Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 24 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Article 2, amendement 137

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Je me réjouis de ces propositions, que je conçois davantage comme des amendements d’appel, notamment en direction du Gouvernement, pour parvenir à un chiffrage et à une étude approfondie sur l’impôt sur le revenu.

Au fur et à mesure des réformes qu’il a connues, cet impôt a subi une sorte d’hyperconcentration et, aujourd’hui, plus de la moitié des foyers fiscaux français ne sont pas imposables.

On peut donc concrètement s’interroger sur le fait de savoir si l’impôt sur le revenu, qui est également miné par un grand nombre de niches fiscales, est toujours adapté. Néanmoins, on ne peut pas admettre ces amendements en l’état. Ils nécessiteraient au minimum un chiffrage, et Philippe Dominati nous invitait d’ailleurs à mener une étude d’impact.

L’amendement n° I-137 rectifié, qui vise à instaurer une sorte de flat tax progressive composée de deux taux, outre le taux à 0 %, présente l’avantage de la simplicité et de la lisibilité. Il se heurte néanmoins à deux problèmes. Tout d’abord, la jurisprudence du Conseil constitutionnel exige une progressivité de l’impôt et je ne suis pas sûr que l’on réponde à cet objectif constitutionnel en fixant seulement une tranche à 3, 3 % et une tranche à 16, 3 %.

Ensuite, il faudrait approfondir sérieusement les conséquences de la suppression des dépenses fiscales.

Si j’ai bien compris, à part le quotient familial, inhérent au calcul de l’impôt, elles seraient toutes supprimées si cet amendement était retenu.

Je pourrais prendre l’exemple de l’emploi à domicile. De nombreux collègues, sur toutes les travées, ont déposé des amendements visant à relever les plafonds pour ces emplois, actuellement fixés à 12 000 euros plus 1 500 euros par enfant à charge, dans la limite de 15 000 euros. Or ces mesures fiscales constituent un soutien important à l’emploi à domicile et évitent sans doute le travail non déclaré. Je ne suis pas certain que nous soyons capables du jour au lendemain de supprimer ces aides, avec à la clef un risque d’effondrement de ces emplois et de basculement vers le travail non déclaré.

Je pourrais encore parler des dons aux œuvres et du soutien au monde associatif.

Certaines niches fiscales sont en effet très importantes en volume. Certaines sont justifiées, d’autres le sont moins, mais leur suppression brutale pourrait induire des effets importants. Ce débat devrait néanmoins avoir lieu et la commission des finances pourrait examiner, de concert avec le Conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, et le Gouvernement le poids réel de l’impôt sur le revenu aujourd’hui.

Les deux autres amendements en discussion commune sont totalement contradictoires avec le premier.

L’amendement n° I-213, présenté par le groupe CRCE, vise au contraire à créer de nouvelles tranches, dont une à 60 %. Je suis au grand regret de vous annoncer, mon cher collègue, que le Conseil constitutionnel trouverait certainement à y redire. Sa jurisprudence est bien établie en la matière. Souvenez-vous de la censure de la taxe à 75 %, après saisine du Conseil par plus de soixante députés et sénateurs, en particulier des sénateurs membres du groupe auquel j’appartiens. Si on ajoute la CSG, on atteint des taux d’imposition qui ne passent pas la barre de la jurisprudence du Conseil.

Quant à l’amendement n° I-489, je salue la constance de la fidélité de notre collègue Jean-Claude Requier à Joseph Caillaux, le père de l’impôt sur le revenu.

Au fil des réformes, en particulier celles qui sont intervenues lors du dernier quinquennat, le nombre de contribuables qui payent l’impôt sur le revenu a diminué. Cela pose la question de la réforme de la première tranche du barème, à laquelle la majorité sénatoriale s’était opposée, arguant justement de l’hyperconcentration de l’impôt.

Quand vous regardez aujourd’hui qui paye l’impôt, vous vous apercevez que 20 % des contribuables payent plus de 70 % du produit de l’impôt sur le revenu. Cette réalité n’est pas sans conséquence, y compris parfois sur des décisions de départ à l’étranger.

Sommes-nous prêts pour autant à réintégrer aujourd’hui plusieurs millions de foyers fiscaux pour 500 millions d’euros de recettes environ ? C’est un vrai débat…

L’augmentation de la CSG concourt sans doute déjà un peu à la réalisation de cet objectif, puisque cet impôt a un public beaucoup plus large que l’impôt sur le revenu.

Pour ma part, je suis plutôt partisan d’une baisse des prélèvements obligatoires que d’une augmentation du produit, même si je partage la volonté de rééquilibrage exprimée par l’auteur de cet amendement.

Je sollicite donc plutôt le retrait de ces trois amendements d’appel. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

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