Merci, madame la présidente.
C'est la deuxième fois que je suis auditionné par votre commission. La première fois, c'était sous la présidence de M. Jean-Claude Lenoir, votre prédécesseur, en juillet dernier.
Je crois qu'il est bon que nous puissions avoir ces temps d'échanges de façon régulière pour parler de sujets spécifiques avec une thématique particulière, ou aborder l'agriculture et les affaires rurales de manière plus générale. Il est important d'avoir des échanges avec la représentation nationale. Vous êtes en effet les vigies des territoires, et il est toujours sain de pouvoir confronter un certain nombre de points de vue, afin d'enrichir ensemble nos approches pour la construction de l'agriculture de demain.
Aujourd'hui, l'agriculture française doit se réformer en profondeur et se transformer. Cette transformation est indispensable pour relever les trois défis majeurs que sont la transition écologique, la réponse aux exigences renforcées des consommateurs en matière de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire - mais aussi des citoyens s'agissant du bien-être animal ou de l'empreinte écologique - et enfin la résilience, dans un monde d'instabilité croissante, d'aléas et de crises économiques, sanitaires et climatiques.
Le Président de la République a fixé le cap le 11 octobre dernier, dans son discours de Rungis, à l'occasion d'un point d'étape sur les États généraux de l'alimentation. Il a rappelé qu'une agriculture forte et performante est un atout décisif pour assurer la souveraineté alimentaire.
Il a également souligné que les quatre objectifs de la performance - performance économique, sociale, environnementale et sanitaire - sont indissociables dans la construction des systèmes agricoles de demain et doivent constituer les quatre points cardinaux de l'action des acteurs économiques et de l'action publique dans cette démarche de transformation.
Pour créer les conditions de cette transformation, nous devons actionner des leviers complémentaires, chacun au bon moment.
Le premier levier est celui des États généraux de l'alimentation, dont le pilotage associe une douzaine de ministères, tant les enjeux et les interactions avec d'autres politiques publiques sont forts. Après une première phase centrée sur les questions de création et de répartition de la valeur, la seconde phase approfondit désormais les attentes sociétales et la manière d'y répondre.
Leur mise en oeuvre opérationnelle, deuxième levier, prendra le relais à la clôture des États généraux de l'alimentation, fin 2017.
La future PAC, qui devra être protectrice, facilitatrice, agile et bien plus lisible, constitue le troisième levier.
Enfin, le dernier levier est celui du budget national.
Le projet de budget 2018 du ministère de l'agriculture et de l'alimentation que je veux vous présenter est doté de 5,2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 1,5 % supplémentaire par rapport à 2017, et de 5,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
Ces crédits permettront de conforter, et même souvent de renforcer sensiblement l'ensemble des politiques publiques portées par le ministère dont j'ai la charge.
Ce projet de budget traduit et illustre, en premier lieu, mes trois priorités stratégiques : la formation et l'innovation, la PAC et la sécurité sanitaire.
Même si leurs crédits ne relèvent pas de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je souhaiterais évoquer avec vous les moyens prévus pour les programmes 142 et 143, et ce pour deux raisons. Il s'agit des programmes de l'enseignement technique agricole et de l'enseignement supérieur et la recherche.
Les crédits de l'enseignement portent 60 % des 30 000 agents du ministère et un tiers des crédits budgétaires. Ils sont l'un des vecteurs de la préparation de l'avenir, via la formation des jeunes et l'innovation.
Les effectifs de ces deux programmes, c'est-à-dire les 18 000 agents qui concourent à l'enseignement technique agricole, seront maintenus, en 2018, au même niveau qu'en 2017.
Les crédits, hors dépenses de personnel, s'établiront à 627 millions d'euros, soit près de 3 % de plus qu'en 2017. Ces crédits supplémentaires permettront de mieux doter nos établissements, de poursuivre la modernisation des campus et faire face à la hausse de la démographie étudiante dans l'enseignement supérieur, d'améliorer la situation financière des établissements grâce, notamment, à une meilleure prise en charge du financement des assistants d'éducation - plus 13 % - de faire progresser la compensation des emplois gagés dans les centres de formation continue - plus 1 million d'euros - et de financer les investissements nécessaires outre-mer.
Ces crédits supplémentaires permettent également d'accompagner financièrement la renégociation en cours des protocoles avec les trois fédérations de l'enseignement technique privé, de moderniser nos dispositifs d'appui, en particulier nos systèmes d'information - plus 2 millions d'euros - et d'accompagnement de la scolarisation en milieu ordinaire des jeunes en situation de handicap - plus 1 million d'euros.
Enfin, et parce que l'agriculture et l'alimentation nécessitent un effort de recherche important, les crédits destinés à l'action des organismes de recherche, comme l'institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), et des instituts techniques agricoles et agro-industriels, seront maintenus, voire augmentés.
J'en viens à présent aux crédits ouverts pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » constituée des trois programmes 149, 206 et 215.
S'agissant du programme 149, mon objectif prioritaire a été de conforter les contreparties nationales des mesures qui relèvent du deuxième pilier de la PAC.
