La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, pour une séance un peu exceptionnelle, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. À l'occasion de l'examen du budget de son ministère par le Sénat, nous échangerons avec elle sur la politique qu'elle conduit dans les domaines relevant de sa responsabilité.

Nous allons tout d'abord écouter Mme Belloubet pendant un quart d'heure environ. Les rapporteurs pour avis poseront ensuite des questions aussi concises que possible, puis tous les membres de la commission qui le souhaitent.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis heureuse de vous présenter les crédits de la mission « Justice » dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018.

Pendant la campagne présidentielle, le futur Président de la République avait affirmé ses ambitions pour la justice. Et la première annonce du discours de politique générale du Premier ministre a porté précisément sur l'élaboration d'une loi de programmation pour la justice. Le Gouvernement accorde donc une priorité forte à la justice, qui se traduit également concrètement dans le présent budget.

Le budget du ministère augmentera de 3,9 % en 2018 à périmètre constant. Une telle progression n'a été égalée en 2016 et dépassée en 2017 que grâce aux moyens exceptionnels accordés par les plans de lutte contre le terrorisme. Elle est très supérieure à la moyenne de la progression annuelle constatée depuis 2012, qui s'établit à 2,6 %.

En 2018, 1 000 emplois seront créés. Là encore, c'est un niveau supérieur aux créations d'emplois des années 2012 à 2017, exception faite des créations d'emplois exceptionnelles des plans de lutte antiterroriste - 600 emplois en 2015, 973 en 2016 et 697 en 2017.

Le budget 2018 prévoit également une progression des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de 4,9 %. C'est beaucoup plus que le taux de progression annuelle sur le précédent quinquennat, qui n'avait atteint que 2,2 % en moyenne.

Un effort significatif est donc réalisé en faveur de la justice. Toutefois, chacun le sait, les augmentations budgétaires ne seront efficaces que si nous transformons la justice en profondeur.

C'est l'enjeu des cinq chantiers de la justice que j'ai lancés en octobre sur la transformation numérique, l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, l'amélioration et la simplification de la procédure civile, l'adaptation de l'organisation judiciaire et le sens et l'efficacité de la peine.

Les conclusions de ces chantiers seront remises le 15 janvier prochain et se traduiront dans la loi de programmation de la justice qui sera présentée au printemps 2018.

D'ores et déjà, le budget pour 2018 s'inscrit dans cette perspective et traduit trois objectifs clairs : l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice, le renforcement de l'efficacité des peines et l'attention particulière portée aux plus démunis.

Premier objectif : ce budget entend contribuer à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice. À cette fin, 148 emplois vont être créés en 2018, dont 100 emplois de magistrats pour renforcer nos juridictions et 48 emplois de juristes assistants pour poursuivre la constitution d'équipes autour du magistrat.

Par ailleurs, grâce aux réformes engagées dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et à la dématérialisation, 183 emplois pourront être affectés à de nouvelles missions, notamment pour faire face à la hausse d'activité des juges des libertés et de la détention ou développer l'assistance des greffiers auprès du parquet.

Les crédits de fonctionnement augmenteront pour leur part de 9,9 % et seront portés au niveau préconisé par un récent rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice.

Les crédits immobiliers des services judiciaires augmenteront de 30,8 %, notamment afin de permettre la mise en service du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles et de fournir à la juridiction parisienne les moyens de fonctionner correctement.

Une enveloppe de 21 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) permettra de lancer les travaux nécessaires à l'adaptation du réseau judiciaire, en particulier l'accueil des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité au sein des palais de justice à compter du 1er janvier 2019.

Enfin, et surtout, le plan de transformation numérique trouvera sa traduction dans le budget pour 2018. Cinquante emplois seront créés pour renforcer les équipes du secrétariat général afin d'assurer le déploiement de ce plan. Les crédits du budget informatique augmenteront, quant à eux, de 20 %.

Des crédits sont également prévus, sur le programme des services judiciaires, pour poursuivre l'équipement des magistrats et directeurs des services de greffe en ultraportables, la professionnalisation de la fonction informatique et la rénovation du câblage des juridictions.

Deuxième objectif : ce budget permettra de renforcer l'efficacité des peines.

Notre parc pénitentiaire n'est pas adapté à la population détenue et ne permet pas de respecter les exigences d'encellulement individuel. La construction de 15 000 nouvelles places de prison, annoncée par le Président de la République, est donc une priorité.

Dès 2018, 470 emplois seront créés, qui permettront d'ouvrir les nouveaux établissements d'Aix 2, de Draguignan et de Paris La Santé.

Par ailleurs, 26 millions de crédits sont prévus pour acquérir le foncier nécessaire et lancer une première vague de construction de cinq maisons d'arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie.

J'ai demandé aux équipes de l'administration pénitentiaire de hâter les projets qui peuvent l'être, mais, bien évidemment, nous ne bénéficierons pas dès demain de ces 15 000 nouvelles places.

C'est la raison pour laquelle nous devons aussi renforcer l'efficacité des peines. En 2018, 150 emplois seront créés pour renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice et 10 millions de crédits sont prévus pour accroître ou rénover les dispositifs de sécurité déployés dans les établissements pénitentiaires - dispositifs anti-projections, brouilleurs, portiques de détection ou encore rénovation de la vidéosurveillance -, ainsi que pour développer le système d'information du renseignement pénitentiaire - 35 emplois seront plus spécifiquement consacrés à cet enjeu essentiel.

Cet objectif d'efficacité de la peine concerne également la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le Président de la République avait évoqué, pendant sa campagne, la création de 50 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). Ce nombre semble aller au-delà des besoins de la protection judiciaire de la jeunesse et nous nous orientons plutôt vers la création de 20 CEF.

