Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, commenter un budget, particulièrement celui du ministère de l’écologie – le nom change, mais c’est toujours le même ministère –, est, on le sait, un exercice qui n’est guère aisé, tant les lignes sont fluctuantes et tant il est quasi impossible de retrouver un périmètre constant. Je ne vais donc pas m’y risquer.
Néanmoins, au-delà de ces calculs, qui sont sujets à caution, la question qui se pose est celle de savoir si les moyens d’action augmentent ou non. Je me permettrai donc, madame la ministre, d’exprimer quelques interrogations, et j’écouterai évidemment avec attention vos réponses précises.
La première interrogation concerne les moyens humains du ministère. Vous prévoyez, cette année encore, une baisse sensible des moyens humains consacrés à l’écologie. Pourtant, sans fonctionnaires – je crois que nous en serons tous d’accord, et c’est l’occasion de leur rendre hommage –, aucune politique publique ne peut être mise en œuvre. Par conséquent, madame la ministre, première question : comment imaginez-vous que les ambitieuses politiques annoncées, en particulier du plan Climat de Nicolas Hulot que nous soutenons, pourront être mises en œuvre avec plusieurs centaines de fonctionnaires en moins – on évoque le chiffre de 824 postes ?
En complément de cette inquiétude, j’ai deux autres interrogations portant sur les budgets de ces agences essentielles que sont l’Agence française de la biodiversité et l’ADEME.
Pour ce qui concerne l’AFB, le budget devrait finalement être stable, mais grâce, on le sait, à une prise en charge de certaines missions par les agences de l’eau – c’est l’un des grands débats qui nous animeront cet après-midi. Toutefois, les charges de personnel de cette agence augmentant – on parle d’une hausse de 3 % –, cela veut tout de même dire que sa capacité d’intervention sera, elle, en baisse.
La situation est bien plus inquiétante pour l’ADEME, dont les capacités d’intervention seront largement entamées. Les difficultés rencontrées hier après-midi lors de l’adoption de son budget, ainsi que le mécontentement des acteurs, constituent déjà un signal d’alerte.
Pas d’augmentation du Fonds chaleur, Hervé Maurey l’a dit, et baisse sensible de l’ensemble des budgets relatifs à l’économie circulaire – le programme sur les déchets et l’économie circulaire baisse tout de même de 20 % ! Ainsi, même si l’on a l’impression, à la lecture de la ligne budgétaire, que le budget de l’ADEME augmente, on sait que ce n’est en réalité pas le cas et nous avons une vraie inquiétude à ce sujet.
Parmi les plafonnements discutables, nous dénonçons aussi le plafonnement de la ressource affectée au Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Vu les enjeux, notamment le risque d’inondation et de submersion marine, c’est un très mauvais signal – c’est un peu le président de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique chargée du programme national d’adaptation au changement climatique qui vous parle. Le Sénat a adopté, très opportunément, un amendement, que j’avais déposé, visant à lever ce plafonnement. Nous espérons donc, madame la ministre, que l’Assemblée nationale n’y reviendra pas.
Dernier point, le plus lourd, le compte d’affectation spéciale, le CAS, qui porte bien son nom, si j’ose dire, tant sa sincérité nous semble sujette à caution. En la matière, nous avons vraiment besoin d’éclairages précis, parce que l’on parle de centaines de millions d’euros !
En 2017, nous avions prévu 5, 6 milliards d’euros en faveur de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, c’est-à-dire pour la prise en charge de la différence entre le coût contractuel des énergies renouvelables et le prix de gros de l’électricité, à ne pas confondre avec le prix du nucléaire. Si l’on comparait le prix de gros avec le prix du nucléaire, le coût pour l’État serait de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Or la CSPE a coûté au final environ 4, 8 milliards d’euros en 2017, d’après le projet de loi de finances rectificative, d’où une « cagnotte » – c’est le terme – de 850 millions d’euros. Madame la ministre, qu’avez-vous prévu de faire de tout cet argent ? Nous n’avons pas le sentiment que les territoires à énergie positive pour la croissance verte, les TEPCV, par exemple, en aient vu beaucoup la couleur, même si nous avons bien sûr noté que 75 millions d’euros supplémentaires étaient affectés pour que l’État tienne ses engagements.
Surtout, pourquoi prévoir 5, 4 milliards d’euros en 2018 alors que la CSPE a coûté 4, 8 milliards d’euros l’année passée ? C’est un peu curieux ! Soit vous imaginez un effondrement du prix de gros de l’électricité l’année prochaine, et en ce cas je vous propose très simplement de fermer immédiatement Fessenheim et quelques autres centrales nucléaires pour que celui-ci remonte et l’État sera gagnant, soit nous allons de nouveau nous retrouver avec une cagnotte.
Nous avons donc une proposition extrêmement simple à vous faire, en lien avec l’amendement proposé par Mme Lavarde, que je salue, adopté à la quasi-unanimité au Sénat, affectant une part du budget de l’État aux plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET, qui sont le socle des politiques territoriales sur le climat. Vous pourriez créer dès maintenant cette ligne et baisser d’autant l’enveloppe du CAS, mettons de 200 millions ou 300 millions d’euros. M. Jean-François Husson serait d’accord, je pense, avec ce jeu d’écritures, qui ne change en rien le budget de l’État. Cette présentation serait plus intéressante et adresserait un signal politique fort, correspondant à la demande du Sénat et des réseaux de collectivités territoriales. Ainsi, le tour serait joué !
En attendant que ces propositions soient prises en compte lors de l’examen des crédits, nous sommes quelque peu attentistes, en accord avec de grands objectifs affichés, mais plus dubitatifs sur le budget proposé. Nous nous dirigeons donc plutôt vers une abstention.