Commission des affaires économiques

Réunion du 21 novembre 2017 à 16h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mes chers collègues, je suis très heureuse de recevoir cet après-midi le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Stéphane Travert.

L'agriculture est un sujet très important au Sénat - ainsi qu'à l'Assemblée nationale bien sûr - certains de nos collègues étant très impliqués dans ce secteur à titre professionnel. Pour nous, l'aménagement du territoire résulte de la bonne santé de l'agriculture et de toute l'économie qui gravite autour.

Nous n'avons pas eu le temps d'auditionner votre prédécesseur, mais la commission des affaires économiques du Sénat a une longue tradition de suivi attentif des questions agricoles, tant par la commission elle-même que par ses groupes d'études, que nous allons reconstituer dans les semaines qui viennent.

Le ministre de l'agriculture est auditionné plusieurs fois par an. Nous poursuivons donc aujourd'hui une relation de travail étroite, comme cela a toujours été le cas.

Votre tâche, monsieur le ministre, est particulièrement difficile, car l'agriculture française est confrontée à toute une série d'enjeux, en particulier celui de la compétitivité, qui avait amené le Sénat à voter une proposition de loi ambitieuse, qui n'a pas été adoptée définitivement mais dont certaines dispositions ont été reprises dans d'autres textes.

Mes collègues et moi-même avons naturellement beaucoup de questions à vous poser. Je n'en rappellerai que quelques-unes...

Tout d'abord, quel panorama pouvez-vous dresser de l'agriculture française, alors que les comptes de l'agriculture montrent une dégradation des revenus agricoles de 22 % l'année dernière ?

Dans le détail, pouvez-vous nous parler de la filière laitière, qui connaît une remontée des prix, mais se trouve minée par des conflits entre éleveurs, industriels et grande distribution ? Quelle stratégie proposez-vous pour améliorer les relations commerciales dans la filière et favoriser les producteurs de lait dans le partage de la valeur ajoutée ? Envisagez-vous à terme une modification de la loi ?

Pouvez-vous également nous dire où en est la crise de la filière palmipède gras dans le Sud-Ouest suite à la grippe aviaire persistante ? Quelles sont les mesures déjà prises et celles encore envisagées ?

Par ailleurs, comment entendez-vous aider les viticulteurs en difficulté suite aux événements climatiques du printemps ?

À plus long terme, nous avons des interrogations sur la réforme de la PAC à l'horizon 2020. Quels axes entendez-vous promouvoir et avec quels partenaires ? Comment pouvons-nous faire face au Brexit ? Encouragerez-vous le développement des mécanismes assurantiels au sein de la PAC ? La contribution française de mai 2016, présentée par Stéphane Le Foll, reste-t-elle pour vous le cadre de référence des positions françaises pour la future réforme ?

Enfin, à court terme, quel est le calendrier des États généraux de l'alimentation ? Quels sont les débouchés que vous attendez d'une telle démarche ? Les parlementaires que nous sommes, qui connaissent bien les territoires, y ont pris leur place, jusqu'à présent.

Les sujets sont nombreux et vous commencerez sans doute par votre budget pour 2018. Je vous laisse la parole.

Debut de section - Permalien
Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Merci, madame la présidente.

C'est la deuxième fois que je suis auditionné par votre commission. La première fois, c'était sous la présidence de M. Jean-Claude Lenoir, votre prédécesseur, en juillet dernier.

Je crois qu'il est bon que nous puissions avoir ces temps d'échanges de façon régulière pour parler de sujets spécifiques avec une thématique particulière, ou aborder l'agriculture et les affaires rurales de manière plus générale. Il est important d'avoir des échanges avec la représentation nationale. Vous êtes en effet les vigies des territoires, et il est toujours sain de pouvoir confronter un certain nombre de points de vue, afin d'enrichir ensemble nos approches pour la construction de l'agriculture de demain.

Aujourd'hui, l'agriculture française doit se réformer en profondeur et se transformer. Cette transformation est indispensable pour relever les trois défis majeurs que sont la transition écologique, la réponse aux exigences renforcées des consommateurs en matière de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire - mais aussi des citoyens s'agissant du bien-être animal ou de l'empreinte écologique - et enfin la résilience, dans un monde d'instabilité croissante, d'aléas et de crises économiques, sanitaires et climatiques.

Le Président de la République a fixé le cap le 11 octobre dernier, dans son discours de Rungis, à l'occasion d'un point d'étape sur les États généraux de l'alimentation. Il a rappelé qu'une agriculture forte et performante est un atout décisif pour assurer la souveraineté alimentaire.

Il a également souligné que les quatre objectifs de la performance - performance économique, sociale, environnementale et sanitaire - sont indissociables dans la construction des systèmes agricoles de demain et doivent constituer les quatre points cardinaux de l'action des acteurs économiques et de l'action publique dans cette démarche de transformation.

Pour créer les conditions de cette transformation, nous devons actionner des leviers complémentaires, chacun au bon moment.

Le premier levier est celui des États généraux de l'alimentation, dont le pilotage associe une douzaine de ministères, tant les enjeux et les interactions avec d'autres politiques publiques sont forts. Après une première phase centrée sur les questions de création et de répartition de la valeur, la seconde phase approfondit désormais les attentes sociétales et la manière d'y répondre.

Leur mise en oeuvre opérationnelle, deuxième levier, prendra le relais à la clôture des États généraux de l'alimentation, fin 2017.

La future PAC, qui devra être protectrice, facilitatrice, agile et bien plus lisible, constitue le troisième levier.

Enfin, le dernier levier est celui du budget national.

Le projet de budget 2018 du ministère de l'agriculture et de l'alimentation que je veux vous présenter est doté de 5,2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit 1,5 % supplémentaire par rapport à 2017, et de 5,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

Ces crédits permettront de conforter, et même souvent de renforcer sensiblement l'ensemble des politiques publiques portées par le ministère dont j'ai la charge.

Ce projet de budget traduit et illustre, en premier lieu, mes trois priorités stratégiques : la formation et l'innovation, la PAC et la sécurité sanitaire.

Même si leurs crédits ne relèvent pas de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je souhaiterais évoquer avec vous les moyens prévus pour les programmes 142 et 143, et ce pour deux raisons. Il s'agit des programmes de l'enseignement technique agricole et de l'enseignement supérieur et la recherche.

Les crédits de l'enseignement portent 60 % des 30 000 agents du ministère et un tiers des crédits budgétaires. Ils sont l'un des vecteurs de la préparation de l'avenir, via la formation des jeunes et l'innovation.

Les effectifs de ces deux programmes, c'est-à-dire les 18 000 agents qui concourent à l'enseignement technique agricole, seront maintenus, en 2018, au même niveau qu'en 2017.

Les crédits, hors dépenses de personnel, s'établiront à 627 millions d'euros, soit près de 3 % de plus qu'en 2017. Ces crédits supplémentaires permettront de mieux doter nos établissements, de poursuivre la modernisation des campus et faire face à la hausse de la démographie étudiante dans l'enseignement supérieur, d'améliorer la situation financière des établissements grâce, notamment, à une meilleure prise en charge du financement des assistants d'éducation - plus 13 % - de faire progresser la compensation des emplois gagés dans les centres de formation continue - plus 1 million d'euros - et de financer les investissements nécessaires outre-mer.

Ces crédits supplémentaires permettent également d'accompagner financièrement la renégociation en cours des protocoles avec les trois fédérations de l'enseignement technique privé, de moderniser nos dispositifs d'appui, en particulier nos systèmes d'information - plus 2 millions d'euros - et d'accompagnement de la scolarisation en milieu ordinaire des jeunes en situation de handicap - plus 1 million d'euros.

Enfin, et parce que l'agriculture et l'alimentation nécessitent un effort de recherche important, les crédits destinés à l'action des organismes de recherche, comme l'institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), et des instituts techniques agricoles et agro-industriels, seront maintenus, voire augmentés.

J'en viens à présent aux crédits ouverts pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » constituée des trois programmes 149, 206 et 215.

S'agissant du programme 149, mon objectif prioritaire a été de conforter les contreparties nationales des mesures qui relèvent du deuxième pilier de la PAC.

À cet égard, et avec 455 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous serons en mesure de mobiliser au mieux, en 2018, les crédits européens pour les quatre dispositifs suivants :

- l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dont la dotation est maintenue au niveau de 2017, soit 264 millions d'euros. Son financement permettra, avec les crédits européens du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), de mobiliser au total 1,06 milliard d'euros pour les quelque 100 000 exploitants agricoles situés dans des zones soumises à des handicaps naturels ;

- les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique. Avec 81,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont la moitié pour l'agriculture biologique, ce dispositif contractuel proposé aux exploitants est conforté et permettra avec le cofinancement de l'Union européenne de disposer d'une enveloppe globale d'engagements nouveaux de 325 millions d'euros en 2018 ;

- la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) dispose de crédits à hauteur de 38,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit le même niveau qu'en loi de finances initiale 2017. Ce soutien permettra d'accompagner le renouvellement des générations en agriculture ;

- enfin, la dotation en faveur des mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles, avec 71 millions d'euros en 2018, est supérieure à la dotation de base qui se situe, je le rappelle, à 56 millions d'euros.

Le ciblage des crédits sera amélioré en faveur des systèmes quadruplement performants, des approches collectives et des jeunes agriculteurs. La diversification des outils et le développement d'instruments financiers doivent également être étudiés.

Ces crédits, tout comme ceux relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques, participent au grand plan d'investissement.

En crédits de paiements, les quatre dispositifs PAC que je viens de décrire sont dotés de 534 millions d'euros, soit 110 millions d'euros de plus qu'en 2017. Ces crédits ouverts en 2018 permettront d'achever le rattrapage des retards de paiements de la PAC, notamment pour les MAEC.

Au-delà des dispositifs PAC, les crédits ouverts sur le programme 149 permettent de stabiliser voire de renforcer le soutien public aux filières.

Le soutien aux productions ultramarines est réaffirmé, qu'il s'agisse de la filière canne à sucre dans les DOM, qui bénéficiera de 10 millions d'euros de plus qu'en 2017, ou du doublement des crédits d'intervention de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM).

S'agissant de la filière bois et forêt, l'État respecte ses engagements financiers vis-à-vis de l'office national des forêts (ONF) dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2016- 2020, soit 175,5 millions d'euros. Le soutien au Centre national de la propriété forestière (CNPF) est maintenu avec 14,9 millions d'euros.

Ce projet de loi de finances marque l'intégration de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture au sein du budget agricole. Les crédits correspondants sont en augmentation de 1 % et s'établissent à 45,3 millions d'euros. Ils permettront de renforcer les connaissances des ressources halieutiques et le contrôle des pêches dans le cadre des obligations européennes issues de la politique commune de la pêche (PCP), ainsi que de soutenir les projets de la filière pêche et aquaculture dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Concernant le programme 149, dans un objectif de meilleure réactivité en cas de crise, mais également dans un souci de renforcement de la sincérité de la budgétisation annuelle, il est créé pour la première fois dans le budget du ministère une provision pour aléas dotée de 300 millions d'euros. Ce montant correspond à la moyenne décennale des ouvertures observées en loi de finances rectificative au bénéfice du ministère de l'agriculture. Cette provision permettra tout à la fois de financer des besoins imprévus car imprévisibles dus aux crises sanitaires, climatiques et économiques, ainsi qu'aux refus d'apurement communautaire.

