Intervention de Claude Nougein

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 22 novembre 2017 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Missions « gestion des finances publiques et des ressources humaines » « crédits non répartis » « action et transformation publiques » - compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'état » - examen du rapport spécial

Photo de Claude NougeinClaude Nougein, rapporteur spécial :

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État. L'administration fiscale (la DGFiP) et de l'administration des douanes (la DGDDI) représentent les trois quarts cet ensemble, le reste étant composé de diverses structures transversales de Bercy. Les crédits de la mission sont stables en 2018, à environ 11 milliards d'euros.

Du point de vue budgétaire, le principal enjeu est, de loin, le pilotage de la masse salariale, qui représente 80 % de l'ensemble, et un plafond d'emplois de 126 500 ETPT. Ce pilotage s'est d'ailleurs sensiblement amélioré ces dernières années, notamment en ce qui concerne les prévisions de départs en retraite.

Depuis plus d'une quinzaine d'années, la mission est l'un des principaux contributeurs à la diminution du nombre d'agents publics. Si elle arrive encore devant tous les autres ministères cette année, il faut toutefois souligner que l'effort demandé s'est atténué depuis deux ans : 1 450 emplois seront supprimés en 2018, après 1 400 en 2017, alors que les suppressions étaient plutôt de l'ordre de 2 000 emplois les années précédentes.

Cette inflexion a deux raisons principales.

Du côté de l'administration fiscale, comme l'année dernière, 500 postes seront préservés afin de préparer la mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS) de l'impôt sur le revenu, applicable le 1er janvier 2019. L'année dernière, il a beaucoup été question des complications que cette réforme impliquait pour les contribuables et les collecteurs, c'est-à-dire les entreprises - mais cela représente aussi un bouleversement en interne pour la DGFiP. Toutefois, ses conséquences sont encore trop mal documentées sur le plan budgétaire. En particulier, quelles sont les dépenses « perdues » du fait du report d'un an de la réforme, notamment en matière de communication et de formation ? Quelle sera la surcharge de travail pour les agents dans les services, et avec quelles conséquences sur leurs autres tâches ? À ce stade, nous n'en savons toujours pas grand-chose.

Du côté de l'administration des douanes, l'exercice 2018 sera marqué par la création de 200 postes supplémentaires, faisant suite aux 250 de 2017 et aux 285 de 2016. Chaque année, une explication différente est donnée : les attentats de novembre 2015 et le plan de lutte anti-terroriste (PLAT), la nécessité de renforcer les contrôles en Méditerranée, et maintenant la perspective prochaine du Brexit. De fait, 85 % des liaisons routières entre le Royaume-Uni et le continent passent par la France : les conséquences pour la douane seront très importantes. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un article 55 ter, rattaché à la mission, qui demande un rapport sur le sujet : nous vous proposons de l'adopter.

À vrai dire, derrière ces rallonges successives, c'est bien une évolution structurelle qui est à l'oeuvre. Après avoir vu ses effectifs diminuer drastiquement depuis la fin des années 1990, la douane fait maintenant le chemin inverse : elle renforce ses moyens pour faire face aux nouveaux défis de l'époque - la sécurité des biens et des personnes, la lutte contre les trafics, la facilitation des échanges internationaux. Les nouveaux agents seront affectés aux quelque 74 points de passage frontaliers (ports, aéroports, gares etc.), mais aussi, entre autres, aux services d'enquête et de renseignement.

Parallèlement, la DGDDI a réalisé ces dernières années un effort d'investissement très important, notamment pour renouveler ses moyens aéromaritimes. Elle dispose aujourd'hui de sept avions Beechcraft opérationnels, qui sont progressivement équipés des moyens de détection les plus pointus. Ce cycle d'investissement touche à sa fin : le prochain défi concerne plutôt les moyens informatiques, levier majeur de modernisation - mais je laisserai Thierry Carcenac vous en parler.