À cet égard, et avec 455 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous serons en mesure de mobiliser au mieux, en 2018, les crédits européens pour les quatre dispositifs suivants :
- l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dont la dotation est maintenue au niveau de 2017, soit 264 millions d'euros. Son financement permettra, avec les crédits européens du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), de mobiliser au total 1,06 milliard d'euros pour les quelque 100 000 exploitants agricoles situés dans des zones soumises à des handicaps naturels ;
- les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique. Avec 81,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont la moitié pour l'agriculture biologique, ce dispositif contractuel proposé aux exploitants est conforté et permettra avec le cofinancement de l'Union européenne de disposer d'une enveloppe globale d'engagements nouveaux de 325 millions d'euros en 2018 ;
- la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) dispose de crédits à hauteur de 38,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit le même niveau qu'en loi de finances initiale 2017. Ce soutien permettra d'accompagner le renouvellement des générations en agriculture ;
- enfin, la dotation en faveur des mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles, avec 71 millions d'euros en 2018, est supérieure à la dotation de base qui se situe, je le rappelle, à 56 millions d'euros.
Le ciblage des crédits sera amélioré en faveur des systèmes quadruplement performants, des approches collectives et des jeunes agriculteurs. La diversification des outils et le développement d'instruments financiers doivent également être étudiés.
Ces crédits, tout comme ceux relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques, participent au grand plan d'investissement.
En crédits de paiements, les quatre dispositifs PAC que je viens de décrire sont dotés de 534 millions d'euros, soit 110 millions d'euros de plus qu'en 2017. Ces crédits ouverts en 2018 permettront d'achever le rattrapage des retards de paiements de la PAC, notamment pour les MAEC.
Au-delà des dispositifs PAC, les crédits ouverts sur le programme 149 permettent de stabiliser voire de renforcer le soutien public aux filières.
Le soutien aux productions ultramarines est réaffirmé, qu'il s'agisse de la filière canne à sucre dans les DOM, qui bénéficiera de 10 millions d'euros de plus qu'en 2017, ou du doublement des crédits d'intervention de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM).
S'agissant de la filière bois et forêt, l'État respecte ses engagements financiers vis-à-vis de l'office national des forêts (ONF) dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2016- 2020, soit 175,5 millions d'euros. Le soutien au Centre national de la propriété forestière (CNPF) est maintenu avec 14,9 millions d'euros.
Ce projet de loi de finances marque l'intégration de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture au sein du budget agricole. Les crédits correspondants sont en augmentation de 1 % et s'établissent à 45,3 millions d'euros. Ils permettront de renforcer les connaissances des ressources halieutiques et le contrôle des pêches dans le cadre des obligations européennes issues de la politique commune de la pêche (PCP), ainsi que de soutenir les projets de la filière pêche et aquaculture dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
Concernant le programme 149, dans un objectif de meilleure réactivité en cas de crise, mais également dans un souci de renforcement de la sincérité de la budgétisation annuelle, il est créé pour la première fois dans le budget du ministère une provision pour aléas dotée de 300 millions d'euros. Ce montant correspond à la moyenne décennale des ouvertures observées en loi de finances rectificative au bénéfice du ministère de l'agriculture. Cette provision permettra tout à la fois de financer des besoins imprévus car imprévisibles dus aux crises sanitaires, climatiques et économiques, ainsi qu'aux refus d'apurement communautaire.
Même si nous ne connaissons pas aujourd'hui le montant exact des refus d'apurement qu'il faudra couvrir en 2018, je veux être clair sur l'utilisation de la provision. Elle est faite pour faire face, de façon rapide, à des aléas qui exigeraient de mobiliser des financements. J'espère, bien entendu, que nous ne connaîtrons aucune crise d'ampleur en 2018 qui ne pourrait être couverte par redéploiement interne de nos crédits ou mobilisation de la réserve de précaution, mais si cela devait arriver, alors la réserve sera disponible tout au long de l'année et ne sera pas préemptée par le paiement des refus d'apurement communautaire, ces paiements n'intervenant en fait qu'en fin d'année pour équilibrer l'avance faite par l'Agence France trésor (AFT).
Dans le même temps, le programme 149 ne porte plus de compensation budgétaire relative à la cotisation maladie des exploitants agricoles. En effet, dans le cadre d'une réforme structurelle portée dans le PLFSS pour 2018, le Gouvernement a décidé d'harmoniser le barème des cotisations maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants.
Ce régime harmonisé de cotisations est légitime et équitable puisque les prestations maladie servies à l'ensemble des indépendants, agricoles et non agricoles, sont identiques. Par ailleurs, cette harmonisation pérennise, en l'adaptant dans une démarche plus sociale, la réduction décidée en février 2016, au plus fort de la crise agricole, pour alléger rapidement les charges et soutenir ainsi le revenu de l'ensemble des agriculteurs. Le nouveau barème de cotisations maladie est désormais progressif, donc plus social, et présente un double avantage :
- pour 60 % des agriculteurs, il permettra un allégement de prélèvements sociaux en 2018 par rapport à ceux de 2017. L'engagement du Gouvernement de dégager un gain de pouvoir d'achat pour les actifs les plus modestes à l'occasion de la compensation de l'augmentation de la CSG, y compris pour les travailleurs indépendants, est ainsi respecté pour les exploitants agricoles ;
- en substituant un barème progressif de cotisation à un taux unique, le Gouvernement met en place un dispositif qui permettra de mieux amortir, pour chaque agriculteur, toute baisse de revenus constatée une année donnée par une réduction plus que proportionnelle des cotisations sociales qui sont dues.