Il est également essentiel que les mineurs puissent bénéficier d'un parcours éducatif cohérent, qu'ils soient suivis en milieu ouvert ou fermé. C'est la raison pour laquelle 40 emplois d'éducateurs vont être créés pour renforcer le milieu ouvert.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement de la PJJ progresseront de 6 millions, avec un effort particulier pour l'entretien et la rénovation du patrimoine immobilier, notamment pour adapter les locaux d'hébergement collectif à la diversification des modes de prise en charge. Nous voulons également maintenir une politique ambitieuse à destination des établissements du secteur associatif habilité et développer le recours aux familles d'accueil.

Enfin, troisième objectif : ce budget porte une attention particulière aux plus faibles de nos concitoyens. C'est un point sur lequel je souhaite insister.

Les moyens de l'aide juridictionnelle progresseront de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 83 millions de ressources affectées. C'est donc plus d'un demi-milliard qui est consacré à l'accès au droit de chaque citoyen, notamment des personnes les plus vulnérables. Cette progression permet de tenir les engagements pris par le précédent gouvernement concernant la fixation de l'unité de valeur, qui sert de base au calcul de la rétribution des avocats.

Toutefois, cette augmentation ne suffira pas à elle seule à améliorer le fonctionnement et le financement de l'aide juridictionnelle. Je souhaite donc simplifier l'accès à l'aide juridictionnelle.

Il nous faut imaginer des organisations nouvelles, comme la mise en place au sein des barreaux de structures spécifiquement destinées à l'aide juridictionnelle, notamment en matière pénale. Il faut également travailler à une meilleure prise en charge de la rémunération de l'avocat, peut-être au travers des assurances de protection juridique.

De manière plus générale, il est nécessaire de réfléchir au financement de l'aide juridictionnelle face à la demande de justice.

Nous avons donc décidé de lancer une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice sur ces aspects. Cette mission écoutera évidemment les propositions des avocats sur ce sujet.

Les crédits en faveur de l'aide aux victimes sont également en hausse de 6,3 %. Cette augmentation, conjuguée à la création de la délégation interministérielle à l'aide aux victimes, permet de garantir que les victimes d'acte de terrorisme, mais aussi celles des ouragans qui ont touché si durement les Antilles, pourront bénéficier d'un suivi sur la durée dans les domaines psychologique, juridique et social et que les moyens seront donnés pour que le réseau associatif puisse se mobiliser en urgence en cas d'événement de grande ampleur.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget 2018 est une première étape pour mettre en oeuvre la transformation de la justice dont nous avons réellement besoin.

Je vous ai indiqué les chantiers que le Gouvernement a lancés. Je souhaite évidemment qu'ils soient menés en écoutant l'ensemble des acteurs de terrain, mais aussi les élus locaux et nationaux. Je souhaite également que ces chantiers avancent vite pour que nous soyons en mesure de vous présenter une loi de programmation pour la justice dès le printemps prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie de cette présentation à la fois complète et concise, madame la garde des sceaux.

Vous le savez, après un travail aussi pluraliste que possible sur les questions de justice, la commission des lois a rendu public un rapport comportant 127 propositions.

Ce rapport a ensuite donné lieu à la préparation de deux propositions de loi, déposées en juillet et adoptées en octobre. Vous avez vous-même lancé vos propres travaux, dont les conclusions vous seront remises en janvier. Et vous venez de confirmer que le Gouvernement présenterait une loi de programmation des moyens de la justice au printemps.

Il est opportun de s'engager dans un processus pluriannuel. En effet, lorsque la justice se dote d'une loi de programmation, l'effort de redressement s'avère plus soutenu. Ainsi, la dernière loi de programmation adoptée par le Parlement durant l'été 2002 a permis d'augmenter les moyens de la justice de 37 % entre 2002 et 2007, contre 19 % entre 2007 et 2012 et 15,5 % entre 2012 et 2017.

Vous l'avez souligné, madame la garde des sceaux, l'effort pour 2018 sera supérieur à ce qu'il était en moyenne sous le précédent quinquennat. Je ne suis pas chargé ici de défendre le bilan de la précédente majorité, mais nous sommes obligés de constater objectivement que l'effort accompli dans la loi de finances initiale pour 2017 était supérieur à celui que vous proposez pour 2018. Et la trajectoire dans laquelle s'inscrit votre budget devrait se traduire par une hausse de 19 % des moyens alloués à la justice d'ici la fin du quinquennat, à comparer avec l'augmentation de 37 % intervenue entre 2002 et 2007. La trajectoire que vous proposez ne me semble donc pas à la hauteur des difficultés rencontrées par la justice.

La loi de programmation adoptée par le Sénat prévoit pour sa part une augmentation de 29 % en cinq ans, soit 50 % de plus !

De surcroît, et même si j'ai entendu que les gels de crédits seraient plus faibles l'année prochaine que les années précédentes, ce sont encore plus de 40 millions d'euros environ qui seront mis en réserve sur le budget de l'autorité judiciaire pour 2018 et qui risquent d'être annulés ensuite.

Du point de vue de la commission des lois, il y a urgence à renforcer l'effort pour la justice et à prévoir une exception à la mise en réserve et à l'annulation de crédits.

En l'état, je ne vous le cache pas, madame la ministre, le budget de la justice soulève de notre part beaucoup de questionnements. Entendez-vous renforcer la trajectoire de croissance du budget de la justice ? Pensez-vous pouvoir faire adopter par le Parlement une loi de programmation avant l'été prochain ? Même si celle-ci ne couvre que quatre ans sur les cinq, elle serait de nature à nous rassurer sur votre volonté de poursuivre et d'amplifier les efforts entrepris par votre prédécesseur Jean-Jacques Urvoas, idéalement selon les orientations définies par le Sénat.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je vous remercie pour vos observations, monsieur le président. Nous partageons tous ici le souci de renforcer considérablement l'effort accompli en faveur de la justice.

Vous avez à juste titre souligné les efforts faits par le gouvernement précédent en faveur de la justice. Toutefois, dans le document qu'il a laissé à l'intention de son successeur, Jean-Jacques Urvoas écrivait qu'il s'engageait à accroître de 1 milliard les crédits de la justice sur le quinquennat à venir. Or nous aurons atteint ce milliard en trois ans seulement !

