Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit ce soir est consensuelle. Quelle que soit notre étiquette politique, nous avons tous, dans cette assemblée, connu différentes élections ; nous avons été élus conseillers municipaux, maires, conseillers départementaux ou régionaux, et nous avons tous été élus par les grands électeurs de nos départements. Nous connaissons bien le fonctionnement des élections et nous représentons tous ces élus. Cette proposition de loi sied donc parfaitement à la Chambre haute.
Comme cela a été dit, le texte a été rédigé à la suite de faits divers liés aux élections municipales de mars 2014. Lors du dévoilement officiel des listes du Front national, des candidats avaient découvert leur nom sur des listes, inscrits malgré eux, sans leur accord. Encore plus incongru, une femme a été inscrite alors qu’elle était décédée !
Lors de ces élections, il y eut vingt-deux « candidats malgré eux » au Grand-Quevilly, huit dans le Calvados, dans la Manche, etc., sans oublier de mentionner un cas dans mon département, à Annemasse. À l’occasion des élections départementales de mars 2015, un binôme de deux candidats a été investi contre son gré dans le Puy-de-Dôme et a recueilli 14, 34 % des voix au premier tour sans faire campagne.
Une série de litiges en a résulté. Certaines élections furent annulées par les juridictions administratives. Le principe retenu par la justice administrative fut l’atteinte portée à la sincérité du scrutin. Ces quelques cas ont été médiatisés, mais ils ne sont probablement pas l’apanage du Front national.
Ces situations sont bien sûr nocives pour la démocratie. Nous savons que nous traversons une crise de confiance des citoyens envers les élus, et ce type de situation amplifie le sentiment de défiance. Nous devons être fermes pour ne plus avoir affaire à ce type de situation.
Le texte qui nous est soumis ce soir permet d’éviter ces cafouillages à l’avenir. L’objectif est que des candidats malveillants ne puissent plus faire signer des dépôts de candidature frauduleux à des personnes vulnérables et dont le consentement est incertain. Les partis et groupements politiques ne doivent pas pouvoir profiter de l’inattention, voire abuser de la faiblesse de certains citoyens pour les inscrire, à leur insu, sur une liste.
Pour cela, il est proposé de modifier le code électoral, en y introduisant de nouvelles obligations pour garantir la sincérité et le caractère volontaire et personnel des déclarations de candidature aux élections.
Les formalités de dépôt de candidatures que propose le texte sont : une mention manuscrite de chaque candidat par laquelle celui-ci s’engage à se porter candidat aux élections concernées, précisant le nom du responsable de la liste, et la transmission d’une copie du justificatif d’identité des candidats et de leurs suppléants.
Les scrutins initialement visés dans le texte des députés Le Roux et Dumont étaient les élections municipales, départementales, régionales et européennes. L’Assemblée nationale y a ajouté le scrutin sénatorial et les suppléants aux élections législatives en ce qui concerne la mention manuscrite.
La commission des lois du Sénat et son rapporteur M. Didier Marie, que je souhaite remercier pour son travail, ont apporté des modifications de bon sens. La commission parvient ainsi à un texte complet, en ajoutant la transmission d’une copie du justificatif d’identité des candidats et suppléants aux élections législatives, départementales et sénatoriales.
Je souligne l’extension du périmètre de la proposition de loi aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants, à l’élection des conseillers de la métropole de Lyon, à celle des instances représentatives des Français établis hors de France et à l’ensemble des élections des collectivités ultramarines.
Enfin, madame la ministre, je suis favorable au dispositif que vous proposez par voie d’amendement, qui permettrait aux listes des communes de plus de 1 000 habitants de comporter deux candidats supplémentaires. Les hypothèses d’épuisement des listes seront réduites et s’ensuivront moins d’élections partielles. Je soutiens le caractère facultatif de ce dispositif, car il faut penser aux petites communes qui peinent déjà à obtenir un nombre suffisant de candidats.
Vous l’aurez compris, je voterai bien sûr en faveur de cette proposition de loi favorable à la santé de notre démocratie.
Pour aller plus loin dans les mesures en faveur de notre démocratie, dans le rétablissement de la confiance des citoyens envers leurs élus, j’aimerais citer les travaux de la mission commune d’information sur la démocratie représentative, la démocratie participative et la démocratie paritaire, dont j’ai fait partie.
Nos travaux ont mené à des propositions qui méritent l’attention. Convaincu de l’importance de développer la culture de la participation, j’estime urgent d’associer les citoyens à la prise de décision publique. Mon département étant limitrophe de la Suisse, je constate l’importance et le bon fonctionnement de la participation des citoyens suisses à la prise de décisions publiques.
Avec les membres de la mission d’information, nous avons proposé de développer l’usage des outils participatifs, de recourir plus régulièrement, sans les généraliser, aux consultations numériques et aux panels de citoyens pour la préparation des réformes et l’élaboration des textes législatifs.
Nous proposons aussi de revitaliser le droit de pétition auprès des assemblées parlementaires.
À long terme, il conviendrait d’encourager le recours apaisé au référendum, par un assouplissement de son usage au niveau local, pour les collectivités territoriales volontaires, en autorisant plusieurs questions concomitantes et un recours plus adapté au calendrier local.
Nous constatons que la démocratie perd du terrain, en France comme dans bien d’autres pays, et c’est à nous, les élus, de mettre en œuvre des dispositions pragmatiques et efficaces, pour un regain de confiance envers notre démocratie.