Intervention de Stéphane Travert

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 novembre 2017 à 16h45
Projet de loi de finances pour 2018 — États généraux de l'alimentation - Audition de M. Stéphane Travert ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Stéphane Travert, ministre :

Nous allons vérifier les chiffres. On est en fait aujourd'hui au-dessus de l'exécution, soit 1,1 million d'euros. Cela constitue un gain par rapport au prévisionnel.

Ce sont des dispositifs auxquels je suis attaché. Si les chiffres avaient diminué, on m'aurait alerté.

Concernant la gestion quantitative de l'eau, nous traversons des périodes de sécheresse, et la multiplication des événements climatiques rend nécessaire l'amélioration du stockage. J'ai étudié ce dossier dès ma prise de fonction avec Nicolas Hulot. Nous avons installé la semaine dernière une cellule consacrée à l'eau qui regroupe les représentent des agriculteurs, France Nature Environnement et un certain nombre d'experts de nos ministères pour passer en revue les projets existants.

Nous voulons lever les freins qui font obstacle à leur réalisation. Certains ont vu le jour il y a un certain nombre d'années et ont du mal à être mis en oeuvre. On doit donc en discuter. Le groupe sur l'eau est chargé d'examiner les 47 projets qui existent sur le territoire national et, en fonction de ce qui aura été décidé, de les déverrouiller. C'est une demande forte du Président de la République et du Premier ministre. Un énorme travail reste à faire sur ce sujet.

Il va falloir comprendre les blocages et déminer le terrain aussi vite que possible. Je fais confiance à l'interministérialité. J'y serai attentif. Je sais ce que cela représente pour les territoires. Je souhaite donc des résultats concrets.

Quant à la gestion du loup, j'ai répondu la semaine dernière à une question orale d'une sénatrice des Hautes-Alpes du groupe Les Républicains. Dans la presse locale, elle prétendait que sa question m'avait irrité. Peut-être est-ce la fougue avec laquelle je réponds parfois aux questions au Gouvernement, mais je n'étais nullement irrité ! La gestion du loup, nous l'avons prise à bras-le-corps dès mon arrivée.

On le sait, la population de loups a nettement augmenté depuis ces dernières années. On compte en France 360 loups, répartis sur 31 départements. Cela occasionne 10 000 victimes par an, essentiellement des ovins.

Le coût des mesures de protection des troupeaux - gardiens, clôtures, chiens - répondant aux besoins des éleveurs a représenté 22,5 millions d'euros en 2016. Il augmente chaque année. Les indemnisations, quant à elles, sont prises en charge par le ministère de la transition écologique et solidaire. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances prend en compte l'augmentation de la population des loups.

Je soutiens auprès de la Commission européenne le relèvement du taux de prise en charge des crédits publics en faveur de l'embauche de bergers. Je défends les éleveurs, je l'ai dit au Sénat. Je reçois des délégations au ministère. Je me suis rendu dans quelques territoires pour constater les dégâts que le loup provoque. Mon objectif est de tendre vers zéro attaque.

Comment gérer cette affaire ? Je suis attaché à l'agropastoralisme, qui construit nos paysages, aménage nos territoires. Pas de pays sans paysans, dit-on. Je souhaite également que la biodiversité puisse fonctionner normalement. Le Premier ministre a demandé à Nicolas Hulot et à moi-même de définir un plan loup pluriannuel, afin qu'on n'ait pas à revenir chaque année sur cette comptabilité morbide qui autorise à prélever 30, 40 loups. Nous souhaitons traiter ces questions en fonction de la pression de la prédation.

Dans les départements où le loup est présent et qui ne subissent qu'une attaque par an, est-il nécessaire de mobiliser des efforts et des financements importants, alors que d'autres, comme les Hautes-Alpes, les Alpes de Haute-Provence ou les Alpes-Maritimes connaissent plus de 110 attaques par an ? Nous devons donc concentrer nos efforts, en coordination avec les préfets, pour diminuer la prédation.

C'est le travail que nous menons aujourd'hui. Des arbitrages interministériels techniques et financiers sont en cours. On peut en effet considérer que ces 22,5 millions d'euros sont mal employés, et que la dépense est trop importante par rapport aux résultats. Il n'est pas normal de consacrer une telle somme à ce sujet et que ces affaires reviennent sur le tapis en permanence.

Il nous faut donc respecter les objectifs de biodiversité que nous nous sommes fixés, mais aussi protéger les éleveurs, et faire en sorte de trouver les solutions les plus pérennes, en allant au plus près du terrain et en faisant en sorte que le loup ne puisse revenir sur les territoires où, se sentant en sécurité, il tue des ovins.

Pour ce qui est du foncier, plusieurs transactions ont, ces dernières années, posé question sur la pertinence et l'adéquation des outils de régulation du foncier. Ces phénomènes relèvent de la « sociétarisation » des structures de portage du foncier ou des structures d'exploitation, mais sont également lié à la concentration qui intervient dans le domaine agricole.

Plusieurs tentatives de renforcement des outils de régulation du foncier se sont révélées assez infructueuses. Cela démontre la complexité d'un sujet qui nécessite d'être appréhendé dans sa globalité. Je souhaite que nous puissions, à ce titre, mener une réflexion d'ensemble dans les prochains mois, afin d'adapter les outils de régulation qui n'ont fait l'objet d'aucune réforme depuis leur conception. C'est un travail que nous allons entreprendre courant 2018. Vous y serez associés.

