Je vous dirai les choses comme je les vois, sans polémique, par respect pour le débat public.
Les contrats aidés doivent d'abord être analysés à l'aune de leurs résultats en matière d'insertion professionnelle car nous devons aux personnes éloignées de l'emploi de l'efficacité, et non des dispositifs en trompe-l'oeil, qui peuvent parfois entraîner des pertes de chances et des faux espoirs. Dans le secteur marchand, ils génèrent des effets d'aubaine ; dans le secteur non marchand, ils affichent le taux d'insertion le plus bas de tous les dispositifs existants parmi les outils de la politique pour l'emploi : 26 %. Ceux qui fonctionnent mêlent trois ingrédients : l'accompagnement, la formation et l'expérience professionnelle. Les dosages varient : l'insertion économique privilégie le travail, la formation qualifiante mise davantage sur la formation. La majeure partie des contrats aidés n'offre pas ces trois composants. Le taux de 26 % est une moyenne : selon les cas, le taux d'insertion est plus proche de zéro ou de 60% : il faut donc accompagner et former les personnes, et évaluer la qualité des dispositifs -ceux qui fonctionnent seront maintenus.
J'ai déjà répondu sur l'aide aux collectivités territoriales et aux associations : 1,5 milliard d'euros d'aide leur sera mécaniquement attribué via le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires et la transformation du CICE en baisse de charges, ce qui représente un peu plus que ce qu'elles percevaient pour les contrats aidés. Je ne suis pas certaine qu'il soit sain que certaines grandes villes - je dis bien certaines seulement - embauchent plus de mille personnes en contrat aidé pour les cantines scolaires et privilégient la rotation du personnel au renouvellement des contrats... Résultat : on entretient l'espoir de ces personnes pour mieux les décevoir ! J'en ai rencontrées qui étaient persuadées de garder leurs postes... Ce n'est pas responsable. Bref, les contrats aidés ne sont qu'un outil parmi d'autres dans la palette dont nous disposons ; 200 000 d'entre eux seront maintenus.
Brutalité, dites-vous ? Je voudrais rappeler la responsabilité du gouvernement précédent. Je n'aime pas tenir ce genre de propos mais vous m'y poussez. En 2016, 460 000 contrats aidés étaient prévus - au passage, depuis vingt ans, le chiffre gonfle toujours avant les élections mais ce doit être une coïncidence... - mais seulement 280 000 figuraient en loi de finances initiale pour 2017 : la brutalité était donc programmée. Les préfets avaient en outre reçu instruction d'en consommer 80 % au premier semestre 2017, en sorte que fin mai, il n'en restait presque plus. Nous en avons précisément ajouté 40 000 cette année pour amortir la brutalité de cette méthode...
De nombreuses entreprises ne trouvent pas les compétences qu'elles recherchent car nous avons vécu très longtemps avec un chômage de masse qui a durablement éloigné de l'emploi certaines personnes. L'emploi aidé qualitatif, ciblé, exigeant, permet d'y faire face, de même que les entreprises et chantiers d'insertion. Mais on ne peut pas dire aux jeunes que l'emploi aidé est la solution à tout ! On ne doit pas accepter de leur promettre, à vingt ans, que des petits boulots précaires et subventionnés, ce n'est pas ce qu'ils veulent. Il faut investir dans le social, dans l'accompagnement, dans les compétences, dans ce qui a du sens. Le taux de chômage des jeunes à Bac + 2 est de 5,6 % et continue de baisser ; celui des jeunes sans qualification est de 18,6 % : la compétence reconnue sur le marché du travail reste la meilleure arme contre le chômage.
Sur la garantie jeunes, on vous aura mal renseigné : elle concernait 87 000 personnes en 2017, pour 420 millions d'euros ; elle devrait concerner 100 000 personnes en 2018, pour 467 millions d'euros. S'il faut aller plus loin, nous le ferons : le dispositif n'est pas contingenté. Les critères sont larges : il faut avoir entre 18 et 25 ans pour en bénéficier, n'être ni étudiant, ni en formation ni en emploi, et disposer d'un revenu mensuel inférieur à 480 euros. Il cible donc les jeunes en difficulté sociale et prêts à se mettre dans une dynamique de projet. C'est un bon dispositif que nous entendons amplifier. Il est en tout cas préférable à un contrat aidé, contrairement au discours que tiennent certaines missions locales, car il projette les jeunes vers l'avenir.
Le budget des missions locales est maintenu. Elles gagneraient à s'organiser en réseau. J'ai été l'une des trois premières directrices de mission locale en France, il y a fort longtemps, je connais donc bien ces structures. Elles sont censées être des plateformes réunissant tous les acteurs économiques et sociaux de l'insertion des jeunes. Elles gèrent la garantie jeunes, ce qui est une bonne chose à condition qu'elles ne se referment pas sur elles-mêmes.
Les entreprises adaptées bénéficieront de plus de 1 000 aides au poste supplémentaires. Le montant de ces aides passe de 314 à 338 millions d'euros. C'est la subvention spécifique qui diminue, passant de 41 à 33 millions d'euros. Le total est néanmoins en hausse de 4 millions d'euros. Nous travaillons pour transformer le modèle de financement des entreprises en 2019 - car les trois subventions calculées différemment nuisent à la visibilité des établissements - et pour augmenter le niveau de subvention par poste - j'en dirai davantage en séance la semaine prochaine.
Les maisons de l'emploi ont été créées par Jean-Louis Borloo, peu de temps avant Pôle emploi. Les collectivités territoriales se sont alors demandé à quoi elles serviraient et la labellisation a été interrompue dès 2009. Le nombre de maisons de l'emploi a alors beaucoup diminué, les collectivités se recentrant sur la coordination de tous les acteurs.