Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien écouté le propos introductif de M. Manable. Je n’aurai pas le temps, en dix minutes, d’apporter des réponses sur l’ensemble des sujets, mais je pense que la série de vingt et une questions qui va suivre me permettra de le faire. Je vais plutôt, à cet instant de nos débats, vous donner le cadre général de l’action du Gouvernement.
Votre première préoccupation, monsieur le sénateur, concerne les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Il est vrai que nous avons besoin de rétablir, de retisser cette relation, tant une certaine méfiance s’est installée. Sans accuser tel ou tel gouvernement, je crois que cette situation est le fruit de nombreuses années durant lesquelles diverses réformes ont entraîné, dans des territoires et chez certains élus, un sentiment d’abandon.
Rétablir la confiance, c’est exactement l’objectif affiché par le Président de la République au mois de juillet, lorsqu’il a lancé, ici même au Sénat, la Conférence nationale des territoires.
Cette instance, qui est destinée à discuter des différents sujets qui nous préoccupent et à les traiter, connaîtra bien évidemment des temps forts, comme la réunion de juillet ou celle qui va avoir lieu le 14 décembre, mais il serait restrictif de la limiter à ces moments.
Entre ces réunions, le dialogue se poursuit avec les acteurs locaux et le Gouvernement a lancé plusieurs missions d’expertise.
Par exemple, le Premier ministre a demandé au sénateur Alain Richard et à l’ancien préfet Dominique Bur de réfléchir aux aspects financiers qui constituent, monsieur le sénateur, la deuxième préoccupation que vous avez exposée.
Autre exemple, le Premier ministre m’a chargée d’une mission relative à l’eau et à l’assainissement, dont le transfert obligatoire de la compétence aux intercommunalités, prévu pour 2020, pose un certain nombre de questions.
Nous menons aussi des discussions avec les départements sur les allocations de solidarité et les mineurs isolés.
Vous le voyez, un travail de fond et de nombreuses discussions ont lieu pour essayer de répondre aux nombreuses questions qui se posent à l’échelon des différents niveaux de collectivité locale.
La question des compétences, vous en avez parlé, monsieur le sénateur, est également un sujet très important.
Le Président de la République a annoncé une orientation générale très claire : faire vivre les structures telles qu’elles sont et apporter, le cas échéant, les assouplissements nécessaires. Le Président de la République ne souhaite donc pas lancer une grande réforme territoriale, il entend plutôt achever ce qui a déjà été lancé.
Je vous donne un exemple : la compétence liée à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations, dite GEMAPI.
Une décision, que le Gouvernement soutient et qui résulte – je le rappelle – de l’adoption d’un amendement d’origine sénatoriale, a été prise il y a quelques années lors de l’examen de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM.
Or, la mise en œuvre de cette compétence mérite des améliorations et, après discussion avec des élus qui nous ont alertés, nous soutenons la nécessité de légiférer, non pas pour revenir sur le transfert de la compétence, mais pour en faciliter l’application.
Les départements, par exemple, ont demandé à être parties prenantes de cette compétence, car plusieurs d’entre eux, je pense aux départements littoraux, se sont déjà beaucoup engagés sur les questions de la submersion marine. Je peux vous dire que le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que les départements participent à l’exercice de cette compétence.
Notre idée, vous le voyez, est assez simple : maintenir le cadre actuel, mais assouplir, là où c’est nécessaire. Nous réformerons en marchant… et en portant notre attention sur les éléments essentiels.
En ce qui concerne ce que vous avez appelé, monsieur le sénateur, la nécessaire autonomie fiscale des collectivités, nous sommes absolument d’accord avec ce principe, qui – je le rappelle – est d’ordre constitutionnel. Au-delà de son application, nous devons réussir à mettre en place une réforme fiscale.
Au sujet de la réforme de la taxe d’habitation, on ne peut pas la comprendre sans prendre en compte son aspect social. Elle va s’étaler sur trois ans, c’est l’État qui va se substituer au contribuable – c’est le principe du dégrèvement – et il faudra insérer ces changements dans une réforme de la fiscalité locale.
Nous devrons trancher les grands débats qui existent sur ces questions et qui concernent tous les niveaux de collectivité territoriale.
Vous avez par exemple cité comme positive l’attribution aux régions d’une part de TVA à la place de la DGF. C’est d’autant plus une bonne chose que cet impôt est dynamique, ce dont les régions vont bénéficier.
Je rappelle, par ailleurs, que les régions se sont vu transférer vingt-cinq points de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des départements – la CVAE –, en fonction de leurs nouvelles compétences.
Pour en revenir à la TVA, qui est – est-il besoin de le rappeler ? – un impôt national, une question fondamentale peut se poser : restons-nous dans la tradition française, qui repose sur des impôts locaux levés par les collectivités locales et qui leur sont attribués, ou allons-nous vers un système de transfert d’un impôt national, comme on vient de le faire pour les régions et comme cela existe en Allemagne ? C’est une question qui me semble essentielle.
Je relève que les départements ont déjà évoqué la question de l’éventuelle attribution d’une part de la CSG.
C’est un vrai débat, sur lequel travaillent Alain Richard et Dominique Bur dans le cadre de la mission qui leur a été confiée.
Je le répète, nous n’envisageons pas de procéder à une nouvelle réforme des collectivités territoriales, mais nous apporterons des assouplissements là où c’est nécessaire. La Conférence nationale des territoires a d’ailleurs été créée pour traiter toutes les questions qui se posent.
J’évoquerai pour conclure deux sujets particuliers.
Vous vous êtes inquiété, monsieur le sénateur, de la pérennisation des crédits liés aux rythmes scolaires. Ils ont bien été votés, conformément à un engagement du Président de la République.
En ce qui concerne le logement social, les discussions avec les bailleurs sociaux ne sont pas terminées, mais le Premier ministre a déjà annoncé, hier, certaines décisions : premièrement, les garanties des collectivités locales aux bailleurs sociaux ne joueront pas ; deuxièmement, la baisse des APL s’opérera sur trois années, concomitamment avec une hausse de la TVA sur les loyers, ce qui réduira l’effet financier pour les bailleurs.
Nous avons la volonté d’aller plus loin dans la discussion et d’arriver à un accord avec l’ensemble des bailleurs sociaux.
(Sourires sur plusieurs travées.) Je reviendrai donc tout à l’heure, pendant les questions, sur le sujet de la taxe d’habitation.