S'agissant enfin du programme 206, qui porte la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation, les crédits sont en forte augmentation et illustrent ma troisième priorité, celle d'une meilleure sécurité sanitaire de l'alimentation par un financement accru d'actions renforcées de surveillance et de prévention qui tiendront compte des crises passées.
Hors dépenses de personnel, le budget associé à ce programme s'établit à 235 millions d'euros, soit une hausse de 12 % par rapport à la LFI 2017.
Cette augmentation nette des crédits s'accompagne d'une stabilisation des effectifs dédiés à la mise en oeuvre de cette politique.
Les moyens supplémentaires permettront de poursuivre et renforcer les contrôles sanitaires et la surveillance des dangers sanitaires. À titre d'illustration, et sans être exhaustif, je signalerai :
- dans le domaine de santé végétale, une augmentation de 5,8 millions d'euros pour faire face aux dépenses de surveillance et de gestion des foyers de xylella fastidiosa et 1 million d'euros supplémentaire pour la lutte contre le capricorne asiatique ;
- dans le domaine de la santé animale, une augmentation totale de 5,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement pour couvrir les dépenses de surveillance, de lutte et d'indemnisation en faveur des territoires et des exploitations touchés par la tuberculose. 1 million d'euros supplémentaires viendront, par ailleurs, faciliter la mise en oeuvre des visites vétérinaires dans les élevages avicoles, apicoles et les élevages de petits ruminants ;
- dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, la prise en compte sur le programme 206 des missions de surveillance sanitaire des coquillages des zones conchylicoles, pour 1 million d'euros, à la suite du recentrage de l'IFREMER sur ses missions de recherche ;
- dans le soutien des politiques incitatives, un abondement du plan Ecoantibio à hauteur de 0,5 million d'euros ;
- enfin les crédits nécessaires pour clore le dispositif de règlement amiable avec les vétérinaires sanitaires. J'ai veillé à ce que l'année 2017 permette de régulariser la situation de l'ensemble des vétérinaires concernés, déjà en retraite, et qui avaient accepté d'entrer dans un processus transactionnel avec l'État. Ce sera chose faite pour la quasi-totalité d'entre eux au 31 décembre de cette année. Il nous restera à traiter, l'an prochain, le dossier des vétérinaires encore en activité et les nouveaux dossiers qui seraient déposés.
Les moyens de fonctionnement du ministère portés par le programme 215 poursuivent leur baisse. Les économies seront réalisées par un recours accru aux outils interministériels mutualisés, notamment informatiques, et à une rationalisation du parc immobilier. Le budget 2018 prévoit les premiers financements du recensement agricole de 2020, obligation européenne ; la dématérialisation et la rénovation du mode de collecte des données permettront de réaliser ce recensement dans des conditions de coût et de sécurité améliorées.
Du côté des effectifs, si l'enseignement agricole et la sécurité sanitaire sont stables, en revanche, il y aura une réduction de 130 équivalents-temps plein (ETP) sur les autres missions. Pour autant, et afin de ne pas compromettre la trajectoire visant à revenir à un calendrier normal d'instruction et de paiement des aides PAC, 300 vacataires supplémentaires seront recrutés pour renforcer les 370 ETP de vacataires traditionnellement mis à disposition des services départementaux d'économie agricole. Dans le même ordre d'idée, il est à noter que les crédits d'investissement de l'Agence de service et de paiements (ASP) seront également augmentés par rapport à 2017 pour contribuer à cet objectif.
Les opérateurs sous tutelle du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont également mobilisés dans l'effort de maîtrise des effectifs. Ainsi, une réduction globale de 95 ETP est attendue pour 2018.
Pour conclure, je rappellerai que les crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation seront abondés par les financements européens de la PAC pour un total 8,9 milliards d'euros. Par ailleurs, le secteur agricole au sens large bénéficiera en 2018 d'allègements sociaux et fiscaux à hauteur de 4,5 milliards d'euros, de dépenses fiscales pour 1,8 milliard d'euros et de divers autres financements publics, comme des taxes fiscales affectées, pour 900 millions d'euros.
Ainsi, les concours publics au secteur agricole représenteront donc 21,3 milliards d'euros l'an prochain, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à cette année.
Voici les informations budgétaires que je souhaitais vous livrer. Je suis à présent tout disposé à répondre aux questions que vous ne manquerez pas de me poser sur ce budget, mais aussi à toute autre question relative à l'agriculture, à la pêche, à l'aquaculture, à la forêt et à l'alimentation dans notre pays.