Intervention de Valérie Létard

Réunion du 22 janvier 2008 à 16h00
Santé au travail des salariés et risques professionnels — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Valérie Létard, secrétaire d'État :

En effet, madame le sénateur.

Nous sommes d'accord avec ce qui motivait cette proposition : il ne faut pas exonérer les employeurs de leurs responsabilités et se priver de l'effet incitatif que la tarification peut avoir sur la prévention, vous avez raison.

Tel est aussi le cas des sanctions sous forme de cotisations supplémentaires imposées aux employeurs qui ne respectent pas leurs obligations de santé et de sécurité, dont il est question à l'article 4 de la proposition de loi. En effet, les contrôleurs de sécurité disposent déjà du pouvoir d'imposer des cotisations supplémentaires dans le cas d'un risque exceptionnel ou d'un risque avéré résultant d'une infraction aux règles de sécurité.

Il en est de même de la possibilité pour l'inspecteur du travail d'imposer la création d'un CHSCT, dans les établissements de moins de cinquante salariés en raison de la nature des travaux ou de leur agencement.

Quant aux CHSCT de site, vous savez qu'il existe aujourd'hui des CHSCT élargis pour les entreprises à haut risque de type « Seveso ». Ce dispositif sera prochainement étendu aux installations nucléaires de base. Un projet de décret en ce sens est actuellement examiné par le Conseil d'État.

S'agissant de la transmission du document unique d'évaluation des risques professionnels, le code du travail prévoit d'ores et déjà qu'il est mis à la disposition des membres du CHSCT. Cette disposition nous semblant suffisante pour assurer les droits à l'information du CHSCT, il ne paraît pas nécessaire de prévoir une remise en main propre de ce document.

Quant à la proposition, qui est faite à l'article 19, de mettre en place dans chaque caisse primaire d'assurance maladie un service chargé de l'accueil et de l'accompagnement des victimes d'AT-MP, elle a déjà rencontré un écho favorable au sein de la branche. La convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP prévoit en effet diverses expérimentations dans le but de « mettre en place une procédure d'accompagnement des victimes dans leurs démarches relatives à une maladie professionnelle ».

Il nous paraît donc préférable d'attendre les résultats de ces expérimentations, actuellement menées en Bretagne et en Normandie depuis le mois de septembre dernier, avant d'en prévoir la généralisation.

Sur d'autres sujets, les partenaires sociaux ont déjà négocié des accords qu'il n'est pas souhaitable de remettre en cause.

Tout d'abord, concernant la gouvernance de la branche AT-MP, vous proposez de remettre en cause sa gestion paritaire. Or, en mars 2006, les partenaires sociaux ont adopté un accord aux termes duquel ils ont précisément rappelé leur attachement au maintien d'un paritarisme strict au sein de la branche.

C'est également le principe de la réparation forfaitaire, qui, je le rappelle, est la contrepartie de la présomption d'imputabilité dont bénéficient tous les accidents du travail et maladies professionnelles.

Vous proposez le basculement en faveur d'un dispositif de réparation intégrale. Mais, en 2004, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, a démontré que ce système ne serait pas systématiquement plus favorable que la réparation forfaitaire actuelle et qu'il y aurait même des perdants potentiels, parmi lesquels les victimes de maladies professionnelles avec faible taux d'incapacité et les victimes de maladies professionnelles retraitées.

Il n'en reste pas moins qu'il est possible, et même souhaitable, de faire évoluer les règles d'indemnisation en matière d'AT-MP.

C'est justement ce qu'ont voulu les partenaires sociaux en signant les accords d'avril 2007, dans lesquels ils proposent une indemnisation forfaitaire qui soit davantage personnalisée pour mieux tenir compte, par exemple, du préjudice professionnel.

Dans ce cadre, la semaine dernière, Xavier Bertrand et moi-même avons missionné la direction de la sécurité sociale pour qu'elle étudie, avec les partenaires sociaux et les associations de victimes, les possibilités de transposer ces dispositions, parmi lesquelles celles qui visent à une réparation « personnalisée et améliorée ».

Dans un autre domaine, il est proposé à l'article 5 de subordonner la décision d'octroi de ristourne sur les cotisations à l'avis du CHSCT.

