Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 23 novembre 2017 à 11h00
Loi de finances pour 2018 — Discussion générale

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

M. le Président de la République aura du mal à se débarrasser, pendant ce quinquennat, du sparadrap du Président des riches, version 2 !

Enfin, je dirai un mot de l’article 15, qui réduit l’assiette de la taxe sur les transactions financières.

Par ce projet de loi de finances, le Gouvernement propose de revenir sur l’une des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2017 : l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières française aux opérations dites « intraday ». Ces opérations dénouées au cours d’une même journée sont considérées comme les plus spéculatives.

Cette extension du champ de la taxe sur les transactions financières avait été obtenue de haute lutte, après cinq années d’âpres débats dans l’hémicycle. Elle est censée entrer en vigueur au 1er janvier 2018 et contribuer à l’amélioration du rendement de ladite taxe : de 1 milliard d’euros environ actuellement, celui-ci atteindrait, après l’élargissement aux opérations « intra-day », entre 2 et 4 milliards d’euros.

Chacun se souvient aussi que, en juin dernier, la Cour des comptes a publié un rapport à charge tirant à boulets rouges sur la taxe sur les transactions financières et sur l’éventuelle extension de celle-ci. Sans doute convient-il de rappeler ici que ce sont bien les élus, dans cette République, qui fixent les règles et lèvent l’impôt pour financer l’intérêt général.

On comprend bien le sens de ce signal fort adressé à l’industrie financière européenne, notamment après le Brexit : rendre la place financière de Paris plus attractive – pour les financiers.

Vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu’il faut encourager ceux qui prennent des risques et libérer la fortune d’un excès de taxes pour orienter les capitaux vers l’économie réelle.

D’illustres de vos prédécesseurs, en France et ailleurs, ont puisé aux mêmes sources du néolibéralisme. Pensons à Mme Thatcher, qui, dès les années 1980, tenait le même discours, dans les mêmes termes exactement, au sujet de la célèbre théorie du ruissellement que vous nous vendez aujourd’hui, devenue théorie des « premiers de cordée » dans sa version 2017. Premiers de cordée dont on apprend que beaucoup transfèrent leur richesse sous des cieux fiscaux plus cléments, aux Bermudes, à Jersey ou à l’île de Man – pas pour investir, mais pour fuir l’impôt…

Cette théorie du ruissellement n’a jamais fait la preuve de son efficacité. En effet, alors que la distribution des dividendes tend à diminuer partout dans le monde, la France reste championne d’Europe dans ce domaine.

Vous avez raison quand vous exprimez le souhait d’orienter l’argent vers l’économie réelle ; mais votre méthode ne répond pas du tout à cet objectif. Chacun sait pertinemment que moins de 2 % des transactions financières dans le monde ont un lien avec l’économie réelle !

Ce projet de loi de finances aurait dû être l’occasion de s’attaquer frontalement à la question criante des inégalités, au nécessaire renforcement des services publics et à la domination insolente des marchés financiers dans l’économie. Ce n’est pas le chemin que vous avez choisi.

Vos premières mesures montrent déjà leur nocivité. Songeons à la grande inquiétude des élus locaux à la suite des annonces de cet été sur les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, votre budget va aggraver les inégalités. Allez-vous, demain, appliquer la double peine aux plus démunis ? Allez-vous persister dans vos choix généreux à l’endroit des plus aisés ?

L’état des lieux présenté au début de notre intervention n’étant pas pris en compte, vous comprendrez que le groupe CRCE ne puisse pas apporter son soutien à votre projet de loi de finances pour 2018 !

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