Même si nous ne connaissons pas aujourd'hui le montant exact des refus d'apurement qu'il faudra couvrir en 2018, je veux être clair sur l'utilisation de la provision. Elle est faite pour faire face, de façon rapide, à des aléas qui exigeraient de mobiliser des financements. J'espère, bien entendu, que nous ne connaîtrons aucune crise d'ampleur en 2018 qui ne pourrait être couverte par redéploiement interne de nos crédits ou mobilisation de la réserve de précaution, mais si cela devait arriver, alors la réserve sera disponible tout au long de l'année et ne sera pas préemptée par le paiement des refus d'apurement communautaire, ces paiements n'intervenant en fait qu'en fin d'année pour équilibrer l'avance faite par l'Agence France trésor (AFT).

Dans le même temps, le programme 149 ne porte plus de compensation budgétaire relative à la cotisation maladie des exploitants agricoles. En effet, dans le cadre d'une réforme structurelle portée dans le PLFSS pour 2018, le Gouvernement a décidé d'harmoniser le barème des cotisations maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants.

Ce régime harmonisé de cotisations est légitime et équitable puisque les prestations maladie servies à l'ensemble des indépendants, agricoles et non agricoles, sont identiques. Par ailleurs, cette harmonisation pérennise, en l'adaptant dans une démarche plus sociale, la réduction décidée en février 2016, au plus fort de la crise agricole, pour alléger rapidement les charges et soutenir ainsi le revenu de l'ensemble des agriculteurs. Le nouveau barème de cotisations maladie est désormais progressif, donc plus social, et présente un double avantage :

- pour 60 % des agriculteurs, il permettra un allégement de prélèvements sociaux en 2018 par rapport à ceux de 2017. L'engagement du Gouvernement de dégager un gain de pouvoir d'achat pour les actifs les plus modestes à l'occasion de la compensation de l'augmentation de la CSG, y compris pour les travailleurs indépendants, est ainsi respecté pour les exploitants agricoles ;

- en substituant un barème progressif de cotisation à un taux unique, le Gouvernement met en place un dispositif qui permettra de mieux amortir, pour chaque agriculteur, toute baisse de revenus constatée une année donnée par une réduction plus que proportionnelle des cotisations sociales qui sont dues.

S'agissant enfin du programme 206, qui porte la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation, les crédits sont en forte augmentation et illustrent ma troisième priorité, celle d'une meilleure sécurité sanitaire de l'alimentation par un financement accru d'actions renforcées de surveillance et de prévention qui tiendront compte des crises passées.

Hors dépenses de personnel, le budget associé à ce programme s'établit à 235 millions d'euros, soit une hausse de 12 % par rapport à la LFI 2017.

Cette augmentation nette des crédits s'accompagne d'une stabilisation des effectifs dédiés à la mise en oeuvre de cette politique.

Les moyens supplémentaires permettront de poursuivre et renforcer les contrôles sanitaires et la surveillance des dangers sanitaires. À titre d'illustration, et sans être exhaustif, je signalerai :

- dans le domaine de santé végétale, une augmentation de 5,8 millions d'euros pour faire face aux dépenses de surveillance et de gestion des foyers de xylella fastidiosa et 1 million d'euros supplémentaire pour la lutte contre le capricorne asiatique ;

- dans le domaine de la santé animale, une augmentation totale de 5,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement pour couvrir les dépenses de surveillance, de lutte et d'indemnisation en faveur des territoires et des exploitations touchés par la tuberculose. 1 million d'euros supplémentaires viendront, par ailleurs, faciliter la mise en oeuvre des visites vétérinaires dans les élevages avicoles, apicoles et les élevages de petits ruminants ;

- dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, la prise en compte sur le programme 206 des missions de surveillance sanitaire des coquillages des zones conchylicoles, pour 1 million d'euros, à la suite du recentrage de l'IFREMER sur ses missions de recherche ;

- dans le soutien des politiques incitatives, un abondement du plan Ecoantibio à hauteur de 0,5 million d'euros ;

- enfin les crédits nécessaires pour clore le dispositif de règlement amiable avec les vétérinaires sanitaires. J'ai veillé à ce que l'année 2017 permette de régulariser la situation de l'ensemble des vétérinaires concernés, déjà en retraite, et qui avaient accepté d'entrer dans un processus transactionnel avec l'État. Ce sera chose faite pour la quasi-totalité d'entre eux au 31 décembre de cette année. Il nous restera à traiter, l'an prochain, le dossier des vétérinaires encore en activité et les nouveaux dossiers qui seraient déposés.

Les moyens de fonctionnement du ministère portés par le programme 215 poursuivent leur baisse. Les économies seront réalisées par un recours accru aux outils interministériels mutualisés, notamment informatiques, et à une rationalisation du parc immobilier. Le budget 2018 prévoit les premiers financements du recensement agricole de 2020, obligation européenne ; la dématérialisation et la rénovation du mode de collecte des données permettront de réaliser ce recensement dans des conditions de coût et de sécurité améliorées.

Du côté des effectifs, si l'enseignement agricole et la sécurité sanitaire sont stables, en revanche, il y aura une réduction de 130 équivalents-temps plein (ETP) sur les autres missions. Pour autant, et afin de ne pas compromettre la trajectoire visant à revenir à un calendrier normal d'instruction et de paiement des aides PAC, 300 vacataires supplémentaires seront recrutés pour renforcer les 370 ETP de vacataires traditionnellement mis à disposition des services départementaux d'économie agricole. Dans le même ordre d'idée, il est à noter que les crédits d'investissement de l'Agence de service et de paiements (ASP) seront également augmentés par rapport à 2017 pour contribuer à cet objectif.

Les opérateurs sous tutelle du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont également mobilisés dans l'effort de maîtrise des effectifs. Ainsi, une réduction globale de 95 ETP est attendue pour 2018.

Pour conclure, je rappellerai que les crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation seront abondés par les financements européens de la PAC pour un total 8,9 milliards d'euros. Par ailleurs, le secteur agricole au sens large bénéficiera en 2018 d'allègements sociaux et fiscaux à hauteur de 4,5 milliards d'euros, de dépenses fiscales pour 1,8 milliard d'euros et de divers autres financements publics, comme des taxes fiscales affectées, pour 900 millions d'euros.

Ainsi, les concours publics au secteur agricole représenteront donc 21,3 milliards d'euros l'an prochain, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à cette année.

Voici les informations budgétaires que je souhaitais vous livrer. Je suis à présent tout disposé à répondre aux questions que vous ne manquerez pas de me poser sur ce budget, mais aussi à toute autre question relative à l'agriculture, à la pêche, à l'aquaculture, à la forêt et à l'alimentation dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci beaucoup.

La parole est aux rapporteurs pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses d'Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances, qui ne pouvait être présent.

Monsieur le ministre, je n'ai pas tout à fait la même interprétation que vous du budget de l'agriculture.

Vous prétendez que la baisse de sept points des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles (AMEXA) constitue une mesure sociale. Pas du tout ! Cette mesure a été prise pour soutenir la compétitivité des exploitations agricoles durant une crise qui ne s'est pas véritablement résorbée. Selon vous, nous serions sortis de la crise ? Vous avez en face de vous un agriculteur qui est producteur de lait et éleveur : je peux vous affirmer que c'est loin d'être le cas ! On aurait au contraire bien besoin d'un rattrapage de compétitivité en matière de production laitière face à des pays comme l'Allemagne ou le Danemark !

Vous annoncez par ailleurs une provision de 300 millions d'euros. Or je crains que l'on n'affecte celle-ci aux aléas climatiques. Jusqu'à présent, une taxe sur les contrats d'assurance des agriculteurs, soit environ 60 millions d'euros par an, devait permettre de participer financièrement à la prise en compte des calamités, l'État devant intervenir chaque fois que ces ressources étaient insuffisantes.

Il me semble que cette provision sonne la fin du système, le ministère du budget pouvant fort bien décider d'utiliser cette somme à autre chose.

Si c'est le cas, l'État réalisera des économies au détriment de la compétitivité de notre agriculture. Les risques que subissent les agriculteurs ne sont pas de leur fait, car les crises sont imputables à des aléas climatiques non maîtrisables.

S'agissant des ICHN, quand allez-vous siffler la fin de la partie ? Tant qu'on n'est pas sûr du zonage, on n'est pas sûr de la quantité d'argent qui sera versée aux agriculteurs. Vous avez dit que le budget serait constant, après être allé chercher une part de son financement dans le premier pilier. On comprend que ce budget ne sera pas extensible. Si le périmètre reste identique, l'aide risque de le demeurer également. Si vous acceptez une modification du périmètre, cela signifie qu'on ira chercher la compensation dans la poche de certains.

Les ICHN, je le rappelle, sont des indemnités compensatrices des handicaps naturels. L'agriculteur ne choisit pas le lieu de sa naissance, mais c'est là qu'il implante son exploitation...

L'Europe, je le rappelle, a réclamé à la France un apurement des comptes de 41 millions d'euros en 2013, 427 millions d'euros en 2014, 812 millions d'euros en 2015, 710 millions d'euros en 2016 et 221 millions d'euros en 2017, l'administration française n'ayant pas respecté les consignes fixées par l'Europe dans la mise en oeuvre de la PAC. Ces sommes, qui représentent 2 milliards d'euros sur cinq ans, correspondent environ à la moitié du budget que vous avez annoncé.

Le ministère de l'agriculture compte aujourd'hui environ 17 000 ETP, et l'ONF 9 000. On arrive à un fonctionnaire pour 30 agriculteurs ! En avons-nous véritablement besoin d'autant ? N'y aurait-il pas là des économies à faire ?

Si encore cela nous permettait d'échapper à la somme de 2 milliards d'euros d'apurement - mais c'est loin d'être le cas !

Je rappelle également que nous avons deux ans de retard de paiement en matière de MAEC, ainsi que des retards importants sur le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Tout cela n'est pas supportable au regard des chiffres que je viens de citer !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser deux questions qui touchent au quotidien et à la qualité de vie de nos agriculteurs.

La première concerne la simplification. C'est un mot que l'on prononce sans arrêt, à tout propos. Il sert à nous donner bonne conscience, mais il est temps d'agir - et le bon sens pourrait régler un certain nombre de problèmes. Encore faut-il en avoir la volonté...

Dans mon département, la Marne, lorsqu'on vendange le 31 août et que l'on poursuit les premiers jours de septembre, il faut établir deux fiches de paye. Cela vous semble-t-il intelligent ? Ceci mérite d'y réfléchir un instant.

Ma deuxième question concerne la façon dont on traite nos agriculteurs, que l'on associe à des pollueurs, quand ils ne sont pas accusés de disperser dans la nature quelques poisons ! Imaginez leur ressenti, alors même que l'agriculture vit une période difficile dont on ne voit guère le bout du tunnel.