Madame Demessine, je vous rappelle qu'aujourd'hui les ristournes sont accordées sur décision de la CRAM après avis du CHSCT, ou bien, à défaut, des délégués du personnel, et sur avis favorable des comités techniques où siègent les partenaires sociaux. L'implication de ces derniers nous paraît donc suffisante dans ce dispositif.

Mais les partenaires sociaux se saisiront prochainement d'autres sujets, à la suite de la conférence sur les conditions de travail.

Vous proposez une série de réformes afin, d'une part, d'étendre les compétences des CHSCT, de modifier leurs possibilités d'intervention et, d'autre part, de revoir les dispositifs d'alerte.

Or c'est justement le thème des prochaines négociations sociales que Xavier Bertrand a demandé aux partenaires sociaux de mettre en place à la suite de la conférence sur les conditions de travail du 4 octobre dernier. Un document d'orientation en ce sens leur a été adressé le 22 novembre dernier et une réponse sur l'ouverture prochaine de ces négociations est attendue, de leur part, à court terme.

Enfin, la proposition de loi aborde des sujets pour lesquels une procédure de réforme est actuellement en cours. Je pense à la médecine du travail et au FCAATA.

Madame Demessine, vous proposez une réforme d'envergure des services de santé au travail et du régime de l'aptitude. Or vous n'ignorez pas qu'une réforme de la médecine du travail a été engagée en 2002, qui a donné naissance aux services de santé au travail et a permis de moderniser les missions et les modes d'intervention des médecins du travail en les orientant davantage vers une culture de promotion de la santé en milieu de travail.

Tous les acteurs se sont mobilisés pour faire vivre cette réforme et je tiens à leur rendre un hommage particulier.

Les services de santé se sont ainsi engagés dans la voie de la pluridisciplinarité en s'élargissant aux intervenants en prévention des risques professionnels, les IPRP. D'ores et déjà, plus de 1 750 spécialistes ont été habilités, qu'ils soient ergonomes, ingénieurs sécurité, psychiatres, psychologues, toxicologues ou épidémiologistes.

Jusqu'à cette réforme, pour nombre d'entreprises, surtout les plus petites, la médecine du travail était assimilée à la seule visite médicale et aux cotisations annuelles. Avec la réforme, le médecin du travail peut aujourd'hui apporter aux entreprises et à leurs salariés une aide à l'évaluation des risques professionnels, à la formation et à l'information en matière de prévention.

Dans un contexte où la démographie médicale est particulièrement défavorable, il était donc important d'effectuer rapidement une première évaluation du dispositif issu de la réforme. Cette mission a été confiée à un groupe pluraliste composé de représentants de l'IGAS, de l'IGAENR, c'est-à-dire l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, et de deux professeurs de médecine du travail, les professeurs Conso et Frimat.

Le 5 novembre dernier, Xavier Bertrand et moi-même avons rendu public leur rapport.

Par ailleurs, d'autres réflexions ont été engagées : l'une sur l'aptitude, avec le rapport Gosselin, remis en janvier 2007, et l'autre sur la pluridisciplinarité, au sujet de laquelle un rapport d'audit a été transmis aux partenaires sociaux la semaine dernière.

Un grand nombre de propositions ont été formulées dans ces rapports. Le cabinet de Xavier Bertrand conduit actuellement une série de consultations avec les acteurs de la médecine du travail et les partenaires sociaux afin de faire des propositions d'orientation pour la poursuite de la réforme des services de santé d'ici à la fin du présent trimestre.

Xavier Bertrand s'est engagé à ce que ces propositions fassent l'objet d'une vaste concertation à l'occasion d'une seconde conférence sur les conditions de travail, au printemps prochain.

C'est dire si le problème de l'avenir de la médecine du travail, le rôle qu'on souhaite lui faire jouer au service de la prévention et de la protection des salariés, est étudié avec sérieux et avec le souci d'écouter chacun des acteurs.

Mais il ne faut pas préempter ces discussions en cours. De surcroît, madame Demessine, vous proposez une piste radicale consistant à étatiser la médecine du travail en créant une agence nationale de santé au travail. Or il n'est pas certain que la transformation des médecins du travail en agents publics leur permettrait d'agir avec plus d'efficacité dans les entreprises ; ce statut risquerait même de rompre le lien de confiance indispensable que le médecin doit établir à équidistance entre les salariés et l'employeur.

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