Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cet instant, mes pensées vont à Albéric de Montgolfier, dont je partage les convictions, ce qui rend ma tâche plus facile, mais dont je n’ai ni le talent ni la compétence. J’espère que vous me pardonnerez d’être moins à l’aise qu’il ne l’aurait été sur ce rapport général.
Cette année 2017, vous l’avez dit, se termine dans un contexte plus favorable : l’économie européenne se porte mieux et nous pouvons espérer une croissance de 1, 7 %. Ce climat permettra naturellement des recettes fiscales plus élevées et nous avons la perspective réjouissante pour le pays, porté par cette conjoncture, que le déficit public global soit inférieur à 3 % du PIB.
Ce qui nous rassemble, c’est le budget pour 2018 et c’est ce budget sur lequel Albéric de Montgolfier, en qualité de rapporteur général, s’exprime.
Albéric de Montgolfier ne discute pas les hypothèses de croissance, même si, comme il le précise dans son rapport écrit, celles-ci sont évidemment soumises à des aléas à la hausse ou à la baisse – nous espérons et préférons les aléas à la hausse.
Compte tenu de ces hypothèses, on s’étonne que le Gouvernement ne prévoie qu’un recul du déficit de très faible ampleur – 0, 1 %, une sorte de statu quo –, après, reconnaissons-le, prise en compte de l’annulation de la taxe de 3 % et de son remboursement, qui est partiellement assuré par l’État, c’est-à-dire par le contribuable et par le déficit en l’espèce.
Le déficit va donc atteindre 2, 8 % du PIB, ce qui est très supérieur à la moyenne européenne, je tiens à le rappeler. Il faut bien se rendre compte que nous sommes encore le mauvais élève de la classe européenne. Ce taux ne nous permet pas, contrairement à l’ensemble des autres pays européens, de commencer à réduire notre ratio d’endettement par rapport au PIB.
Cette faible réduction du déficit structurel ne correspond pas à nos engagements européens. Messieurs les ministres, Albéric de Montgolfier rappelait que nous avons reçu une note de la Commission européenne signalant les risques de déviation significative. Nous sommes sous le regard attentif d’un contrôleur vigilant.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Eh bien – et c’est un bon point – parce que vous n’avez pas choisi de différer les baisses de prélèvements obligatoires – et ce n’est pas le libéral que je suis qui vous le reprochera – ; mais vous avez surtout choisi de reporter d’une façon significative la maîtrise de la dépense publique. L’addition des deux aboutit à ce statu quo dans le taux de notre déficit par rapport au PIB.
Cela étant – et c’est un autre bon point –, vous rompez avec la politique de matraquage fiscal des cinq années précédentes et on ne peut pas vous en vouloir. En particulier, nous approuvons le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, qui nous permet d’envisager de nous placer à un niveau européen satisfaisant, au moment même – et les sénateurs franciliens le savent – où nous sommes en compétition pour devenir une place financière attractive. Les mesures qui ont été prises sont donc bienvenues. Seront-elles suffisantes ? C’est un débat que je n’ouvrirai pas à cet instant.
Messieurs les ministres, après les bons points, venons-en aux points de divergence du rapporteur général, qui sont simples.
Premier sujet de désaccord : les familles. Elles continuent d’être matraquées – c’est le mot qu’il emploie –, par exemple à travers la réduction de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou PAJE, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle notre commission des finances proposera de relever le plafond du quotient familial pour enfin adresser un geste positif à l’attention des familles.
Le deuxième sujet de désaccord est l’immobilier. Albéric de Montgolfier a présenté un rapport extrêmement documenté sur le caractère parfaitement illusoire du concept de « rente immobilière ». On trouve des rentes dans tous les secteurs de l’économie – je ne connais pas de chef d’entreprise qui ne cherche à organiser sa propre rente –, mais elles sont combattues.
En ce qui concerne la situation des investisseurs, nous soutenons votre choix de permettre à l’investissement mobilier de retrouver une certaine liberté. Nous souhaitons profondément que ce geste significatif encourage les investisseurs français et étrangers à choisir notre pays comme lieu d’investissement.
En revanche, ce que vous faites avec l’immobilier méconnaît gravement son utilité dans notre pays et risque de casser, en quelque sorte, un petit renouveau qui se manifestait dans ce secteur.
Le troisième point de désaccord a trait à la hausse de la fiscalité énergétique. On peut raconter ce que l’on veut, mais le rapprochement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence va sanctionner ceux pour lesquels l’automobile est un outil de travail, ce qui est le cas de l’immense majorité de nos compatriotes vivant en dehors des réseaux de transports en commun.
Ces trois désaccords s’inscrivent dans un contexte général où, selon nous, votre budget, messieurs les ministres, ne se soucie guère de la maîtrise de la dépense collective. En particulier, vous aviez l’objectif, inédit, de stabiliser la dépense publique en volume en 2018 et, tendanciellement, vous envisagiez une baisse de 20 milliards d’euros. Cela signifie non pas 20 milliards d’euros de baisse, mais une hausse inférieure de 20 milliards d’euros à ce qu’elle aurait pu être. Vous réduisez cette différence tendancielle à 14 milliards d’euros, ce qui montre que, dans ce budget, le grand absent est la maîtrise de la dépense publique.
Cette maîtrise de la dépense publique, vous la faites porter principalement par les collectivités locales – ce sujet étant d’actualité, je ne voudrais pas interférer dans un débat qui est organisé au Sénat, mais aussi au congrès des maires au même moment –, collectivités locales dont les dépenses de fonctionnement verraient leur croissance plafonnée à 0, 5 % en 2018, ce qui est parfaitement contradictoire avec les responsabilités sociales que celles-ci prennent pour assurer une certaine harmonie du fonctionnement de la société française. Les collectivités locales sont la porte d’entrée de la vie collective : lorsque l’État est absent, elles sont présentes. C’est pourquoi ce chiffre est ressenti par les élus locaux comme l’expression d’une sorte de désinvolture à l’égard de leur mission.
Vous aviez également envisagé, comme l’a rappelé le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, une maîtrise de la dépense sociale à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or vous ne la chiffrez pas, vous ne la fléchez pas, vous ne l’identifiez pas. C’est plus un vœu pieux qu’une vérité.
Je relève un bon point dans ce balayage : si vous ne réduisez pas la dépense publique comme vous auriez dû commencer à le faire au début de ce quinquennat, au moins les présentations des chiffres sont-elles plus sincères. La commission des finances estime que les mesures de « rebasage » visant à restituer de la vérité représentent 4, 2 milliards d’euros, ce qui montre l’ampleur de la turpitude précédente résultant de budgets insincères. C’est la raison pour laquelle – c’est une orientation que vous aviez comprise et acceptée en son temps, mes chers collègues – nous avions refusé le débat budgétaire en 2016 pour l’année 2017.
Seulement trois missions verront leurs dépenses diminuer de plus de 100 millions d’euros. Deux d’entre elles ont ouvert un débat, dont la mission Travail et emploi qui verra ses crédits diminuer de 1, 5 milliard d’euros. On sait que les contrats aidés ne sont pas des solutions de long terme, mais vous pouvez comprendre, parce que vous êtes des élus locaux, que l’annonce brutale du recentrage énergique et immédiat de ces contrats aidés pose, notamment aux collectivités locales et à la vie associative, des problèmes absolument sans solution.
De la même façon, l’économie de 1, 7 milliard d’euros que vous proposez sur la mission Cohésion des territoires – Philippe Dallier est plus compétent que moi sur le sujet du logement – ouvre une crise qui, à cet instant, n’est absolument pas réglée. Je ne peux pas vous en vouloir, car il est toujours difficile de diminuer la dépense publique