Je connais l'attachement de votre assemblée vis-à-vis d'Expertise France dont la création avait été actée lorsque j'étais secrétaire général adjoint du Quai d'Orsay et que le directeur général était le conseiller du Ministre des affaires étrangères. Je me souviens très bien comment cette innovation avait été introduite dans la loi française. Je dois dire, comme M. le Sénateur Yung, que le travail de fusion de plusieurs établissements, aux cultures différentes, débuté depuis le 1er janvier 2015, est à saluer. Cet opérateur est certes perfectible, mais il existe et dispose d'une marque plus importante que la somme de ses parties. Notre engagement consiste à apporter des crédits bilatéraux à hauteur de 25 millions d'euros et mes équipes m'ont communiqué un chiffre de l'ordre de 15 millions d'euros pour l'année dernière. Nous sommes sur la bonne voie. Ce point est très stratégique pour l'AFD. Nous sommes le financeur tandis qu'Expertise France est un opérateur d'expertises, qui apporte l'assistance technique et aide au renforcement des maîtrises d'ouvrages. La complémentarité entre les deux établissements est essentielle. Les grands pays émergents - comme j'ai pu dernièrement le constater au Brésil -, qui nous sollicitent recherchent un accès certes à des financements moins chers. Sur ce point, avec un AA+, la France ne peut proposer des financements moins élevés que l'Allemagne qui bénéficie d'une meilleure note. Mais au-delà, ces pays émergents recherchent notre expertise et, de manière générale, un accès vers la France. L'AFD est en mesure de le financer, mais l'instrument qui est capable de créer des liens avec tous les ministères demeure Expertise France. C'est là un métier très particulier, qui n'est pas simple, mais qui s'avère essentiel à la politique de développement.
Vous m'avez interrogé sur le renforcement de la coopération pour atteindre ces 25 millions d'euros. M. Sébastien Mosneron-Dupin, directeur général d'Expertise France, et moi, nous passons régulièrement des messages à nos managers. Je suis persuadé que deux établissements publics possèdent leur mouvement propre. Nous n'avons pas encore systématiquement le réflexe de proposer un volet expertise dans les projets dont nous assurons le financement. Or, je serais très heureux si, dans un avenir proche, nous parvenions à le proposer systématiquement. Si le réseau de l'AFD assure la commercialisation des produits d'Expertise France, qui n'aura jamais un réseau de représentants dans 85 pays dans le monde, nous allons générer un flux d'affaires nettement accru par rapport à celui d'aujourd'hui. Force est de constater que nous en sommes loin, et je ne souhaite aucunement présager de la forme à venir de ce rapprochement. Il nous faut en revanche travailler sur le contenu concret de ce rapprochement avec Expertise France pour y parvenir avec efficacité.
Sur la coopération décentralisée, nous disposons d'un guichet dédié dont on fait actuellement croître les crédits, ainsi que nos partenariats avec la Caisse des dépôts et Cités-Unies France qui est une association implantée dans les mêmes géographies que nous. Je n'ai pas en tête que la KFW soit extrêmement active, mais je vais vérifier ce point. Nous avions confié, l'année dernière, un rapport à M. Henry de Cazotte qui a expliqué, de manière très précise, le modèle allemand, sans pour autant explorer cette dimension.
Nous sommes présents dans les pays émergents sur les problématiques de bien commun, dont celles du climat, en lien avec les entreprises françaises. L'orientation qui est celle de votre question me convient parfaitement et nous développons toute une série de nouveaux instruments pour réaliser plus d'affaires dans ces pays et y conforter les intérêts français.
Nous avons conduit une inspection dans les pays de la zone des Balkans, conformément à la demande du CICID. Nous avons proposé de travailler d'abord avec la Serbie et l'Albanie, en partenariat avec nos partenaires multilatéraux qui y sont présents. Le sujet est à la décision du gouvernement.
Le FFU représentait, en 2016, 70 millions d'euros de fonds délégués. Cette année, ce montant devrait être moins élevé, puisqu'il nous faut à présent mettre en oeuvre tous ces projets. Nous avons probablement été le bailleur le plus actif en délégation de crédits du FFU, que ce soit au Mali, au Niger, au Tchad ou encore au Sénégal. Aujourd'hui, nous allons également chercher 500 millions d'euros, par divers mécanismes de mutualisation, à Bruxelles. Un tiers de nos ressources concessionnelles provient ainsi de la Commission européenne dans un réseau de plus en plus intégré avec les autres agences des Etats-membres.
