Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de transport aérien, signé en juin 2011, qui a pour objet d'étendre, à l'Islande et à la Norvège, l'accord de transport aérien transatlantique signé en avril 2007 entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis, d'autre part, ainsi que le protocole, signé en juin 2010, qui l'amende.
À titre liminaire, je vous indique que l'accord de 2007 est appliqué à titre provisoire depuis mars 2008 et qu'il devrait entrer en vigueur formellement dans les prochains mois. La France, quant à elle, l'a ratifié en 2008. Le protocole de 2010 n'est pas non plus en vigueur car il manque encore la ratification de 3 États membres (Autriche, Italie et Lituanie). La France l'applique à titre provisoire depuis novembre 2014, date à laquelle le Parlement a autorisé sa ratification.
Tout d'abord, un petit rappel sur l'accord de transport aérien transatlantique de 2007 qui sera étendu à l'Islande et la Norvège par le présent accord : il fait suite aux arrêts dits de « Ciel ouvert » de la Cour de justice de l'Union européenne de 2002, relatifs à des accords aériens bilatéraux concernant 8 États membres (Royaume-Uni, Danemark, Suède, Finlande, Belgique, Luxembourg, Autriche, Allemagne) et les États-Unis. En 2003, prenant acte de ces arrêts, la Commission a reçu mandat pour négocier un accord avec les États-Unis visant à établir « un espace aérien sans frontière » avec l'Union européenne, qui remplacerait les accords bilatéraux des États membres. En avril 2007, les parties concernées ont signé l'accord aérien transatlantique qui contenait une clause prévoyant des « Négociations en vue d'une seconde étape ». Le protocole signé en juin 2010, est le fruit de ces nouvelles négociations.
L'accord aérien transatlantique de 2007 libéralise les services aériens transatlantiques en prévoyant une ouverture totale des liaisons transatlantiques aux compagnies aériennes européennes et américaines. Il permet principalement aux transporteurs aériens européens et américains de déterminer librement leurs tarifs et d'exploiter les routes internationales entre l'Union européenne et les États-Unis (droits dits de 3ème et 4ème libertés, selon la nomenclature de l'Organisation de l'aviation civile internationale, OACI) et les routes au-delà de l'Union européenne et des États-Unis (droits de 5ème liberté), sans aucune limitation sur le nombre de routes, sur la fréquence de services, sur la capacité des appareils. S'agissant du transport de fret, il les autorise à exploiter des routes déconnectées de leur territoire d'origine (droits dits de 7ème liberté).
Le bilan de la mise en oeuvre de cet accord de 2007 montre qu'il n'a pas révolutionné un marché déjà ouvert et fortement concurrentiel. On peut donc raisonnablement penser que son extension à l'Islande et la Norvège ne le fera pas davantage. Ainsi entre 2007 et 2016, le trafic passager entre l'Union européenne à 27 et les États-Unis est passé de 52 millions de passagers à 56 millions, soit une progression de moins de 9 %, tandis que le trafic entre la France et les États-Unis est passé de 6 millions de passagers à 7 millions. Il faut ajouter que l'opportunité offerte par l'accord de 2007 à n'importe quelle compagnie européenne de desservir les États-Unis au départ de n'importe quel aéroport européen n'a été que très peu utilisée et s'est généralement soldée par des échecs économiques, comme les tentatives de la compagnie Air France au départ de Londres.
Compte tenu de leurs liens avec l'Union européenne, l'Islande et la Norvège apparaissent comme des candidats naturels à cette extension, prévue dès l'origine, en vue de « maximiser les avantages pour les consommateurs, les transporteurs aériens, les travailleurs et les populations des deux côtés de l'Atlantique ». En effet, il s'agit de deux membres de l'Espace économique européen (EEE), qui appliquent déjà, à ce titre, l'ensemble de la réglementation européenne afférente au secteur du transport aérien. En contrepartie, les transporteurs aériens islandais et norvégiens sont considérés, à l'égard du marché intérieur, comme des transporteurs européens et bénéficient des mêmes droits. Ces deux pays ont demandé à adhérer à l'accord de 2007 dès sa signature et le comité mixte composé des représentants des parties a formulé, en novembre 2010, une proposition comprenant le présent accord d'extension.
Composé de 6 articles, d'une annexe contenant les adaptations nécessaires à l'application de de l'accord de 2007 à l'Islande et à la Norvège et de trois échanges de lettres authentifiant la version française, le présent accord d'extension prévoit, à titre principal que, sous réserve des adaptations nécessaires, l'accord de 2007 s'applique à ces deux pays « comme si ces pays étaient des États membres de l'Union européenne » avec les mêmes droits et obligations. En conséquence, les transporteurs aériens européens, islandais, norvégiens et américains pourront proposer des vols entre tout aéroport situé sur le territoire de l'Union européenne, de l'Islande et de la Norvège, d'une part, et tout aéroport du territoire des États-Unis d'Amérique, d'autre part, et ces vols seront traités de manière uniforme dans un cadre règlementaire harmonisé.
Le présent accord d'extension ouvre de nouveaux marchés, dont l'intérêt est cependant limité pour les compagnies aériennes régulières de l'Union européenne. En effet, ces deux pays n'offrent pas de véritables opportunités en raison, d'une part, de leur faible population - l'Islande ne compte que 330 000 habitants et la Norvège un peu plus de 5 millions - et d'autre part, de l'existence de transporteurs aériens solides dans ces deux pays. Pour l'Islande, il s'agit de la compagnie régulière Icelandair et la compagnie à bas coût Wow air qui relient, via leur hub de Reykjavik, l'Europe au Canada et aux Etats-Unis. Pour la Norvège, il s'agit du transporteur aérien régulier, Scandinavian Airline System (SAS) et de la compagnie à bas coût Norwegian, la troisième en Europe en termes de passagers transportés. En revanche, les transporteurs aériens de ces deux pays auront accès au marché européen de 500 millions de consommateurs potentiels mais cela devrait avoir un impact économique relativement limité. En effet, la compagnie Norwegian n'a pas attendu pour développer un réseau de liaisons transatlantiques au départ de plusieurs États membres, notamment l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Elle a ainsi créé deux filiales dans l'Union européenne, Norwegian Air International (NAI) en Irlande, et Norwegian Air UK (NUK) au Royaume-Uni, qui sont considérées comme des transporteurs européens car titulaires d'une licence de transporteur aérien délivrée par un État membre. En France, Norwegian a implanté, en 2016, une base à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle avec deux avions desservant Fort-Lauderdale (Miami), Los Angeles, New-York et Orlando et exploite, depuis l'hiver 2015-2016, avec sa filiale NAI, ses liaisons saisonnières entre les Antilles françaises et les États-Unis avec un succès considérable. Ajoutons qu'en matière d'investissements, le présent accord présente l'avantage de permettre à des intérêts européens d'investir dans des compagnies aériennes islandaises et norvégiennes, sans perdre pour autant les droits de trafic sur les marchés transatlantiques.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, d'autant que le présent accord d'extension ne requiert aucune modification du droit interne français. Au 1er septembre 2017, 14 États membres avaient notifié l'accomplissement de leurs procédures internes de ratification.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 9 novembre 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.