Je sais bien, monsieur Dallier, que, quand la croissance est faible, c’est toujours à cause du Gouvernement et que, quand elle est meilleure, c’est grâce à la conjoncture. C’est toujours comme ça !
Et si l’on s’en tenait aux faits, comme nous y invite, paraît-il, le nouveau monde ?
Et si l’on se disait qu’il est plus facile, grâce aux gouvernements successifs du Président Hollande, de faire un budget pour 2018 avec 3 % de déficit public et 1, 8 % de croissance qu’un budget pour 2013 avec 5, 2 % de déficit public et 0, 2 % de croissance ?
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, l’amélioration attendue d’à peine 0, 1 % du déficit public en 2018 peut surprendre, surtout que ce résultat est essentiellement dû à l’effort demandé aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités locales.
Pour autant, nous espérons vivement que notre pays pourra enfin sortir de la procédure de déficit excessif à laquelle nous sommes soumis depuis trop d’années. Malgré la récente position de la Commission sur le déficit structurel, ce pourrait être l’une des trop rares bonnes nouvelles de ce projet de loi de finances.
Ce dernier est avant tout marqué par deux grands types de mesures : d’une part, une réduction massive de la fiscalité sur le capital, dont le coût budgétaire est malheureusement gagé par des taxes nouvelles – tabac, diesel… – et des économies sur des politiques publiques profitant aux plus faibles, que ce soit en matière de contrats aidés ou de soutien au logement social ; d’autre part, un dégrèvement de taxe d’habitation dont le coût, sur trois ans, de 10 milliards d’euros, n’est pas sans rappeler le montant des économies de fonctionnement demandé aux collectivités locales… Vision certes schématique, mais pourtant assez juste.
La réforme de la fiscalité du capital mobilier constitue bien la mesure majeure de la première partie de ce PLF. Elle porte sur la suppression de l’impôt sur la fortune, remplacé par un impôt sur la fortune immobilière, ou IFI, et par un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les dividendes, intérêts et plus-values mobilières. L’ensemble entraîne une perte de recettes d’au moins 4, 5 milliards d’euros en 2018 et de 5, 5 milliards d’euros en 2019. Comment ne pas s’interroger sur cette perte de recettes quand le Gouvernement poursuit parallèlement une politique de baisse de la dépense publique ?
Cette mesure ne saurait évidemment recueillir notre approbation et les raisons de s’y opposer sont nombreuses. Purement idéologique, elle repose sur des a priori d’inspiration libérale que nous ne partageons pas.
Elle rompt tout d’abord l’égalité que nous avions instaurée en 2013 entre revenus du travail et revenus du capital, au bénéfice de ces derniers.
Elle crée ensuite un biais entre investisseurs, au détriment de la pierre, et favorise par là même les plus gros revenus, ceux pour lesquels la part de l’immobilier dans le patrimoine est la plus faible. Notre commission des finances a ainsi appris de vos services que les 100 plus gros contribuables économiseront, grâce à cette mesure, près de 150 millions d’euros par an. Elle peut, de ce fait, avoir un impact sur la production de logements neufs dans notre pays.
Enfin, elle sous-tend l’idée que les bénéficiaires réinvestiraient immédiatement dans l’économie productive, ce qui relève plus de la foi du charbonnier que d’une réelle expertise. La confiance de vos services est d’ailleurs telle que le retour attendu à long terme du dispositif est estimé à 0, 5 point de PIB et 50 000 emplois.
Par ailleurs, il est surprenant de constater, chers collègues de la majorité sénatoriale, que, partageant le même constat sur l’IFI, nous en tirions des conséquences aussi opposées. Votre volonté de supprimer totalement l’ISF se traduisant d’ailleurs par une aggravation du déficit d’environ 1 milliard d’euros que vous oubliez juste de compenser. Il aura fallu que La République En Marche ouvre la voie pour que, vous armant de courage, vous essayiez de tenir une promesse que vous n’aviez jamais jusqu’à ce jour osé concrétiser.
Il est tout de même permis de s’interroger : ces 5 milliards d’euros par an ne seraient-ils pas mieux utilisés, par exemple, à doter correctement la BPI, dont les résultats sont unanimement reconnus, voire l’Agence des participations de l’État ? En cette matière, on nous explique doctement chaque année que l’APE doit céder des parts d’entreprises pour investir dans les projets de demain ou pour conforter des fleurons nationaux. Au lieu de vendre des concessions autoroutières, des sociétés de gestion aéroportuaire ou, nous dit-on, des sociétés comme la Française des jeux, nous pourrions utiliser ces ressources en les fléchant directement vers le développement économique de notre pays.
Pour résumer, nous disons non à l’impôt sur la fortune immobilière, mais oui au rétablissement de l’impôt sur la fortune.
Par pure charité, je préfère passer sous silence les différentes taxes purement cosmétiques sur les yachts et les voitures de luxe dont nos collègues de l’Assemblée nationale auraient pu se dispenser.