Nous sommes donc sur une pente budgétaire nettement ascendante, avec des hausses prévues de 3,9 % en 2018, 4,3 % en 2019 et 5,1 % en 2020. Cet effort contribuera réellement à donner à la justice les moyens nécessaires pour fonctionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Notre référence reste toutefois la loi de programmation votée par le Sénat, qui prévoit une augmentation de 29 % sur le quinquennat pour répondre au diagnostic que nous avons posé, lequel n'a pas été contesté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

rapporteur pour avis des programmes 166 « Justice judiciaire », 101 « Accès au droit et la justice », 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », et 335 « Conseil supérieur de la magistrature ». - J'interviens sur les programmes 166 et 101, mais aussi sur les programmes 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et 335 « Conseil supérieur de la magistrature ».

S'agissant du programme 166 principalement consacré aux juridictions judiciaires, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit seulement la création de 148 emplois nets, contre 600 en 2017. Certaines des sources d'économie d'emplois que vous envisagez nous semblent d'ailleurs contestables.

Vous prévoyez ainsi d'économiser 36 emplois grâce à l'amende forfaitaire délictuelle en matière de délits routiers, alors que sa mise en oeuvre est, semble-t-il, sérieusement compromise en raison de l'incompatibilité des applications des ministères de la justice et de l'intérieur.

De même, comment peut-on prévoir d'économiser 55 emplois par l'extension de l'amende forfaitaire en matière d'usage de stupéfiants alors qu'elle n'est pas en vigueur et qu'elle nécessite préalablement une modification législative ?

Par ailleurs, les vacances de postes de magistrats et de greffiers seront-elles intégralement comblées au cours du quinquennat ?

Je souhaite aussi faire des observations sur l'état des palais de justice et l'insuffisance de leurs moyens de fonctionnement. L'exemple de la cité judiciaire de Nancy est assez représentatif des difficultés matérielles que rencontrent beaucoup de palais de justice.

Le projet de budget prévoit, pour les juridictions, une augmentation de 49,4 millions d'euros des dépenses de fonctionnement et de 42,9 millions d'euros des dépenses d'investissement. Une partie de cette hausse correspond évidemment au budget dédié au nouveau palais de justice de Paris, qui devrait s'élever à 73,1 millions d'euros en 2018, au titre de la redevance du partenariat public-privé, ce à quoi il faudra ajouter 10 millions d'euros pour le déménagement et l'installation des nouveaux locaux.

Dans ce contexte, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer le montant des crédits affectés au fonctionnement courant du nouveau palais de justice en 2018, et qui ne sont pas inclus dans le budget de ce partenariat public-privé ? Quel sera ce montant pour un fonctionnement en année pleine ?

Par ailleurs, que comptez-vous faire pour mettre à niveau durant ce quinquennat le budget de fonctionnement courant des juridictions et les crédits dédiés à l'immobilier judiciaire ? Nos visites nous ont en effet montré que les tribunaux de Nancy et de Paris n'étaient pas les seuls à avoir besoin de moyens nouveaux.

S'agissant maintenant des frais de justice, dont nous connaissons la sous-budgétisation chronique, elle a pour conséquence que les juridictions accumulent les dettes et ne peuvent pas toujours diligenter les expertises requises, faute de pouvoir payer les auxiliaires de justice. Ainsi, des analyses génétiques et des expertises informatiques ou comptables, pourtant indispensables à la manifestation de la vérité, ne peuvent plus être réalisées ou le sont avec un retard considérable. Et certains experts, notamment des psychiatres ou des interprètes, ne veulent plus se déplacer tant que leurs arriérés de créances ne sont pas réglés.

Vous prévoyez, madame la ministre, une dotation de 478,48 millions d'euros pour 2018, alors que près de 550,5 millions d'euros ont été dépensés en 2016. Vous justifiez ce chiffrage par 36,5 millions d'économies, dont 14,5 liés à la mise en oeuvre complète de la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ. À court terme, cela nous paraît très incertain. Quelles économies la PNIJ a-t-elle réellement permis de réaliser en 2017 ?

Enfin, les 122,65 millions d'euros supplémentaires de dettes et charges restant à payer seront-ils imputés sur le budget 2018 ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je répondrai tout d'abord sur le sujet ô combien sensible de la résorption des vacances de postes. D'après nos estimations, il y a actuellement 400 postes de magistrats et 850 postes de greffiers vacants. Oui, monsieur le sénateur, je m'engage à ce que ces vacances de postes soient intégralement résorbées au terme du quinquennat.

En 2018, 163 magistrats supplémentaires recrutés en 2015 vont prendre leur poste. Les 100 postes que nous créons cette année s'y ajouteront à partir de 2020. Les vacances de postes seront également réduites par les autres évolutions que nous allons conduire en matière de numérisation et de simplification des procédures. Nous allons donc à la fois alléger les charges et continuer à recruter de nouveaux magistrats.

Vous avez également évoqué la question de la mise à niveau des palais de justice, monsieur Détraigne. En 2018, la dotation en crédits de paiement au titre de la conduite des opérations immobilières s'élève à 198 millions d'euros - et à 145 millions hors partenariats public-privé -, soit une hausse de près de 12 % qui contribuera, je l'espère, à améliorer la situation des différents palais de justice.

La construction du nouveau palais de justice de Paris, menée en PPP, est effectivement une opération singulière qui, à terme, coûtera 2,3 milliards d'euros. Le loyer du partenariat public-privé s'élève à 73,1 millions d'euros, une somme budgétée en 2018 et qui le sera également dans les années futures. En 2018, nous avons également budgété un peu plus de 9 millions de dépenses exceptionnelles liées au déménagement.

Vous avez aussi évoqué la question de l'augmentation des frais de justice. En 2017, j'ai obtenu que soit dégelée une partie des crédits nécessaires au paiement des frais de justice. Nous essayons par ailleurs de mieux contrôler l'augmentation de ces frais de justice, par exemple en déployant dans les tribunaux des logiciels de gestion des scellés qui permettent de réaliser des économies substantielles.