Monsieur le ministre, la communication de notre société est essentielle. Comptez-vous prendre des initiatives auprès de nos concitoyens pour lutter contre le dénigrement régulier de l'agriculture française ? Quelles actions mettre en oeuvre pour la valoriser auprès du grand public, dont les positions sont assez ambivalentes ? Il est temps de revenir à la réalité et de tenir des propos justes !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Monsieur le ministre, merci pour votre présentation.

Vous avez évoqué la gestion des risques en agriculture. Au-delà des risques climatiques, sanitaires, voire économiques, 2017 est un véritable millésime.

Je souhaitais connaître votre vision des instruments à mettre en place. Au-delà de la problématique assurantielle, il existe aujourd'hui des instruments, comme la déduction pour aléas (DPA), qui permettent aux agriculteurs de pouvoir bénéficier d'une épargne de précaution. Mais cet outil ne satisfait pas tout le monde.

Ne serait-il pas opportun, une année comme celle-ci, de pouvoir envisager un dispositif plus ambitieux d'épargne de précaution, comme le demandent beaucoup ?

Vous nous avez indiqué que des annonces fiscales allaient être faites pour 2018. Peut-on connaître les axes qui ont retenu votre attention ?

Concernant les grands prédateurs, avez-vous la volonté de fixer un objectif de limitation de leur nombre, par rapport aux attaques qui ne cessent de croître, qu'il s'agisse des loups ou des ours ? Quelles actions entendez-vous mener sur ce sujet ? Ce qui me gêne, c'est que ces mesures soient incluses dans le budget du ministère de l'agriculture. Pourquoi ne pas les faire figurer dans le budget du ministère de la transition écologique et solidaire ?

Enfin, je suis élu d'un territoire où la consommation des terres agricoles est relativement importante. Dans l'Hérault, en trente ans, 25 % de la surface agricole utile a été consommée. Quand prendrons-nous des mesures permettant de la préserver ?

Les outils existent, comme les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN), pour s'opposer à leur artificialisation. Quels sont vos axes de travail à ce sujet ? Pour nous, il est essentiel de les préserver.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Monsieur le ministre, vous avez, s'agissant de l'enseignement agricole, apporté un certain nombre d'éléments de réponse sur le programme 143. J'ai cependant trois questions à vous poser.

Tout d'abord, les protocoles d'accord avec les fédérations de l'enseignement privé expirent à la fin de cette année. À ce jour, aucun accord n'a été conclu. À défaut de l'application stricte de la loi Rocard, les fédérations demandent une revalorisation substantielle de la subvention. Cela paraît équitable, tant la comparaison avec le public révèle un écart important. De plus, le plafonnement des subventions pousse au statu quo, voire au déclin des effectifs d'élèves. Il tend à entraver le développement de l'enseignement agricole, alors qu'il existe une vraie demande dans certains territoires. Quelles solutions apportez-vous à ce problème ?

Seconde question : dans certains territoires en particulier - outre-mer, Mayotte, Guyane - mais aussi dans certains départements de l'ouest de la France, il existe un véritable besoin d'enseignement agricole, même si des efforts ont été faits au cours de ces quinze dernières années. Comment comptez-vous y répondre ?

Enfin, l'enseignement agricole accuse encore, en 2017, une baisse de ses effectifs à rebours de l'évolution démographique dans le second degré. Comment valoriser et faire connaître les formations de l'enseignement agricole, en particulier auprès des personnels et des élèves de l'éducation nationale ?

J'ai posé ces questions il y a quelques jours au ministre de l'éducation nationale, M. Blanquer, considérant qu'il existe une passerelle entre enseignement général, enseignement professionnel et enseignement agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Bertrand

Monsieur le ministre, l'article 8 du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales à compter de 2019. En l'état actuel du dispositif, la perte du CICE n'est pas compensée pour les employeurs éligibles au dispositif en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE), c'est-à-dire les employeurs des salariés saisonniers.

Ces derniers subiraient alors une hausse équivalente à sept points de la masse salariale. Je vous rappelle qu'il existe 15 000 emplois saisonniers dans les Bouches-du-Rhône, et qu'il s'agit du premier département à produire des fruits et légumes. Il compte en effet beaucoup de maraîchers et d'arboriculteurs.

Le coût du travail correspond à un tiers de leurs dépenses. De plus, ils sont en concurrence directe avec l'Espagne ou l'Italie, où le coût du travail est à moins 30 %, voire à moins 35 %.

Cette main-d'oeuvre est encore plus nécessaire pour les agriculteurs choisissant le bio, notamment les jeunes. Or il faut beaucoup plus de main-d'oeuvre dans l'agriculture biologique.

Ne pensez-vous pas qu'il serait bon d'amplifier l'exonération TO-DE, afin d'intégrer les sept points du CICE, en abaissant ainsi le coût du travail pour tous nos agriculteurs ? Quelle solution apporter ?

L'agriculture est indispensable à notre économie, notamment dans les Bouches-du-Rhône, et assure la sécurité de l'indépendance alimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Monsieur le ministre, la crise du beurre semble toucher à sa fin - et c'est heureux. Néanmoins, cet épisode révèle le dysfonctionnement des circuits agricoles, ainsi que les limites de la PAC. La fin des quotas laitiers, en 2015, a été une décision lourde de conséquences, que l'ensemble des ministres de l'agriculture, depuis Bruno Le Maire, a déplorée. Quelle est votre position sur ce sujet ? Quelle sera la position de la France dans la négociation sur la PAC-post 2020 ?

Je voudrais également vous interpeller sur un autre volet. Je suis un ardent défenseur de la filière brassicole française. Il s'agit d'un élément extrêmement dynamique de notre savoir-faire et de notre économie. On comprend votre volonté - et celle du Président de la République -, dans le cadre des États généraux de l'alimentation, d'élargir les interprofessions. Quelle serait la place de la filière brassicole dans ce contexte ? Voyez-vous l'intégration des brasseurs dans Intercéréales, ou la création d'une filière distincte, avec le houblon, l'orge et autres productions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le ministre, le 21 septembre, l'annonce de la fin des aides au maintien pour l'agriculture bio a entraîné beaucoup d'émois. Les choses ont semble-t-il évolué depuis... Il se trouve que le 11 octobre, dans son discours de Rungis, le Président de la République a dit - je le cite : « Il importe aussi de mieux valoriser et rémunérer les services environnementaux que les agriculteurs sont capables de rendre à la collectivité, en agissant pour préserver les sols, les eaux, la biodiversité, et rémunérer de manière juste ces services. J'ai pris un engagement. Il sera donc suivi d'effet, avec 200 millions d'euros pour rémunérer ces services. » Monsieur le ministre, où se trouvent dans ce budget ces 200 millions d'euros d'aides ?

Deuxièmement, le Président de la République a renouvelé son engagement de garantir 50 % de produits bio ou locaux dans la restauration collective pour 2022. Quel est le calendrier ? Quel sera le pourcentage de produits bio ? Ce sont des sujets qui feront débat, pour lesquels on aura besoin de réponses assez rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord saluer l'effort du Gouvernement et votre objectif d'être particulièrement réactif en cas de crise sanitaire, économique ou climatique.

Vous le savez, mon département de l'Hérault a été touché par des épisodes climatiques successifs : grêle, gel, sécheresse ont, depuis deux ans, impacté durablement la vitalité économique des exploitations.

Les conséquences sont terribles : 80 millions de chiffre d'affaires en moins dans le secteur viticole en 2017 à cause du gel et de la sécheresse, 850 exploitations en grandes difficultés, un salaire moyen qui tombe à 12 500 euros nets par an.

Avec ces cas concrets, qu'on retrouve d'ailleurs dans beaucoup d'endroits en France, on mesure mieux l'importance de votre proposition de créer une réserve de crise à hauteur de 300 millions d'euros.

Dans le contexte de dérèglement climatique et de multiplication de ces événements exceptionnels, comment pérenniser et renforcer cette réserve de crise ? Quels investissements réaliser dans la recherche et l'innovation afin d'adapter nos cultures aux dérèglements climatiques ? Enfin, dans le cadre des plans de financement, peut-on envisager la prise en charge des cotisations sociales en période de crise, avec un mécanisme pérenne, par exemple en cas de chute du chiffre d'affaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le ministre, jeudi soir, dans le cadre de la discussion du PLFSS, un amendement visant à porter à 85 % du SMIC la retraite des exploitants agricoles a été rejeté par le Gouvernement.

Vous êtes ici pour présenter le projet de loi de finances 2018. Nous considérons que cette affaire aurait été l'occasion de reconnaître le monde paysan, celui qui souffre, en particulier les retraités. On a manqué une occasion historique, d'autant que la ressource pour financer cette mesure n'était pas prise sur le budget de l'État, mais sur une augmentation minime de la taxe sur les transactions financières de 0,1 % !

Dans le budget agricole, un volet important s'attache au développement des territoires ruraux. Une des façons de contribuer au développement des territoires ruraux est de donner du pouvoir d'achat au monde paysan dans son ensemble, les retraités comme les actifs.

Le deuxième pilier de la PAC a vocation à apporter des fonds dans la perspective de cet enjeu de développement. La question des retraites aurait pu permettre d'y contribuer.

Les États généraux de l'alimentation sont en cours. Ils vont, je l'espère, se traduire par un soutien aux revenus des producteurs agricoles et par un retour de la valeur qui leur revient. Où, dans le projet de budget que vous avez présenté, peut-on trouver les sommes qui seront réorientées en amont des filières ?

Enfin, mon collègue Henri Cabanel et moi-même avions fait voter, il y a quelques mois, une proposition de loi relative au développement des outils de gestion des risques dans le domaine agricole. Elle est aujourd'hui sur le bureau de l'Assemblée nationale et pourrait être utilement reprise, d'autant que le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a déposé un rapport il y a quelques semaines où il préconise des outils de développement en ligne avec ce que nous avions proposé. Où trouve-on, dans le budget 2018, ce type de mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Monsieur le ministre, il existe depuis 1995 un dégrèvement sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties incluses dans les périmètres fonciers pastoraux. Les revenus cadastraux de ces propriétés sont modestes, et les montants dégrevés chaque année par les services fiscaux le sont également.

Toutefois, ce dispositif représente une contrepartie très appréciée des agriculteurs et permet de favoriser l'action publique de dynamisation de nos territoires ruraux de montagne.

Cette disposition, prise initialement pour une durée de dix ans, avait été reconduite pour dix années supplémentaires. Elle a fait l'objet d'une autre reconduction jusqu'en 2017. Êtes-vous pour le maintien de ce dispositif de dégrèvement en 2018 et pour les années suivantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le ministre, nous relevons dans ce budget la volonté d'augmenter le nombre d'ETP pour résoudre un certain nombre de retards, dont ceux relatifs aux dossiers de la PAC. Le fait que ces personnels pourraient être essentiellement constitués de vacataires nous inquiète cependant en raison de la difficulté que cela présente en matière de formation et de continuité de l'expertise. Ces dossiers peuvent en effet parfois être compliqués, et un turn-over trop important risque de ne pas résoudre les problèmes d'engorgement.

