Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 novembre 2017 à 9h10
Projet de loi de finances pour 2018 — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je suis heureuse de vous présenter les crédits de la mission « Justice » dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018.

Pendant la campagne présidentielle, le futur Président de la République avait affirmé ses ambitions pour la justice. Et la première annonce du discours de politique générale du Premier ministre a porté précisément sur l'élaboration d'une loi de programmation pour la justice. Le Gouvernement accorde donc une priorité forte à la justice, qui se traduit également concrètement dans le présent budget.

Le budget du ministère augmentera de 3,9 % en 2018 à périmètre constant. Une telle progression n'a été égalée en 2016 et dépassée en 2017 que grâce aux moyens exceptionnels accordés par les plans de lutte contre le terrorisme. Elle est très supérieure à la moyenne de la progression annuelle constatée depuis 2012, qui s'établit à 2,6 %.

En 2018, 1 000 emplois seront créés. Là encore, c'est un niveau supérieur aux créations d'emplois des années 2012 à 2017, exception faite des créations d'emplois exceptionnelles des plans de lutte antiterroriste - 600 emplois en 2015, 973 en 2016 et 697 en 2017.

Le budget 2018 prévoit également une progression des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de 4,9 %. C'est beaucoup plus que le taux de progression annuelle sur le précédent quinquennat, qui n'avait atteint que 2,2 % en moyenne.

Un effort significatif est donc réalisé en faveur de la justice. Toutefois, chacun le sait, les augmentations budgétaires ne seront efficaces que si nous transformons la justice en profondeur.

C'est l'enjeu des cinq chantiers de la justice que j'ai lancés en octobre sur la transformation numérique, l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, l'amélioration et la simplification de la procédure civile, l'adaptation de l'organisation judiciaire et le sens et l'efficacité de la peine.

Les conclusions de ces chantiers seront remises le 15 janvier prochain et se traduiront dans la loi de programmation de la justice qui sera présentée au printemps 2018.

D'ores et déjà, le budget pour 2018 s'inscrit dans cette perspective et traduit trois objectifs clairs : l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice, le renforcement de l'efficacité des peines et l'attention particulière portée aux plus démunis.

Premier objectif : ce budget entend contribuer à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice. À cette fin, 148 emplois vont être créés en 2018, dont 100 emplois de magistrats pour renforcer nos juridictions et 48 emplois de juristes assistants pour poursuivre la constitution d'équipes autour du magistrat.

Par ailleurs, grâce aux réformes engagées dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et à la dématérialisation, 183 emplois pourront être affectés à de nouvelles missions, notamment pour faire face à la hausse d'activité des juges des libertés et de la détention ou développer l'assistance des greffiers auprès du parquet.

Les crédits de fonctionnement augmenteront pour leur part de 9,9 % et seront portés au niveau préconisé par un récent rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice.

Les crédits immobiliers des services judiciaires augmenteront de 30,8 %, notamment afin de permettre la mise en service du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles et de fournir à la juridiction parisienne les moyens de fonctionner correctement.

Une enveloppe de 21 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) permettra de lancer les travaux nécessaires à l'adaptation du réseau judiciaire, en particulier l'accueil des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité au sein des palais de justice à compter du 1er janvier 2019.

Enfin, et surtout, le plan de transformation numérique trouvera sa traduction dans le budget pour 2018. Cinquante emplois seront créés pour renforcer les équipes du secrétariat général afin d'assurer le déploiement de ce plan. Les crédits du budget informatique augmenteront, quant à eux, de 20 %.

Des crédits sont également prévus, sur le programme des services judiciaires, pour poursuivre l'équipement des magistrats et directeurs des services de greffe en ultraportables, la professionnalisation de la fonction informatique et la rénovation du câblage des juridictions.

Deuxième objectif : ce budget permettra de renforcer l'efficacité des peines.

Notre parc pénitentiaire n'est pas adapté à la population détenue et ne permet pas de respecter les exigences d'encellulement individuel. La construction de 15 000 nouvelles places de prison, annoncée par le Président de la République, est donc une priorité.

Dès 2018, 470 emplois seront créés, qui permettront d'ouvrir les nouveaux établissements d'Aix 2, de Draguignan et de Paris La Santé.