Au moment où nous parlons, près de 8 500 interceptions judiciaires sont en cours. La mise en place de la PNIJ constituera, malgré les difficultés dont la presse se fait l'écho de façon parfois un peu exagérée, un atout puissant pour la réalisation de ces interceptions judiciaires. Nous attendons 16 millions d'économies supplémentaires en 2017 par rapport à 2016. Et quand le recours à la PNIJ deviendra obligatoire en toutes circonstances - à l'heure actuelle, 80 % des interceptions sont réalisées par ce biais -, nous devrions atteindre 50 millions d'euros d'économies par an grâce à ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les deux tiers de l'augmentation des crédits d'investissement au titre de l'immobilier judiciaire sont consacrés au nouveau palais de justice de Paris, et seulement au titre de la redevance relative au contrat de partenariat public-privé. Nous comprenons les raisons de cette affectation, mais nous avons pu vérifier sur le terrain l'état de vétusté d'un certain nombre de tribunaux. Le tribunal de grande instance de Lille va également devoir déménager en raison d'un risque en cas d'incendie - le bâtiment se consumerait entièrement en une demi-heure. Il y a donc encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions de travail des magistrats et l'accueil des justiciables.

En matière de frais de justice, vous avez inscrit 478 millions de crédits pour 2018, alors que la dépense s'est élevée à 550 millions en 2016. Cela pose problème. Comme l'a souligné Yves Détraigne, un certain nombre d'auxiliaires de justice sont réticents à offrir leur concours à la justice.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

La reconstruction du palais de justice de Lille est programmée ; les travaux devraient commencer assez rapidement.

Quant à la sous-budgétisation des crédits relatifs aux frais de justice que vous évoquez de nouveau, je vous rappelle que nous attendons 50 millions d'économies de la PNIJ.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chat échaudé craint l'eau froide ! Votre prédécesseur nous avait fait la même promesse, mais la mise en oeuvre progressive de ce nouveau dispositif tarde à produire ses effets. Je préférerais que l'on constate a posteriori l'économie plutôt que de l'annoncer a priori.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je vous l'assure, je reviendrai devant vous, crédits et économies constatés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Le rôle d'un rapporteur pour avis est, notamment, de comparer les intentions budgétaires avec la réalité du terrain.

Madame la ministre, parmi les promesses présidentielles figure un plan de construction de 15 000 places dans les établissements pénitentiaires. Or, seul 0,59 % du budget de l'administration pénitentiaire pour 2018 - 21 millions d'euros - est dédié à la réalisation de ce plan.

Lors du précédent quinquennat, le ministre de la justice avait engagé une démarche très volontariste en la matière. Qu'allez-vous faire pour lancer le plus rapidement possible ce plan de construction en dépit de la faiblesse des crédits ? Les préfets et les collectivités territoriales se sont mobilisés pour répondre à la demande du précédent garde des sceaux et ont identifié plusieurs terrains dont ils gèlent l'affectation depuis maintenant un an. Quand comptez-vous les acquérir et sécuriser leur affectation ?

Si le Gouvernement vise la livraison de ces 15 000 places en 2027, il est peut-être d'ores et déjà nécessaire de planifier un plan supplémentaire.

Une concertation dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation est en outre en cours dans le cadre du cinquième chantier de la justice relatif au sens et à l'efficacité des peines. Récemment, le Président de la République a annoncé la création d'une agence des travaux d'intérêt général (TIG). À quoi servira-t-elle dans la mesure où aucun crédit ne lui est consacré dans le PLF 2018 ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Notre politique pénitentiaire repose sur l'idée d'un équilibre. Nous souhaitons absolument construire des places de prison supplémentaires ; c'est une exigence de dignité pour les détenus, mais aussi de sécurité pour la société.

Nous voulons construire des établissements adaptés à la diversité des détenus que nous devons prendre en charge. La solution ne sera pas la même entre un islamiste terroriste extrêmement dangereux et une personne détenue pour un temps relativement bref, dont il importe d'assurer dans les meilleures conditions la réinsertion dans la société.

Nous travaillons aussi sur le sens de la peine et sur une véritable hiérarchie des peines. Nous voudrions réellement permettre aux magistrats de s'appuyer sur des sanctions extrêmement diversifiées, sans toutefois créer de nouvelles peines.

Vous prétendez que les crédits affectés au plan de construction sont insuffisants, mais les établissements pénitentiaires de Draguignan, d'Aix et de La Santé vont ouvrir ou rouvrir en 2018. Des quartiers de préparation à la sortie vont également être créés. En outre, 26 millions de crédits sont prévus pour acquérir le foncier pour les futures constructions.

Le plan de programmation des établissements pénitentiaires n'est pas encore arrêté. Je vais présenter mes propositions au Président de la République et au Premier ministre. Le plan sera dévoilé au moment de la loi de programmation.

Les crédits nécessaires sont donc prévus.

Les préfets ont proposé des terrains mais qui ne sont pas tous situés dans les zones géographiques où nous avons besoin d'établissements, notamment en PACA, en Ile-de-France et dans le Nord.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

C'est une nouvelle zone ! J'ai oublié de mentionner la région lyonnaise.

Nous avons remobilisé les préfets, surtout en Ile-de-France, pour trouver le foncier nécessaire.

Dès la loi de programmation, je présenterai un plan afin d'arriver aux 15 000 nouvelles places, mais il n'est pas réaliste d'imaginer que nous y parviendrons dans les cinq ans à venir. Visons déjà les 10 000 places effectives ou lancées à la fin du quinquennat : les 15 000 places seront acquises dans les sept à huit prochaines années.

Pour une meilleure efficacité de la peine, il convient de suivre le parcours du détenu pour assurer une bonne réinsertion : nous avons donc besoin de conseillers d'insertion et de probation : 150 emplois seront créés dès l'année prochaine et environ 600 dans les cinq ans.

