Nous sommes sur le point d’examiner sept amendements en discussion commune, dont quatre identiques, qui visent à réformer la déduction pour aléas en introduisant des articles additionnels dans le projet de loi de finances.
Il s'agit d’un sujet important. Pour rendre nos débats plus clairs, je voudrais vous exposer, mes chers collègues, la position de la commission des finances.
Ces amendements en discussion commune visent, je l’ai dit, à réformer le régime de la déduction pour aléa, mais aussi à progresser vers une meilleure contribution à la fiscalité agricole et à la stabilisation du revenu des entreprises du secteur.
Cette stabilisation, vous le savez, est mise à mal par la concrétisation d’une large gamme de risques particuliers à l’activité agricole : la volatilité des prix, l’exposition à des aléas climatiques, les risques sanitaires… La fiscalité agricole comporte plusieurs dispositifs spécifiques, dont la déduction pour aléas, qui permettent de compenser, certes insuffisamment, les effets de ces aléas.
Les amendements en discussion commune que nous allons examiner tendent à réformer la déduction pour aléas, en l’améliorant pour certains, voire en la sublimant pour d’autres, avec l’instauration d’un mécanisme d’auto-assurance fondé sur la constitution d’une épargne de précaution.
Ces amendements, qui vont dans le bon sens, émanent de différents groupes parlementaires, lesquels se sont ralliés à une idée commune : la nécessaire réforme du dispositif. C’est la raison pour laquelle la commission des finances les voit plutôt d’un bon œil.
Il faut le reconnaître, la baisse de la valeur ajoutée par actif agricole – supérieure à 12 % en 2016 – a de quoi nous alerter, et ce d’autant plus que, face à la volatilité des cours et des revenus agricoles, les impôts sur le revenu apparaissent moins élastiques, même s’ils ont, par leur inflexion, légèrement amorti le choc.
Il est donc plus que justifié d’avancer vers une fiscalité agricole plus protectrice qu’elle ne l’est aujourd’hui. Par conséquent, il faut sans doute franchir le pas qui nous mène vers un soutien de la fiscalité directe agricole, mais aussi vers l’effort d’épargne de précaution que souhaitent mener les entreprises de la branche.
C’est d’autant plus nécessaire que les interventions en crédits au titre de la solidarité nationale, qu’il faudra renforcer, sont mal provisionnées par les budgets agricoles. Ces sous-budgétisations n’ont pas seulement pour effet d’affecter la sincérité budgétaire ; elles installent aussi parfois un climat anxiogène pour les acteurs du secteur.
J’ai mentionné la diversité des auteurs des amendements, qui siègent sur toutes les travées de cet hémicycle. Cela témoigne sans doute d’une volonté consensuelle de réformer les choses.
Il faut néanmoins tenir compte de la variété des dispositifs proposés, qui se distinguent sur plusieurs points : certains vont vers le calcul de la réserve de précaution, d’autres réforment les conditions d’emploi, d’autres encore les conditions de réintégration aux résultats.
Les dispositifs de ces amendements, même s’ils vont tous dans le même sens, sont complexes. Nous devons légiférer sans nous tromper. Cela requiert un travail d’instruction soigneux. Il est difficile de l’entreprendre à l’occasion de l’examen d’amendements de séance.
Nous avons largement avancé, au Sénat, grâce aux travaux réalisés en vue d’améliorer la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, qui avaient débouché sur une proposition de loi sénatoriale du même nom. L’article 6 de ce texte comportait d’ailleurs un dispositif remarquable, qui constituait une véritable avancée. On le retrouve dans plusieurs des amendements dont nous discutons.
Néanmoins, tout est perfectible. Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2018, vous avez pris l’engagement ferme, monsieur le ministre, de réformer en profondeur la fiscalité agricole, en y associant les parlementaires intéressés.
Nous confirmez-vous votre intention de tenir cet engagement ? Si tel est le cas, je réaffirme la nôtre de travailler avec le Gouvernement à une réforme en profondeur de la fiscalité agricole. Il faut trouver un régime satisfaisant pour faire face à des volatilités de cours de plus en plus nombreuses.
Sous cette réserve, et bien que je m’associe à la démarche des auteurs des différents amendements, dont certains dispositifs me sont parfois plus sympathiques que d’autres, j’en demanderai le retrait.
Un mot pour finir : je voudrais naturellement saluer à mon tour Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, qui a l’avantage de n’avoir jamais été impliquée dans la vie politique. Il semble que, pour être ministre, il faille soit avoir voté contre le budget du gouvernement que l’on rejoint, soit s’être tenu en dehors de la vie politique…