Une remarque s'agissant de la suppression des aides en faveur de l'agriculture bio : c'est un mauvais signe qu'envoie le Gouvernement à travers ce budget. On l'a dit, cela semble contradictoire avec les propos tenus par le Président de la République. En outre, la volonté de faire supporter l'effort de gestion aux collectivités régionales nous inquiète. Nous avons confiance dans la qualité des exécutifs locaux, mais nous le déplorons que l'on renvoie la conversion au modèle bio vers le niveau régional. Toutes les études démontrent que les aides ont permis de développer un certain nombre de structures dans le domaine de l'agriculture bio.

Enfin, une remarque sur la question des calamités, notamment au sujet de l'eau. Un grand nombre de départements ont subi la sécheresse cet été. Tout n'est pas réglé - tant s'en faut. Ne conviendrait-il pas, comme certains le demandent, d'avoir une véritable réflexion sur l'eau ? Il pleut en effet moins régulièrement, les précipitations sont plus violentes, et il existe des problèmes d'évaporation du fait de périodes de canicule de plus en plus importantes...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Monsieur le ministre, les crédits consacrés à la recherche et à l'innovation présentent un certain décalage avec l'affichage de pratiques vertueuses et la mise en oeuvre de réponses concrètes destinées à maintenir la compétitivité de notre agriculture. Il y a deux ans, le ministère de l'agriculture souhaitait mettre l'agriculture française en situation de compétitivité face aux autres pays européens, et ce de manière durable. Aujourd'hui, on est en train de tout casser !

Par ailleurs, pourquoi ne fait-on plus une priorité du foncier agricole et du foncier forestier ?

S'agissant des États généraux de l'alimentation, êtes-vous sûr que les accords qui pourraient être passés en France sont compatibles avec les règles de la concurrence communautaire ?

Quant au budget consacré à nos forêts, il n'est pas à la hauteur de l'importance de celles-ci. Enfin, qu'en est-il de l'article 49 bis relatif à l'affectation des « centimes forestiers » des chambres d'agriculture, qui présente manifestement un gros problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Monsieur le ministre, force est de reconnaître que le mécanisme de la DPA n'a jamais remporté l'adhésion des agriculteurs, notamment en raison de sa complexité. Il est donc indispensable que l'on fasse des propositions concrètes en ce sens. De très nombreuses régions viticoles françaises ont été touchées par la crise. Il faut que l'on fasse des propositions durables et équilibrées qui puissent répondre à tous ces problèmes.

Enfin, les agriculteurs de mon département enregistrent encore des retards de paiement de la PAC 2015. Lorsque vous êtes venu nous voir en juillet, vous vous étiez engagé à faire en sorte que ces problèmes soient résolus rapidement. Ce n'est toujours pas le cas. Ce n'est pas normal.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Monsieur le ministre, les directions départementales des territoires (DDT) sont-elles ou non des républiques autonomes ? (Rires.) Elles paraissent en effet noyautées par des fonctionnaires qui se comportent comme des militants politiques. Pour déboiser une microzone d'activité, il faut se battre pendant quinze ans, et on n'arrive pas à respecter la loi concernant de simples problèmes de défrichement ou d'eau.

Concernant le loup, il ne faut pas attendre qu'on ait mis le feu au pays pour intervenir. C'est ce qui est en train d'arriver, car on met à mal les familles et les exploitations. Allez-vous prendre des positions justes, efficaces et raisonnées à ce sujet ? Je serai du côté de ceux qui soutiennent les agriculteurs !

Par ailleurs, le réchauffement climatique étant maintenant certain, quelle est votre politique de l'eau ? Il faut construire des réservoirs pour soutenir l'étiage des cours d'eau. On soutiendra en même temps la pêche, le tourisme et l'agriculture. Je ferai une proposition de loi en ce sens, actuellement à l'étude dans mon groupe du RDSE !

Par ailleurs, il faut que vous preniez le taureau par les cornes en matière de délais de paiement des aides de la PAC, car malgré les efforts, on n'arrive pas à dialoguer avec les agriculteurs.

Enfin, envisager de prélever une partie de la taxe carbone pour avoir un véritable fonds forestier national afin de permettre la replantation est indispensable. Il s'élève actuellement à environ 20 à 30 millions d'euros, alors qu'il devrait être de 150 millions d'euros. La forêt française en dépend !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le ministre, concernant l'agriculture bio, vous avez déclaré vouloir soutenir les aides à la conversion plutôt que les aides au maintien. Je vous appuie car, en matière d'agriculture bio, la phase la plus difficile est la phase de conversion, durant laquelle des exploitations, parfois fragiles, peuvent voir leur avenir compromis. Elles diminuent leurs rendements, recourent à une nouvelle technique, alors que les prix sont toujours au même niveau.

Je considère donc que vous avez raison ! D'autres filières, comme les appellations d'origine contrôlée, ont également des cahiers des charges extrêmement rigoureux, respectent l'environnement tout autant que les autres, et sont obligées de s'organiser pour pouvoir pallier leurs charges.

Les aides au maintien ne sont pas un service à rendre à la filière bio, car cela peut entraîner un certain laxisme dans l'organisation économique. Continuez donc à défendre cette position. Ne vous laissez pas faire par le Président de la République, qui est tenu à certains discours !

Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne la petite forêt privée. Depuis des décennies, on a un problème avec ce secteur, patrimoine national sous-exploité, voire non exploité, qui peut même, dans certaines régions, poser des problèmes écologiques. Ceci constitue surtout une perte de matière première pour notre pays.

J'ai rédigé un amendement que j'aimerais que vous souteniez, monsieur le ministre : en effet, les sommes étant trop faibles, aucun impôt foncier n'est prélevé sur les petites forêts privées. Les propriétaires ne savent même pas qu'ils possèdent quelques parcelles, souvent issues d'héritages. Bercy refuse de prélever cet impôt tous les trois ans, alors qu'il existe aujourd'hui des moyens informatiques pour ce faire. Il ne s'agit pas de pénaliser les propriétaires fonciers, mais de leur rappeler qu'ils possèdent un bien et les inciter éventuellement à le vendre, afin qu'un regroupement puisse se faire et qu'on puisse l'exploiter. Si vous y parvenez, vous serez le premier ministre de l'agriculture à avoir contribué à l'exploitation de la petite forêt privée !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le ministre, on s'interroge sur les ambitions du Gouvernement en matière d'agriculture bio et sur le fait de confier les aides de ce secteur aux régions. Il s'agit d'un enjeu national, et c'est l'État qui doit s'en charger !

Deuxièmement, quelle est votre position concernant le CETA ? Ce traité entre l'Europe et le Canada, aux termes duquel on va importer des tonnes de boeuf, de porc, de blé tendre ou de maïs doux, inquiète beaucoup les agriculteurs et les consommateurs. On va m'opposer que les choses vont se faire progressivement, sur sept ans, et qu'il existe des clauses suspensives, mais la valeur ajoutée qui va arriver sur nos marchés est forte, vous le savez, notamment pour ce qui est du boeuf.

Bien sûr, les OGM et les hormones sont interdits, mais la traçabilité des produits est difficile à établir, notamment en matière d'alimentation animale et d'antibiotiques.

Cinq tonnes de saumons nourris aux OGM ont été vendues l'an dernier dans l'espace canadien. On ne pourra assurer la traçabilité de ce qui arrivera dans l'assiette du consommateur européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le ministre, ma question s'inscrit dans la suite de l'orateur précédent et porte sur les perspectives d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur. Celles-ci inquiètent les filières animales, particulièrement la filière bovine.

Le Mercosur, c'est un quart de la production mondiale de viande bovine, mais aussi le premier exportateur de la planète en la matière. Il est nécessaire d'être extrêmement vigilant dans ces négociations, afin qu'on n'importe pas au sein de l'Union européenne - et en France - une production de viande bovine qu'on ne s'autoriserait pas à produire dans notre pays, aujourd'hui engagé en matière de traçabilité, de santé animale et de bien-être animal, alors même que la France est engagée dans les États généraux de l'alimentation.

Deuxièmement, on constate une augmentation des exportations de bois brut non transformé vers différents pays tiers, notamment la Chine. Ceci fragilise les scieries locales ainsi que la valeur ajoutée et l'emploi sur notre territoire, ainsi que le bois énergie. La démarche de qualification ne semble pas suffisamment efficace dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur l'agriculture bio. Je condamne l'attitude que vous avez eue vis-à-vis de la suppression de l'aide au maintien. On peut toujours imaginer que le marché doit se réguler, mais il ne faut pas perdre de vue que le secteur bio est jeune et fragile. Il faut donc être attentif à ce qu'il perdure. Or en supprimant ces aides, on pénalise les plus vertueux. Ces aides permettent en outre de vendre les produits bio à un prix moindre, plus accessible aux ménages les plus modestes.

Par ailleurs, vous baissez les aides aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) d'un million d'euros. Ces structures apportent pourtant un soutien important au fonctionnement des exploitations. Au vu des résultats des comptabilités, on se rend compte que ces coopératives sont indispensables.

Enfin, un dernier propos concernant le loup et les autres prédateurs. Le choix est simple : on choisit soit le pastoralisme, soit le tourisme, soit l'élevage, soit le loup !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Monsieur le ministre, une question à propos de la filière bois et de son financement, puisque nous coupons nos forêts, mais que nous ne reboisons pas suffisamment.

Dans le cadre du Programme national de la forêt et du bois (PNFB), il avait été envisagé la mise en place d'un fonds stratégique pour prendre le relais du fonds forestier, qu'on a pu connaître par le passé, avec un montant qui, pour être crédible et efficace, devait atteindre les 150 millions d'euros. Nous en sommes loin, puisque nous sommes à environ 18 millions d'euros.

Le projet de loi de finances pour 2018 donne un nouveau coup de rabot à la recette de la filière bois dans le cadre de l'indemnité de défrichement, qui ne représente que quelques millions. Il semblerait que, là aussi, le Gouvernement souhaite instaurer un plafond.

Je vous demande donc d'intervenir pour que les maigres recettes de la filière bois puissent lui revenir et financer l'ambitieuse politique du Gouvernement en matière de valorisation du bois, en soulignant tout son intérêt en termes environnemental, en particulier de captation du carbone.

Autre question portant sur la PAC et le soutien aux zones intermédiaires : il existe une inégale répartition des aides PAC en France, qui désavantage notamment les exploitations situées dans les zones intermédiaires, avec le choix dit de la convergence et de l'activation des paiements redistributifs, choix unique en Europe.

Vous connaissez la détresse des agriculteurs de ces territoires, qui vivent une double peine : ils sont non seulement sur des territoires peu fertiles, mais perçoivent en outre beaucoup moins d'aides que leurs collègues. Cette différence peut aller jusqu'à 100 euros à l'hectare par rapport aux producteurs allemands.

Comptez-vous pencher à nouveau sur ces réalités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Monsieur le ministre, l'utilisation des néonicotinoïdes pose un certain nombre de problèmes et présente des risques pour la santé des utilisateurs du produit, des consommateurs, mais aussi des abeilles.

Suite au vote de la loi sur la biodiversité du 20 juillet 2016, leur usage sera interdit à compter du premier septembre 2018, avec une dérogation jusqu'en 2020.