Nous allons lancer une mission courte pour préfigurer la future agence pour les TIG. Cette mission sera confiée à un député et à un chef d'entreprise : les TIG ayant fait la preuve de leur efficacité, nous avons besoin de mieux associer les parties prenantes, à savoir les collectivités territoriales, l'État, les entreprises et les associations. Nous avons sans doute besoin d'une plateforme numérique pour améliorer le dispositif. Nous le ferons dès 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le budget est l'épreuve de vérité. Nous serons toujours à vos côtés quand il s'agira de renforcer la priorité donnée à votre ministère.

Nous constatons que les autorisations d'engagement (AE) concernant l'immobilier pénitentiaire diminuent de plus de 75 %, les crédits de paiement (CP) alloués à la rénovation du parc immobilier baissent d'un tiers et les crédits destinés aux placements sous surveillance électronique sont réduits de 27 %. De plus, vous nous annoncez que le plan de création de 15 000 places de prison sous le quinquennat se limitera à 10 000 places effectives ou lancées d'ici cinq ans. C'est préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Vous allez lancer une mission sur les TIG, composée d'un député et d'un chef d'entreprise : ne croyez-vous pas qu'un sénateur aurait toute sa place ? La Chambre haute est la représentante des collectivités territoriales, qui souhaitent avoir recours aux TIG.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

J'en prends bonne note.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Le Président de la République a annoncé la création d'une agence. C'est bien cela ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Tout à fait. La mission confiée à un député, un chef d'entreprise et peut-être à un sénateur permettra de définir le rôle et les moyens de la future agence.

Les AE demandées par mon prédécesseur ont été conservées et nous ne déployons que les CP dont nous avons besoin. Ces CP augmenteront tout au long du quinquennat. La diminution du budget consacré aux bracelets électroniques est simplement due à une modification du marché : ayant changé de prestataire, le coût est moins élevé. Nous comptons augmenter fortement les placements sous surveillance électronique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

« Protection judiciaire de la jeunesse ». - Vous avez annoncé la création de vingt centres éducatifs fermés (CEF) mais les crédits ne seront ouverts qu'à partir de 2019. Disposez-vous d'une évaluation du coût total de ces nouveaux centres ?

Lors du précédent quinquennat, les projets de CEF ont été pour la plupart abandonnés, afin de privilégier les prises en charge en milieu ouvert. Votre volonté d'ouvrir de nouveaux CEF repose-t-elle sur une évaluation précise des besoins ? Les CEF ont beaucoup de mal à attirer et à conserver du personnel qualifié, du fait de conditions de travail très difficiles. Ces problématiques ont entraîné des dysfonctionnements qui ont abouti à la fermeture administrative de certains CEF, comme ceux de Beauvais et de Brignoles en mars et juillet 2017. Le CEF de Pionsat dans l'Allier est actuellement en grande difficulté. Dans son rapport de 2016, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a relevé ces dysfonctionnements : comment améliorer la situation des centres existants tout en étendant le dispositif ? Une meilleure formation ?

En 2016, les filles ne représentaient que 12 % des mineurs délinquants suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Malgré le principe de mixité qui est la règle au sein des établissements de la PJJ, la faible représentation des jeunes filles impose parfois leur placement dans des établissements inappropriés. Depuis 2013, le nombre des jeunes filles prises en charge par la PJJ a augmenté de 5 % : comment améliorer les infrastructures et la formation des personnels pour tenir compte de cette réalité nouvelle ? Envisagez-vous la création d'un CEF non mixte au sud de la Loire, comme le préconisait l'inspection générale des services judiciaires et l'inspection des services de la protection judiciaire de la jeunesse en 2013 ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

À l'origine, la création de cinquante CEF avait été envisagée. Nous pensons qu'il faut diversifier les modes de prises en charge. La PJJ doit d'abord privilégier l'éducatif, d'où notre proposition de ne construire que vingt CEF, pour un coût évalué à 16 millions d'euros. En outre, 135 emplois devraient être nécessaires.

J'ai visité le CEF de Bruay-la-Buissière : les jeunes pris en charge pendant plusieurs mois peuvent se réinsérer grâce à des équipes éducatives très professionnelles. Avec la directrice de la PJJ, nous sommes très attentives à la formation des équipes. Du fait des dysfonctionnements que vous avez mentionnés, nous avons prévu de renforcer le soutien psychologique et la formation de ces équipes.

Je ne suis a priori pas favorable à la création d'un CEF non mixte, mais je n'ai pas encore étudié le dossier avec la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous constatons un nombre croissant de jeunes filles incarcérées et certains centres rencontrent des difficultés liées à la mixité. Dans nos centres de détention, les hommes et les femmes sont séparés : la question est donc posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

J'ai visité le CEF pour jeunes filles de Doudeville en Normandie : le directeur et le personnel nous ont dit toute la complexité de la prise en charge mixte en CEF, mais aussi la difficulté pour les jeunes filles placées à Doudeville de maintenir des liens familiaux alors qu'elles viennent de très loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je partage l'analyse du Président Bas sur la trajectoire du budget de votre ministère. Certes, la courbe est ascendante, mais nous aurions voulu une courbe plus accentuée, compte tenu des besoins de votre ministère.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

À angle droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Le tribunal d'instance d'Aubervilliers, qui dépend du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, est fermé depuis septembre, faute de personnel. Les greffiers qui sortent de l'École nationale des greffes (ENG) renoncent à prendre leur poste lorsqu'ils sont affectés dans cette juridiction, qui est la deuxième plus grande juridiction de France. L'administration pénitentiaire peine également à recruter : les créations de postes annoncées ne seront sans doute pas toutes pourvues. Les vacances de poste détériorent les conditions de travail des agents.

Comment améliorer l'attractivité des métiers de la justice et de la pénitentiaire ? Certes, des campagnes de promotion et de publicité ont été lancées, mais elles ne suffisent pas.

