des juridictions augmentent de 17,5 %, soit plus de 70 millions d'euros, dont plus de 50 millions d'euros en raison de la mise en service, en 2018, du nouveau Palais de justice de Paris, sur le site des Batignolles. En vertu du contrat de partenariat public-privé, le coût total prévisionnel des loyers, prévus sur une période de 27 ans, s'élèvera à 2,3 milliards d'euros.

Au contraire, l'immobilier pénitentiaire enregistre une réduction de ses dépenses, ce qui s'explique notamment par la fin d'importants chantiers de rénovation, partiellement compensée par les premiers versements de loyers au titre du partenariat public-privé concernant la prison de La Santé, qui devrait être livrée en juin prochain.

Néanmoins, une enveloppe de 26 millions d'euros serait consacrée aux projets de construction de nouveaux établissements (cinq maisons d'arrêt et six quartiers de préparation à la sortie), conformément au projet du Président de la République de construire 15 000 places de prison sur les dix prochaines années.

Le renchérissement de l'aide juridictionnelle (dont le montant progresse de 7 %, soit 31 millions d'euros), est dû au coût des réformes passées, en particulier la revalorisation de l'unité de valeur à partir de laquelle est calculée la rétribution de l'avocat.

La prévision concernant les frais de justice paraît assez ambitieuse : l'augmentation de 10 millions d'euros résulte d'une hausse tendancielle de plus de 40 millions d'euros, qui serait en partie compensée par des mesures d'économies, dont 15 millions d'euros grâce à l'utilisation de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ).

C'est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. Si la PNIJ permet effectivement de réduire les frais de justice, puisqu'elle réduit les tarifs des réquisitions adressées aux opérateurs et met fin aux dépenses de location de matériel, les utilisateurs (et en premier lieu les services enquêteurs) se plaignent de dysfonctionnements, du manque de certains outils ou encore de défauts d'ergonomie.

Des crédits sont prévus pour initier une deuxième version de la PNIJ, qui devrait permettre de se dégager, au moins en partie, de Thalès, d'introduire davantage de concurrence voire de reprendre en charge au sein du ministère certains éléments du programme.

Les informations communiquées par le secrétariat général du ministère de la justice sont plutôt encourageantes, notamment depuis qu'un référé de la Cour des comptes a conduit le Premier ministre à porter ce sujet au niveau interministériel. Toutefois, ce projet stratégique mérite toute notre attention.

Enfin, je terminerais sur les projets de la protection judiciaire de la jeunesse : 40 éducateurs supplémentaires seraient recrutés, afin notamment de renforcer le milieu ouvert. Je note à ce titre que la promesse du Président de la République de construire des centres éducatifs fermés supplémentaires n'est pas budgétée : ces centres, qui constituent une alternative à l'incarcération des mineurs, enregistrent un coût de journée élevé (659 euros en moyenne), et une évaluation ainsi qu'une estimation précise des besoins devraient être réalisées avant toute prise de décision.

Telles sont les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de budget. Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le nouveau palais de justice devait initialement être livré fin 2015, mais des problèmes d'entreprise ont conduit, en 2014, à reporter à juin 2017. Et l'on nous parle à présent du deuxième semestre 2018. A-t-on une idée réelle des surcoûts qu'auront entraîné ces retards ? Le transfert des structures actuelles vers le nouveau bâtiment coûtera, on le sait, très cher. Est-il déjà programmé, financé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je remercie notre rapporteur spécial de s'être penché, une nouvelle fois, sur la situation du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, qui défraie la chronique depuis des années - je puis témoigner qu'il y a treize ans, en 2004, on y manquait déjà de magistrats et de greffiers. Quant au tribunal d'instance d'Aubervilliers, il a fermé faute de greffiers. On manque à la fois de postes et de recrues. Les emplois de greffiers qu'il est prévu de créer sont-ils pour partie fléchés vers ce tribunal - la deuxième juridiction de France - qui croule sous les affaires avec le cortège de difficultés que cela entraîne : affaires non traitées, classées sans suite ou devenues sans objet pour dépassement des délais ?

Mon autre question porte sur le nouveau palais de justice. Si j'en crois les avocats que j'ai reçus, l'organisation prévue pour leur accueil a de quoi inquiéter. Ils devront, semble-t-il, prendre rendez-vous pour pouvoir s'y rendre, non pour raisons de sécurité mais parce que la structure de l'édifice, une sorte de gâteau à trois étages, pourrait souffrir d'une trop grande fréquentation. Confirmez-vous cette information ? Il me semble qu'un travail de contrôle sur la conception et le lancement de ce projet pourrait être intéressant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je souhaiterais quelques éclaircissements supplémentaires sur le projet de transformation numérique, sachant que si 328 millions sont prévus en autorisations d'engagement, on observe fréquemment de grands écarts entre évaluation et réalisation.

