Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous comprenons fort bien l'émotion et les motivations qui ont conduit Mme Demessine et ses collègues à déposer cette proposition de loi. Mais les raisons du rejet décidé par la commission des affaires sociales nous apparaissent tout aussi clairement.
Comme l'a très bien fait remarquer Mme le rapporteur, notre excellente collègue Sylvie Desmarescaux, certaines des mesures portées par ce texte sont satisfaites. Tel est le cas, par exemple, de la suppression ou du conditionnement des exonérations de cotisations dans le champ de la branche AT-MP.
D'autres articles, tel celui qui tend à revenir sur le paritarisme de la branche AT-MP, semblent aller à l'encontre de ce qu'ont récemment décidé les partenaires sociaux dans leur accord du 28 février 2006 sur la gouvernance de cette branche.
Mais, surtout, la plupart des thèmes abordés au fil des articles de ce long texte font actuellement l'objet d'une concertation entre les partenaires sociaux. Et, en matière de santé au travail, il est bien évident que la priorité doit, autant que faire se peut, être donnée au dialogue social !
Il semble effectivement préférable de ne pas trancher dans la précipitation des questions aussi importantes que la traçabilité des maladies professionnelles, le droit de l'inaptitude, la question de la réparation intégrale ou forfaitaire des AT-MP ou encore la prévention des risques, dans laquelle prend place la réforme du droit des CHSCT.
Pour autant, le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis a un immense mérite : il soulève une question fondamentale, celle de l'avenir du système AT-MP et, plus généralement, du droit de la santé au travail après le drame de l'amiante.
Votre proposition de loi, madame Demessine, s'appuie sur un exposé des motifs auquel je ne peux qu'adhérer. Même si, nous l'avons compris, l'objet du présent texte dépasse largement la seule question de l'amiante, son exposé des motifs, lui, reprend pour une large part les observations faites par la mission « amiante » de notre assemblée.
C'est pourquoi, dans la suite de mes développements, je me concentrerai surtout sur la question de l'amiante. C'est un sujet autour duquel se cristallise aujourd'hui tout le débat des réformes du droit de la santé au travail. D'ailleurs, nombre d'articles de votre proposition de loi, madame Demessine, lui sont spécifiquement consacrés.
Tout le monde le sait aujourd'hui, le drame de l'amiante aurait pu être évité. La dangerosité de l'amiante a été mise en évidence en 1906. Dans ces conditions, comme le faisaient remarquer nos corapporteurs de la mission « amiante », Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, il était impossible de se retrancher derrière les incertitudes des effets de l'amiante sur la santé : tout était connu. Néanmoins, le lobby de l'amiante a fait son oeuvre en parvenant à maintenir l'utilisation dans notre pays de ce matériau jusqu'en 1997, alors que la Grande-Bretagne avait adopté des mesures dès 1931 et les États-Unis dès 1946 !
Résultat ? À ce jour, en France, 35°000 personnes sont mortes d'une maladie de l'amiante entre 1965 et 1995. Et le pire est encore à venir : entre 50°000 et 100°000 décès sont encore attendus d'ici à 2025.
Mais il y a encore plus grave : comme l'a fait Mme Demessine dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, la mission « amiante » a, dans ses conclusions, souligné que, en dépit de l'interdiction de l'amiante en 1997, la question de l'amiante « résiduel », omniprésent dans les bâtiments construits dans les années soixante-dix et quatre-vingt, en particulier dans les établissements hospitaliers et les bâtiments scolaires et universitaires, n'était pas résolue.
D'importantes populations sont encore exposées à l'amiante. Il s'agit des professions de « second oeuvre » dans le bâtiment, des personnels de maintenance et d'entretien et, bien entendu, des ouvriers des chantiers de désamiantage.
Par ailleurs, la mission « amiante » avait, elle aussi, relevé que les mesures prises à partir de 1998, avec la création de la « préretraite amiante », financée par le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, puis avec l'institution du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, n'avaient pas donné entièrement satisfaction.
Ce constat, nous le partageons pleinement. Nous espérons qu'il y aura un avant et un après amiante. Nous devons tirer toutes les leçons de cette catastrophe sans précédent.
C'est à ce stade que ma position diverge de celle des auteurs de la proposition de loi, ce qui n'a rien d'étonnant puisque, au sein de la mission « amiante », nos collègues du groupe CRC, aujourd'hui cosignataires du texte dont nous débattons, étaient les seuls à s'être abstenus, après avoir participé activement et intelligemment, je le souligne, à un travail collectif qui était consensuel.