Vous avez évoqué de nouveaux outils numériques. Ceux de vos prédécesseurs n'ont pas tous eu de succès et je déplore certaines gabegies. Ces outils devront répondre aux attentes des utilisateurs, usagers ou agents du ministère.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Vaste question que celle de l'attractivité des métiers de la justice qui concerne aussi bien les postes dans les palais de justice que dans l'administration pénitentiaire. En région parisienne, nous allons augmenter de 7 % les crédits d'action sociale car certains de nos agents ont besoin d'être aidés pour se loger. Nous réfléchissons à de nouveaux outils indemnitaires, ce qu'attend le personnel. Nous devons également nous interroger sur la mixité des emplois : lors de la dernière promotion de greffiers, il y avait 85 % de femmes. Ce n'est pas une bonne chose.

À Aubervilliers, cinq postes de greffiers sont vacants sur onze emplois. Nous espérons pouvoir rouvrir ce tribunal d'instance en janvier car des sorties d'école auront lieu le 4 janvier.

Avec le numérique, nous avons changé d'ère. Je ne mésestime pas les efforts faits par mes prédécesseurs, mais nous avons constitué une équipe au sein du ministère extrêmement solide et nous recruterons encore en 2018. Dès l'année prochaine, nous proposerons des outils adaptés aux attentes de nos concitoyens. Ainsi en sera-t-il du portail « Justice.fr » qui permettra de suivre la procédure en ligne et, ensuite, de déposer des requêtes en ligne. Nous multiplions les applications pour faciliter le travail des greffiers et des magistrats. J'espère que cette nouvelle gouvernance donnera les résultats attendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je partage la préoccupation de mon collègue sur l'attractivité de certaines juridictions. Ne croyez-vous pas qu'il conviendrait de créer des tribunaux de première instance regroupant les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance ? Cela permettrait d'avoir des juridictions plus attractives pour les magistrats comme pour les greffiers. Cette proposition figure dans une de nos deux propositions de loi adoptées en octobre. J'espère que ce travail sera repris par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je connais votre travail et j'y suis très attentive. De notre côté, nous avons lancé le chantier de l'adaptation du réseau des juridictions. MM. Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, anciens présidents de la commission des lois de l'Assemblée nationale, travaillent sur le sujet et ils tiendront compte de votre proposition. Nous nous sommes engagés à ne fermer aucun lieu de justice mais si nous simplifions les procédures, si nous numérisons, l'évolution de la justice sera inéluctable.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les délais des différentes procédures se dégradent : entre 2007 et 2016, le délai moyen devant les tribunaux de grande instance est passé de 7,5 à plus de 11 mois ; devant les cours d'appel, ce délai est passé de 12,5 à pratiquement 14 mois ; pour les chambres sociales, le délai se monte à 20 mois. Quels emplois avez-vous prévus pour accompagner le transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance qui a dû intervenir le 1er juillet 2017 ? Les dysfonctionnements informatiques qui ont accompagné ce transfert sont-ils aujourd'hui définitivement réglés ? Combien d'emplois sont-ils prévus pour accompagner le transfert aux TGI du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux de l'incapacité et d'une partie des commissions départementales d'aide sociale le 1er janvier 2019 ? Il faudra absorber 170 000 affaires de plus par an, soit 18 % du flux annuel. De plus, ce sont des contentieux très techniques et volumineux.

Les services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) seront-ils totalement opérationnels pour l'ensemble de nos juridictions d'ici la fin 2018, comme l'indique le bleu budgétaire ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

La question des délais est essentielle. Je ne suis pas sûre de pouvoir résoudre cette question dès 2018. Le raccourcissement des délais n'interviendra que lorsque tous les chantiers que nous avons lancés seront opérationnels : meilleur accueil du justiciable, meilleur suivi des dossiers, simplification des procédures civiles, amélioration des traitements numérisés.

Concernant la simplification de la procédure civile, de nombreuses options sont proposées comme l'accentuation de la déjudiciarisation de certains dossiers, la simplification des procédures et la numérisation de la saisine de la juridiction. C'est ainsi que nous réduirons les délais. C'est tout l'enjeu : le justiciable doit avoir un accès plus facile à la justice. Dans ce domaine, des délais raisonnables sont indispensables.

Pour ce qui concerne le transfert des audiences des tribunaux de police aux TGI, je sais que l'application Minos dysfonctionne. Mes services doivent régler rapidement ces problèmes.

Quant au transfert des tribunaux des affaires de sécurité sociale aux TGI au 1er janvier 2019, 541 emplois du ministère de la santé et des affaires sociales vont être transférés. S'il le faut, nous aurons recours à des vacataires.

Nous mettons également en place des contrats d'objectifs avec les juridictions afin d'accélérer les délais de jugement des chambres sociales.

Enfin, les SAUJ sont un enjeu majeur : ils seront opérationnels sur tout le territoire dès la fin 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L'État participe à la formation des élèves avocats par le versement d'une subvention au Conseil national des barreaux (CNB) qui l'organise et qui la gère. Dans le budget, cette subvention passe de 2 à 1,1 million d'euros. Or, les frais seront les mêmes, si bien que les bourses risquent de disparaître alors que le CNB y consacre 1,1 million d'euros qui sont versés à presque 10 % des élèves avocats. Confirmez-vous qu'il s'agit d'une erreur de plume dans votre budget ?

À l'issue des décisions gouvernementales de 2016, les magistrats instructeurs peuvent désormais lancer des investigations très coûteuses, comme les recherches sur l'ADN.

En 2017, les délais de prescription en matière pénale ont été doublés : certains magistrats estiment que le nombre des affaires va augmenter de 20 à 50 %.

Le nombre d'affaires en instance d'être jugées par la cour d'assises de Paris augmente, sans doute en raison des affaires de terrorisme.

Un plan pour combattre les infractions sexuelles a été annoncé et un projet de loi est en préparation. Pourtant, le code pénal est à même de réprimer toutes ces infractions. Ce qu'il faut, ce sont des crédits pour libérer et accueillir la parole.