Deuxième question : les crédits censés venir appuyer les départements dans le soutien aux mineurs étrangers non accompagnés seront-ils pris sur cette mission ou ailleurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je m'interroge également sur l'évolution de l'informatisation du ministère. Vous indiquez que selon la Dinsic, la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication, le ministère de la justice est parmi les moins bien équipés. Or, seuls 27 millions d'euros de crédits supplémentaires sont prévus. Parmi les sept projets prioritaires que vous citez dans votre rapport, certains sont-ils inscrits dans la liste stratégique des projets suivis par la Dinsic ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Vous avez rappelé l'engagement du Président de la République sur la construction de nouveaux centres éducatifs fermés. A-t-on idée des sommes nécessaires pour la réalisation de ce programme de construction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Merci de ce rapport objectif, en particulier s'agissant de la progression des crédits. Je me pose, cependant, une question très pratique. Pourquoi, alors que les tribunaux de commerce sont appelés à gérer les affaires commerciales, faire appel, lorsqu'il s'agit d'une société civile, d'un groupement d'agriculteurs ou d'une coopérative, au tribunal de grande instance (TGI) ? Ne réduirait-on pas le coût de la justice en affectant clairement ce qui concerne l'économie aux tribunaux de commerce, et ce qui concerne le civil aux TGI ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Au vu de l'insuffisance des places en maison d'arrêt et de la capacité d'accueil des centres de détention, n'y aurait-il pas moyen de procéder à un rééquilibrage ? Telle est ma première question. Le choix du ministère de la justice qui, pour des raisons que l'on peut comprendre, privilégie les maisons d'arrêt de grande taille, trouve cependant sa contrepartie dans la fermeture de maisons d'arrêt de proximité, qui contribuent pourtant à visualiser la justice. « La crainte du seigneur est le commencement de la sagesse » : la perspective de la prison permet, dans les préfectures, de rappeler à l'ordre des gamins qui pourraient être tentés par le vol et la marginalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Si Gérard Longuet n'avait pas posé cette question, je l'aurais fait, car dans ma région, c'est un sujet essentiel.

Je m'interroge sur les investissements de l'administration pénitentiaire. Dans les bâtiments appartenant à l'État, hors partenariats public-privé, on relève une diminution significative de leur montant. Quel est votre sentiment sur les raisons de ce recul alors que des projets ont été décidés, engagés, pour lesquels les travaux n'avancent pas. Faut-il penser que ces investissements servent de variable d'ajustement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Mes questions portent sur le pénitentiaire. Où en est le renseignement pénitentiaire, dont on parle beaucoup ? Où en est-on, en second lieu, de ce que l'on appelle les tâches indues - je pense en particulier au transfert de détenus entre établissements qui, autrefois assuré par la police et la gendarmerie, l'est désormais par l'administration pénitentiaire. Cela coûte-t-il plus cher ou moins cher ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

La livraison du nouveau palais de justice est effective, au plan juridique, depuis le 11 août. La mise en service est programmée, en effet, en juin 2018, mais d'ores et déjà, un certain nombre de services préparent l'emménagement.

Le décalage dans le temps est imputable à des difficultés d'accès au crédit, puis, plus récemment, à la nécessité de prendre en compte une problématique nouvelle touchant à la sécurité des accès, renforcée à la suite des attentats de Paris. Il fallait, notamment, poser des vitres pare-balles dans la salle des pas perdus. Le surcoût de ces modifications est de 25 millions d'euros, sur un coût total de 2,3 milliards d'euros du projet dans le cadre du partenariat public-privé. C'est l'entreprise partenaire, je le rappelle, qui doit verser des pénalités pour les retards. Le coût du déménagement, quant à lui, a été évalué à 4,5 millions d'euros pour 2018.

Je n'ai pas connaissance du problème d'accès des avocats, évoqué par Philippe Dallier. J'ajoute que lorsque je me suis rendu sur les lieux, un circuit à badge spécifique pour les avocats était envisagé.

S'agissant des nouveaux postes de greffiers, il n'y a pas encore de fléchage. Mais il se pose, au-delà, une autre difficulté au tribunal de Bobigny, que je qualifierai d'inadéquation entre l'offre et la demande : on voit des lauréats du concours renoncer à leur affectation.

Thierry Carcenac m'interroge sur les mineurs non accompagnés. De fait, le budget qui doit accompagner les annonces du Président de la République n'est pas encore connu. À ce jour, la protection judiciaire de la jeunesse n'est impliquée dans cette problématique que pour la répartition des mineurs, mais pas pour leur prise en charge.

Les sept projets informatiques recensés dans le rapport sont suivis, Christine Lavarde, par la Dinsic. Quant aux moyens dévolus au chantier numérique, sur lesquels m'interroge également Thierry Carcenac, ils sont renforcés, notamment pour ce qui concerne l'accès à la justice en ligne. Nous verrons comment ces moyens seront déployés. Cela étant, aussi nécessaire que soit cette orientation, elle ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés évoquées - je pense par exemple au manque de greffiers.

Bernard Lalande s'interroge sur la répartition des compétences respectives des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance. Verser l'ensemble de la compétence économique aux premiers serait en effet une piste. Cela vaudrait la peine de s'y pencher.

Gérard Longuet s'interroge sur le déséquilibre entre maisons d'arrêt et centres de détention et s'inquiète, avec Alain Joyandet, de la disparition de prisons de proximité. Il est vrai que la répartition géographique reste inégale, de gros établissements étant implantés en région parisienne, dans l'Île-de-France et dans le Nord. La surpopulation carcérale est, de fait, supérieure en maison d'arrêt et dans certaines régions, les détenus y sont maintenus alors qu'ils pourraient être en établissement pour peine. On n'est plus, cependant, dans le gigantisme de naguère. La volonté du ministère de construire des établissements mieux desservis, donc plus petits, est très claire - maisons d'arrêt de 600 places, quartiers de préparation à la sortie de 90 à 120 places, dans des zones urbaines ou périurbaines.

