Je suis très honoré de présenter ma candidature au poste de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Je suis également très heureux de commencer mes auditions par celle du Sénat, car la Caisse des dépôts est ancrée dans les territoires et a vocation à les accompagner dans leurs projets. Elle est sous la surveillance et la garantie du législateur. Ce lien particulier est la force de la Caisse depuis plus de deux cents ans. Si vous m'octroyez votre confiance, je ferai vivre ce lien en travaillant étroitement avec la commission de surveillance et viendrai régulièrement vous rendre compte des activités de la Caisse.
Je commencerai par rendre hommage à Pierre-René Lemas, le précédent directeur général, qui a mené, avec passion, d'importantes transformations et a renforcé l'ancrage territorial de la Caisse. Si vous me faites confiance, je compte poursuivre et amplifier cet engagement.
Réinvestir les territoires de la République sera ma préoccupation quotidienne. Je sais combien le Président de la République et les élus sont persuadés de cette urgence. Lutter contre la fracture territoriale est un enjeu majeur pour la Caisse.
Comme il s'agit de ma première intervention publique comme candidat, et qu'elle est retransmise sur internet, je profite de ce moment pour adresser un message chaleureux aux femmes et aux hommes qui font vivre chaque jour la Caisse des dépôts. Je connais leur engagement, leur professionnalisme et leur sens de l'intérêt général. Un directeur général est responsable des personnes placées sous son autorité, mais il est aussi le garant de la pérennité de l'institution. Je m'inscrirai dans la continuité de l'histoire de cette grande maison. J'ai aussi une vision pour conduire les changements nécessaires, pour préparer la Caisse des dépôts au monde qui vient, avec concertation, écoute et détermination. C'est à travers l'écoute et le dialogue, mais avec une ambition partagée, que l'on peut avancer.
Je souhaiterais évoquer la mémoire de mon grand-père, Pierre Lévy, né en 1907 à Guebwiller, en Alsace, qui m'a transmis son vif intérêt pour la chose publique. Au sortir de la Seconde guerre mondiale à laquelle sa famille a payé un lourd tribut, il a bâti à Troyes un groupe de textile et de grande distribution. Il a rassemblé une collection de tableaux dont il a fait don à l'État, qui a constitué la base du musée d'art moderne de Troyes. Ami de Léon Blum, il voyait dans son entreprise un moyen de développer l'économie de la région qui l'avait accueillie. Son musée fut le premier en province issu d'une donation privée. Il était important pour moi d'évoquer ici une partie de mes racines.
J'ai débuté ma carrière en 1981 à la Banque de Paris et des Pays-Bas, devenue BNP Paribas, dans le financement de l'export, la gestion financière, puis le suivi des grandes participations, avant d'être nommé en 1993 responsable des fusions-acquisitions dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Confronté aux crises du Crédit Lyonnais et du Crédit foncier, j'ai pu mesurer combien la responsabilité personnelle des dirigeants d'institutions financières était centrale : ils ont le pouvoir de dire oui, mais doivent aussi avoir le courage de dire non. Le pilotage financier de la Caisse des dépôts nécessite une bonne compréhension de son bilan : ses engagements, ses actifs, et comment le bilan se transforme dans le temps.
J'ai assuré le pilotage de grands clients de BNP dans le monde, et ai eu la responsabilité du financement de collectivités territoriales ou d'établissements publics, autre responsabilité importante des métiers de la finance. Je ne leur ai proposé que des placements conformes à leur intérêt, à une période où déjà, nos concurrents étaient parfois déraisonnables... La concurrence est nouvelle dans les territoires, mais seule la Caisse des dépôts s'intéresse aux petits projets des petites communes et propose encore des prêts à très long terme. Elle est là où les autres ne sont pas, et il est fondamental que cela demeure.
En 2004, dans le cadre de la création de BNP Paribas, j'ai rejoint le secteur de l'assurance et ai piloté la fusion entre Cardif et Natio Vie, deux filiales aux cultures très différentes, et ai fédéré les équipes autour d'un projet commun. Durant les 10 ans de ma direction, la taille de l'entreprise a été multipliée par trois et nous avons développé 15 nouvelles implantations hors de France, avec le plein engagement des salariés et un dialogue fécond. En 2013, j'ai quitté BNP Paribas pour diriger Generali France, tout en étant membre du comité exécutif du groupe Generali. Après quatre années intenses ayant permis le retour à une croissance rentable, j'ai quitté Generali France en juin dernier. À l'échelle européenne, j'ai présidé le comité économique et financier d'Insurance Europe, le comité européen des assurances, poste tant d'observation que d'action, à un moment majeur d'évolution de la réglementation européenne.
