Intervention de Catherine Troendle

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 novembre 2017 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « sécurités » - programme « sécurité civile » - examen du rapport pour avis

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur pour avis :

Dix sapeurs-pompiers sont décédés dans l'exercice de leur mission en 2016 et 2017. Je leur rends hommage et salue, à travers eux, l'engagement, le courage ainsi que le civisme de l'ensemble des sapeurs-pompiers au service de la population.

L'année 2017 a été, pour les personnels de la sécurité civile, une année d'épreuves et de réformes. Ils se sont mobilisés sans relâche, avec dévouement et professionnalisme, pour venir en aide aux bien trop nombreuses victimes d'attentats, de catastrophes naturelles et de feux de forêts, tout en s'adaptant à la réorganisation de l'encadrement supérieur des SDIS, d'une part, et à la refonte de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) des sapeurs-pompiers volontaires, d'autre part. J'y reviendrai.

Dans ce contexte, les attentes à l'égard du projet de loi de finances pour 2018 étaient fortes et j'aurais aimé que certaines ne fussent point vaines. Car, malgré des efforts indéniables, une déception trop grande ne me permet pas, en l'état actuel du budget 2018, de donner un avis favorable aux crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

L'augmentation globale des crédits affectés au programme pour 2018 est indéniable. Ils s'élèvent à 855,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 533,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 82,12 % et de 5,15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017

Cette augmentation de crédits est la traduction de deux priorités. La première est le renouvellement d'une partie de la flotte d'aéronefs de la sécurité civile avec le remplacement de 9 avions « Tracker », après 60 années d'utilisation, par 6 appareils polyvalents de plus forte capacité d'action. Je m'en félicite car, chaque année, je dénonçais la vétusté de cette flotte.

Ce renouvellement s'échelonnera sur quatre ans et se traduit, pour 2018, par l'inscription de 404,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 61,4 millions d'euros de crédits de paiement. Ce dernier montant rend possible le paiement d'une première traite au fournisseur à la fin de l'année 2018, la première livraison de deux avions étant prévue en 2019, avant la saison des feux.

La seconde priorité de ce budget est la création de 31 postes de démineurs, en plus des 30 postes créés au cours des deux dernières années, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan Déminage 2020. Ce plan prévoit la création de centres régionaux renforcés et la réadaptation des implantations du déminage en fonction de l'évolution des risques naturels et technologiques, ainsi que de la menace terroriste.

Ces deux priorités s'accompagnent de la poursuite de chantiers en cours qui concernent les dispositifs de communication de la sécurité civile, dont la modernisation et l'interopérabilité constituent un enjeu majeur.

Le raccordement des SDIS au service de radiocommunications numériques Antarès, le réseau des services publics concourant aux missions de sécurité civile, se poursuit. Ce chantier ne devrait toutefois être achevé qu'en 2019, avec deux ans de retard par rapport à la programmation initiale.

Si la couverture du réseau devrait bien atteindre 100 % du territoire en 2019, des problèmes techniques demeurent, notamment en ce qui concerne certaines communications depuis des aéronefs. Je souhaite donc que des solutions techniques soient effectivement trouvées, afin de rendre ce système relativement onéreux parfaitement opérationnel, si possible avant qu'il ne soit devenu obsolète, à l'horizon 2030 !

Je n'évoque que très rapidement le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) décidé en 2009 et qui a fait l'objet d'un très récent rapport d'information de notre collègue Jean-Pierre Vogel, au nom de la commission des finances. Je rappelle le souhait de M. Vogel, qui me semble pertinent, de développer le système d'alerte par la téléphonie mobile alors que les efforts portent aujourd'hui à près de 80% sur l'utilisation de sirènes.

J'en viens plus directement au développement du système de gestion des appels - système de gestion opérationnelle du système (SGA-SGO) à destination des SDIS, dont le développement a été décidé en 2016 du fait de la diversité et de l'obsolescence fréquente des moyens actuels des SDIS.

Le développement du SGA-SGO a été confié à une équipe de préfiguration dédiée à partir d'avril 2017. L'établissement public chargé de la gestion de ce projet est en voie de création. Je m'interroge néanmoins sur la viabilité du financement de ce projet par l'État puisque le montant de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS devrait significativement baisser en 2018. Voici la déception profonde que j'évoquais en introduction.

La réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires s'est traduite par une diminution significative du montant de la participation versée à ce titre par l'État aux départements, qui est passée de 32 millions d'euros en 2015 à 3,4 millions d'euros en 2017.

Il avait été décidé qu'une large partie de cette économie viendrait abonder un fonds de soutien aux SDIS destiné à financer des projets « présentant un caractère structurant, innovant ou d'intérêt national ». Cette dotation a pu bénéficier en 2017 d'un concours de 25 millions d'euros dont 20 millions d'euros étaient destinés à financer, d'une part, des projets locaux d'intérêt national et, d'autre part, des projets nationaux, au premier rang desquels figure la préfiguration du système SGO-SGA.

Je déplore vivement la baisse brutale des crédits destinés à abonder cette dotation dans le projet de loi de finances pour 2018, de l'ordre de 60 %, puisque son montant passerait de 25 millions d'euros à seulement 10 millions d'euros ! Cette baisse est d'autant plus dommageable que les crédits affectés à cette dotation ne représentaient pas une aide nouvelle de l'État mais bien un redéploiement de crédits déjà affectés aux missions de sécurité civile.

Les conséquences de cette perte sèche pour les SDIS sont inquiétantes. La viabilité du projet SGA-SGO pourrait tout d'abord être remise en cause, même si la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises fait valoir que les crédits restants lui demeureront principalement affectés. C'est donc l'avenir des divers projets locaux qui risque d'être directement compromis, d'autant que cette baisse intervient dans un contexte de chute des dépenses d'investissement des SDIS.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas donner un avis favorable aux crédits alloués au programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

Enfin, les difficultés présentes ne doivent pas empêcher de se tourner vers l'avenir qui passe, pour la sécurité civile française, par le développement des coopérations européennes internationales.

La France est aujourd'hui à la pointe des mécanismes existants. Il faut soutenir les acteurs de cette intégration, au premier rang desquels l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) dont le financement est un enjeu majeur : il doit être suffisant pour maintenir l'excellence de l'action de formation de cette école. Une part significative de ce financement provenant des cotisations acquittées par les SDIS, il doit par conséquent également bénéficier d'une gestion aussi efficiente que possible. C'est à cette seule condition que seront compatibles le financement efficace de l'école et le maintien des moyens des SDIS.

À ce titre, je me réjouis que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) m'ait indiqué prévoir pour 2018 de substituer les réserves qu'il a constituées, à hauteur de 12 millions d'euros, au produit de la sur-cotisation normalement versée par les SDIS au prorata de leur masse salariale. Une part importante du financement de l'école, de l'ordre de 8 millions d'euros, serait ainsi assurée moyennant un allègement de charges significatif pour les SDIS en 2018. Le recours à cette cagnotte pourrait ainsi se traduire par une annulation de la sur-cotisation des SDIS pour 2018, ce dont je me félicite.

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