Cet impôt souffre effectivement de nombreuses lacunes et défauts et le projet a le mérite de cibler les classes moyennes et populaires. Il ne faut pas que cette exonération remette en cause l’autonomie fiscale des collectivités et finisse par se transformer en variable d’ajustement au sein des transferts financiers entre l’État, d’une part, et les collectivités territoriales, d’autre part.
S’agissant des compétences, le Gouvernement doit être ouvert à de futurs transferts vers les collectivités, c’est le troisième enjeu.
La suppression de la clause de compétence générale a permis de recentrer l’action des départements et des régions sur ce que j’appellerai leur cœur de métier : aux départements, les politiques de solidarité ; aux régions, les politiques structurelles, comme le développement économique ou la formation.
Une décentralisation intégrale du service public de l’emploi vers les régions s’inscrirait ainsi en cohérence avec les compétences déjà exercées par les conseils régionaux.
Le quatrième enjeu concerne l’intercommunalité.
La refonte récente de la carte intercommunale et le renforcement progressif des compétences des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne doivent pas être perçus comme une remise en cause des communes, échelon de proximité indispensable – cela a été dit de nombreuses fois cet après-midi dans l’hémicycle –, mais comme une volonté de faciliter la mise en œuvre de politiques publiques à l’échelle des bassins de vie. C’est la même logique qui est derrière l’affirmation des métropoles.
Au moment où nous travaillons à une contractualisation de la relation entre l’État et certaines collectivités ou à la préparation de la deuxième réunion de la Conférence nationale des territoires, je veux ici témoigner de l’inquiétude, voire de la résignation – ce qui est souvent bien pire –, qui s’installe parmi les élus, les maires et leurs équipes.
Les causes sont bien connues ; il s’agit en fait d’une succession de mesures rétrécissant toujours un peu plus le champ des libertés locales et affaiblissant le rôle des collectivités et des communes.
C’est évidemment le cas avec les économies budgétaires de 13 milliards d’euros imposées au secteur local. Parce qu’elle intègre l’inflation et ne tient pas compte des efforts de gestion réalisés par les collectivités, cette mesure va rapidement se traduire par une baisse brutale des ressources et avoir des conséquences sur l’investissement.
Même si, notamment lors du dernier quinquennat, un renforcement des mécanismes de péréquation a permis de réduire certaines inégalités entre collectivités ou territoires, la méthode de la contractualisation pour les plus grandes collectivités de notre pays est séduisante et beaucoup plus souple que la baisse de la dotation globale de fonctionnement, DGF, pratiquée sous les précédents mandats.
Néanmoins, certaines des décisions préalablement annoncées ont été particulièrement mal ressenties, notamment dans les territoires ruraux et les banlieues : réduction brutale des emplois aidés ; exclusion d’une très grande partie de notre territoire du champ du prêt à taux zéro – le PTZ – et du dispositif dit Pinel ; réduction du nombre d’élus locaux ; instauration d’une nouvelle norme prudentielle prévue à l’article 24 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022… Et n’oublions pas l’annulation de plus de 200 millions d’euros de crédits de paiement sur l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR !
Vous vous doutez bien que toutes ces décisions ont rendu les élus locaux très méfiants.
Il en va de même pour la suppression de la taxe d’habitation, que j’évoquais à l’instant, ainsi que pour la restriction du recours à l’emprunt, mesure qui est prise alors même qu’aucune collectivité – je dis bien, aucune ! – n’est en faillite et que les dispositifs de contrôle existent déjà. Quand on sait que les budgets des collectivités doivent être votés à l’équilibre, cette mesure apparaît avant tout comme vexatoire.
Sans parler de la baisse envisagée du nombre d’élus locaux, dont l’écrasante majorité est bénévole !
Sur la question de la contractualisation, je voudrais vous interroger plus particulièrement, madame la ministre, sur le cas des départements, dont la situation est très hétérogène, notamment selon le nombre de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA –, du revenu de solidarité active – RSA – ou de la prestation de compensation du handicap – PCH. On peut aussi citer, parmi les éléments d’hétérogénéité, le nombre – par ailleurs, croissant – des mineurs isolés.
Comment le taux d’augmentation est-il négociable et en fonction de quels critères ? Ne faudrait-il pas, dès à présent, inscrire une clause de revoyure, afin de rassurer les élus et garantir le succès du dispositif de contractualisation ?
En ce qui concerne les régions, si la carte territoriale a bien été remodelée, tout reste à construire. Tout autant que la taille ou le nombre d’habitants, ce sont les compétences, les capacités d’adaptation, y compris réglementaires, et la volonté de travailler en synergie qui comptent.
La priorité de ces régions « XXL » sera désormais de redonner un sens à l’action qu’elles mènent sur l’ensemble de leur territoire, et cela grâce à une plus grande coopération territoriale. Ces démarches pragmatiques seront encouragées, je l’espère, chaque fois qu’elles permettront de renforcer la régionalisation.
L’attribution d’une fraction du produit de la TVA en remplacement de la DGF va dans le bon sens, puisqu’elle renforcera l’autonomie fiscale des régions, tombée aujourd’hui à moins de 10 % !
Il faut faire confiance aux territoires et faire le pari de leur intelligence collective, de leur capacité à mener de grands projets.
Il faut redonner du sens à la libre administration des territoires. C’est possible à Constitution constante. Les exemples de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna – cette collectivité a trois rois –, de la Corse, mais aussi de l’Île-de-France ou de Lyon le prouvent : la France est un État fédéral qui s’ignore ou, tout du moins, un État dévolutif.