Alain Joyandet se demande si la baisse des investissements de l'État propriétaire ne sert pas de variable d'ajustement. La diminution du budget, conjoncturelle, s'explique par l'achèvement, ces dernières années, d'importants chantiers et 26 millions d'euros sont prévus pour des études sur des terrains déjà identifiés.

Le renseignement pénitentiaire, monsieur de Montgolfier, pourra compter sur 35 postes en 2018, 35 en 2019 et 35 en 2020. Quant aux extractions, autrefois assurées par la police et la gendarmerie et reversées à l'administration pénitentiaire, elles peuvent en effet encore poser de grosses difficultés, en raison d'un maillage géographique insuffisant des personnels de l'administration pénitentiaire chargés des extractions judiciaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Dans le rapport sur la santé des détenus que je vous ai présenté cet été, je l'ai également souligné.

Article 57 ter

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

L'article 57 ter propose une réforme du financement du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C), après l'entrée en vigueur de la réforme européenne de l'audit, en 2016, qui a conduit notamment à confier au H3C des pouvoirs d'enquête jusqu'alors exercés par les parquets.

Les nouvelles modalités de financement proposées visent à sécuriser les relations financières entre la compagnie nationale des commissaires aux comptes et le H3C : ce dernier serait désormais financé directement par les commissaires aux comptes et pourrait déléguer des missions à la compagnie, moyennant un financement de ces missions.

La cotisation serait assise sur les honoraires des commissaires aux comptes. Le présent article propose une fourchette de taux, le taux effectif étant fixé par décret. Si le taux minimum était retenu, il ne conduirait pas une augmentation des cotisations de la profession.

En outre, l'article prévoit un plafonnement de ces cotisations affectées au H3C, mais le montant du plafonnement n'a pas été fixé : le Gouvernement s'est engagé à le faire par voie d'amendement lors de l'examen de la première partie de la loi de finances au Sénat.

Je pense que le taux, comme ce plafonnement, devront être fixés de telle sorte qu'ils permettent au H3C d'augmenter son activité notamment en matière d'enquêtes et de contrôles, tout en réduisant le niveau de son fonds de roulement, qui s'élève aujourd'hui à environ 9 millions d'euros, pour un budget 2017 de l'ordre de 15 millions d'euros.

Sous ces réserves, je suis donc d'avis de proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Les missions des commissaires aux comptes sont claires, mais j'aimerais savoir comment fonctionne la gouvernance du Haut Conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Elle répond à l'organisation classique d'une autorité de régulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Le groupe socialiste considère que ce budget, marqué par la volonté de s'inscrire dans une programmation pluriannuelle, est en ligne avec les précédents. La Justice a besoin de moyens supplémentaires et de méthodes nouvelles. Nous suivrons les conclusions du rapporteur et voterons en faveur de l'adoption de ces crédits.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous examinons, en nouvelle lecture, le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017. Celui-ci comptait six articles à l'issue de la discussion en première lecture par l'Assemblée nationale. Le Sénat en avait adopté quatre conformes et deux modifiés. La commission mixte paritaire, réunie vendredi dernier, avait conclu à un échec.

Comme vous le savez, notre divergence, de fond, porte sur l'article 1er du projet de loi, la modification de l'article 3 n'en étant que la conséquence, puisque le Sénat a refusé la création d'une contribution exceptionnelle et d'une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour compenser les remboursements de taxe à 3 % sur les revenus distribués, qui devraient s'élever à près de 5 milliards d'euros en 2017. L'incidence de ces surtaxes sur l'industrie, le commerce et les services financiers, notamment les banques mutualistes, a été particulièrement soulignée lors des débats, de même que le message contradictoire avec la baisse annoncée du taux de l'impôt sur les sociétés.

Le rapport rendu par l'inspection générale des finances propose des pistes pour l'avenir. Avancer la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres ne serait pas simple, car cela suppose de modifier la Constitution. Mais on peut militer, en revanche, pour une meilleure préparation des textes fiscaux, pour éviter, à l'avenir, de tels bricolages.

Pour régler le problème de l'heure, il n'y avait pas de solution parfaite. Il aurait fallu, dans l'idéal, taxer ceux qui ont bénéficié du remboursement, mais toute taxe ad hoc se serait heurtée à un problème de constitutionnalité.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a souhaité revenir à son texte de première lecture moyennant, outre un amendement rédactionnel du rapporteur général, l'adoption à l'article 1er d'un sous-amendement du Gouvernement. Ce sous-amendement supprime, dans le rapport qui sera présenté au Parlement, la mention des entreprises « perdantes et gagnantes » - qui pose un léger problème au regard du secret fiscal - remplacée par une présentation, à l'échelle de la société ou du groupe de sociétés, des « effets respectifs, d'une part, de la suppression de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, et, d'autre part, de l'instauration des contributions exceptionnelle et additionnelle prévues respectivement aux I et II du présent article ». En outre, la présentation ventilée par décile des gains et des pertes est remplacée par la présentation des « effets attendus par décile des sociétés ou groupes de sociétés assujettis à ces contributions exceptionnelle et additionnelle ».

