Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier pour l’occasion que ce débat nous offre d’aborder ce vaste sujet de l’énergie.
M. le sénateur Dantec, vous m’avez interpellé sur les mille aspects de ce débat. Je vais tenter de faire de la pédagogie en expliquant, à l’aune des six mois de l’action gouvernementale, le sens de cette dernière. Je crois savoir que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre d’État auront l’occasion, dans les jours ou semaines qui viennent, de préciser encore un certain nombre de points.
Je sais combien la Haute Assemblée et les élus qui la composent sont sensibles à ce sujet, qui est un sujet stratégique, parfois abordé, malheureusement, de manière un peu caricaturale, là où il conviendrait d’adopter une approche scientifique.
Parler de l’énergie, c’est parler de la France, de sa sécurité, de son indépendance et de sa souveraineté. C’est parler de ses relations internationales, européennes au premier chef – nous y reviendrons –, mais également mondiales, dans le cadre des négociations climatiques – vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur Dantec. Le discours du Président de la République, la semaine dernière, à Bonn, dans le cadre de la COP23, l’a encore illustré.
Parler de l’énergie, c’est parler – vous l’avez dit – de nos territoires, de leur aménagement et de leur développement, de leur beauté, à travers la question des paysages, du littoral, du patrimoine. Et c’est parler des Français, qui règlent chaque mois leur facture de gaz et d’électricité, et paient, le cas échéant, le carburant pour leur véhicule ou le combustible pour leur chauffage.
La politique conduite par le Gouvernement, et en premier lieu par le ministre d’État Nicolas Hulot, sous l’autorité du Premier ministre Édouard Philippe, se décline, sous tous ses aspects, selon deux principes simples : la prévisibilité et la sincérité.
La prévisibilité est une condition absolue pour les acteurs du secteur, privés comme publics. C’est le sens de la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont nous parlerons beaucoup en 2018 – vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement souhaite associer le Sénat de manière très étroite à son élaboration.
La sincérité va de pair avec la prévisibilité ; elle est une des exigences qui président à l’action du Gouvernement. D’aucuns diront que cette sincérité a un coût – nous l’avons vu, tout récemment, avec la publication du rapport de RTE, Réseau de transport d’électricité, et les déclarations du ministre d’État sur la date à laquelle nous atteindrons l’objectif de 50 % d’électricité d’origine nucléaire. Ce coût de la sincérité, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le coût d’un investissement destiné à ce que nous construisions tous ensemble sur des bases solides.
Le débat d’aujourd’hui – je vous remercie encore de l’avoir organisé – est ainsi l’occasion d’éclairer cette politique dans sa cohérence globale – c’est là le plus difficile.
Commençons donc par le commencement, c’est-à-dire par la question des énergies fossiles. Le débat parlementaire sur le projet de loi Hydrocarbures se poursuit. Par-delà les divergences qui s’expriment, l’ambition de la France est claire : nous serons le premier pays au monde s’imposant à lui-même de laisser ses hydrocarbures sous le sol.
Avec la présentation du plan Climat, en juillet dernier, nous avions déjà annoncé notre intention de ne plus produire d’électricité à partir de charbon – j’aurai l’occasion d’y revenir. Cet engagement de la France a trouvé un écho sur la scène internationale avec la constitution d’une coalition pour la sortie du charbon, issue de la COP23 et incluant le Canada et le Royaume-Uni.
Enfin, cet engagement se décline concrètement dans l’accélération de la trajectoire carbone, qui paraît peut-être une évidence aujourd’hui, mais ne l’était pas encore il y a seulement quelques semaines ou quelques mois. La taxe carbone passera à 44 euros par tonne de CO2 au 1er janvier 2018, contre 30, 5 euros par tonne aujourd’hui.
Ce sujet des énergies fossiles est indissociable de celui des transports, qui en sont les premiers consommateurs et représentent, excusez du peu, 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Pour briser notre dépendance aux hydrocarbures, des solutions alternatives existent. Je pense naturellement au développement des véhicules électriques. Mais je pense aussi au gaz naturel pour véhicules, le GNV, dont nous soutenons le développement – un appel à projets inscrit dans le programme d’investissements d’avenir, le PIA, pourrait aboutir, dans les toutes prochaines semaines, à la création d’une centaine de nouvelles stations d’avitaillement et au soutien à l’achat de plus de 2 000 véhicules. Nous discutons en outre actuellement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, de nouvelles mesures fiscales de soutien au GNV.
Ces sujets sont débattus dans le cadre des Assises de la mobilité, avec pour objectif, évidemment, de soutenir les nouveaux carburants, mais surtout d’imaginer des modèles de mobilité différents : intermodalité ou plateformes de partage en faveur des mobilités du quotidien, autant de solutions qui permettent de diminuer nos consommations de carburant.
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs : à l’arrière-plan, c’est la question de l’innovation qui se joue. Et nous avons tous à l’esprit diverses perspectives de développement, notamment de l’hydrogène.