Ma première question est relative à la recherche et à ses avancées : où en est la mise au point d'une molécule de substitution qui, d'une part, ne présenterait pas le danger des néonicotinoïdes pour la santé publique et, d'autre part, serait capable de protéger les cultures ?

Ma deuxième question découle de la première : pensez-vous, dans le cas où il n'y aurait pas de molécule de remplacement en 2020, prolonger la dérogation d'interdiction jusqu'à ce qu'il existe une molécule de remplacement ? Ceci est très important pour l'agriculture, notamment dans un département comme le nôtre, producteur de fruits et de légumes par excellence. Nous sommes ainsi les premiers producteurs européens de noisettes.

Concernant plus particulièrement la compétitivité, la France va-t-elle continuer à être la championne de la prolifération normative, qui pénalise la compétitivité de notre agriculture et crée des distorsions de concurrence à l'échelon européen ? L'agriculture est en pleine mutation. C'est, je pense, un mal nécessaire, mais aujourd'hui, le métier d'agriculteur est de plus en plus difficile. Le revenu des agriculteurs est en baisse. Ne pensez-vous pas qu'une pause par rapport à ces normes donnerait plus de stabilité et un petit peu d'air à nos exploitations agricoles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Monsieur le ministre, va-t-on trouver un jour une solution au sujet du loup ? La question revient tous les ans, et la situation se dégrade d'année en année. La France est-elle suffisamment riche pour continuer à payer de tels dégâts sans chercher à mettre en oeuvre d'autres solutions ?

Nos préfets délivrent parfois des permis pour des tirs, mais ceux-ci sont remis en cause par certains, notamment par les écologistes dans mon département. Ce sont d'ailleurs eux qui ont gagné. Ce ne sont pourtant pas eux qui payent les dégâts. Il faut trouver une solution : il n'y a pas une semaine sans attaque de troupeaux dans les départements forestiers ou montagnards. Cela ne peut pas durer. Il n'est pas acceptable de dépenser de l'argent public à cette fin.

Il y a quinze ans, il n'y avait pas un loup dans les Vosges. Aujourd'hui, il y en a je ne sais combien, qui vivent en meutes et qui arrivent de Meurthe-et-Moselle ou du Jura. Si on les laisse se développer, il y en aura selon moi aux portes de Paris avant dix ans !

Par ailleurs, vous avez indiqué que les charges sociales risqueraient de baisser pour 60 % des agriculteurs. Qu'en est-il des 40 % restants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le ministre, j'aurais une seule question à vous poser.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est reconnue pour la qualité de ses expertises et de ses experts. La dernière loi de modernisation de l'agriculture lui a transféré la décision de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

Aujourd'hui, un certain nombre de décisions de l'ANSES sont mises en cause par nos concitoyens. Je pense aux avis sur le glyphosate, les néonicotinoïdes, ou à la nouvelle molécule Sulfoxaflor, qui vient d'être autorisée par l'ANSES et qui pose aujourd'hui question au Gouvernement.

Devons-nous conserver l'ANSES ? Quelle est la position du Gouvernement par rapport aux décisions de celle-ci ? Pensez-vous revenir en arrière sur la responsabilité de l'ANSES en matière de mise sur le marché, qui pourrait être transférée au ministère ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Travert, ministre

Je vais essayer de répondre à l'ensemble des questions. Le questionnaire est fourni, technique, précis mais, pour tout dire, je m'y attendais. Tant mieux ! Cela me permet de lever un certain nombre d'ambiguïtés, de répondre à des malentendus, mais aussi de tordre le cou à de vilaines rumeurs.

La question de Mme Férat m'offre la possibilité d'introduire les réponses que je souhaitais vous faire. C'est un honneur pour moi d'occuper les fonctions de ministre de l'agriculture, car nous avons l'agriculture la plus belle et la plus performante du monde. Avec les territoires, les élus, les services et l'ensemble des fonctionnaires de ce beau ministère, je veux faire en sorte que les Français soient fiers de leur agriculture, que les agriculteurs puissent vivre de leur métier et qu'ils soient fiers de ce qu'ils font.

Si nous y parvenons, nous aurons réussi à redonner de la compétitivité à la ferme France.

Je considère que la compétitivité n'est pas un gros mot. Nous en avons besoin pour être responsables face aux défis qui sont les nôtres. La compétitivité permet de mieux résister aux aléas et à une concurrence mondialisée. On le voit à propos de la filière laitière. C'est ce qui va permettre de passer des crises comme on a pu en connaître dans le Sud-Ouest, à la suite de l'influenza aviaire.

Rendre leur fierté aux agriculteurs parce qu'ils pourront vivre dignement de leur travail est l'objectif que nous souhaitons porter. C'est un objectif que nous pouvons partager. Il peut y avoir des dissensus quant aux moyens d'y parvenir. La discussion est là pour essayer de traiter ces problématiques.

Je crois c'est que nous y parviendrons parce que nous aurons réussi à simplifier la vie des agriculteurs et leur travail. On parle beaucoup de contraintes administratives. Il n'y a pas que cela. Peut-être avons-nous eu, depuis un certain nombre d'années, l'envie d'ouvrir les parapluies et de surajouter de la réglementation à la réglementation.

Nous avons besoin de retrouver du pragmatisme et du bon sens. Ceux-ci peuvent parfaitement s'illustrer par des politiques novatrices en matière d'agriculture. Simplifier un certain nombre de démarches, c'est ce que nous allons essayer de faire lorsque nous défendrons la prochaine PAC. Simplifier la réalisation d'un certain nombre de projets, c'est ce que nous allons essayer de faire dans le projet de loi de restauration de la confiance entre les citoyens, l'État et l'administration, plus communément appelé « projet de loi sur le droit à l'erreur ».

C'est avec de telles mesures, qui faciliteront la vie des agriculteurs, leur redonneront plus de temps pour se consacrer à leur métier, l'élevage, la culture ou un certain nombre d'autres systèmes agricoles, que nous réussirons le pari de rendre sa fierté à l'agriculture française et la compétitivité à la ferme France.

La situation d'ensemble, en 2017, a été meilleure qu'en 2016. Sur le plan climatique, nous avons connu des perturbations climatiques de moindre ampleur, à l'exception des gelées de printemps qui ont affecté le secteur viticole et, dans une moindre mesure, le secteur arboricole.

Le secteur laitier se redresse nettement. La crise laitière a des impacts limités sur la viande bovine grâce aux décisions prises par les pouvoirs publics français et européens, avec des cours tirés par l'export. Nous ne connaissons pas de crise d'ampleur particulière sur les fruits et légumes. Quant au prix des céréales, ils sont stabilisés par rapport à 2016 et les cours maintenus.

Nous avons plutôt de bonnes nouvelles en matière d'exportations : réouverture du marché vers la Turquie pour la filière bovine, du marché vers le Vietnam pour le marché de la pomme de terre, du marché vers le Japon pour la volaille et le foie gras.

Ces bonnes nouvelles concourent aux résultats économiques de notre agriculture et à notre balance du commerce extérieur.

Il est vrai que ces éléments montrent une situation contrastée, avec de vraies améliorations, mais nous savons qu'il nous reste beaucoup de travail à faire. La mobilisation des acteurs de la filière est indispensable. C'est le sens de ce qui est engagé avec les interprofessions.

Le Président de la République, dans son discours du 11 octobre, à Rungis, avait demandé que nous puissions mettre en place des plans de filières. C'est ce que nous sommes en train de réaliser. Après avoir signé, la semaine dernière, la charte avec les producteurs, les distributeurs et les transformateurs, nous travaillons actuellement avec les filières, les interprofessions. À quels marchés allons-nous porter une attention particulière ? Quels sont les objectifs de croissance, quelles sont les priorités en matière économique et par rapport aux attentes sociétales ?

On parle beaucoup du bien-être animal, de biosécurité, de sanitaire. Quelles perspectives ces filières vont-elles ouvrir pour que l'État puisse être au rendez-vous de ces engagements pris le 11 octobre dernier, et voir comment articuler, avec des plans de filière validés, un projet de loi qui nous permettra de transformer durablement notre agriculture dès le premier semestre prochain ?

Nous attendons des engagements des acteurs des filières en matière d'organisation des relations économiques. Nous aurons les résultats de ces travaux le 10 décembre prochain. J'ai reçu les acteurs de ces filières hier matin. Je sais que c'est court, mais ils sont fortement mobilisés sur ces questions. Un certain nombre a même pu présenter, à mi-parcours, un travail très intéressant.

Concernant les mesures sur l'influenza aviaire, l'État s'est fortement mobilisé pour accompagner les professionnels et déployer des dispositifs d'aide en faveur de l'amont de la filière avicole et obtenir un cofinancement européen.

Ce sont près de 290 millions d'euros qui vont être mobilisés. Les dispositifs de la crise H5N1 de 2016 à destination de l'amont de la filière sont désormais clôturés. Les 2 500 dossiers ont été soldés le 30 septembre dernier.

Concernant l'indemnisation de l'aval de la filière, un dispositif d'avance remboursable a été rapidement déployé. Une enveloppe de 20 millions d'euros est en cours de déploiement.

Concernant la crise de 2017, 90 % des dossiers pour les animaux abattus dans les foyers infectés, soit 30 millions d'euros sont payés. Les paiements pour compenser l'abattage préventif subi dans les élevages sont désormais finalisés pour 13 millions d'euros. En parallèle, le versement depuis juin d'une avance de 50 % sur les pertes de production des éleveurs situés dans les zones réglementées est en cours de finalisation. Comme cela a été annoncé le 23 juin, une avance de 20 % vient d'être récemment payée.

La semaine dernière, nous avons fait en sorte qu'il puisse y avoir un dispositif de 77 millions d'euros pour prendre en charge une partie des pertes indirectes dues à l'absence de canards ou de palmipèdes dans la plupart des élevages à partir du mois de mai, en raison du vide sanitaire demandé.

Il est important que la filière s'engage dans la mise en oeuvre de mesures de biosécurité. Il est indispensable pour cette filière de réduire les risques.

Nous avons souhaité accompagner la filière avicole dans la difficulté qu'elle a rencontrée. Nous l'avons particulièrement fait là où c'était nécessaire, notamment dans le Sud-Ouest, fortement touché par l'influenza aviaire.

S'agissant de la viticulture j'ai, dès mon entrée en fonction, pris un certain nombre de mesures pour accompagner les viticulteurs les plus touchés par les épisodes de gel du printemps 2016, comme le dégrèvement de la taxe sur le foncier non-bâti. J'ai adressé à mon collègue Gérald Darmanin une demande pour faciliter la prise en compte des pertes importantes subies par les viticulteurs. Nous avons dégagé une enveloppe annuelle de 30 millions d'euros pour prendre en charge les cotisations sociales et tenir compte des besoins des différents départements et des différents types de production.

Un échéancier de paiement des cotisations sociales allant jusqu'à trois ans a été décidé pour alléger la trésorerie des exploitants. Des cellules d'accompagnement ont été mises en place au niveau départemental.

