Intervention de Benjamin Griveaux

Réunion du 24 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Article 2, amendement 137

Benjamin Griveaux, secrétaire d'État :

Sur l’amendement n° I-137 rectifié, présenté par M. Dominati, je partage avec son auteur la volonté de gagner en visibilité, en lisibilité et en compréhension de l’impôt.

Le temps passé à Bercy me fait découvrir le caractère parfois très sédimenté de l’édifice fiscal français. Il doit même arriver que les services de Bercy n’arrivent plus à reconstituer l’historique de certains impôts, personne ne se souvenant de la raison qui permettait, initialement, de les légitimer.

Or, la compréhension de l’impôt, c’est en effet la base de l’acceptation de l’impôt, de même qu’un lien important entre nos concitoyens et la Nation. Je partage cet argument.

Toutefois, le rapporteur général l’a rappelé, cette proposition contrevient au principe de progressivité de l’impôt, défendu de manière constante par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence.

Elle introduit également une dose de justice fiscale relativement faible, avec seulement deux taux d’imposition, ce qui bénéficierait très fortement aux contribuables les plus aisés.

De plus, en supprimant la quasi-totalité des avantages fiscaux associés à l’impôt sur le revenu, votre proposition, monsieur Dominati, aurait pour conséquence d’annihiler l’effet incitatif de certaines dépenses fiscales destinées à soutenir des acteurs économiques ou des acteurs sociaux qui opèrent dans nos territoires.

Je partage le sentiment du rapporteur général sur le chiffrage qu’il conviendrait d’effectuer pour évaluer la faisabilité d’une telle mesure.

Je comprends votre souhait d’ouvrir ce débat. Il n’y a pas de sujet tabou, le Président de la République et le Gouvernement étant assez ouverts à la discussion, y compris sur des sujets aussi anciens que celui-là.

Toutefois, nous sommes très attachés à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Pour cette raison, je demanderai le retrait de cet amendement.

L’amendement n° I-213, présenté par Éric Bocquet, prévoit un taux marginal d’imposition de 60 %. Je ne reviendrai pas sur la totalité de la démonstration, mais je rappelle que le Conseil constitutionnel a fait état de son scepticisme, arguant du caractère confiscatoire de ces taux.

De surcroît, au-delà des problèmes juridiques, il y a aussi un aspect psychologique. Quand votre taux d’imposition final dépasse la moitié de ce que vous gagnez, vous n’êtes vraiment pas incité à l’entrepreneuriat et à la prise de risque. Pour cette raison – et pour d’autres qui leur appartiennent –, certaines personnes préféreront aller créer, innover et embaucher à l’extérieur de nos frontières plutôt qu’à l’intérieur.

L’objectif est évidemment de faire baisser la pression fiscale – c’est l’autre argument que j’emploierai pour demander le retrait de cet amendement –, mais également de construire un édifice fiscal qui soit plus incitatif et qui rémunère justement les prises de risques sur le territoire national. Il ne s’agit pas de rémunérer encore plus des gens déjà aisés, mais de récompenser des personnes qui investissent en France, créent de l’emploi en France et rendent nos territoires plus attractifs.

Enfin, l’amendement n° I-489, présenté par Jean-Claude Requier, prévoit l’instauration d’une tranche à 5, 5 %. Je ferai la même réponse : notre objectif est de faire baisser la pression fiscale et d’éviter de faire entrer de nouvelles personnes dans l’impôt. J’entends l’argument qui consiste à dire que le consentement à l’impôt sera d’autant mieux établi que la base de la population qui y consentira et le paiera sera large.

Toutefois, les foyers les plus modestes participent déjà à l’effort et à la dépense publique de la Nation par d’autres types de prélèvements que l’impôt sur le revenu. Le lien avec la Nation est sans doute moins direct qu’avec l’impôt sur le revenu, que vous payez par tiers ou tous les mois, mais il existe néanmoins.

Pour cette raison, je sollicite également le retrait de cet amendement.

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