S'agissant des associations foncières pastorales, un amendement sera déposé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2017, pour renouveler pour trois ans les dégrèvements relatifs à la taxe sur le foncier non-bâti. Votre demande sera donc satisfaite.

Concernant la forêt, les crédits sont en baisse de 25,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5,2 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale 2017. Cette diminution provient essentiellement de l'aboutissement du plan chablis mis en oeuvre à la suite de la tempête Klaus de 2009. Ce plan a été doté de 490 millions d'euros de crédits français et européens sur la totalité de la période.

Le budget alloué au Fonds stratégique bois (FSB) est en diminution en 2018, suite à une très forte augmentation en 2017. Le budget 2018 du FSB reste deux fois supérieur aux dépenses de 2016, soit environ 8 millions d'euros. Les crédits futurs s'inscriront dans le cadre du grand plan d'investissement. En parallèle, nous proposons, dans le cadre du PLFR 2017, la reconduction des mesures fiscales dites « DEFI forêt » destinées à favoriser l'investissement et la gestion durable des forêts.

Enfin, les crédits des opérateurs forestiers sont globalement maintenus, les effectifs et le budget de l'ONF sont stables. Un contrat d'objectifs et de performance (COP) est en cours de discussion.

Quant aux centimes forestiers, deux textes, un décret et un arrêté ont été publiés en mai. Il prévoit que les chambres régionales qui le souhaitent puissent mettre en oeuvre un service commun dénommé « valorisation du bois et territoire ». Le dispositif et son financement demeurent au sein de la sphère des chambres, mais une meilleure représentation des forestiers est assurée pour l'utilisation de ces crédits.

Le secteur « forêt bois » a besoin des chambres d'agriculture, de leur technicité, de leurs compétences, de leur implication pour créer de la valeur ajoutée et de l'emploi au sein des territoires. Il est nécessaire qu'elles travaillent en synergie avec les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), très impliqués auprès des forestiers. Il faut qu'elles donnent plus de place aux acteurs du secteur pour la programmation d'un certain nombre d'actions.

Nous souhaitons aujourd'hui que le travail soit lancé dans les territoires entre les chambres régionales d'agriculture et les CRPF, au bénéfice de la filière et de l'emploi. Il est trop tôt pour parler de « rapprochement ». Il va être demandé aux directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) de s'investir dans ce dossier pour faciliter l'ensemble des échanges.

S'agissant des aides à l'amélioration des peuplements forestiers, des propositions sont formulées dans le cadre des discussions sur l'utilisation du FSFB pour mettre en place des dispositifs de soutien à l'amélioration des peuplements forestiers. C'est un facteur important de compétitivité de nos forêts et du secteur « forêt bois ». Il faut identifier les meilleurs effets de levier de l'ensemble des crédits publics.

Quant à l'enseignement agricole privé, le ministère de l'agriculture reconnaît sa contribution essentielle au service public de l'éducation. Il représente 62 % de l'effectif total. Nous accompagnons l'enseignement agricole privé à travers des protocoles pluriannuels, sont conclus avec les fédérations appropriées.

Les protocoles de négociation pour améliorer le soutien de l'État à l'enseignement privé dans le cadre du plan budgétaire contraint s'achèvent fin 2017. La dépense par élève supportée par l'État est passée de 5 284 euros en 2002 à 7 133 euros en 2017, soit une augmentation de 35 %. Le taux de couverture théorique d'un élève était de 78,4 % en 2016. Il est en augmentation par rapport à 2002, date à laquelle il était de 76%.

Nous continuons à travailler sur ce sujet pour définir un protocole d'accord avec l'enseignement privé. Je pense que nous allons y parvenir - mais nous avons encore besoin de discuter. La formation est un enjeu essentiel pour accompagner la transition voulue par le Gouvernement, d'où la priorité que j'ai donnée à l'enseignement dans ce budget. Il est nécessaire de continuer à adapter les formations aux nouveaux enjeux et aux nouvelles pratiques agronomiques.

Ceci me permet de faire le lien avec la question de Mme la présidente...

Aujourd'hui, l'objectif est de sortir progressivement de l'utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires, mais nous avons besoin d'aider les agriculteurs. Il ne s'agit pas de réaliser des sorties brutales qui mettraient les personnes en difficulté. Il nous faut répondre à un certain nombre d'impasses techniques. Pour cela, il faut mobiliser la recherche et tous les instituts techniques pour trouver des solutions plus durables et plus propres.

Nous sommes tous concernés par cet objectif. Nous devons permettre aux agriculteurs de renouveler leurs pratiques agronomiques. C'est pour cela que nous nous appuyons sur le travail et les avis de l'ANSES. Les décisions que je prends reposent sur le droit et la science. Je ne puis m'appuyer sur autre chose.

Dans l'épisode du Sulfoxaflor, l'autorisation de mise sur le marché a été donnée par l'ANSES. Il se trouve qu'au même moment, nous avons appris que des données complémentaires existaient en Irlande. Nous avons pris nos responsabilités en tant que ministère de tutelle.

L'ANSES rend ses avis de manière libre et totalement indépendante. Lorsque l'existence de ces données a été révélée, les ministères de l'environnement, de l'agriculture, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de la santé ont saisi l'ANSES pour lui demander d'étudier ces données et de faire en sorte, le cas échéant, de revoir l'AMM qu'elle avait émise. Nous attendons pour l'instant ses conclusions.

Cette agence a toute la confiance du Gouvernement. Nous nous appuyons donc sur les avis des scientifiques et le droit.

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