Les viticulteurs disposent aujourd'hui d'outils spécifiques pour faire face aux aléas. C'est le cas des dispositifs d'achats de vendange ou de volumes complémentaires individuels. Les intempéries se multiplient, il ne faut pas le nier. Il est important que les producteurs puissent assurer plus largement leurs récoltes. Nous avons mis en place un dispositif de soutien à l'assurance sur les récoltes qui peut prendre en charge jusqu'à 65 % des cotisations d'assurance. Nous avons besoin de faire la promotion de ce dispositif, que beaucoup de viticulteurs ne connaissent pas ou n'utilisent pas suffisamment.

S'agissant de la PAC, nous avons souhaité que celle-ci fasse partie des priorités budgétaires. La PAC est une sorte de talisman pour l'agriculture. C'est symbolique. Nous avons besoin d'une PAC forte, plus lisible, qui comporte des filets de sécurité. C'est l'objectif que nous fixons à la prochaine programmation. Aujourd'hui, la PAC est une politique totalement indissociable du projet européen. Nous devons faire face à un certain nombre d'enjeux - vous les avez rappelés les uns et les autres - concernant la sécurité alimentaire, l'emploi, la réponse aux enjeux environnementaux et climatiques, et les productions agricoles et alimentaires.

La prochaine PAC doit être simplifiée et modernisée. Nous avons besoin qu'elle protège nos agriculteurs. Nous travaillons sur ces bases avec les autres ministères. Le rapport d'information du Sénat et la proposition de résolution européenne posent des jalons importants pour les prochaines étapes du processus de négociation que nous allons entamer. L'ensemble des travaux que vous menez seront utiles à nos échanges.

Je suis convaincu que la PAC doit demeurer une politique essentielle. L'ampleur des défis nécessite une grande coordination. Nous organiserons, le 19 décembre prochain, une conférence nationale sur la PAC, à laquelle les parlementaires seront invités. Nous aurons l'occasion d'entendre mes homologues européens ministres de l'agriculture.

M. Phil Hogan, commissaire européen en charge de l'agriculture, sera également présent. Ce sera l'occasion pour nous de poser des jalons, de réfléchir ensemble, de trouver des alliés, d'aller chercher des partenaires. C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui.

La France n'est pas seule au milieu des 27 membres de l'Union européenne. Elle a besoin d'alliés pour défendre sa spécificité, cette place forte agricole qui est la nôtre. Je souhaite que ces travaux puissent donner de belles perspectives dans le cadre des négociations qui viendront.

Vous avez évoqué le Brexit. Les négociations se font aujourd'hui à 27. Michel Barnier a mandat pour négocier au nom des 27. Aujourd'hui, nous sommes dans le cadre de la négociation sur les conditions de sortie financière du Royaume-Uni. À ce stade, nous ne les connaissons pas.

Je viens d'un territoire - une presqu'île - où les pêcheurs sont inquiets. Ils se demandent si, demain, ils continueront à avoir accès aux eaux britanniques. C'est la même chose pour les Bretons.

Nous avons aujourd'hui besoin de défendre la spécificité de la pêche française. Je l'ai dit, la pêche française ne constituera pas la variable d'ajustement du Brexit. Elle ne le peut pas, parce que nous négocions dans un cadre global - et c'est bien la mission assignée à Michel Barnier. Nous devons bien évidemment éviter d'exclure un certain nombre de politiques et éviter d'enfoncer un coin entre les différents États. Nous avons besoin de faire bloc jusqu'au bout, sur l'ensemble des missions qui sont les nôtres.

Aujourd'hui, les négociations sur ce point ont peu progressé, et les travaux n'ont pas pu démarrer. Néanmoins, qu'il s'agisse de l'agriculture ou de la pêche, je resterai attentif à ce qui sera négocié, et je veillerai à préserver nos intérêts. Nous aurons l'occasion de revenir vers les professionnels à ce sujet.

Je voulais également aborder le sujet de la gestion des risques et du calendrier de versement des aides PAC. Si certains agriculteurs ne sont pas encore indemnisés, il faut me le dire !

Nous avons arrêté un calendrier le 22 juin dernier. Celui-ci est tenu. Le 19 octobre dernier, nous avons réalisé un versement de 6,3 milliards d'euros, le plus gros que le ministère de l'agriculture n'ait jamais eu à réaliser. Il s'agit du règlement d'une avance de 90 % des aides PAC pour 2017. Bon nombre d'agriculteurs nous ont signalé que ces aides étaient arrivées sur les comptes bancaires.

Les MAEC 2015 sont réglées depuis le 3 novembre. Les paiements ont été réalisés par l'ASP. L'ICHN 2016 a été payée en juillet 2017. L'ICHN 2017 sera payée en février 2018. Les MAEC 2016 seront payées à partir de mars 2018 et les MAEC 2017 à partir de juillet 2018. Ce calendrier sera tenu.

S'il existe des difficultés sur certains territoires, il faut nous les faire remonter. L'objectif est de revenir à un calendrier de versement normal à partir de la campagne 2018. Les avances des aides en faveur des caprins et des ovins pour 2017 ont été payées le 16 octobre dernier, conformément au calendrier. Sans attendre le paiement des aides PAC, le Gouvernement a mis en place des apports de trésorerie remboursables pour chacune des campagnes.

Nous restons à votre écoute. Vous pouvez rassurer les producteurs et les éleveurs : les versements qui devaient l'être ont bien été effectués. Le calendrier sera tenu, et nous reprendrons le versement des aides de 2018 en 2018.

S'agissant de la gestion des risques, compte tenu de l'importance des aléas climatiques ou sanitaires, il convient de se doter d'outils adaptés, comme l'assurance climatique, le dispositif de calamités agricoles, ou les fonds de mutualisation, afin d'indemniser un certain nombre de producteurs. Nous avons engagé une réflexion au sein d'un groupe de travail du Comité supérieur d'orientation pour améliorer et rendre plus cohérent l'ensemble de ces dispositifs. C'est une des préoccupations majeures de la PAC 2020.

Là aussi, nous souhaitons pouvoir faire en sorte que ces risques puissent être pleinement pris en compte dans les mesures que l'on va prendre dans les prochains mois si, demain, nous devons en financer un certain nombre. On a parlé de l'épargne de précaution et de la DPA. Une demande de sincérité budgétaire a été formulée. C'est pourquoi nous avons choisi de créer ce dispositif de 300 millions d'euros de provision.

Il sera là pour répondre à des crises, à des aléas climatiques et si, demain, cette provision ne s'avérait pas suffisante, c'est le budget national, au titre de la solidarité, qui viendrait compenser les difficultés rencontrées. Je tiens à vous rassurer sur ce point. Cette enveloppe de 300 millions d'euros figure dans le budget car nous l'avons estimée nécessaire à la sincérité budgétaire.

Concernant le dispositif des cotisations sociales, quel est le sens de la réforme que nous conduisons aujourd'hui ? Il s'agit d'harmoniser de façon pérenne le régime des cotisations maladie pour l'ensemble des indépendants non agricoles. Dans un cadre de prestations identiques pour tous les indépendants, cette harmonisation relève pour nous de l'équité. Le nouveau barème respecte l'engagement gouvernemental en termes de gain de pouvoir d'achat pour les actifs aux revenus les plus modestes, puisque 60 % des agriculteurs bénéficieront d'une baisse de charges supplémentaires par rapport aux cotisations actuelles.

La réforme ne remet pas en cause le principe des allégements de 2016 : nous les répartissons d'une façon que nous jugeons plus équitable.

En 2016, 60 % des personnes les plus modestes profitaient de moins de 90 millions d'euros d'allégement de charges, soit 17 % de l'effort de solidarité national, les 40 % les mieux lotis bénéficiant de 400 millions d'euros, soit 83 % de cet effort.

Avec cette réforme les 60 % les plus modestes profiteront de 10 millions d'euros d'allégements supplémentaires, soit 26 % des 360 millions de l'effort de solidarité nationale, les 40 % les mieux lotis profitant toujours de la plus grande part de l'effort de solidarité nationale, soit 74 % représentant plus de 250 millions d'euros.

C'est une mesure d'équité que nous essayons de porter.

Nous ne considérons pas aujourd'hui que la crise soit derrière nous, mais cette mesure a été prise alors que la crise était au plus haut, de manière temporaire. C'est un geste qui a été fait par la précédente majorité pour venir en aide aux agriculteurs.

À partir du moment où le Gouvernement a décidé de retravailler sur le régime général des cotisants, de supprimer le RSI et de remettre les indépendants - donc les agriculteurs - dans le régime général, il nous fallait revoir l'ensemble de ces dispositifs afin de leur permettre de retrouver de la justice dans le calcul des charges.

Vous avez évoqué le TO-DE. Le PLFSS prévoit, à partir de 2019, une transformation du CICE en baisse des cotisations sociales. Les employeurs de travailleurs saisonniers bénéficieront de ces baisses de cotisations. La suppression du CICE ne se traduira donc par une perte sèche, mais bel et bien par un soutien. C'est une mesure de justice que nous avons souhaité pouvoir porter.

De la même manière, un effort important a été fait pour revaloriser le montant minimum des retraites agricoles à 75 % du SMIC pour une carrière complète et, pour ce faire, revaloriser le stock et le flux.

L'État a fait appel à parité à l'augmentation du taux de cotisation de retraite complémentaire obligatoire et à la solidarité nationale, soit 10 millions d'euros supplémentaires - 110 millions d'euros par an.

Les propositions que nous pourrions être amenés à faire en matière de fiscalité agricole sont annoncées pour 2018. La fiscalité agricole actuelle repose sur des raisons objectives, comme une intensité capitalistique importante de l'activité agricole, associée à une forte variabilité des revenus tirés de l'exploitation liée aux aléas climatiques, sanitaires ou économiques, une pluriactivité essentielle, et une exploitation individuelle et familiale à la base, mais de plus en plus tentée par des formats sociétaires.

La fiscalité est une matière vivante, qui n'a pas connu beaucoup d'évolutions ces dernières années. Bruno Le Maire l'a indiqué il y a quelques semaines : le Gouvernement va ouvrir un chantier sur la fiscalité agricole pour formuler un certain nombre de propositions innovantes en 2018. Je ne puis anticiper sur les résultats d'un travail qui n'est pas encore lancé, mais les questions que vous posez sur ce sujet méritent toute notre attention. Nous définirons rapidement le périmètre de la réflexion et pourrons revenir devant vous pour traiter ce sujet. Vous aurez peut-être l'occasion de le faire en commission.

Vous m'avez interrogé sur les ICHN. Quel est le calendrier de la réforme ? Le zonage des zones défavorisées simples, hors zones de montagne, pouvant bénéficier de l'ICHN devait être revu pour 2018. Les premières hypothèses, qui avaient été élaborées par le précédent Gouvernement, conduisaient à un surcoût important pour l'État et le FEADER.

Nous devons poursuivre ce travail et ces investigations en prenant en compte les besoins des zones fragiles et les possibilités budgétaires, tant nationales que communautaires. Nous avons obtenu un décalage à 2019 de la révision du zonage dans le règlement omnibus. Il existe aujourd'hui un trilogue entre les institutions européennes et l'ensemble des États membres.

