Je commencerai par évoquer l'évolution des crédits de personnel du ministère des armées pour 2018 avant de mettre l'accent sur quelques sujets de préoccupation concernant les ressources humaines.
Pour 2018, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212 (qui regroupent l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense) s'établissent à 20,37 milliards d'euros, en augmentation de 3,24 % (+ 607,9 millions d'euros) par rapport à 2017.
Cette augmentation de la masse salariale recouvre, pour 216,2 millions d'euros, une augmentation des dépenses de rémunération qui traduit à la fois la poursuite de la hausse des effectifs conformément aux engagements pris en 2015-2016 et un effort en faveur de la condition du personnel. Néanmoins, il convient de souligner que les crédits initialement destinés à la mise en oeuvre de la deuxième annuité du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) - qui revalorise les grilles indiciaires de la fonction publique - serviront en 2018 au financement de la compensation de CSG pour les personnels du ministère de la défense, le ministre de l'action et des comptes publics ayant annoncé en octobre dernier la suspension pour une durée d'un an de l'application de ce protocole par mesure d'économie.
En ce qui concerne les effectifs, le PLF pour 2018 prévoit une création nette de 518 emplois équivalent temps plein (ETP), dont 500 au profit du ministère des armées et 18 au profit du service industriel de l'aéronautique (SIAé). Ces renforts seront affectés à la sécurité du territoire, à la cyberdéfense, aux services de renseignement et à la protection des emprises militaires.
Ce solde positif en matière d'effectifs ne doit pas masquer, comme chaque année, les nombreuses créations et suppressions de postes qui accompagnent la transformation de nos armées. De même qu'il ne doit pas occulter l'important flux annuel d'arrivées et de départs, nécessaire au renouvellement et à la vitalité de nos forces et qui constitue le fil conducteur de la manoeuvre RH. Il faut noter la poursuite de la baisse, dans le projet de budget pour 2018, des crédits destinés aux aides au départ (-35 millions d'euros), les économies dégagées permettant de financer d'autres postes de dépenses.
C'est le cas, par exemple, de l'enveloppe destinée aux réserves qui augmentera de 50,8 millions d'euros pour s'établir à 177,4 millions d'euros, afin de prendre en charge quelque 40 000 engagements à servir ainsi que les mesures incitatives décidées récemment.
Les autres postes en augmentation sont les crédits destinés aux pensions (+283,7 millions d'euros), qui progressent mécaniquement, et ceux destinés aux OPEX (+75 millions d'euros, soit une enveloppe de titre 2 portée à 245 millions d'euros) dans un effort de « sincérisation » du budget des armées. L'enveloppe destinée aux opérations intérieures (OPINT) est reconduite, quant à elle, à son montant de l'année dernière, soit 41 millions d'euros.
Je voudrais revenir sur le thème de la fidélisation, fréquemment évoqué au cours de nos auditions. Le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) avait aussi mis l'accent sur ce sujet en indiquant- il s'agit du résultat d'un sondage - que 62 % des militaires envisageraient de quitter l'institution pour changer d'activité si l'occasion se présentait. Certes, les statistiques du ministère ne démontrent pas d'aggravation récente de la tendance en termes de résiliation ou de non-renouvellement de contrats. Il faut pourtant admettre que la question se pose et qu'elle a des implications, un trop fort turn over ne permettant pas d'amortir les coûts de recrutement et de formation, sans compter le chômage, auquel les militaires ont droit à partir de six mois de service. Il s'agit d'un problème récurrent et bien connu dans l'armée de terre, qui cherche à fidéliser ses militaires du rang, mais qui se rencontre aussi dans les autres armées. Suractivité, éloignement du domicile, contrainte des mutations, découragement face au manque de moyens...sont quelques-unes des raisons pouvant expliquer cette « évaporation ». Parfois, c'est le caractère routinier et astreignant de l'activité qui est en cause, comme chez les fusiliers marins et les fusiliers commandos de l'air, dont les taux de renouvellement des contrats s'établissent respectivement à 50 % et 30 %. Enfin, il y a la concurrence du secteur privé et l'attractivité de ses salaires pour des métiers tels que contrôleurs aériens, officiers mécaniciens, avionneurs, atomiciens, spécialistes des systèmes d'information... On le voit, les causes sont multiples et appellent des réponses variées selon les situations.
L'amélioration de la condition du personnel, auquel contribue le plan Familles présenté cet automne - avec des mesures en faveur de la conciliation vie professionnelle/vie privée, le soutien apporté aux conjoints, l'accompagnement de la mobilité, notamment la prévisibilité des mutations, est aussi une partie de la réponse à cet enjeu qui, au fond, est celui de l'attractivité de nos armées. Mais il ne faut pas se méprendre. Celles-ci sont et resteront majoritairement contractuelles du fait de leur impératif de jeunesse et de flexibilité. A elles de trouver le bon curseur et de définir, en fonction des besoins et des métiers, la durée adaptée des contrats. On a vu, par exemple que l'armée de terre avait récemment développé le recours aux contrats de deux ans pour faciliter le recrutement de militaires du rang, dont l'arrivée à échéance pose la question de la fidélisation.
Pour finir, je souhaite mettre l'accent sur deux points d'attention pour l'année à venir :
Le premier concerne la question de la transposition de aux militaires de la directive européenne sur le temps de travail. L'encadrement du temps de travail est difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire et notamment le principe de libre disposition de la force armée. Je dirai même que c'est une idée en contradiction totale avec l'obligation de disponibilité et l'esprit d'engagement qui caractérisent le métier des armes. Alors que l'échéance pour transposer la directive approche, nous nous inquiétons légitimement de cette perspective. Le président de la République a déclaré récemment qu'il n'était pas envisageable d'appliquer la directive aux militaires. Lors de son audition, la ministre des armées a évoqué devant nous la négociation d'exemptions. S'agit-il de distinguer entre des activités - notamment les opérations et les entrainements - qui seraient exclues du champ d'application et d'autres qui seraient concernées? Nous espérons, en tous cas, qu'une solution réaliste et ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire sera trouvée prochainement.
Le second point concerne le dossier des rémunérations, qui est lourd d'enjeux pour les personnels de la défense. Ceux-ci pâtiront en 2018 du report de l'application du protocole PPCR que j'ai déjà évoqué. Or, la transposition de ce protocole était très attendue par les militaires dans la mesure où elle devait permettre un rattrapage indiciaire par rapport au personnel civil. Nous espérons donc qu'il ne s'agit que d'une mesure temporaire.
Les militaires pourraient être aussi impactés par le chantier de la simplification des primes, qui est une priorité pour la DRH-MD, compte tenu du maquis - pas moins de 170 primes - que ce régime représente. Il devra être conduit avec précaution et en tenant compte des autres réformes pouvant avoir des implications, comme celle des retraites.
Enfin, il faudra être particulièrement vigilant sur la bascule entre Louvois et source Solde qui s'étalera entre 2018 et 2020 et interférera, par conséquent, avec la mise en place de la retenue à la source. Il s'agit de deux rendez-vous à haut risque pour les personnels militaires chez qui le traumatisme des dysfonctionnements de Louvois est encore bien présent. Nous serons par conséquent très vigilants à l'égard de ce dossier. Je cède maintenant la parole à mon collègue Gilbert Roger