Au-delà de mes activités dans ces entreprises, mon intérêt pour l'action publique est resté constant depuis trente ans, et même renforcé après quatre ans de participation à la vie gouvernementale. Au début de ma carrière, j'ai en effet rejoint, entre 1989 et 1991, le cabinet de Louis Le Pensec, ministre des départements et des territoires d'outre-mer et porte-parole du Gouvernement. Depuis lors, je suis attentif aux spécificités des territoires ultramarins, et je m'y suis rendu à plusieurs reprises. Je veux dire ma solidarité aux populations sinistrées par les accidents climatiques récents, je sais que la Caisse des dépôts est mobilisée sur le terrain. Ensuite conseiller de Michel Sapin, ministre délégué chargé de la justice, j'ai travaillé avec les parlementaires, notamment sur la loi Sapin I. Je garde un excellent souvenir de cette période passionnante.
Un engagement qui m'est cher est celui de conseiller municipal de Fontenay-sous-Bois, que je fus entre 1995 et 2001. J'ai été confronté alors au quotidien des élus locaux, et ai pu mesurer leur dévouement et la difficulté de leur tâche. Je souhaite que la Caisse des dépôts soit plus que jamais à leurs côtés.
La France d'aujourd'hui a besoin d'une Caisse des dépôts forte, et que l'intérêt général reste au coeur de ses missions, pour soutenir la transformation de l'économie et le modèle social français. Le patrimoine de la Caisse, c'est l'épargne accumulée par nos concitoyens, une richesse devant travailler pour le pays, un de nos biens communs. En incluant les fonds d'épargne, le bilan de la Caisse des dépôts et consignations représente 420 milliards d'euros.
La Caisse est l'investisseur et le prêteur public de référence. L'encours des prêts et des fonds d'épargne représente 180 milliards d'euros. Ils sont utilisés pour financer le logement social et intermédiaire, qui est le premier emploi en volume. Si vous me faites confiance, la Caisse restera un acteur engagé dans le plan logement du Gouvernement à travers ses fonds d'épargne et sa filiale Groupe SNI, pour construire de nouveaux logements, rénover des logements vieillissants, faire de la rénovation thermique. C'est une priorité nationale. Dans un secteur qui évolue fortement, la Caisse doit jouer un rôle actif dans la consolidation du secteur du logement social. Nous devons être plus efficaces au service de la population.
Lutter contre la fracture territoriale est au coeur de la mission de la Caisse. La Caisse doit être présente dans les quartiers en difficulté, loin des métropoles et de l'emploi, dans les petites collectivités ou sociétés d'économie mixte. Elle doit renforcer les mobilités du quotidien. Les chômeurs accèdent difficilement aux entreprises et aux services proposant de l'emploi dans leur ville. La filiale Transdev y travaille beaucoup.
Pour renforcer l'accès au numérique, la Caisse des dépôts et consignations participe au déploiement du très haut débit pour désenclaver les territoires et développer leur activité économique. Elle doit davantage se mobiliser sur les zones non denses, renforcer ses offres et mieux les faire connaître.
Les collectivités ne connaissent pas toujours les offres de la Caisse des dépôts. Elle devra mener un important travail de communication, en lien avec les services de l'État. Ainsi, elle doit s'associer à la future Agence nationale de la cohésion des territoires, et soutenir les collectivités pour réduire la fracture territoriale. La Caisse sera un acteur engagé du grand plan d'investissement pour la transition environnementale, avec la rénovation énergétique des bâtiments publics et des organismes de logement social. Cette recherche d'une plus grande efficacité dans l'aide aux projets impliquera une meilleure intégration de l'Agence France Entrepreneur dans les dispositifs en direction des quartiers de la politique de la ville.