Par ailleurs, 26 millions de crédits sont prévus pour acquérir le foncier nécessaire et lancer une première vague de construction de cinq maisons d'arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie.

J'ai demandé aux équipes de l'administration pénitentiaire de hâter les projets qui peuvent l'être, mais, bien évidemment, nous ne bénéficierons pas dès demain de ces 15 000 nouvelles places.

C'est la raison pour laquelle nous devons aussi renforcer l'efficacité des peines. En 2018, 150 emplois seront créés pour renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice et 10 millions de crédits sont prévus pour accroître ou rénover les dispositifs de sécurité déployés dans les établissements pénitentiaires - dispositifs anti-projections, brouilleurs, portiques de détection ou encore rénovation de la vidéosurveillance -, ainsi que pour développer le système d'information du renseignement pénitentiaire - 35 emplois seront plus spécifiquement consacrés à cet enjeu essentiel.

Cet objectif d'efficacité de la peine concerne également la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le Président de la République avait évoqué, pendant sa campagne, la création de 50 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). Ce nombre semble aller au-delà des besoins de la protection judiciaire de la jeunesse et nous nous orientons plutôt vers la création de 20 CEF.

Il est également essentiel que les mineurs puissent bénéficier d'un parcours éducatif cohérent, qu'ils soient suivis en milieu ouvert ou fermé. C'est la raison pour laquelle 40 emplois d'éducateurs vont être créés pour renforcer le milieu ouvert.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement de la PJJ progresseront de 6 millions, avec un effort particulier pour l'entretien et la rénovation du patrimoine immobilier, notamment pour adapter les locaux d'hébergement collectif à la diversification des modes de prise en charge. Nous voulons également maintenir une politique ambitieuse à destination des établissements du secteur associatif habilité et développer le recours aux familles d'accueil.

Enfin, troisième objectif : ce budget porte une attention particulière aux plus faibles de nos concitoyens. C'est un point sur lequel je souhaite insister.

Les moyens de l'aide juridictionnelle progresseront de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 83 millions de ressources affectées. C'est donc plus d'un demi-milliard qui est consacré à l'accès au droit de chaque citoyen, notamment des personnes les plus vulnérables. Cette progression permet de tenir les engagements pris par le précédent gouvernement concernant la fixation de l'unité de valeur, qui sert de base au calcul de la rétribution des avocats.

Toutefois, cette augmentation ne suffira pas à elle seule à améliorer le fonctionnement et le financement de l'aide juridictionnelle. Je souhaite donc simplifier l'accès à l'aide juridictionnelle.

Il nous faut imaginer des organisations nouvelles, comme la mise en place au sein des barreaux de structures spécifiquement destinées à l'aide juridictionnelle, notamment en matière pénale. Il faut également travailler à une meilleure prise en charge de la rémunération de l'avocat, peut-être au travers des assurances de protection juridique.

De manière plus générale, il est nécessaire de réfléchir au financement de l'aide juridictionnelle face à la demande de justice.

Nous avons donc décidé de lancer une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice sur ces aspects. Cette mission écoutera évidemment les propositions des avocats sur ce sujet.

Les crédits en faveur de l'aide aux victimes sont également en hausse de 6,3 %. Cette augmentation, conjuguée à la création de la délégation interministérielle à l'aide aux victimes, permet de garantir que les victimes d'acte de terrorisme, mais aussi celles des ouragans qui ont touché si durement les Antilles, pourront bénéficier d'un suivi sur la durée dans les domaines psychologique, juridique et social et que les moyens seront donnés pour que le réseau associatif puisse se mobiliser en urgence en cas d'événement de grande ampleur.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget 2018 est une première étape pour mettre en oeuvre la transformation de la justice dont nous avons réellement besoin.

Je vous ai indiqué les chantiers que le Gouvernement a lancés. Je souhaite évidemment qu'ils soient menés en écoutant l'ensemble des acteurs de terrain, mais aussi les élus locaux et nationaux. Je souhaite également que ces chantiers avancent vite pour que nous soyons en mesure de vous présenter une loi de programmation pour la justice dès le printemps prochain.

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