Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 novembre 2017 à 9h15
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « outre-mer » - examen du rapport pour avis

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis :

Pour la quatrième année consécutive, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire de notre commission sur les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018.

Je me bornerai à une présentation succincte des crédits budgétaires de cette mission, d'autant plus qu'elle ne représente qu'un dixième de l'effort financier total de l'État en faveur des outre-mer. En effet, 87 programmes relevant de 29 missions budgétaires contiennent des crédits consacrés aux outre-mer. À cela s'ajoutent les prélèvements sur recettes ainsi que les dépenses fiscales.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, les crédits de cette mission sont légèrement supérieurs à 2 milliards d'euros, ce qui est une constante depuis 2011.

À périmètre courant, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une légère baisse, de 0,94 % en autorisations d'engagement (AE) et de 0,07 % en crédits de paiement (CP). Hors mesures de périmètre, le budget de la mission est en hausse de 72,6 millions d'euros en AE et de 85,1 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, soit une augmentation de 3,42 % en AE et de 3,72 % en CP.

La dépense fiscale, quant à elle, est estimée, en 2018, à 4,3 milliards d'euros, soit le double des crédits de la mission « Outre-mer ».

Le montant cumulé des AE consacré aux territoires ultramarins, toutes missions confondues, s'élève à 17 milliards d'euros, soit une progression de 1,26 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Au total, en intégrant les dépenses fiscales, l'effort financier de l'État en faveur des outre-mer devrait s'élever, en 2018, à 21,3 milliards d'euros en AE et à 20,5 milliards d'euros en CP.

Compte tenu du maintien de l'effort budgétaire, ces éléments me conduisent à vous proposer d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je tiens néanmoins à vous signaler que ce premier budget est un budget de transition, qui a vocation à évoluer en fonction des résultats des assises des outre-mer qu'a lancées, en octobre dernier, la nouvelle ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin.

J'en viens maintenant au sujet que j'ai souhaité aborder dans mon avis : les problématiques institutionnelles de chaque territoire ultramarin. Il m'a semblé intéressant de faire cet état des lieux car, au cours des dernières années, le Parlement a débattu de nombreux projets ou propositions de loi tendant à clarifier le statut institutionnel de telle ou telle collectivité ultramarine. Le Gouvernement annonce par ailleurs l'examen d'autres textes en la matière.

Naturellement, je n'aborderai pas les problématiques institutionnelles des douze collectivités ultramarines. Je concentrerai mon propos sur deux d'entre elles et vous renvoie à mon rapport pour toutes les autres, en particulier la Polynésie française.

La première est, bien évidemment, la Nouvelle-Calédonie. L'Accord de Nouméa de 1998 prévoit l'organisation d'un référendum d'autodétermination entre 2014 et 2018. L'une des questions essentielles de l'organisation de cette consultation, prévue en novembre 2018, est la composition du corps électoral qui y participera.

En Nouvelle-Calédonie, il existe trois listes électorales distinctes, selon les règles fixées par la loi organique du 19 mars 1999.

La première, la liste électorale générale (LEG), regroupe les électeurs participant aux élections nationales françaises.

La deuxième liste, la liste électorale spéciale (LES), permet de participer à l'élection des assemblées délibérantes spécifiques de la Nouvelle-Calédonie. Y figurent les personnes inscrites sur la liste électorale générale en Nouvelle-Calédonie lors du référendum portant sur l'approbation de l'Accord de Nouméa et résidant depuis plus de dix ans au moment du scrutin.

Enfin, la troisième liste, la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) relative à l'autodétermination, regroupe les électeurs qui pourront participer au référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Les critères d'inscription y sont plus restrictifs puisque les électeurs doivent se trouver dans l'un des huit items prévus à l'article 218 de la loi organique du 19 mars 1999.

L'inscription sur cette troisième liste fait l'objet de polémiques et de difficultés. Aujourd'hui, environ 160 000 personnes y sont inscrites. Toutefois, entre 10 000 et 22 000 personnes pourraient demander à y figurer si elles étaient inscrites sur la première liste, la liste électorale générale, préalable à l'inscription sur les deux autres listes. La question qui se pose est donc de savoir si un dispositif d'inscription d'office sur la liste électorale générale doit être institué en Nouvelle-Calédonie d'ici l'organisation du référendum d'autodétermination, prévu en novembre 2018, pour permettre l'inscription de ces personnes sur la troisième liste.

Le 2 novembre dernier, sous l'égide du Premier ministre, le XVIème comité des signataires de l'Accord de Nouméa s'est réuni et est parvenu à un consensus sur cette question. Il a acté, de manière exceptionnelle, 1'« inscription d'office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la LEG, préalable nécessaire à leur inscription sur la LESC ». La condition nécessaire pour cette inscription sera « une résidence de trois ans attestée par l'inscription sur les fichiers d'assurés sociaux ». L'inscription d'office ne sera pas pour autant automatique et devra faire l'objet d'un examen par les commissions administratives spéciales sur la base des éléments fournis par l'État.

Cet accord implique de modifier la loi organique de 1999. Un avant-projet de loi organique destiné à modifier la procédure de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie et traduisant cet accord politique a reçu, le 23 novembre dernier, un avis favorable du congrès de la Nouvelle-Calédonie sous réserve de certaines précisions. Cet avant-projet de loi organique devrait être délibéré en conseil des ministres le 6 décembre prochain. Nous serons donc saisis prochainement de cette question très sensible, d'autant que la conclusion de cet accord n'a pas mis fin aux tensions politiques qui secouent la Nouvelle-Calédonie entre indépendantistes et non-indépendantistes et au sein de chaque mouvement.

J'en viens maintenant à mon second point : Mayotte.

Mayotte n'est, sur le plan juridique, ni un département d'outre-mer ni une région d'outre-mer, bien qu'elle relève des collectivités ultramarines de l'article 73 de la Constitution. Elle constitue, depuis 2011, une forme de collectivité unique dont l'assemblée délibérante - le conseil départemental - exerce les compétences d'un département et certaines compétences d'une région d'outre-mer. C'est, avant la Guyane et la Martinique, la première collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution.

Le fait que Mayotte n'exerce pas toutes les compétences d'une région d'outre-mer, qui relèvent de l'État, s'explique par les difficultés économiques et sociales de l'île et par la situation budgétaire des collectivités territoriales mahoraises.

Cette situation a des impacts en matière budgétaire puisque Mayotte ne bénéficie pas de la totalité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) régionale. Notre commission avait ainsi relevé, le 25 novembre 2015, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement dont bénéficie Mayotte en comparaison de celle des autres collectivités ultramarines. Vous vous étiez d'ailleurs émus avec moi, monsieur le président, pour dénoncer cet état de fait.

Nous avions jugé cette situation peu équitable, compte tenu du contexte budgétaire et financier difficile de Mayotte. C'est pourquoi nous nous étions interrogés sur la prise en compte, a minima au titre de la dotation globale de fonctionnement, de la double compétence de Mayotte sur le modèle de ce qui s'applique aujourd'hui en Guyane et en Martinique. Malheureusement, ces questions, que j'avais posées en séance publique à la ministre des outre-mer d'alors, Mme George Pau-Langevin, au nom de notre commission, sont restées, à ce jour, sans réponse.

Elles pourraient néanmoins être réglées à l'occasion d'un prochain toilettage institutionnel du statut de Mayotte, afin notamment de clarifier et préciser ses missions.

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