Je voudrais dire un mot sur la politique familiale.
Je comprends l’attachement de chacun à l’universalité des droits ; je comprends aussi qu’il faut impérativement que ce pays affiche une politique familiale ambitieuse, et je la soutiendrai.
Nous avons, me semble-t-il, trois défis à relever, qui ont évolué avec le temps.
Se pose tout d’abord le problème de la baisse progressive de la natalité. Toutefois, celle-ci ne s’explique peut-être pas pour les raisons qui sont évoquées, à savoir la baisse du niveau des allocations. Je ne suis pas sûre que les familles renoncent aujourd’hui à faire un enfant pour des raisons budgétaires. Ce choix s’explique plus souvent par une difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle, ou encore par une perte de confiance dans l’avenir, la perspective d’un monde angoissant, qui change rapidement et qui peut faire peur à de jeunes couples.
Ensuite, les familles ont changé. Beaucoup de femmes, mais aussi d’hommes, souhaitent maintenant concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. C’est un vrai sujet pour les femmes aujourd’hui, notamment pour les familles monoparentales, qui sont nombreuses et au sein desquelles les mères ont de très grosses difficultés à accéder à l’emploi. J’y reviendrai, mais je pense qu’élever seule des enfants dans le monde actuel est une source d’angoisse, d’instabilité et de précarité.
Enfin, nous sommes confrontés à la pauvreté des enfants, une spécificité française. Le visage de la pauvreté a changé ces dernières années, avec 3 millions d’enfants et 36 % des familles monoparentales qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et 70 % des enfants de ces familles qui sont pauvres. La France n’a pas réussi à inverser ce cercle vicieux de la pauvreté, contrairement à d’autres pays. Nous devons en sortir et donner à ces enfants des perspectives d’avenir, car nous savons que, en l’état actuel de l’organisation de la société, les enfants pauvres d’aujourd’hui seront les pauvres de demain.
Baisse de la natalité, problèmes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, problème de pauvreté des familles monoparentales et des enfants : voilà trois défis importants que nous devons relever collectivement.
Je souhaite que nous rouvrions un débat sur la politique familiale et que nous définissions ensemble les objectifs que nous fixons à celle-ci.
Si l’universalité est, in fine, la réponse pour atteindre les objectifs que nous nous fixerons, dont acte. Mais il me semble que nous ne pouvons pas perdre de vue aujourd’hui les familles monoparentales et les familles pauvres. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, pour ce premier PLFSS du quinquennat, afficher l’urgence qu’il y avait à agir en la matière.
Nous ne pouvons absolument pas tolérer que 70 % des enfants élevés dans des familles monoparentales vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.
J’en ai donc fait une priorité, d’où l’augmentation de l’allocation de soutien familial, qui va toucher 750 000 familles monoparentales. J’ai également, grâce aux mesures d’économies proposées, dégelé la prime à la naissance : 550 000 familles seront concernées.
Nous allons pouvoir augmenter le complément familial majoré de 17 euros, ce qui concernera 450 000 familles nombreuses, certes.
Je rappelle que les différentes mesures à destination des familles qui vous sont présentées représentent un surcroît de dépenses de 70 millions d’euros pour l’année 2018. C’est donc un effort réel, certes en faveur des familles monoparentales et nombreuses, mais ce sont aussi les familles plus pauvres.
Je ne veux pas qu’on réduise la question de la PAJE à une mesure d’économie. C’est aussi une mesure de simplification. Je m’étonne que personne ne se soit jamais questionné, depuis toutes ces années, sur la différence des plafonds de ressources requis pour recevoir la PAJE et le complément familial. Pourquoi ces plafonds n’ont-ils jamais été harmonisés ?
Comment une famille pourrait-elle comprendre qu’elle bénéficie d’une allocation de base de la PAJE seulement jusqu’à l’âge de trois ans, comme si un enfant coûtait moins cher par la suite – on sait tous ici que c’est l’inverse ? Après les trois ans de l’enfant, le plafond de ressources nécessaire pour toucher le complément familial majoré diminuait.
On aligne ces deux plafonds…