Les travaux pour définir ce nouveau zonage ont été engagés. Ils visent à définir aujourd'hui une carte de zone éligible qui soit claire et qui garde du sens. Des zones sont aujourd'hui éligibles pour des raisons historiques, sans justifier pour autant de critères qui permettent de leur attribuer cette aide. Nous avons pu voir, dans un certain nombre de cas, des zones de plaines bénéficiant de l'ICHN, qui n'avaient strictement rien à y faire.

Avant de retravailler sur le périmètre global, regardons d'abord les zones qui n'ont rien à faire dans le périmètre de l'ICHN, et déterminons où elles sont nécessaires. Il nous reviendra ensuite de paramétrer à nouveau le zonage global. Vous savez que plus on agrandira le périmètre, plus les zones seront faibles.

Nous avons besoin de trouver le système le plus juste et le plus équitable possible. Nous avons aujourd'hui beaucoup de demandes de la part de sénateurs et de députés. Il y aura toujours des « effets de bord » qui ne permettront pas à certains territoires d'entrer dans le zonage, mais nous allons essayer de faire en sorte que le travail que nous allons mener soit le plus juste possible et corresponde aux besoins.

Cela ne va pas faire plaisir à ceux qui vivent dans les zones de plaine, mais il va falloir leur expliquer qu'ils n'ont pas à bénéficier de ces aides.

Quant aux refus d'apurement, leur montant a considérablement augmenté ces dernières années. Je m'inscris en faux par rapport à l'interprétation qui a été avancée : l'augmentation résulte de l'aboutissement d'un certain nombre d'audits relativement anciens, et d'un renforcement des exigences communautaires, notamment sous la pression de la Cour des comptes européenne. Des mesures ont été mises en oeuvre afin de réduire ces refus.

La refonte du registre parcellaire graphique a entraîné nombre de difficultés et les retards que vous connaissez dans le paiement des aides PAC.

Je voudrais rendre hommage aux fonctionnaires, aux directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et aux directions départementales des territoires (DDT), qui sont en première ligne devant les agriculteurs.

Je suis allé voir comment ils travaillaient. Ce n'est pas simple, et j'ai mieux compris pourquoi nous avions un certain nombre de retards...

Pour répondre à la question du sénateur Bertrand, aujourd'hui, c'est bel et bien le ministère de l'agriculture qui assure la tutelle de ces services déconcentrés. Nous leur faisons confiance pour travailler, mais des consignes sont données, et elles doivent être appliquées par les services déconcentrés - et vous pouvez nous faire confiance pour que ce qui est décidé soit suivi d'effet.

J'ai rencontré les directeurs départementaux des territoires la semaine dernière. Je leur ai rappelé la logique de notre action et la manière dont nous devions travailler.

Pour ce qui est de la filière bio, ce secteur enregistre depuis 2015 une croissance très importante. La demande sociale est très forte, et la progression se poursuit d'année en année. Au 30 juin 2017, ce sont plus de 51 000 opérateurs qui se sont engagés dans le bio, dans plus de 35 000 exploitations. Les surfaces cultivées en bio en 2017 sont estimées à 1,77 million d'hectares, en hausse de 15 % par rapport à 2016.

Nous avons demandé des plans de filière avec des objectifs fixés pour cinq ans pour les produits sous signe d'identification de qualité ou les produits bio. Nous ne cherchons pas aujourd'hui à développer un seul et unique modèle. Comme je l'ai toujours dit depuis mon arrivée au ministère, il ne s'agit pas d'opposer les systèmes agricoles les uns aux autres, mais de les faire converger. Comment réussir la transition ? Comment renouveler nos pratiques agronomiques ?

Le développement de ces systèmes doit être en phase avec les attentes des consommateurs, et je souhaite que les acteurs du bio puissent s'engager dans des travaux qui seront conduits dans chacune des filières.

Nous avons besoin d'accompagner la transformation des différents modèles. Concernant le soutien financier aux producteurs qui s'engagent dans le mode de production biologique, l'État recentre ses moyens sur les aides à la conversion. En matière d'aide au maintien, il revient désormais aux régions, avec la connaissance fine qu'elles ont et le maillage des territoires qu'elles constituent, de répondre à la demande. Elles peuvent le faire ou non. Nous n'entrons pas dans ce débat : il en va de la libre administration des collectivités, et c'est aux régions de juger ce qu'elles peuvent faire.

Je sais qu'en matière d'aide à l'agriculture biologique, un certain nombre de régions ne font pas la même chose. Certaines ont plafonné les aides, d'autres ne l'ont pas fait. Nous faisons le pari que nous aurons demain plus d'agriculteurs à se convertir aux filières bio. Nous faisons le pari, demain, parce que la demande sociale est forte, d'augmenter la surface cultivable en bio. Certains peuvent trouver que c'est insuffisant - et M. le sénateur Labbé l'a dit tout à l'heure - mais nous n'allons pas nous priver si nous parvenons à passer de 6 % à 8 % la surface cultivable en bio à l'horizon 2022.

Je suis pragmatique : j'essaye de fixer des objectifs que je puisse atteindre, quitte à les revoir et à pousser derrière. Si nous n'y avions pas cru, croyez-vous que nous nous serions engagés ?

Quelqu'un m'a conseillé tout à l'heure d'aller contre les propos du Président de la République. Cela ne me viendrait jamais à l'idée ! Ce que nous faisons est totalement partagé. L'objectif de voir la restauration collective recourir à 50 % à des produits bio ou issus de circuits courts à l'horizon 2022 est ambitieux. Nous avons besoin que davantage d'agriculteurs se convertissent au bio.

Le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture bio a été prolongé par l'Assemblée nationale. Il y a d'ailleurs eu confusion. On a parlé du rétablissement des aides au maintien. Cela n'a rien à voir ! Ce crédit d'impôt est accordé à tous les agriculteurs bio. Ce crédit d'impôt, qui devait s'arrêter au 31 décembre 2017, a été prolongé pour 2018. C'est un signe particulier que nous envoyons à l'agriculture biologique.

Il faut faire confiance au marché. La demande est là. C'est le marché qui la régule. Ce marché peut répondre aux objectifs de croissance et de compétitivité d'une filière dans laquelle nous croyons et sur laquelle nous voulons miser. Nous travaillons avec les régions et nous attendons un prochain comité État-région pour décider ensemble de ce que nous ferons. Des sommes seront affectées aux régions au titre du FEADER. Les régions seront libres de décider ce qu'elles feront de cette manne financière.

Concernant la rémunération des services environnementaux, celle-ci fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de la PAC post-2020. Ces services sont aujourd'hui rémunérés à travers le verdissement et les MAEC. On a besoin d'aller beaucoup plus loin pour mieux accompagner les agriculteurs dans l'amélioration de leurs performances économiques et environnementales, et définir des dispositifs dans le cadre d'une réglementation plus adaptée.

L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada est entré en application provisoire le 21 septembre 2017. Une commission d'experts en a examiné l'impact. Un plan d'action est mis en place pour apporter des réponses concrètes et opérationnelles à un certain nombre d'enjeux identifiés. Il s'agit d'assurer concrètement une mise en oeuvre exemplaire du CETA, et d'améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans les futurs accords commerciaux. Jean-Claude Juncker, dans son discours au Parlement européen, a parlé de réciprocité et souhaité qu'il n'existe pas de concurrence déloyale. Nous serons très vigilants en matière de contrôles. Il existe aujourd'hui des principes fondamentaux dans l'Union européenne.

Les bases de l'accord sur le MERCOSUR remontent à 1999. Depuis, l'économie a changé. À cette époque, l'euro n'avait même pas vu le jour. Je comprends l'inquiétude de la filière bovine lorsqu'on dit qu'on va importer 70 000 tonnes de viande bovine - plus particulièrement les morceaux nobles de l'aloyau.

Le Président de la République a rappelé que nous souhaitions défendre la filière bovine française et la filière européenne. Nous l'avons répété à Jean-Claude Juncker, avec neuf autres ministres de l'agriculture de l'Union européenne, à la suite du dernier Conseil des ministres européens. Nous souhaitons que l'accord ne fragilise pas ces filières.

Les discussions sont en cours. Je serai heureux de pouvoir vous communiquer des informations à ce sujet lorsque vous le jugerez utile.

Pour ce qui est des aides aux CUMA, le dispositif est préservé en 2018. J'y suis très attaché. Je viens de l'Ouest, où les CUMA sont nombreuses. Je sais ce que cela pèse dans notre économie, et les services que cela rend à nombre d'agriculteurs.

Ce dispositif est doté de 1,6 million d'euros, au-delà de l'exécution prévisionnelle de 2017 et au niveau de la réalisation 2016, qui s'établit à 1,8 million d'euros.

Ce soutien actif nous permet de réaliser un certain nombre de diagnostics stratégiques des CUMA afin de permettre une plus grande performance des entreprises. Je souhaite encourager toutes les formes d'investissement collectif. Les CUMA représentent un certain nombre de solutions. J'ai proposé que nous puissions, dans la prochaine PAC, financer ces outils collectifs. Ceci serait de nature à permettre à des agriculteurs et à des producteurs de bénéficier de matériels plus importants et d'envisager d'autres spécificités...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Il semble, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas les mêmes chiffres...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

En 2017, s'agissant de l'action 23, on avait 2,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3 millions en crédits de paiements, contre 1,6 million d'euros cette année. Je suis néanmoins content d'entendre votre plaidoirie en faveur des CUMA.

Debut de section - Permalien
Stéphane Travert, ministre

Nous allons vérifier les chiffres. On est en fait aujourd'hui au-dessus de l'exécution, soit 1,1 million d'euros. Cela constitue un gain par rapport au prévisionnel.

Ce sont des dispositifs auxquels je suis attaché. Si les chiffres avaient diminué, on m'aurait alerté.

Concernant la gestion quantitative de l'eau, nous traversons des périodes de sécheresse, et la multiplication des événements climatiques rend nécessaire l'amélioration du stockage. J'ai étudié ce dossier dès ma prise de fonction avec Nicolas Hulot. Nous avons installé la semaine dernière une cellule consacrée à l'eau qui regroupe les représentent des agriculteurs, France Nature Environnement et un certain nombre d'experts de nos ministères pour passer en revue les projets existants.

Nous voulons lever les freins qui font obstacle à leur réalisation. Certains ont vu le jour il y a un certain nombre d'années et ont du mal à être mis en oeuvre. On doit donc en discuter. Le groupe sur l'eau est chargé d'examiner les 47 projets qui existent sur le territoire national et, en fonction de ce qui aura été décidé, de les déverrouiller. C'est une demande forte du Président de la République et du Premier ministre. Un énorme travail reste à faire sur ce sujet.

Il va falloir comprendre les blocages et déminer le terrain aussi vite que possible. Je fais confiance à l'interministérialité. J'y serai attentif. Je sais ce que cela représente pour les territoires. Je souhaite donc des résultats concrets.