Ces quatre points vont considérablement accroître les dépenses de votre ministère : ont-ils été pris en compte lors de l'élaboration de votre budget ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Concernant la subvention au Conseil national des barreaux (CNB), effectivement, c'était bien une erreur de plume et je l'avais annoncé lors de ma venue à la Convention nationale du CNB : nous rétablirons en gestion le crédit de 1,6 million qui est versé tous les ans depuis 2014.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Vous craignez un accroissement des dépenses de justice mais certaines ne sont pas encore advenues ; je pense aux évolutions normatives liées aux violences sexuelles et sexistes. En revanche, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'en cette matière, l'écoute et le suivi sont essentiels. J'ai récemment signé une circulaire à destination des procureurs pour leur demander un suivi attentif des plaintes déposées par les victimes de violences sexuelles et sexistes et la formation à l'écoute de personnels. Le coût de cette formation ne sera pas considérable et il sera partagé avec les forces de police, souvent chargées du recueil des plaintes.

La cour d'assise de Paris va prendre en charge plus de procès du fait des affaires terroristes. Nous allons augmenter les crédits dédiés à cette cour.

En un mot, oui, nous aurons les moyens de faire face aux nouvelles dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Qu'est-il prévu pour réduire le stock d'affaires qui sont en attente d'être jugées aux assises ?

Le Président de la République a fait de la lutte contre les violences sexuelles une priorité, mais la justice a besoin de moyens pour juger les viols aux assises. Est-il prévu d'augmenter le budget consacré aux indemnités des jurés populaires, pour accroître le nombre de sessions d'assises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Samedi, le Président de la République a envisagé la création d'un délit d'outrage sexiste. Or, il existe déjà l'injure sexiste dans notre arsenal juridique. Quelle est la différence entre ces deux notions ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Nous ne constatons pas un stock important d'affaires en attente d'être jugées aux assises. Pour les affaires terroristes, nous allons devoir faire face à un accroissement de la charge de travail de la cour d'assises de Paris. Je ferai prochainement des propositions.

Le Président de la République a évoqué la création du délit d'outrage sexiste qui serait « contraventionnalisé », mais une mission parlementaire travaille sur cette question et il m'est difficile de vous donner la définition exacte qui sera donnée à ce délit. D'emblée, j'ai souhaité qu'on ne parle pas de harcèlement de rue car il y avait un risque de confusion. De même, nous sommes en train de réfléchir à la définition du seuil de présomption de non consentement. Le Président de la République a dit que 15 ans était un âge qui lui semblait pertinent. Il existe encore des débats sur la nature même de cette présomption de non consentement, présomption irréfragable ou non. De vraies questions de constitutionnalité se posent. Le Président de la République a annoncé un projet de loi porté par ma collègue Marlène Schiappa et moi-même au cours du premier semestre 2018. Nous avons encore un peu de temps pour forger notre opinion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Marie Mercier est le rapporteur du groupe de travail pluraliste que nous avons mis en place sur ces questions et auquel participent des membres de chacun des groupes du Sénat. Nous vous transmettrons nos analyses, réflexions et recommandations.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je lis toujours avec beaucoup d'intérêt ce qui vient du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Votre intérêt nous touche et nous touchera encore plus lorsque vous suivrez nos propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

D'après vos propos, je crains que la centralisation de l'organisation du monde judiciaire se poursuive.

Vous avez évoqué 50 emplois pour la transformation numérique : seront-ils affectés exclusivement au ministère ou dans les juridictions ? Il faudrait des informaticiens dans les cours d'appel, dans les tribunaux de grande instance (TGI), ce qui n'est pas le cas.

Nous restons très sceptiques sur le service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) car leur réussite implique des moyens supplémentaires dans les greffes. Des SAUJ dans toutes les juridictions fin 2018 ? C'est un pari d'autant plus risqué qu'un de vos prédécesseurs nous l'avait promis.

Vous avez été une élue importante d'une communauté urbaine et j'ai présidé une communauté urbaine : vous savez comme moi que les travaux d'intérêt général (TIG) se décident sur le terrain ; nul besoin d'une agence nationale. Les TIG existent depuis trente ans et les juges d'application des peines ont bien du mal à les développer.

Enfin, ne faudrait-il pas s'interroger sur le coût de l'enfermement et de la peine de prison ? Bon courage, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Dans le domaine de la numérisation, cela ne me paraît pas pertinent de parler de recentralisation judiciaire. Notre difficulté est de concevoir des applications qui soient réellement opérationnelles sur l'ensemble du territoire, et d'avoir une vision globale de toutes les applications existantes et des échanges inter-applicatifs qui sont nécessaires. Les 50 emplois que vous avez évoqués seront effectivement affectés au ministère de la justice, mais tout cela ne fonctionnera, j'en suis pleinement d'accord avec vous, que si nous avons un ingénieur dans chaque tribunal et du personnel qui est en capacité d'appuyer la mise en oeuvre des applications informatiques au niveau local.

Nous souhaitons déployer des SAUJ dans tous les tribunaux afin que les justiciables aient accès à la justice. Nous allons créer des emplois de greffiers et je vous rappelle qu'en 2018 il y aura 600 greffiers sortant de l'École nationale des greffes, ces personnels viendront notamment conforter les SAUJ.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Tout à fait.

Enfin, je ne sais pas quelle forme prendra l'agence des TIG, mais il importe que les magistrats sachent où sont les besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous vous donnons rendez-vous pour faire le bilan des SAUJ l'année prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Vous connaissez mon intérêt pour la prévention et la lutte contre la radicalisation. Quels moyens allez-vous déployer en milieu carcéral ? La PJJ fait un travail remarquable en la matière. De nouveaux moyens vont-ils lui être attribués ?

Par ailleurs, où en sommes-nous de la construction de la maison d'arrêt de Lutterbach dans le Haut-Rhin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Vous avez parlé de simplification et de dématérialisation. Qu'en sera-t-il pour l'outre-mer où les communications sont difficiles ? Une attention particulière leur sera-t-elle portée ?

Mayotte a la population la plus jeune de France : 60 % de cette population a moins de 22 ans. La délinquance a explosé au cours des quinze dernières années et, de 2012 à 2016, celle des mineurs a augmenté de 35 %. Les acteurs de terrain demandent la création d'une brigade de prévention de la délinquance juvénile et d'un centre éducatif fermé (CEF). Répondrez-vous à ces deux demandes parfaitement légitimes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Jusqu'au 1er septembre dernier, j'étais directeur des études de l'institut d'études judicaires de Lille 2. Les étudiants craignent de passer le concours de l'École nationale de la magistrature (ENM). Il faudrait repérer les meilleurs candidats potentiels dès la première année, sinon les étudiants se tournent vers la profession d'avocat qui est en surnombre.

En tant qu'adjointe à la prévention à Tourcoing, j'ai constaté que nous avions du mal à trouver des TIG. La mairie a recruté un travailleur social pour encadrer les chantiers. Nous avons aussi embauché une personne qui a travaillé auprès du commissariat pour accueillir les enfants et les femmes maltraités. Est-il normal qu'une mairie recrute et paye des travailleurs sociaux ?

Tous les vendredis, je faisais venir les éducateurs de la PJJ pour parler avec la police mais ils parlaient peu, de crainte de trahir des secrets professionnels.

Enfin, les élus de Cambrai m'ont interpellée : ils craignent que leur tribunal soit menacé de disparition.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

En mars 2017, un accord cadre a été signé entre le ministère de la justice, celui du travail et les missions locales pour l'accompagnement des jeunes sous main de justice, ce qui a donné lieu à la création de 50 postes de conseillers-référents justice dans les missions locales spécialement dédiés à la prévention de la récidive. Malheureusement, ces 50 postes, qui étaient financés par le ministère du travail, ne seront pas reconduits. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mme Canayer est en charge d'une réflexion avec la commission des affaires sociales sur les prud'hommes.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je vous sais très sensible aux questions de radicalisation, madame Troendlé. Nous avons mis en place des quartiers d'évaluation de la radicalisation, ce qui permet d'évaluer les détenus qui arrivent dans nos établissements et de trouver un placement adapté à leur situation. Nous avons également renforcé considérablement le renseignement pénitentiaire. Nous avons ainsi pu éviter des attentats. Les établissements pénitentiaires se préoccupent des détenus en voie de radicalisation. Enfin, le dispositif RIVE prend en charge des personnes sous main de justice pour les sortir de la radicalisation. Tous ces dispositifs sont budgétés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le récent dispositif RIVE a été déployé dans la plus grande discrétion par vos services. Pendant que nous travaillions avec Mme Benbassa sur notre rapport relatif aux politiques de déradicalisation, nous n'avons pas eu vent de ce dispositif. Combien coûte-t-il ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Actuellement, il prend en charge 16 personnes placées sous main de justice pour un coût d'un peu plus d'un million d'euros par an. Ce dispositif devrait à terme accueillir une cinquantaine de personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le dispositif déployé à Mulhouse est identique en bien des points et il revient à 3 000 euros par personne. Aujourd'hui, 26 personnes ont été prises en charge. Ce dispositif doit trouver sa place dans le plan national que vous présenterez en décembre.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

A la Chancellerie, vous m'avez exposé les conclusions de votre mission et j'y ai prêté la plus grande attention. Il existe en France de très nombreux dispositifs. J'étais il y a quelques jours à Dijon qui propose aussi un dispositif qui associe tous les acteurs de terrain pour éviter la détention des personnes et les mettre sous contrôle judiciaire pour des coûts relativement modestes. Pour RIVE, je pense que les publics accueillis ne sont pas tout à fait les mêmes. Nous avons besoin d'une grande diversité de prises en charge.

Nous nous sommes rendues ensemble à Lutterbach : la livraison de la maison d'arrêt est prévue au plus tard début 2021 ; le marché de construction a été notifié et, comme nous nous y étions engagés avec M. le maire, l'enquête publique se poursuit et nous devrions disposer des conclusions à la fin du premier trimestre 2018.

M. Mohamed Soilihi a attiré à juste titre mon attention sur la situation outre-mer. J'ai récemment reçu une délégation de la Guadeloupe et je lui ai annoncé la construction d'un troisième établissement pénitentiaire en 2021. Je me rends avec le Premier ministre en Nouvelle-Calédonie dans quelques jours où la situation est également particulière.

La direction de la PJJ ira à Mayotte en début d'année prochaine pour évaluer les besoins en matière de justice des mineurs. Pour l'instant, il n'est pas envisagé de créer un CEF, mais Mme la directrice de la PJJ nous dira quels sont les besoins.

Madame Lherbier, vous avez raison d'évoquer la question de la formation de nos jeunes. En effet, c'est dès la première année en institut d'études judiciaires, et peut-être même avant, qu'il faut donner une autre image de nos professions de justice. Nous faisons le même constat : les jeunes privilégient la profession d'avocat à celle de magistrat. J'ai demandé à M. le directeur des services judiciaires de se pencher sur ce sujet.

Quant à l'avenir du tribunal de Cambrai, il me semblait tellement assuré que je ne saurais répondre exactement à votre question. Toutefois, je rappelle notre engagement de conserver l'ensemble des lieux de justice, ce qui ne veut pas dire que tout se déroulera partout comme avant.

Enfin, sur la question du travail accompli par la PJJ et les missions locales pour accompagner les jeunes sous main de justice, on me dit que des conventions ont été signées localement, mais je reviendrai vers vous avec des informations plus précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous propose de me transmettre votre réponse par écrit, madame la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Très volontiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt, madame la ministre. Votre programme est intéressant, mais êtes-vous assurée d'avoir tous les crédits nécessaires pour le réaliser ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Comme je vous l'ai indiqué, après une augmentation de 3,9 % cette année, le budget de la justice devrait croître de 4,3 % en 2019 et de 5,1 % en 2020. Cette hausse, jumelée avec la transformation en profondeur des procédures, la numérisation et l'évolution de l'organisation, devrait permettre de faire face de manière intelligente aux dépenses en matière de justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie de votre patience et des réponses précises que vous nous avez apportées, madame la garde des sceaux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 heures.