L'Assemblée nationale a enfin adopté l'article 3 dans sa rédaction issue de ses travaux de première lecture.

Il y a donc une divergence assez fondamentale entre notre position et celle de l'Assemblée nationale, dont témoigne l'impossibilité manifeste de rapprocher les positions de nos deux assemblées comme cela s'est déjà manifesté lors de la commission mixte paritaire. Je vous propose donc, vu l'urgence - étant entendu que les intérêts moratoires courent toujours - de voter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Un mot sur la position paradoxale que j'observe au Sénat. Il est vrai que le paradoxe n'est pas d'un seul côté, car considérer que le Président de la République est le président des riches et l'empêcher de taxer les grands groupes l'est aussi... Cela étant, le choix qui a consisté à rejeter l'article premier tout en adoptant le texte privé de cet article n'est pas très glorieux quand on sait que l'intérêt national est en jeu : il s'agit de replacer le déficit public sous la barre des 3 %. Un tel choix n'est pas responsable, et c'est pourquoi je voterai contre la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il y avait certes urgence, mais il n'était pas une seule voie pour revenir sous la barre des 3 %. Et puisque le nouveau projet de loi de finances rectificative sera présenté demain en Conseil des ministres, nous verrons si le Gouvernement revient sur sa prévision d'élasticité des recettes à la croissance...

Surtout, surfiscaliser d'emblée alors que le projet de loi de finances entend engager une baisse de l'impôt sur les sociétés, c'est lancer un très mauvais signal. Il y avait d'autres moyens de financement, comme une coupe dans les dépenses. Sans compter que les entreprises qui seront touchées par cette majoration d'impôt sur les sociétés ne sont pas celles qui vont bénéficier des remboursements du dispositif fiscal invalidé. Je proposais, de surcroît, une autre piste dans le partage de l'effort - même si en tout état de cause, aucune solution n'est parfaite, puisqu'il n'est pas possible de créer une taxe ad hoc.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le groupe Les Républicains suivra le rapporteur général, car il faut en finir. Je salue les efforts d'Albéric de Montgolfier pour trouver une solution intermédiaire, mais il est vrai que l'usage du scrutin public qui a été fait en séance a peut-être nui à la recherche du consensus...Quant à espérer mettre fin au bricolage, je crains que ce ne soit là un voeu pieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il est vrai que nous avons vécu une situation pour le moins brumeuse. Mais nous sommes aussi dans le jeu politique : il ne faut pas franchir le Rubicon entre majorité du Sénat et majorité présidentielle. Mais les sommations de l'Europe ne datent pas d'hier sur un dispositif auquel vous n'aviez rien vu à redire. Et si la situation des comptes publics est si préoccupante, fallait-il tout réinventer, alors qu'il aurait été si simple de majorer l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ? La question, autrement dit, ne tient pas aux considérations techniques dans lesquelles vous voulez nous enfermer, mais bien à des choix politiques. Nous étions favorables à une majoration de l'ISF. Telle est la question de fond qui nous sépare, quand les divergences dont vous faites état entre vous ne vont pas sans larges passerelles.

Je lis que 3 371 000 obligations de moyen terme à taux zéro ont été émises il y a un mois. Tout va mal ? Sachons être équilibrés, c'est un communiste qui vous le dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le groupe de l'Union centriste s'est largement exprimé en séance, jeudi soir. J'entends bien toutes les réserves de notre rapporteur général, mais nous ne pourrons le suivre. Il faut trouver 10 milliards d'euros. Prévoir, pour moitié, une recette supplémentaire en fin d'année 2017 et compléter, en 2018, sur le budget de l'État me paraît une solution pragmatique, réaliste et responsable, en un temps où il faut tout faire pour ne pas laisser filer les déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

On est un peu dans le jeu de rôles. Le rapporteur général se pose en défenseur de l'entreprise, tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de meilleure solution - sinon dans sa proposition, qui ne porte que sur le montant et l'équilibre de l'opération, et qui a au demeurant été repoussée par sa majorité. Le groupe socialiste ne participera pas au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je m'abstiendrai.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption de la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - est dotée de 19,4 milliards d'euros de crédits de paiement en 2018. Ces crédits progressent ainsi de 8,7 % par rapport à 2017, soit une augmentation d'un peu plus de 1,5 milliard d'euros.

Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d'intervention, qui représentent 92 % des crédits de la mission. Cette hausse s'explique également par les revalorisations « exceptionnelles » de la prime d'activité (240 millions d'euros supplémentaires correspondant à l'augmentation de 20 euros par mois du montant forfaitaire de la prime à partir d'octobre 2018) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) (40 millions d'euros supplémentaires correspondant à une hausse 50 euros par mois de l'allocation à taux plein à partir du 1er novembre 2018). La hausse des crédits de la mission est également liée à des mesures positives de transfert et de périmètre.

Cette augmentation - comprenant la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH, que nous saluons - masque néanmoins des réformes paramétriques lourdes de conséquences pour des populations déjà fragilisées. Il s'agit d'une hausse en trompe-l'oeil, masquant des mesures d'économie qui visent directement les populations les plus fragiles, dont la grande majorité se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté. Il semble que le Gouvernement, ne pouvant revenir sur les revalorisations promises de la prime d'activité et de l'AAH, ait ainsi trouvé dans des réformes paramétriques des moyens discrets d'économie budgétaire. Ces mesures d'économie sont d'autant plus regrettables qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les acteurs concernés, que nous avons pu notamment entendre en audition.