De ce point de vue, les transports sont plutôt un exemple. Il ne suffit pas d’inventer de nouvelles sources d’énergie ; il faut aussi en consommer moins.
En matière d’énergie, la sobriété – ce mot fait en ce moment son apparition dans le discours public sur l’énergie – est et sera la condition et le gage de notre souveraineté. C’est pourquoi le ministre d’État annoncera dans les prochains jours le début des concertations sur un plan majeur de rénovation thermique des bâtiments. Ce plan représentera un effort d’investissement de 9 milliards d’euros, intégré au grand plan d’investissement ; il s’agit d’une somme sanctuarisée, politiquement protégée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le combat pour la maîtrise de notre consommation d’énergie se joue aussi dans l’innovation – je le disais à l’instant s’agissant des mobilités.
Les champs ouverts par la révolution numérique sont immenses, qu’il s’agisse des transports – nous l’avons dit –, de l’autoconsommation, des réseaux intelligents, de l’effacement de pointe dans la gestion des réseaux électriques, avec pour ligne de mire la recherche sur le stockage. On le sait, le stockage de l’électricité est désormais le palier technologique, le nœud à franchir, qui déterminera le mix électrique qui sera le nôtre à l’avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est seulement dans ce cadre global, comprenant réduction de la dépendance aux ressources fossiles, maîtrise de notre consommation d’énergie et progrès technologiques, qu’il faut aborder la question du mix électrique, et donc, en premier lieu, la question du nucléaire. En la matière, un point, me semble-t-il, fera consensus : il s’agit bien sûr de la sécurité et de la sûreté, qui demeurent, dans le modèle français, une priorité partagée et absolue.
Pour le reste, la question posée est celle de la place de l’atome dans notre mix électrique. Cette question se pose à la France comme à tous les pays qui maîtrisent aujourd’hui l’énergie atomique. L’orientation de la loi de transition énergétique est maintenue : nous ciblons toujours 50 % d’énergie nucléaire, mais à un horizon réaliste, sincère, disais-je, que nous définirons dans le cadre de la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie, en le fixant à 2030, à 2035, en tout cas le plus tôt possible, monsieur le sénateur Dantec.
Pour y parvenir, nous connaissons le chemin : il faut organiser une libération, un développement massif, des énergies renouvelables. Nous y travaillons d’ores et déjà, comme en témoignentles récentes annonces sur la prise en charge à hauteur de 40 % du coût de raccordement des unités de production d’énergie renouvelable par le TURPE, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, mais également le groupe de travail sur l’éolien, dont j’ai pris la responsabilité dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, ou les Assises de l’économie de la mer, qui se déroulent aujourd’hui même, et au cours desquelles le ministre d’État évoque le sujet de l’éolien en mer – le Premier ministre s’est exprimé hier sur le sujet.
Nous y travaillons et continuerons d’y travailler ; nous allons même accélérer.
Monsieur le sénateur, vous y êtes revenu, ce débat sur l’énergie ne serait pas complet s’il n’abordait pas la dimension sociale du sujet.
L’attention du Gouvernement, sur ce point, est constante et claire. Ainsi du plan Climat, qui prévoit la rénovation des « passoires thermiques » des ménages les plus modestes. Ainsi du paquet de solidarité climatique, qui comprend la généralisation du chèque énergie, la prime de conversion des vieux véhicules, élargie et renforcée pour les ménages non imposables, et ce de manière universelle, et l’évolution, prévue en 2019, du CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, en prime versée rapidement, qui facilitera l’investissement des ménages modestes.
Cette attention constante se traduit également par la préoccupation du Gouvernement pour les territoires concernés par la transition écologique, et donc énergétique, et notamment par l’arrêt de la production d’électricité à partir de charbon, qui aura lieu pendant le quinquennat.
À ce titre, nous engagerons, en 2018, la dynamique des contrats de transition écologique dans quinze à vingt territoires démonstrateurs, en nous appuyant sur une nouvelle philosophie, laquelle ne copie pas les méthodes habituelles – ces dernières ont certes été couronnées de succès, mais là n’est pas le sujet. Il faut inventer une philosophie nouvelle, partant des besoins des territoires, taillant pour chaque territoire, en quelque sorte, un costume sur mesure, et intégrant le monde du privé, de l’entreprise, au processus de reconversion. Le modèle minier, dans les Hauts-de-France, doit nous conduire à envisager les transitions de demain de manière différente.
Dans chacun de ces territoires, les contrats de transition comporteront un volet territorial et un volet destiné aux entreprises, ainsi qu’un volet social, dont l’objet sera précisément d’accompagner les salariés concernés par la transition écologique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, j’aborde ce débat avec intérêt, avec passion, dirais-je même. Je souhaite que nos échanges permettent, sur les points que vous soulèverez, d’approfondir cette vision dans sa globalité et dans sa cohérence, sachant que le Gouvernement se tiendra évidemment, sur ce sujet, à la disposition du Parlement et du Sénat tout au long de la mandature.