Nous voudrions insister ici sur quelques points qui nous tiennent particulièrement à cœur.
Le groupe du RDSE est particulièrement attentif aux enjeux territoriaux, qui sont une des clefs de la réussite de la transition énergétique à mener – Nicolas Hulot l’a rappelé hier au congrès des maires.
Nous voudrions ainsi tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, insister sur la question des territoires économiquement impactés par cette transition : ceux qui accueillent des tranches au charbon, dont le Président de la République a répété, à la tribune de la COP23, qu’il souhaitait les fermer avant 2021, ceux qui connaîtront la fermeture de sites nucléaires, ce qui ne concerne pas seulement Fessenheim, mais aussi – on y pense moins – les grands sites pétrochimiques, qui doivent dès aujourd’hui anticiper la fin des mobilités fossiles, du diesel et de l’essence.
La Hollande vient d’annoncer la fin des véhicules thermiques pour 2030, la France l’annonce pour 2040 ; à ce développement désormais prévisible de la mobilité électrique s’ajoute la perspective d’une transition possible, via le gaz, pour la mobilité des poids lourds.
Tout cela conduit à une baisse régulière des activités de raffinage, c’est une évidence – il faut s’y préparer, il faut anticiper. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà eu l’occasion d’en parler : vous annoncez, avec les contrats de transition écologique, un accompagnement des territoires les plus impactés. Il s’agit d’une mesure extrêmement intéressante.
Toutefois, pouvez-vous dès aujourd’hui nous préciser un peu quels seront les critères de sélection de ces territoires ?
Je viens de citer un certain nombre de ces territoires, mais d’autres territoires, spécialisés dans d’autres types d’activité, auxquels nous n’avons pas encore pensé, seront peut-être aussi fortement affectés. Prenons par exemple les grands sites pétrochimiques, leurs activités portuaires et de raffinage ; si, comme en Loire-Atlantique, mon département, se trouve aussi au même endroit une centrale à charbon, des milliers d’emplois seront impactés, les coûts se comptant en centaines de millions d’euros pour les économies locales.
Ces mutations sont inéluctables, mais doivent être anticipées de très loin. À ce titre, nous sommes très curieux de connaître la méthodologie que vous comptez développer pour sélectionner et, demain, accompagner financièrement ces territoires.
Quant à tous les autres territoires, ils sont prêts, pour beaucoup d’entre eux, à s’engager dans cette transition, comme l’a montré le succès de l’appel à projet des TEPCV, les territoires à énergie positive pour la croissance verte, et l’émotion suscitée par les difficultés de leur financement. Le Gouvernement a récemment annoncé une enveloppe supplémentaire de l’État, mais Raymond Vall aura l’occasion de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur la manière dont vous comptez précisément répondre à cet enjeu et honorer la parole de l’État dans le cadre des contrats déjà signés.
Au-delà des TEPCV, la question de l’accompagnement de l’ensemble des territoires reste posée. Dans la loi relative à la transition énergétique et dans les lois de décentralisation, nous avons posé un acte fort – le Sénat y a pris sa part –, en rendant obligatoires les plans climat-air-énergie territoriaux, ou PCAET, pour toutes les intercommunalités françaises, et en demandant à ces dernières de construire leurs objectifs en cohérence avec les engagements internationaux de la France, ce qui signifie quand même une baisse des émissions de 40 % d’ici à 2030 – ce n’est pas rien !
Vous n’ignorez pas, monsieur le secrétaire d’État, le travail engagé par tous les réseaux de collectivités territoriales pour vous proposer une affectation systématique d’une fraction du produit de la contribution climat-énergie, la CCE, à toutes les intercommunalités et régions ayant adopté respectivement un PCAET et un schéma régional climat-air-énergie, ou SRCAE, ce dernier étant désormais intégré dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire, ou SRADDET. Nous en avions d’ailleurs voté très majoritairement le principe au Sénat, l’année dernière ; il ne nous aura manqué que quatre voix à l’Assemblée nationale pour l’inscrire dans la loi. Mais nous comptons y revenir !
Surtout, avec la décision courageuse et très volontaire du Gouvernement sur l’augmentation de la contribution climat-énergie, la situation nous semble aujourd’hui beaucoup plus favorable que par le passé à la mise en place de ce mécanisme, l’augmentation de la CCE devant rapporter à l’État, sur la durée du mandat – j’insiste sur ce chiffre –, 12 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui n’est pas, là non plus, tout à fait rien.
Nous vous alertons, monsieur le secrétaire d’État, sur un point : cette contribution ne sera pas payée par tous de la même manière. En effet, seront tout particulièrement mis à contribution les habitants des milieux ruraux ou périurbains, disposant de peu d’offres de transport public et se déplaçant beaucoup avec leur véhicule, ou encore les ménages précaires, qui n’ont pas les moyens d’investir dans la rénovation de leur habitat ou le changement de leur chauffage au fioul. Or cette augmentation ne sera socialement acceptable que si nous avons les moyens, dans les territoires, d’augmenter l’offre de transport public ou d’accompagner les dispositifs nationaux de réhabilitation.
Ainsi, l’affectation d’une part raisonnable de cette recette aux intercommunalités, dans le cadre d’une contractualisation visant à engager des actions précises, telle que le Gouvernement souhaite la mettre en place, nous semble juste et de bon sens ; elle est nécessaire si nous voulons diminuer rapidement nos émissions de gaz à effet de serre, comme la France s’y engage.
Sans demander de votre part, ici, un engagement définitif – nous avons encore quelques jours devant nous –, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous communiquer quelques éléments sur l’état de la réflexion du Gouvernement en la matière.
Dernier point – je m’en tiendrai là pour cet après-midi, mais beaucoup d’autres mériteraient d’être abordés : la dimension européenne de ce débat, autre priorité du RDSE, qui porte l’Europe dans ses gènes politiques.