Ces mesures d'économies concernent les trois dépenses sociales les plus importantes de la mission (prime d'activité, AAH, protection juridique de majeurs), qui représentent 80 % des crédits. Les effets des revalorisations de la prime d'activité et de l'AAH seront ainsi atténués, voire neutralisés pour certains bénéficiaires, par des réformes paramétriques, qui conduiront même à l'exclusion de certains.

Concernant la prime d'activité, il est ainsi envisagé d'exclure de son calcul, au 1er janvier 2018, les rentes AT-MP et les pensions d'invalidité, en tant que revenus professionnels et de modifier les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime.

S'agissant de l'AAH, le Gouvernement propose le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au RSA dès 2018 et à compter de 2019, la disparition d'un des deux compléments de ressources de l'AAH : le complément de ressources d'un montant de 179 euros par mois. Le Gouvernement fait ainsi le choix d'un alignement par le bas de l'AAH au nom de l'équité, ignorant les particularités d'une vie en situation de handicap. Mais nous souhaitons rappeler que l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres.

Par ailleurs, est également prévue la mise en oeuvre, au 1er avril 2018, d'une réforme du barème de participation des personnes protégées, augmentant la part financée par celles-ci.

Cette augmentation masque donc de discrets coups de rabots, qui risquent d'atténuer, voire de neutraliser, l'effet des revalorisations annoncées. Par ailleurs, malgré cette augmentation, le budget ne semble pas être à la hauteur des enjeux de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Les crédits prévus pour 2018 ne semblent effectivement pas à la hauteur des enjeux de la mission.

Si l'on relève un effort louable de sincérité des crédits, après des années de sous-budgétisation, identifiées dans les rapports précédents, il reste que cet effort de rebasage, notamment pour la prime d'activité et l'AAH, ne prend pas en compte la dynamique propre à 2018 et risque d'être insuffisant au vu de l'effet volume de ces prestations.

Autre insuffisance, la non-compensation de la perte des crédits issus de la réserve parlementaire, alors que 6,6 millions d'euros avaient été ouverts en 2017 à ce titre. Il s'agit d'un manque à gagner pour les associations d'aide alimentaire qui ont perçu l'année dernière plus 1,7 million d'euros : Les Restos du coeur avaient ainsi bénéficié de près de 700 000 euros et la banque alimentaire de près de 200 000 euros.

En outre, alors que l'égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat, la légère augmentation du programme masque cependant des situations contrastées, et notamment la baisse regrettable des crédits liés à la lutte contre la prostitution, portée par la loi du 13 avril 2016, qui n'est toujours pas mise en application. La commission départementale supposée se prononcer sur le versement de l'allocation de sortie de la prostitution n'est même pas mise en place dans bien des départements ! Nous saluons la volonté de faire de ce programme une priorité politique, mais il faut également qu'elle se traduise dans les actes, et notamment dans l'exécution budgétaire, puisque ce programme fait l'objet d'une sous-consommation récurrente depuis plusieurs années. Nous veillerons à la bonne exécution de ce programme, dont dépend la réussite des actions menées en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, bien que des enveloppes « exceptionnelles » aient été prévues, elles paraissent insuffisantes à couvrir les dépenses engagées. Il en est ainsi du fonds d'appui aux politiques d'insertion, le FAPI, doté de 50 millions d'euros et surtout du financement exceptionnel de 66,8 millions d'euros alloué aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses d'aide sociale à l'enfance pour les mineurs non accompagnés supplémentaires pris en charge entre le 31 décembre 2016 et 2017. Pour la prise en charge de ces mineurs après l'évaluation de leur minorité, nous n'avons pas trouvé trace des crédits correspondant à l'engagement du Premier ministre. Néanmoins, nous tenons à rappeler devant vous la difficulté - que vous connaissez - dans laquelle se trouvent les départements face à l'afflux croissants de mineurs isolés. Ils étaient 2500 fin 2014, leur nombre est estimé à 25 000 fin 2017. Nous estimons, comme l'a demandé l'assemblée des départements de France, que l'État doit prendre ses responsabilités et assumer ces dépenses qui relèvent, à notre sens, de la politique nationale d'immigration.

Les crédits du programme 124 - qui porte l'ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l'État au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) - diminuent, à périmètre constant, de près de 2 %, les ministères sociaux étant fortement touchés par les mesures d'économies budgétaire.

Ainsi, pour 2018, les dépenses de personnel (titre II) baissent de 9,3 millions d'euros en raison principalement de la poursuite de la réduction des effectifs et les dépenses « support » de 16,5 millions d'euros en crédits de paiement, en raison de gains d'efficience liés à la mutualisation des fonctions supports des ministères sociaux au sein du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. L'optimisation de la politique d'achat ainsi que la politique immobilière des ministères sociaux, qui vise au maintien des sites domaniaux actuels accompagné de la réduction du nombre d'immeubles locatifs privés sont, par ailleurs, des sources d'économie qu'il convient d'encourager. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses de systèmes d'information nous semble cohérente avec l'ensemble de la démarche de rationalisation.