Face à l'urgence sociale, il est plus que nécessaire que l'action de la Caisse soit mieux coordonnée avec celle de l'État. J'ai une certitude : l'accompagnement des politiques publiques pour réduire la fracture territoriale passe par le rapprochement des centres de décisions des financements. Je souhaite amplifier la décentralisation du réseau de la Caisse des dépôts, trop éloigné des opérateurs des territoires et des capitales régionales. Pour amplifier ce réseau de proximité, il faut une meilleure répartition des réseaux de la Caisse, de Bpifrance et de La Poste. Il existe déjà des synergies entre Bpifrance - dont je suis administrateur depuis trois ans - et la Banque postale pour de très petites entreprises, ou entre le fonds d'épargne, la SFIL et la Banque postale, qui doivent mieux coordonner leur action pour le financement des collectivités locales.
La Caisse est le premier investisseur institutionnel de France, sur le long terme, et est un actionnaire de référence pour les entreprises françaises. Les marchés financiers sont volatils par essence, il faut préserver l'épargne des Français, mission essentielle, historique et décisive de la Caisse. J'ai suivi ce domaine financier durant mes quinze années à la tête de compagnies d'assurance. Je connais l'excellence des équipes, qui trouveront en moi un interlocuteur engagé. Bpifrance, à côté de l'Agence des participations de l'État et de la Caisse, est un acteur stratégique dont la Caisse a besoin. La Caisse doit soutenir les missions d'innovation de Bpifrance. Elle a des filiales en France et à l'international, comme Egis, CNP Assurances, Icade, Transdev, la Compagnie des Alpes. Certaines sont cotées, toutes sont importantes. La presse évoque parfois des opérations financières. Toute évolution doit être étudiée dans le calme et la sérénité, en ayant trois critères en tête : l'intérêt patrimonial de la Caisse, l'intérêt à long terme des entreprises, de leurs clients et de leurs collaborateurs, et surtout l'intérêt général dont la Caisse est un acteur clef. Je ne proposerai pas d'évolution ne respectant pas ces trois critères. La Caisse des dépôts devra jouer plus activement son rôle d'actionnaire pour faire vivre son portefeuille. Je commanderai une revue des participations pour décider ensuite lesquelles garder.
Voilà ces métiers historiques de la Caisse des dépôts ayant construit la confiance avec les Français. Le blason « Foi publique », nous devons le mériter chaque jour. C'est la banque du service public, de la justice et de la sécurité sociale, l'organisme de gestion des régimes de retraite et de solidarité publics et semi-publics, plus récemment du compte personnel d'activité - lancé récemment avec succès, des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance-vie non réclamés. La Caisse demeure le tiers de confiance fiable et scrupuleux des Français.
L'action de la Caisse est concentrée sur des domaines où une intervention publique pérenne est avérée. Je ferai une revue de l'ensemble des domaines, pour voir si son rôle est justifié, et pour accompagner les politiques publiques. Je souhaite mener les réorganisations nécessaires pour renforcer le rôle de l'institution au service de ses clients. Il est nécessaire d'avoir et de renforcer une culture client pour le service et l'accompagnement. Grâce à un examen attentif du bilan, je dégagerai des marges de manoeuvre supplémentaires au service de l'économie et de l'investissement tout en garantissant la sécurité des dépôts et des consignations.
Les hommes et les femmes sont au coeur de la Caisse des dépôts et consignations. Je crois en l'intelligence collective, moteur des transformations. La coopération décuple l'efficacité. Pour le management, la confiance est un levier magnifique. Si vous me nommez, je rencontrerai immédiatement les collaborateurs à Paris et en région pour les écouter, apprendre et comprendre, avant de définir une feuille de route pour la transformation du groupe.
Pour conduire une telle institution, il faut un projet et des valeurs. J'ai tenté de vous exposer mes valeurs, et ma mission est claire : que la Caisse des dépôts soit un partenaire des zones rurales, des villes petites et moyennes, des métropoles et du Grand Paris. Je souhaite qu'elle soit un acteur clé de la résolution de la crise du logement, qu'elle contribue au développement d'entreprises françaises et européennes fortes, et qu'elle mette sa force au service de notre économie. Cela nécessitera la mobilisation de tous au service de tous, pour une Caisse des dépôts au service des territoires de la République.