Intervention de Gérard Collomb

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 novembre 2017 à 17h55
Projet de loi de finances pour 2018 — Audition de M. Gérard Collomb ministre d'état ministre de l'intérieur et de Mme Jacqueline Gourault ministre auprès du ministre d'état ministre de l'intérieur

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les rapporteurs, avant de laisser la parole à Jacqueline Gourault, qui évoquera les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je veux vous présenter les grands axes du budget du ministère de l'intérieur et des trois missions qui le composent, la mission « Sécurités », la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE), et la mission « Immigration, asile et intégration ».

Ces crédits, comme vous l'avez vu, augmentent globalement de 1,5 % en 2018 et de 6,8 %, hors dépenses de personnel par rapport à 2017.

Dans le contexte d'une réduction prononcée des dépenses de l'État dans ce projet de loi de finances, cette augmentation est donc particulièrement significative. Elle reflète la conscience qu'ont le Président de la République et le Gouvernement de l'importance des actions accomplies par le ministère de l'intérieur - et surtout de l'importance des politiques qu'il porte.

Pour commencer, s'agissant de la mission « Sécurités », le budget est je crois à la hauteur de nos ambitions, puisque les crédits de la mission « Sécurités » augmentent en effet de 1,5 % en 2018 par rapport à 2017.

Si l'on prend un peu de recul, on s'aperçoit que des augmentations assez importantes ont eu lieu au cours des trois dernières années, après une période au cours de laquelle les crédits de la sécurité et les effectifs de gendarmerie et de police ont baissé considérablement.

Par rapport à 2015, on constate que les crédits de personnel sont en hausse de 7,3 %, soit 710 millions d'euros. Plus encore, le budget de fonctionnement et d'investissement des services est en hausse de près de 18 % par rapport à 2015, soit 440 millions d'euros.

Le message est donc clair : nous consolidons non seulement les efforts passés, mais nous les accentuons.

Cette évolution à la hausse est importante. Elle signifie que les moyens supplémentaires exceptionnels obtenus ces dernières années suite aux attentats sont aujourd'hui, pour l'essentiel, consolidés.

L'effort du Gouvernement dans le domaine de la sécurité est donc conséquent.

En matière d'emplois, conformément aux engagements du Président de la République, nous procéderons, sur le quinquennat, à 10 000 créations d'emplois, de manière à restaurer les capacités des forces de sécurité. Nous demeurerons toutefois en dessous du niveau de 2007.

En 2018, nous procéderons au recrutement d'environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et de 400 personnes pour la direction générale de la sécurité intérieure et le renseignement territorial.

S'agissant de l'équipement des forces de sécurité, avec 230 millions d'euros de crédits dans les deux forces, le niveau atteint est équivalent à celui de deux dernières années, qui avaient bénéficié elles aussi de l'appui de plans exceptionnels.

Ce budget nous permettra d'investir dans de nouveaux équipements pour les personnels mais, en même temps, dans la révolution numérique, qui est extrêmement importante. Peut-être y aura-t-il tout à l'heure des questions sur la police de sécurité du quotidien (PSQ)...

La gendarmerie dispose d'ores et déjà de 67 000 tablettes ou Smartphone. La police sera, elle aussi, dotée, l'an prochain, de 22 000 tablettes, ainsi que de caméras-piétons, essentielles pour réussir la politique que nous voulons mener en matière de sécurité.

Nous avons également décidé de faire de l'immobilier un axe fort de notre budget. Comme moi, vous lisez l'actualité. Vous avez vu qu'un certain nombre de policiers et de gendarmes se plaignent de la dégradation de leur commissariat ou de leur caserne. Nous avons décidé de faire, en la matière, un effort extrêmement important.

Les budgets immobiliers sont donc en forte augmentation : 196 millions d'euros pour la police nationale, soit une augmentation de 5,4 %, 100 millions d'euros pour la gendarmerie nationale, soit une augmentation de 9 %.

Par ailleurs, nous avons souhaité pouvoir largement déconcentrer ces crédits au niveau des responsables locaux, afin qu'ils puissent disposer d'une plus grande marge de manoeuvre dans l'utilisation des fonds.

L'an dernier, 19 millions d'euros avaient été transférés au niveau local. Cette année, ce transfert sera de 45 millions d'euros. Ceci devrait contribuer à un meilleur entretien des locaux professionnels des policiers et gendarmes.

Enfin, concernant les moyens de la sécurité civile, je tiens à signaler combien le budget pour 2018 est exceptionnel. Il comprend en effet 404 millions d'euros d'autorisations d'engagement, pour financer en particulier le renouvellement de notre flotte d'avions bombardiers d'eau, décision que nous avons prise dans le courant de l'été. C'est un investissement indispensable.

Pour les préfectures, avec 2,1 milliards d'euros de crédits, le budget de la mission « AGTE » est stable, en diminution de 0,2 %.

Les missions accomplies par le réseau préfectoral sont à mes yeux fondamentales. Je le sais, tout comme vous, en tant qu'élu local, et je le mesure aussi désormais en tant que ministre de l'intérieur. Il faut que les préfets disposent d'une autorité forte face à des collectivités locales elles-mêmes renforcées.

C'est chez moi une conviction profonde. C'est pourquoi j'ai souhaité que le budget des préfectures soit préservé, avec 1,22 milliard d'euros de crédits.