Par ailleurs, la dotation de fonctionnement des ARS, les agences régionales de santé versée par l'État baisse également de 604 à 595 millions d'euros, sous l'effet principalement de la poursuite d'économies en matière de dépenses de personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Quelques mots, dès à présent, sur l'article 63 rattaché à la mission, qui vise d'une part à supprimer, à partir du 1er janvier 2018, la prise en compte des pensions d'invalidité et des rentes d'accident du travail - maladie professionnelle (AT-MP), en tant que revenus professionnels, dans le calcul de la prime d'activité et d'autre part à modifier les conditions de prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité.

La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi - qui avait instauré la prime d'activité au 1er janvier 2016 - l'avait omis. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est venue corriger le tir en ouvrant - sous l'impulsion des associations de personnes handicapées - la prime d'activité, à compter rétroactivement du 1er janvier 2016, aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire et à compter du 1er octobre 2016, aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité ainsi qu'aux personnes bénéficiant d'une rente d'accident du travail-maladie professionnelle, exerçant une activité professionnelle rémunérée.

Le Gouvernement souhaite ainsi revenir sur cette dernière mesure, en excluant les bénéficiaires des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP de la prime d'activité. Cette modification produirait une économie de 20 millions d'euros, justifiée notamment, selon lui, par le faible nombre de bénéficiaires actuels, estimé à 10 000 personnes.

En réalité, ce ne sont pas 10 000 mais 250 000 personnes qui seraient potentiellement concernées par cette disposition. Le Gouvernement ne saurait ainsi justifier la suppression de cette mesure par le nombre restreint de bénéficiaires alors qu'aucune campagne d'information n'a été réalisée ni par lui ni par les caisses (Caisse primaire d'assurance maladie et Mutualité sociale agricole) et que ce dispositif n'existe que depuis le 1er octobre 2016. Par ailleurs, cette économie de 20 millions d'euros est à mettre en regard du coût de la prime d'activité, de plus de 5 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Cet article 63 modifie en outre les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité. La nouvelle rédaction de l'article propose en effet que le montant de l'AAH pris en compte en tant que revenu professionnel soit fixé par décret alors que la loi du 8 août 2016 avait défini son montant, celui d'un salaire mensuel équivalent à 29 SMIC brut horaire. Ce montant avait été légitimement fixé afin de rendre effectif l'accès à la prime à des populations qui subissent majoritairement le sous-emploi et le travail à temps partiel. Cette modification laisse craindre une possible exclusion d'une partie des allocataires de l'AAH.

Au vu de ces observations, nous vous proposerons donc un amendement de suppression de l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Je salue la présence parmi nous de Philippe Mouillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je rejoins les conclusions de mes collègues rapporteurs de la commission des finances. J'avais, l'année dernière, évoqué plus particulièrement le dispositif de la prime d'activité qui, malgré des intentions louables bien que certainement trop ambitieuses, souffrait déjà d'une sous-budgétisation dont il avait fallu rattraper les risques en urgence. Le même risque se présente à nous aujourd'hui, avec le chiffre de 4,99 milliards d'euros qu'annonce le projet de loi de finances pour 2018. Voilà qui devrait permettre la couverture d'un taux de recours financier d'environ 75,4 %. J'insiste sur le mot « financier », car les administrations sont très disertes sur le taux de recours « personnel », qui frôle les 70 %, mais ne disent pas grand-chose de ce même taux appliqué aux montants. Or je rappelle qu'il ne faut pas sous-estimer le recours de ceux, précisément, qui sont éligibles aux plus hauts niveaux de prime d'activité.

J'avais eu également l'occasion de m'interroger sur le double objectif assigné à la prime d'activité : lutte contre la pauvreté ou incitation financière au retour à l'emploi ? Son inscription aux crédits de la mission « Solidarité » ainsi que les hésitations du Gouvernement quant à son impact sur le chômage semblent confirmer qu'il s'agit en fait tout bonnement d'un nouveau minimum social aux allures améliorées. C'est donc à l'aune de ce constat qu'il nous faudra juger de la pertinence de ce dispositif.

Concernant les réformes de l'AAH, je ne peux que souscrire aux propos de mes collègues. Quatre grands risques doivent être identifiés.

D'abord, les conditions du cumul de deux AAH par un couple sont revues à la baisse : le plafond de leurs revenus de remplacement passe de 2 SMIC à 1,8 SMIC. Ensuite, les deux compléments de l'AAH 1 que sont le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome seront fusionnés, conduisant là aussi à leur diminution. L'augmentation du niveau de l'AAH, pour réjouissante qu'aurait été cette mesure si elle ne s'était pas assortie de ces tempéraments, risque également d'avoir un impact négatif sur l'éligibilité de ces publics à la prime d'activité, ce qui serait tout de même un comble.

Enfin, les crédits pour 2018 prévoient une hausse de 15 millions d'euros de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Son rôle est de venir en soutien des rémunérations assurées par les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à leurs employés. Cette augmentation de la GRTH prétend neutraliser les effets de la hausse de la CSG. À ceci près qu'elle a un impact direct sur l'éligibilité du travailleur handicapé à l'AAH, cette dernière étant de nature différentielle : pour trois euros de GRTH en plus, ce sont deux euros d'AAH en moins qui sont versés. L'effet peut être doublement pénalisant. D'abord, la GRTH est imposable à la CSG, ce qui n'est pas le cas de l'AAH : c'est donc à une diminution nette de leurs revenus que sont exposés les travailleurs handicapés employés en ESAT. Ensuite, ce risque pourrait être aggravé par les nouveaux critères de cumul de l'AAH et de la prime d'activité !

