Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi, le bilan qu’en tire la commission des affaires sociales peut se résumer à trois séries d’observations, qui recoupent en réalité trois grands groupes de dispositions, sur lesquelles nous nous trouvons, par rapport au Gouvernement et à l’Assemblée nationale, dans des positions bien différentes.
Tout d’abord, cela a été dit, une grande majorité des articles du texte ne suscitent aucun désaccord de fond entre les deux assemblées, même si, pour des raisons techniques, certains demeurent encore en navette lors de cette nouvelle lecture. Parmi les mesures concernées, je citerai la transformation du CICE en allégement de charges, l’année blanche de cotisations pour les créateurs d’entreprise, le relèvement de la fiscalité du tabac, l’aménagement de la taxation des boissons sucrées, la vaccination, les consultations de prévention pour les jeunes femmes, la suppression de l’obligation générale du tiers payant, ou encore les expérimentations visant à promouvoir un véritable parcours de soins et une meilleure efficience des prises en charge.
Je ferai une mention particulière sur l’affiliation des travailleurs indépendants au régime général et sur la suppression du RSI. J’avais fait part, en première lecture, de mes réserves sur l’inclusion d’une telle réforme dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais en dépit de ses interrogations sur la capacité d’une telle réforme à réellement régler les difficultés identifiées ces dernières années, la commission des affaires sociales a choisi de compléter le texte et tenté de l’améliorer. Je constate que, pour une très large part, l’Assemblée nationale a conservé les amendements que le Sénat avait adoptés.
Face à ces points d’accord, les points de désaccord, cela a été dit également, se limitent finalement à deux dispositions principales.
Si le Sénat a supprimé l’augmentation de 1, 7 point du taux de CSG applicable aux pensions de retraite et d’invalidité, c’est d’abord parce que cette disposition nous a paru injuste dès lors que, pour toutes les autres catégories, le Gouvernement a prévu des mesures de compensation. Cette hausse de CSG représente, monsieur Lévrier, 4, 5 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les retraités. L’exonération de taxe d’habitation, qui ne représente que 3 milliards d’euros pour l’ensemble de la population, ne peut valablement apparaître comme une véritable compensation.
Mais au-delà de ce point peu justifiable à nos yeux, cette hausse de CSG nous paraît introduire des éléments de brouillage dans le financement de la protection sociale. Elle affecte, pour la première fois en projet de loi de financement de la sécurité sociale, le financement de l’assurance chômage, avant même que les contours de la future réforme de celle-ci ne soient définis. Elle transfère vers l’impôt le financement de risques à caractère assurantiel. Elle augmente la part des prélèvements sur les revenus d’activité dans le financement la sécurité sociale et diminue celle des prélèvements sur la consommation.
Il y a donc là un point sur lequel nos deux assemblées ne pouvaient s’accorder.
L’autre divergence porte sur les règles d’attribution de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Cette mesure, peu justifiée au regard de la situation financière de la branche famille, restreint un peu plus le périmètre des bénéficiaires de la politique familiale et a été largement rejetée par notre assemblée.
Enfin, une dernière série de dispositions témoigne de désaccords, qui, à mon sens, auraient pu être surmontés, car ils ne résultent en rien de divergences philosophiques ou de fond.
Sans doute les délais d’examen extrêmement contraints du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne facilitent-ils pas le dialogue avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Je regrette toutefois que certains amendements adoptés par le Sénat, parfois depuis plusieurs années et avec un soutien dépassant les clivages politiques, n’aient pas reçu meilleur accueil de la part de l’exécutif et des députés.
C’est notamment le cas pour ce qui concerne le volet « assurance maladie », sur lequel nous partageons assez largement les orientations mises en œuvre par Mme la ministre. Nous avons parfois le sentiment que certaines de nos propositions n’ont pas été réellement étudiées et qu’elles ont été écartées sans que soient véritablement recherchés les moyens d’apporter une réponse au problème posé.
C’est pourquoi nous considérons, après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, être parvenus au terme du dialogue utile sur ce projet de loi, comme l’a dit M. le rapporteur général.
C’est donc en raison de désaccords fondamentaux sur la hausse de CSG et la politique familiale, mais aussi parce que les propositions que nous pourrions formuler à ce stade ne nous semblent pas pouvoir être prises en compte, que la commission des affaires sociales juge inutile de procéder à l’examen des dispositions restant en discussion et qu’elle demande au Sénat d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable.