Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 novembre 2017 à 9h05
Économie finances et fiscalité — Contrôle des investissements étrangers : proposition de résolution européenne et avis politique de mm. jean bizet et franck menonville

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

La proposition de règlement n'est en rien, il faut le souligner, une mesure ou une réaction protectionniste à l'encontre des investissements étrangers. Ceux-ci sont indispensables pour la croissance et l'emploi en Europe. Elle devrait simplement permettre de garantir la transparence des mécanismes nationaux de contrôle des investissements étrangers, lorsqu'ils existent, et faciliter l'identification des stratégies d'investissement susceptibles de porter atteinte aux intérêts européens.

La proposition de règlement établit tout d'abord un cadre pour l'examen, par les États membres, des investissements directs étrangers dans l'Union européenne, pour des motifs tenant à la sécurité ou à l'ordre public, ou par la Commission en cas d'investissement susceptible de porter atteinte à des projets ou des programmes présentant un intérêt pour l'Union. Elle organise par ailleurs une coopération entre les États membres qui devrait permettre une identification et un suivi des investissements étrangers dans l'Union européenne.

Si le contrôle demeure une simple faculté pour les États membres, il serait désormais encadré par des exigences cumulatives de prévisibilité, de délais et de protection des informations confidentielles. Il devra être non discriminatoire et être assorti de voies de recours juridictionnelles. La liste non limitative des facteurs susceptibles d'être pris en considération comporte les effets potentiels sur les infrastructures critiques, les technologies critiques et la sécurité de l'approvisionnement en « intrants » essentiels, l'accès à des informations sensibles ou la capacité de contrôler de telles informations, enfin le fait que l'investisseur soit sous le contrôle d'un pays tiers, notamment au moyen d'un important appui financier.

Ces mécanismes de contrôle seraient désormais notifiés à la Commission. Leur mise en oeuvre ferait l'objet d'un rapport annuel. Les États membres qui n'ont pas mis en place un tel contrôle devront produire un rapport statistique annuel.

La proposition de règlement organise par ailleurs un dispositif d'échanges d'informations systématiques entre la Commission et les États membres. Ces échanges passeront par des points de contacts nationaux. Les États membres pourront formuler des observations dont l'État décisionnaire tiendra « dument compte ».

Enfin, il est prévu que la Commission examine les investissements susceptibles de porter atteinte à des projets ou programmes présentant un intérêt pour l'Union et formule un avis que l'État membre concerné pourra ne pas suivre à condition de justifier sa décision. En l'état, sept programmes sont listés : la radionavigation par satellite - Galileo -, l'observation de la terre depuis l'espace, - Copernicus -, le programme Horizon 2020, les réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunications.

Il convient tout d'abord de souligner que la proposition de règlement aura besoin d'une forte impulsion politique pour prospérer et être ensuite effectivement mise en oeuvre. La Commission, on l'a dit, a été inhabituellement réactive. La présidence bulgare pourrait en faire l'une de ses priorités. Mais plusieurs États membres, qui ont un fort besoin d'investissements ou qui s'inscrivent dans une longue tradition libérale, sont réticents devant une démarche dont ils craignent qu'elle soit perçue comme une marque de défiance par les investisseurs étrangers, sans compter qu'elle leur apparaît de surcroît créatrice d'une charge administrative nouvelle.

Il convient donc d'insister sur le fait que le dispositif ne comporte pas d'intention protectionniste : l'Europe reste ouverte aux investissements étrangers. Pour autant, la question doit être appréhendée dans un cadre global et l'Union européenne ne doit pas être naïve. À cet égard, comme cela a souvent été dit au sein de notre commission, la politique de la concurrence doit prendre en considération les enjeux du XXIème siècle et savoir faire émerger les champions européens de l'avenir. L'Union européenne doit être vigilante et attentive au respect des règles de concurrence. Elle doit veiller à la réciprocité, objectif qu'elle poursuit également dans les négociations commerciales, y compris en combattant l'application extraterritoriale des lois. On le sait, le « temps économique » va souvent beaucoup plus vite que le « temps politique » mais il est indispensable que l'Europe se dote sans tarder d'une vision globale de ses intérêts stratégiques.

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