Sur tous ces points, je serai amené à déposer des amendements devant la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je m'interroge, en écho à une préoccupation de terrain, sur le fonctionnement des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées. S'est-il amélioré ? Quid du nombre de place en ESAT ? Qu'en est-il de la situation des départements frontaliers ? Je n'oublie pas que dans ceux qui bordent la Belgique, bien des ressortissants français n'ont d'autre choix que de rechercher un accueil de l'autre côté de la frontière. Comme membre de la délégation aux droits des femmes, enfin, je m'interroge sur la diminution des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Il reste pourtant beaucoup à faire dans ce domaine. Sur quels montants peuvent compter les délégations départementales aux droits des femmes ? Même modestes, elles restent mal connues, voire inconnues, ce qui pose un vrai problème de terrain. Même interrogation pour ce qui concerne la lutte contre le harcèlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je reviens sur la question des mineurs non accompagnés, et ses conséquences pour les finances des départements, au terme de la prise en charge des cinq premiers jours par l'État. Sans parler des autres difficultés : structures inadaptées, problèmes sanitaires, insécurité. Et l'on sait, de surcroît, qu'une majorité de ces jeunes sont issus de pays en paix, mais où sévissent des filières clandestines. Qu'en est-il des engagements pris pour accompagner les départements ? Un plan d'action a-t-il été élaboré ?

Autre préoccupation, par laquelle je rejoins Arnaud Bazin, le peu de priorité donné à la lutte contre la prostitution. Je pense en particulier aux aides aux associations, qui pâtissent du manque de crédit et de structures d'accueil. C'est le cas, dans les Hauts-de-France, d'une association comme Le Refuge, qui vient en aide aux jeunes homosexuels en errance, rejetés par leur famille. Quelles actions sont envisagées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Alors que le nombre de mineurs isolés explose du fait des vagues migratoires récentes et que le Gouvernement précédent s'était engagé à prendre les crédits qui leur sont consacrés sur le budget « Immigration, asile et intégration », rien n'a encore été fait. Les départements ne peuvent plus faire face.

Deuxième préoccupation : l'échec total de la réinsertion dans les pays d'origine. Une aide avait été créée pour les travailleurs d'un certain âge qui pourraient être tentés de revenir vers leur pays d'origine. Les crédits passent de 10 millions d'euros à 1 million d'euros. Le fait est que le Gouvernement précédent évaluait le public concerné à 10 000 ou 15 000 personnes, et qu'il n'y en a pas eu, au final, plus de 800 ! L'échec est total. Il en va de même, dans une moindre mesure, des politiques de réinsertion à destination de publics moins âgés menées par l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et d'autres organismes. Preuve que c'est bien la politique d'ensemble, sur ce sujet, qui demande à être repensée, dans la cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je partage les observations formulées dans ce rapport. Sur la politique immobilière, vous y relevez, la réduction du parc locatif privé et les efforts faits pour densifier le parc domanial. C'est une bonne voie, à mon sens, qui mérite d'être poursuivie.

En matière d'informatique, la modernisation et la sécurisation des serveurs des ministères justifieraient une mission transversale, pour rechercher des économies, car les problématiques sont communes.

Comme Roger Karoutchi, enfin, j'estime que la question des mineurs isolés relève moins de l'aide sociale à l'enfance que des politiques migratoires. Ce sont bien souvent des jeunes à la limite des dix-huit ans, qui viennent pour des motifs économiques. Il faut faire tout un tas de test, coûteux, pour démontrer qu'ils sont majeurs.

Le rapport de nos collègues Elisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy (« Mineurs non accompagnés, répondre à l'urgence qui s'installe ») était à mon sens très pertinent : il faut une prise en charge par l'État. Les départements n'ont pas les moyens d'accueillir à leurs frais ce type de population. Dans mon département du Tarn, il a fallu, en juillet, héberger plus de cinquante mineurs isolés dans des hôtels, faute de places en centres d'accueil. Il faut trouver des solutions : je partage pleinement les observations des rapporteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je m'associe à l'hommage rendu à nos rapporteurs et partage également leurs observations. J'insiste, moi aussi, sur les mineurs isolés. C'est une question qui relève de la solidarité nationale, et d'autant plus qu'a été instauré un système de répartition administrative pour décharger certaines zones : dès lors que c'est le ministère de la justice qui décide d'une répartition, les départements sortent de leur vocation sociale pour assurer une sorte de régulation pour le compte de l'État.

Je reviens sur les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire. Le Gouvernement a fait voter un amendement sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour compenser la disparition de cette réserve parlementaire. Mais les crédits relatifs à l'aide alimentaire n'en font pas partie : il faudra régler ce problème, de même que pour les crédits relatifs à l'action extérieure de l'État. Il faudra également être vigilant sur le soutien à l'investissement locatif local lors de l'examen du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je laisserai à Arnaud Bazin, qui a une expérience départementale, le soin de répondre sur la question des mineurs non accompagnés, sur laquelle nous avons longuement échangé.