Le centre de crise du Ministère des affaires étrangères agit dans le court terme et met en oeuvre l'humanitaire. A l'inverse, en Suède, l'Agence nationale de développement assure également la réalisation des opérations humanitaires. La frontière entre ce qui relève de la crise et du développement peut s'avérer malaisée. Il nous faut ainsi nous concerter avec le centre de crise afin d'éviter toute redondance. Allouer plus de moyens au centre de crise qu'à l'AFD, c'est à dire davantage à l'humanitaire qu'au développement, relève d'une décision politique que le directeur de votre agence n'a pas à commenter.
S'agissant du CAD, on constate en effet une évolution des règles qui fait encore l'objet de débats dans la commission de l'OCDE qui exerce une grande influence sur nos métiers et nos instruments financiers. Je pense en particulier à l'actuel débat sur les garanties. En effet, une garantie n'est aujourd'hui comptabilisée en APD que si elle est appelée ; ce qui demeure rare. On a tout intérêt à faire plutôt un prêt plus qu'une garantie. Or, pour mobiliser le secteur privé dans de nombreux pays, on aurait beaucoup plus intérêt à mettre plus d'argent dans des fonds de garantie, mais l'on constate une forme de désincitation, dans les règles de l'OCDE, de l'emploi d'un tel instrument financier. La comptabilisation des prêts a quant à elle déjà été modifiée - l'élément-don étant comptabilisé et non plus les flux bruts ni les remboursements - et devrait induire des effets neutres sur l'aide française. Nous devrions le constater en 2019. Cette modification devrait modifier la comptabilisation des prêts de l'AFD - pour une baisse de près de 700 millions d'euros -, mais nous devrions nous rattraper sur d'autres instruments financiers, comme les prêts notamment du Trésor qui devraient, en revanche, faire plus d'aide au développement qu'aujourd'hui.
S'agissant du ratio grand-risque, la recapitalisation de 2,4 milliards d'euros nous redonne des marges significatives. Je prendrai, en guise d'illustration, un seul exemple : au Maroc, alors que notre engagement annuel s'élevait jusqu'à présent environ 150 millions d'euros par an, la recapitalisation devrait nous faire franchir le seuil annuel de 350 à 450 millions d'euros. Ce saut, en termes de volume, est important et se répercutera en fonction des pays et de leur importance stratégique pour la France.
J'en viens à votre question sur les capacités d'absorption : après les annonces vient le moment nécessaire du décaissement. En Tunisie, où je me suis rendu avec le Premier ministre, certains crédits engagés qui restent à verser s'élèvent à quelque six cent millions d'euros. Avant d'en conduire de nouveaux, il est nécessaire d'assurer le décaissement des financements des projets déjà engagés durant les années précédentes.
Sur les dons, je souhaiterais cependant rectifier une perception que vous pouvez avoir. En effet, on dit souvent que l'AFD fait surtout des prêts et très peu de dons. Lorsque vous additionnez tous nos instruments de dons - crédits européens compris -, l'AFD gère tout de même entre 10 et 15 % de son activité en dons. Au-delà des crédits du programme 209, qui comprend 200 millions d'euros parfois frappés par la régulation budgétaire, l'ensemble des instruments représente un bon milliard d'euros de crédits en dons, y compris grâce à la TTF désormais gérée par l'AFD. C'est moins que je ne le souhaiterais afin d'intervenir beaucoup plus fortement dans les pays les plus pauvres et dans les secteurs sociaux, mais l'AFD est loin d'être dépourvue d'une capacité d'intervention en dons. Nous sommes une agence, qui suit une logique de banque, mais notre activité est celle du développement qui implique des dons.
Sur l'aide liée, je considère que nous exerçons de nombreux mandats pour le compte du Ministère des finances et il n'est pas absurde de penser que la banque publique qui assure le back-office financier pour l'Etat pourrait également le faire pour l'ensemble des instruments qui contribuent à la politique de développement.
Enfin, en réponse à Madame Conway-Mouret, nous transformons en effet l'Agence. Nous le faisons résolument, année après année. A la suite d'une mission de l'Inspection des finances sur notre productivité et notre organisation, le Gouvernement nous a autorisé à embaucher près de huit cent personnes. Pour une maison qui compte 2 500 collaborateurs, une telle perspective induit un changement de taille conséquent. Nous n'avons toujours pas épuisé cette enveloppe que nous gérons de manière extrêmement prudente, afin de garder des charges maîtrisables. En passant de 8 à 13 milliards d'euros, l'AFD est une entreprise qui augmente de près de 60 % son activité, voire plus, lorsque nous aurons atteint l'objectif national de 0,55 %. Nous conduisons ainsi un gros chantier interne, dont nous pourrons, si vous le souhaitez, vous rendre compte, s'agissant notamment de l'évolution de nos ressources humaines. Il n'est de richesses que de femmes et d'hommes et il est important de bénéficier de nombreux experts et de la bonne diversité dans notre Agence, afin d'assumer pleinement le mandat qui nous est confié.