Trois raisons militent en faveur de l’article 15. Si les deux premières ne vous convaincront sans doute pas, mes chers collègues, vous serez peut-être sensibles à la dernière.
Le premier argument est technique : il est très difficile de mettre en œuvre cette taxe. J’ai entre les mains les conclusions du référé de la Cour des comptes adressé le 19 juin 2017 au ministre : elles attestent qu’il est quasi impossible de la faire fonctionner – je vous renvoie à ce texte.
Le deuxième argument est politique. La suppression de l’article 15 pénaliserait la place de Paris. Cette taxe a été mise en place dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017. Nous la supprimons dans le projet de loi de finances initiale pour 2018, ce qui correspond à la recommandation que j’ai émise dans le rapport d’information sur la compétitivité des places financières après le Brexit.
Nous devons nous comparer aux autres places, notamment la place allemande. L’attractivité de la place de Paris, y compris en matière de taxes et de transactions, constitue bien évidemment l’un des éléments de la compétitivité. Aujourd’hui, avec l’installation de l’Autorité bancaire européenne en France, Paris a une petite chance supplémentaire d’obtenir le déplacement d’un certain nombre d’établissements et d’emplois qui leur sont liés. Il ne faut pas adresser de signaux négatifs au nombre desquels on peut ranger l’extension de cette taxe.
Le troisième argument est susceptible de vous convaincre. Chaque fois que l’on a étendu la taxe, on a constaté une diminution de l’assiette, voire sa disparition à terme. Il n’est qu’à regarder les chiffres ! Le rendement initialement prévu oscillait entre 1, 5 et 1, 6 milliard d’euros. L’extension en 2012 de cette taxe a ramené son rendement à 947 millions d’euros. Elle a entraîné automatiquement une réduction de 10 % du volume des transactions. C’est le but, me rétorquerez-vous peut-être. Reste que le volume ne disparaît pas pour autant : les transactions se font non plus à Paris, mais à l’étranger.
Selon l’Autorité des marchés financiers, l’extension de la taxe aux transactions intrajournalières se traduirait par une diminution de 54 % des volumes traités à Paris. Cela revient à une autodestruction de la base. C’est peut-être ce que vous cherchez. En matière de transactions, l’imagination est au pouvoir, nous le savons bien ! Éric Bocquet en conviendra, puisque nous avons tous deux rencontré des universitaires éminents qui nous ont expliqué ces mécanismes extrêmement compliqués. Il ne faut pas se faire d’illusions : les transactions continueront à exister, mais elles se feront en dehors de la place de Paris, avec toutes les conséquences que cela entraîne en matière d’emplois et de fiscalité. Le risque est là.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.