Ce budget prévoit certaines réductions d'emplois, à hauteur de 415 ETP pour 2018, moins que les 800 suppressions initialement prévues. C'est également nettement moins que les 700 emplois par an qui avaient été réclamés lors de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Comment atteindre cet objectif ? En mettant en oeuvre certaines réformes structurelles qui, pour certaines, ont déjà été prévues par le passé... Elles entrent en vigueur en ce moment.

Tout d'abord, nous achèverons de mettre en oeuvre le plan « Préfectures nouvelle génération », décidé en décembre 2015. Cette réforme repose, comme vous le savez, sur la numérisation des procédures de délivrance de titres et sur leur simplification. Elle a permis de redéployer 1 000 agents sur les missions prioritaires des préfectures - contrôle de légalité, gestion des crises, lutte contre la fraude et coordination des politiques publiques. 1 300 autres emplois budgétaires ont été restitués au budget général.

La mise en oeuvre de cette réforme est évidemment d'une grande actualité. Depuis la semaine dernière, de nouvelles télé-procédures concernant les demandes de cartes grises et de permis de conduire sont déployées. Toutes les démarches qui concernent l'immatriculation des véhicules et le permis de conduire pourront désormais être réalisées de manière dématérialisée.

Nous engagerons ensuite une réflexion plus globale sur l'administration territoriale de l'État, dans les départements, dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Il s'agit de mutualiser un certain nombre de fonctions supports, de faire évoluer les organisations, potentiellement de manière différenciée. Je suis en effet de ceux - mais c'est peut-être le Sénat qui me l'a enseigné - qui pensent qu'il existe une diversité des territoires et que l'action publique ne saurait être uniforme.

Par ailleurs, au-delà des missions prioritaires du plan « Préfectures nouvelle génération », ce budget permettra de renforcer les services des étrangers et de l'asile, avec 150 recrutements de personnels titulaires, absolument nécessaires pour tenir nos objectifs en matière d'asile et d'immigration.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent quant à eux de 285 millions d'euros, soit une hausse de 26 % en crédits de paiement. Cette augmentation concerne les deux programmes de la mission. Avec une augmentation de 242 millions d'euros, soit 28,2 %, le programme 303 « Immigration et asile » atteindra 1,1 milliard d'euros. Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », avec une augmentation de 18 %, soit 43 millions d'euros, atteindra 283 millions d'euros.

Pourquoi une telle évolution ? Tout d'abord, conformément à la philosophie du Gouvernement, et à la mienne en particulier, j'ai voulu un budget sincère. Le budget que nous vous proposons comprend des crédits à la hauteur des dépenses attendues.

Par le passé, les crédits du programme « Immigration et asile » ont été systématiquement sous-évalués par rapport aux besoins. En 2016, par exemple, il avait fallu ouvrir en urgence 101 millions d'euros de crédits en fin d'année, c'est-à-dire près de 14 % des crédits votés par le Parlement !

Dans le projet de loi de finances pour 2018, nous avons donc souhaité budgéter à leur juste niveau les dépenses qui concernent l'asile.

La dynamique de flux migratoires demeure soutenue, ce qui conduit mécaniquement à une hausse des dépenses.

En 2017, sur les six premiers mois de l'année, l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile est de 12 % par rapport à l'an passé. 40 % ont déjà demandé l'asile dans un autre pays et en ont souvent été déboutés. Ceci montre l'importance des « Dublinés ». Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pour prendre en compte cette situation, nous allons donc créer en 2018 4 000 places pour l'hébergement des demandeurs d'asile, soit 1 500 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et 2 500 places d'hébergement d'urgence.

Nous créerons, par ailleurs, 3 000 places de centres provisoires d'hébergement pour les réfugiés, ce qui constitue une augmentation significative des moyens.

Dans le même programme 303, l'enseignement du français bénéficiera de crédits importants. Nous voulons accueillir sans doute moins, mais mieux, et faire en sorte que l'on puisse intégrer ceux que l'on accueille dans notre société.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, les financements alloués aux actions d'intégration augmenteront de 44 %, ce qui représente un effort de 8 millions d'euros.

À moyen terme, la croissance de ces dépenses sera stabilisée grâce aux mesures visant à définir une nouvelle politique d'asile et d'immigration, dont l'objectif sera de réduire nos délais et de les aligner sensiblement sur ceux constatés dans les autres pays européens.

Le Président de la République a annoncé que nous souhaitions réduire le délai de traitement des demandes d'asile à six mois. Nous préférons décider rapidement qui a droit à l'asile et qui n'y a pas droit. Il est en effet plus facile d'éloigner les gens qui ne sont restés que six mois en France que ceux qui y séjournent depuis deux ou trois ans.

Nous luttons également contre l'immigration irrégulière. Depuis le début de l'année 2017, les éloignements d'étrangers en situation irrégulière ont augmenté de 6,5 %. Les transferts de « Dublinés » ont même augmenté de 123 %.

Des moyens budgétaires importants ont été mis à la disposition des opérateurs et sont renforcés dans le présent projet de loi de finances. C'est ainsi que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) se verra octroyer 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, soit 5 millions d'euros de budget. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) recevra 35 ETP de plus, soit 18 millions d'euros de budget, et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) 51 ETP supplémentaires.

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