Quant à la gestion du loup, j'ai répondu la semaine dernière à une question orale d'une sénatrice des Hautes-Alpes du groupe Les Républicains. Dans la presse locale, elle prétendait que sa question m'avait irrité. Peut-être est-ce la fougue avec laquelle je réponds parfois aux questions au Gouvernement, mais je n'étais nullement irrité ! La gestion du loup, nous l'avons prise à bras-le-corps dès mon arrivée.

On le sait, la population de loups a nettement augmenté depuis ces dernières années. On compte en France 360 loups, répartis sur 31 départements. Cela occasionne 10 000 victimes par an, essentiellement des ovins.

Le coût des mesures de protection des troupeaux - gardiens, clôtures, chiens - répondant aux besoins des éleveurs a représenté 22,5 millions d'euros en 2016. Il augmente chaque année. Les indemnisations, quant à elles, sont prises en charge par le ministère de la transition écologique et solidaire. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances prend en compte l'augmentation de la population des loups.

Je soutiens auprès de la Commission européenne le relèvement du taux de prise en charge des crédits publics en faveur de l'embauche de bergers. Je défends les éleveurs, je l'ai dit au Sénat. Je reçois des délégations au ministère. Je me suis rendu dans quelques territoires pour constater les dégâts que le loup provoque. Mon objectif est de tendre vers zéro attaque.

Comment gérer cette affaire ? Je suis attaché à l'agropastoralisme, qui construit nos paysages, aménage nos territoires. Pas de pays sans paysans, dit-on. Je souhaite également que la biodiversité puisse fonctionner normalement. Le Premier ministre a demandé à Nicolas Hulot et à moi-même de définir un plan loup pluriannuel, afin qu'on n'ait pas à revenir chaque année sur cette comptabilité morbide qui autorise à prélever 30, 40 loups. Nous souhaitons traiter ces questions en fonction de la pression de la prédation.

Dans les départements où le loup est présent et qui ne subissent qu'une attaque par an, est-il nécessaire de mobiliser des efforts et des financements importants, alors que d'autres, comme les Hautes-Alpes, les Alpes de Haute-Provence ou les Alpes-Maritimes connaissent plus de 110 attaques par an ? Nous devons donc concentrer nos efforts, en coordination avec les préfets, pour diminuer la prédation.

C'est le travail que nous menons aujourd'hui. Des arbitrages interministériels techniques et financiers sont en cours. On peut en effet considérer que ces 22,5 millions d'euros sont mal employés, et que la dépense est trop importante par rapport aux résultats. Il n'est pas normal de consacrer une telle somme à ce sujet et que ces affaires reviennent sur le tapis en permanence.

Il nous faut donc respecter les objectifs de biodiversité que nous nous sommes fixés, mais aussi protéger les éleveurs, et faire en sorte de trouver les solutions les plus pérennes, en allant au plus près du terrain et en faisant en sorte que le loup ne puisse revenir sur les territoires où, se sentant en sécurité, il tue des ovins.

Pour ce qui est du foncier, plusieurs transactions ont, ces dernières années, posé question sur la pertinence et l'adéquation des outils de régulation du foncier. Ces phénomènes relèvent de la « sociétarisation » des structures de portage du foncier ou des structures d'exploitation, mais sont également lié à la concentration qui intervient dans le domaine agricole.

Plusieurs tentatives de renforcement des outils de régulation du foncier se sont révélées assez infructueuses. Cela démontre la complexité d'un sujet qui nécessite d'être appréhendé dans sa globalité. Je souhaite que nous puissions, à ce titre, mener une réflexion d'ensemble dans les prochains mois, afin d'adapter les outils de régulation qui n'ont fait l'objet d'aucune réforme depuis leur conception. C'est un travail que nous allons entreprendre courant 2018. Vous y serez associés.

S'agissant des associations foncières pastorales, un amendement sera déposé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2017, pour renouveler pour trois ans les dégrèvements relatifs à la taxe sur le foncier non-bâti. Votre demande sera donc satisfaite.

Concernant la forêt, les crédits sont en baisse de 25,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5,2 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale 2017. Cette diminution provient essentiellement de l'aboutissement du plan chablis mis en oeuvre à la suite de la tempête Klaus de 2009. Ce plan a été doté de 490 millions d'euros de crédits français et européens sur la totalité de la période.

Le budget alloué au Fonds stratégique bois (FSB) est en diminution en 2018, suite à une très forte augmentation en 2017. Le budget 2018 du FSB reste deux fois supérieur aux dépenses de 2016, soit environ 8 millions d'euros. Les crédits futurs s'inscriront dans le cadre du grand plan d'investissement. En parallèle, nous proposons, dans le cadre du PLFR 2017, la reconduction des mesures fiscales dites « DEFI forêt » destinées à favoriser l'investissement et la gestion durable des forêts.

Enfin, les crédits des opérateurs forestiers sont globalement maintenus, les effectifs et le budget de l'ONF sont stables. Un contrat d'objectifs et de performance (COP) est en cours de discussion.

Quant aux centimes forestiers, deux textes, un décret et un arrêté ont été publiés en mai. Il prévoit que les chambres régionales qui le souhaitent puissent mettre en oeuvre un service commun dénommé « valorisation du bois et territoire ». Le dispositif et son financement demeurent au sein de la sphère des chambres, mais une meilleure représentation des forestiers est assurée pour l'utilisation de ces crédits.

Le secteur « forêt bois » a besoin des chambres d'agriculture, de leur technicité, de leurs compétences, de leur implication pour créer de la valeur ajoutée et de l'emploi au sein des territoires. Il est nécessaire qu'elles travaillent en synergie avec les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), très impliqués auprès des forestiers. Il faut qu'elles donnent plus de place aux acteurs du secteur pour la programmation d'un certain nombre d'actions.

Nous souhaitons aujourd'hui que le travail soit lancé dans les territoires entre les chambres régionales d'agriculture et les CRPF, au bénéfice de la filière et de l'emploi. Il est trop tôt pour parler de « rapprochement ». Il va être demandé aux directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) de s'investir dans ce dossier pour faciliter l'ensemble des échanges.

S'agissant des aides à l'amélioration des peuplements forestiers, des propositions sont formulées dans le cadre des discussions sur l'utilisation du FSFB pour mettre en place des dispositifs de soutien à l'amélioration des peuplements forestiers. C'est un facteur important de compétitivité de nos forêts et du secteur « forêt bois ». Il faut identifier les meilleurs effets de levier de l'ensemble des crédits publics.

Quant à l'enseignement agricole privé, le ministère de l'agriculture reconnaît sa contribution essentielle au service public de l'éducation. Il représente 62 % de l'effectif total. Nous accompagnons l'enseignement agricole privé à travers des protocoles pluriannuels, sont conclus avec les fédérations appropriées.

Les protocoles de négociation pour améliorer le soutien de l'État à l'enseignement privé dans le cadre du plan budgétaire contraint s'achèvent fin 2017. La dépense par élève supportée par l'État est passée de 5 284 euros en 2002 à 7 133 euros en 2017, soit une augmentation de 35 %. Le taux de couverture théorique d'un élève était de 78,4 % en 2016. Il est en augmentation par rapport à 2002, date à laquelle il était de 76%.

Nous continuons à travailler sur ce sujet pour définir un protocole d'accord avec l'enseignement privé. Je pense que nous allons y parvenir - mais nous avons encore besoin de discuter. La formation est un enjeu essentiel pour accompagner la transition voulue par le Gouvernement, d'où la priorité que j'ai donnée à l'enseignement dans ce budget. Il est nécessaire de continuer à adapter les formations aux nouveaux enjeux et aux nouvelles pratiques agronomiques.

Ceci me permet de faire le lien avec la question de Mme la présidente...

Aujourd'hui, l'objectif est de sortir progressivement de l'utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires, mais nous avons besoin d'aider les agriculteurs. Il ne s'agit pas de réaliser des sorties brutales qui mettraient les personnes en difficulté. Il nous faut répondre à un certain nombre d'impasses techniques. Pour cela, il faut mobiliser la recherche et tous les instituts techniques pour trouver des solutions plus durables et plus propres.

Nous sommes tous concernés par cet objectif. Nous devons permettre aux agriculteurs de renouveler leurs pratiques agronomiques. C'est pour cela que nous nous appuyons sur le travail et les avis de l'ANSES. Les décisions que je prends reposent sur le droit et la science. Je ne puis m'appuyer sur autre chose.

Dans l'épisode du Sulfoxaflor, l'autorisation de mise sur le marché a été donnée par l'ANSES. Il se trouve qu'au même moment, nous avons appris que des données complémentaires existaient en Irlande. Nous avons pris nos responsabilités en tant que ministère de tutelle.

L'ANSES rend ses avis de manière libre et totalement indépendante. Lorsque l'existence de ces données a été révélée, les ministères de l'environnement, de l'agriculture, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de la santé ont saisi l'ANSES pour lui demander d'étudier ces données et de faire en sorte, le cas échéant, de revoir l'AMM qu'elle avait émise. Nous attendons pour l'instant ses conclusions.

Cette agence a toute la confiance du Gouvernement. Nous nous appuyons donc sur les avis des scientifiques et le droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Mon fils est en deuxième année d'ingénierie agronomique à Nancy. Aujourd'hui, en matière de phytotechnie, on ne recherche plus les adventices dans un champ - on considère cela comme de l'agriculture productiviste : on va dans le fossé faire de la botanique ! Est-ce ainsi qu'on va résoudre les problèmes de l'agriculture de demain ? C'est totalement dogmatique ! Il faut arrêter, sortir de ce système. Pour traiter les adventices, il faut d'abord les reconnaître. On peut ainsi trouver des pratiques culturales qui permettent de limiter le nombre de passages ou de produits phytosanitaires. Ce n'est pas en repoussant le problème et en caricaturant les choses qu'on formera nos enfants !

Debut de section - Permalien
Stéphane Travert, ministre

Cela me permet, pour conclure, de revenir à ce que disait Mme Férat : on a besoin d'agriculteurs qui se sentent reconnus. Le changement des pratiques agronomiques peut y contribuer. Nous avons également besoin d'agriculteurs correctement formés, qui ne se sentent pas stigmatisées dans leurs pratiques.

Je sais les efforts qu'ont faits un certain nombre d'agriculteurs, notamment ceux qui travaillent dans les grandes cultures, pour diminuer, voire supprimer les produits phytosanitaires. Je ne peux que les encourager à aller en ce sens, mais il nous faut aussi les accompagner et trouver des solutions durables pour leur permettre de répondre aux défis environnementaux, climatiques et économiques de leur secteur.

J'espère avoir répondu à l'ensemble de vos questions. Nous restons en tout état de cause à votre disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci pour vos réponses très complètes et la qualité de cette audition.

Il y a encore probablement des points de désaccords ou des différences de lecture au sujet du budget. Je pense notamment que les questions relatives aux retraites, à la baisse des charges ou à la disparition du CICE seront à nouveau soulevées.

Je vous indique que nous avons mis en place au sein de la commission un groupe de suivi des États généraux de l'alimentation. Nous aurons à coeur de suivre vos travaux, vos recommandations et leur mise en oeuvre dans les mois qui viennent.

Vous trouverez toujours des interlocuteurs particulièrement motivés sur ces questions.

La réunion est close à 19h05.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.