Tout en finançant ces nouvelles priorités, l'administration fiscale et la douane poursuivent un chantier de plus longue haleine : la réorganisation de leur réseau territorial.

Avec plus de 4 000 implantations, la DGFiP dispose de l'un des réseaux les plus denses de toutes les administrations. Depuis 2016, les regroupements se sont accélérés : 55 services des impôts des particuliers ou des entreprises et 125 trésoreries rurales devraient ainsi être fusionnés l'année prochaine, comme l'année dernière.

Chacun comprend bien que cette évolution est nécessaire : le maintien de petites structures fragiles, qui ne tiennent pas compte des nouvelles réalités économiques ou démographiques, n'est souhaitable ni pour les usagers, qui perdent en qualité de service, ni pour les agents, dont les conditions de travail se dégradent. Et il en va des trésoreries de la DGFiP comme des quelque 800 brigades et bureaux de douane : un service ne peut pas fonctionner correctement avec quatre agents, quand on sait que c'est le minimum nécessaire pour effectuer par exemple un contrôle de véhicule.

Cependant, on peut regretter que la concertation avec les acteurs locaux soit trop souvent défaillante. Chaque administration a tendance à prendre ses décisions de son côté, de sorte que parfois un territoire peut perdre tout d'un coup une trésorerie, un bureau de douane et une gendarmerie. Cette concertation est indispensable, et il nous semble nécessaire de rappeler trois choses de bon sens : premièrement, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a prévu l'élaboration d'un schéma départemental d'amélioration et d'accessibilité des services au public : il n'est pas acceptable que certaines fermetures soient décidées avant même que le schéma soit adopté. Deuxièmement, une prévisibilité à moyen terme est indispensable, au moins pour les cas où les évolutions sont évidentes, par exemple pour les trésoreries hospitalières ou l'adaptation à la nouvelle carte intercommunale. Enfin, la présence de proximité doit être maintenue, y compris par un développement du recours aux maisons de service au public (MSAP) ou à d'autres solutions de mutualisation.

Avant de passer la parole à Thierry Carcenac, j'évoquerai rapidement la mission « Crédits non répartis ». Cette mission particulière comprend deux dotations destinées à couvrir des dépenses qui ne peuvent être réparties par mission au moment du vote de la loi de finances. Le montant des crédits non répartis atteint 414,5 millions en 2018 en crédits de paiement, d'après la version initiale du projet de loi de finances pour 2018. Cette somme exceptionnellement élevée - et la plus importante depuis 2006 - s'expliquait notamment par l'inscription de 290,5 millions sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques ». Cette dotation était destinée à compenser partiellement la hausse de la CSG pour les agents publics, dans l'attente des négociations salariales entre les organisations syndicales et le ministre de l'action et des comptes publics, lesquelles sont désormais derrière nous. Dès lors, l'Assemblée nationale a adopté avant-hier un amendement du Gouvernement annulant la totalité des crédits ouverts sur ce programme, les crédits ayant été in fine répartis par mission.

En fin de compte, le montant des crédits non répartis devrait s'élever à 124 millions, correspondant à l'intégralité de la dotation du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Celui-ci est majoré de 100 millions par rapport à 2017. Le Gouvernement a en effet souhaité augmenter ces crédits afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %.

Ce budget 2018 est enfin le premier de la programmation triennale pour 2018-2020. Celle-ci revêt une dimension particulière pour les crédits non répartis, qui augmenteront fortement, pour atteindre 1,36 milliard en 2020, le Gouvernement souhaitant disposer d'une réserve de budgétisation pluriannuelle.

La création de cette réserve dénote une certaine prudence du Gouvernement, mais du fait de son caractère dérogatoire au principe budgétaire de spécialité, la vigilance du Parlement sera de rigueur, tant en cours d'exécution que de programmation.

Nonobstant cette remarque, nous vous proposons l'adoption des crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion