Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 23 novembre 2017 à 11h00
Loi de finances pour 2018 — Discussion d'un projet de loi

Bruno Le Maire, ministre :

Nous supprimerons également le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, pour le transformer en un allégement de charges pérenne. Son taux passera de 7 % à 6 % en 2019, mais, cette même année 2019, les entreprises bénéficieront à la fois de ce CICE ramené à un taux de 6 % et de l’allégement de charges directes. Leur avantage fiscal, sur cet exercice, sera donc considérable.

Enfin, le Premier ministre a souhaité que nous ouvrions la réflexion sur les allégements de charges sur les salaires dépassant 2, 5 SMIC.

C’est là un changement majeur. Nous considérons – et c’est une première depuis plusieurs années – que les allégements de charges doivent permettre de répondre, non seulement au défi de l’emploi, mais aussi à celui de la compétitivité de notre industrie.

Cette question, qui est aussi majeure, a également déjà été l’objet de débats dans cet hémicycle.

Oui, les allégements de charges ont prouvé leur efficacité sur les bas salaires ; ils permettent aux plus fragiles, aux moins qualifiés de trouver un emploi et une place dans la société française.

Mais oui, nous devons aussi tenir compte de la situation de notre industrie. Nous ne devons pas oublier que l’industrie française a perdu 1, 4 million d’emplois en vingt-cinq ans et que, sur la même période, la part de notre patrimoine industriel dans la richesse nationale est passée de 20 % à 13 %.

Voilà pourquoi, à tous ceux qui m’expliquent qu’il faut continuer comme avant, ne rien toucher, ne rien modifier, je réponds qu’il en est hors de question : le statu quo ne peut pas être une solution pour notre industrie !

Nous avons besoin de regagner en compétitivité. Cela suppose un effort d’innovation, mais aussi l’allégement des charges sur les salaires des travailleurs les plus qualifiés, car ils sont l’avenir de notre industrie.

Nous ouvrirons donc la réflexion sur une mesure de cette nature, mais, comme l’a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, nous ne la mettrons en œuvre que lorsque la restauration des comptes publics nous le permettra, et seulement à ce moment-là.

Nous maintiendrons également les dispositifs de soutien à la recherche. En particulier, le crédit d’impôt recherche – le CIR – sera sanctuarisé, car il fonctionne, parce qu’il a démontré son efficacité.

Nous mettrons en place, au début de l’année 2018, un fonds pour l’innovation de rupture de 10 milliards d'euros, financé par des cessions d’actifs de l’État dans le secteur concurrentiel. L’argent de l’État sera tout de même mieux employé s’il est investi dans l’innovation et la recherche, en vue de préparer l’avenir de nos enfants, plutôt que s’il permet de toucher des dividendes d’entreprises dont nous ne contrôlons pas suffisamment le fonctionnement.

Telle est notre stratégie fiscale. Telles sont les mesures qui doivent permettre à nos entreprises, à notre économie de réaliser, enfin, leur potentiel, qui est considérable.

Nous sommes convaincus de l’efficacité de ces choix, qui sont, oui, des choix de rupture. Alors qu’ils auraient dû être faits voilà dix, vingt ou trente ans, ils ne le sont qu’aujourd'hui, mais, du fait de leur caractère tout à fait nouveau, nous sommes prêts à les évaluer.

La meilleure réponse aux critiques, et les critiques sont toutes légitimes en démocratie, c’est la transparence, c’est l’évaluation : je suis prêt à engager, d’ici deux ans, une évaluation de notre politique fiscale.

Nous mettrons en place, comme je l’avais promis, une mission de suivi, qui pourra rendre ses premières conclusions à cette échéance.

Cette mission sera composée de parlementaires, de membres de la Cour des comptes, de représentants des administrations compétentes – le Trésor ou encore l’INSEE – et de personnalités qualifiées. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas y ajouter des entrepreneurs, qui pourront, eux aussi, participer à cette évaluation et juger des résultats de cette politique fiscale ?

Il s’agira, pour la mission, d’examiner les effets de notre réforme sur l’orientation de l’épargne des Français, sur l’investissement des entreprises, sur l’attractivité du territoire, sur l’emploi et sur les inégalités de revenus et de patrimoine.

Je suis prêt à ce que nous regardions l’ensemble des effets de cette politique fiscale, car réconcilier les Français et l’engagement politique, c’est être capable de rendre des comptes, c’est assumer la transparence et l’évaluation sincère et honnête de nos politiques publiques.

Nous travaillons également avec les institutions bancaires pour que celles-ci proposent des produits adaptés à leur client et qu’ainsi le capital libéré soit effectivement investi dans nos entreprises et dans notre tissu économique.

Un travail de concertation a été organisé en ce sens par les députés de la majorité, notamment Amélie de Montchalin. Il doit permettre de faire évoluer les mentalités et d’orienter l’épargne vers le financement de nos entreprises.

C’est au début de l’année 2018 que nous disposerons des premières propositions sur ce sujet et, avant le 1er avril 2020, un premier rapport sera transmis au Parlement sur l’évaluation de la politique fiscale du Gouvernement.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai lu hier les remarques de la Commission européenne sur nos déficits et notre dette.

Je veux redire ici la détermination totale du Président de la République, du Premier ministre, de l’ensemble du Gouvernement à tenir nos engagements vis-à-vis de l’Europe.

Nous tiendrons nos engagements européens ! Nous respecterons les règles de déficit pour 2017, en nous maintenant en dessous de la limite des 3 % qui nous a été fixée et que nous avons, nous-mêmes, acceptée.

La France qui se moque de ses engagements européens, c’est fini !

La France qui balaie d’un revers de la main les critiques de ses partenaires européens, c’est fini !

La France qui estime qu’elle peut, seule, dicter sa propre conduite, sans écouter ce que ses partenaires européens ont à lui dire, alors que nous sommes engagés dans le même projet politique, c’est fini !

La France qui ne se soucie pas de la bonne tenue de ses comptes publics, c’est fini !

La France qui vote des budgets de la Nation insincères, dans lesquels les financements nécessaires aux politiques publiques choisies ne se trouvent pas inscrits, c’est fini !

La France qui ment, la France qui trompe, la France qui triche, c’est fini !

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