Les MDPH ne sont plus, Marc Laménie, dans le périmètre de la mission, mais la question a bien sûr été évoquée, car nous connaissons les difficultés, récurrentes, auxquelles se heurtent beaucoup de départements. La situation s'améliore un peu, les délais sont raccourcis, mais on constate encore de fortes disparités entre départements.

Sur les expatriations en Belgique qui était un sujet évoqué les années passées, on en reste, malheureusement, au statu quo : 6 500 personnes se trouvent actuellement en Belgique, en raison - dans la grande majorité des cas - d'un manque de places dans les établissements français.

En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, relevons la création d'un numéro d'appel, le « 39.19 », qui n'est pas anecdotique, car il peut réellement aider. Le responsable de la brigade de gendarmerie de mon territoire, que j'ai rencontré, m'a ainsi appris que sur 2 000 interventions, 40 % concernaient des violences intrafamiliales. Il est également prévu de développer les accueils de jour - au nombre de 121 en 2016 - et les lieux d'écoute et d'orientation - au nombre de 206 à la même date.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Un complément sur les MDPH. La caisse nationale de solidarité (CNSA) pour l'autonomie souhaite faciliter les échanges entre les systèmes informatiques existants. L'un des problèmes auxquels on se heurte tient en effet à l'incomplétude des données, qui nuit à une bonne connaissance de la population concernée. On peut donc espérer un progrès dans les deux ans à venir. Étant entendu qu'il s'agit de tenir compte, ce faisant, des investissements déjà réalisés par les départements dans les systèmes d'information.

Mes fonctions au bureau de l'ADF, l'Association des départements de France, m'ont conduit à m'occuper de la question des mineurs isolés. Nous interpellons les gouvernements sur ce sujet depuis trois ans, avec un succès très relatif. J'estime, pour ma part, que notre pays doit être capable de faire face à la demande de 25 000 mineurs étrangers isolés. Mais le système de l'aide sociale à l'enfance n'est pas adapté, et les budgets des départements n'en peuvent plus : l'ADF estime, fin 2017, la dépense à 1 milliard d'euros. Sans compter les problèmes de sécurité qui se posent. Les maisons d'enfant à caractère social, qui ont pour mission d'accueillir des enfants fragiles enlevés à leur famille par décision de justice, ne sont pas adaptées pour accueillir ces mineurs. N'oublions pas que les départements sont pénalement responsables de ce qui se passe dans ces établissements.

C'est une mission qui relève des pouvoirs régaliens de l'État et doit être mise en oeuvre par lui. Malgré l'annonce du Premier ministre de prendre en charge ces dépenses, aucun crédit n'a été inscrit dans le budget à ce titre pour 2018, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. Je reviens, enfin, sur la question des « filières » : autant il est naturel d'accueillir des mineurs en provenance de pays en guerre où leur existence est en danger, autant ceux qui viennent de « filières », dans une immigration d'origine économique - soit la majorité de ceux que nous rencontrons sur le terrain - relèvent d'une autre logique. Nous connaissons même les tarifs pratiqués dans ces « filières » - 4 000 à 7 000 euros selon les pays -, et la capacité d'adaptation de ces « filières » aux réponses que nous apportons. Cette dimension doit aussi être prise en compte.

Nous attendons donc, sur ce sujet des mineurs isolés, au-delà de la position de principe du Premier ministre, des réponses concrètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous avons rencontré les responsables des Restos du coeur, des banques alimentaires et du Secours populaire : les crédits de la réserve parlementaire, contre laquelle on a engagé un procès malsain, que j'ai toujours combattu, représentaient une somme importante pour eux : près de 200 000 euros pour la Banque alimentaire et 70 000 euros pour les Restos du coeur en 2017. Cela va poser une vraie difficulté, et le rapporteur général a raison de le souligner. Il va falloir trouver une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous allons maintenant voter sur les amendements, les articles rattachés et les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

S'agissant de l'article 63 rattaché à la mission, nous avons déjà exposé les raisons de notre amendement qui propose la suppression de cet article.

L'amendement de suppression n° 1 de l'article 63 est adopté. La commission décide de proposer au Sénat de supprimer cet article.

Dans la nuit, l'Assemblée a adopté un article additionnel rattaché à la mission, il s'agit de l'article 64. Il vise à compléter le document de politique transversale relatif à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes par le suivi de trois dispositifs visant à sanctionner des comportements contrevenant à l'égalité.

Nous vous proposons l'adoption de cet article sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 64.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Mon amendement n° 2 tire les conséquences de l'amendement de suppression de l'article 63 rattaché à la mission. Il prévoit de compenser l'économie non réalisée sur la prime d'activité estimée à 20 millions d'euros, en diminuant, à même hauteur, les crédits relatifs aux dépenses de fonctionnement et d'immobilier des ministères sociaux, portées par le programme 124.

En effet, comme je vous l'ai indiqué, des gains de productivité et d'efficience sont attendus en 2018, s'agissant notamment de la politique d'achat et surtout de la politique immobilière. Par ailleurs, ce programme fait l'objet d'annulations régulières par le Gouvernement en gestion : le dernier décret d'avance de juillet 2017 avait procédé à une annulation de 59,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 69,7 millions d'euros en crédits de paiement.

L'amendement n°2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

C'est ici que nos chemins se séparent. J'ai voté contre cet amendement puisque je vous propose de rejeter les crédits de la mission.