Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui, le Général Lanata, Chef d'État-major de l'armée de l'air. Mon Général, je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui pour votre première audition devant notre commission renouvelée.
L'Armée de l'air est fortement sollicitée : elle est impliquée sur le territoire national par la tenue 24/24, 7/7 et 365 jours par an de la posture permanente de défense aérienne qui garantit la souveraineté de l'espace aérien national. En outre, elle est mobilisée par les exigences de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Avec Cédric Perrin, nous avons d'ailleurs passé une demi-nuit dans le fort de Taverny afin d'assister à des exercices des forces stratégiques et nous avons pu constater le courage et la compétence des hommes et des femmes présents. Enfin, elle est engagée sur les théâtres extérieurs (bande sahélo-sahélienne, Levant) mais également sollicitée en cas de catastrophe naturelle.
Cette suractivité, parfois au-delà des contrats opérationnels prévus par la loi de programmation militaire, a des conséquences lourdes sur la disponibilité des matériels pour la formation et la qualification des pilotes.
Elle a mis en évidence les fragilités capacitaires que notre commission avait relevées dès l'examen de la loi de programmation militaire (LPM) et dont nous amorçons, et sans doute trop timidement, la résorption. Je pense aux capacités de transport, avec les difficultés de l'A400M, aux ravitailleurs avec les programmes MRTT, aux hélicoptères...mais peut-être aussi au format de notre aviation de chasse. Nous connaissons ici les tristes statistiques de disponibilité et les problèmes auxquels vous êtes confrontés.
Plusieurs questions se posent alors : s'agissant des personnels qui servent dans l'armée de l'air, quelles sont vos principaux points de vigilance ? L'armée de l'air rencontre-t-elle des difficultés au niveau du recrutement et de la fidélisation. Qu'attendez-vous du plan « Familles et condition du personnel », dont la Ministre des Armées a rappelé hier son prochain lancement ?
En ce qui concerne la préparation de l'avenir, la revue stratégique insiste sur « la supériorité aérienne, prérequis des opérations militaires ». Comment l'armée de l'air prépare-t-elle le système de combat aérien du futur qui intègrera avions pilotés et drones, davantage d'intelligence artificielle et des communications plus sophistiquées et plus robuste, notamment face au risque cyber ? A plus brève échéance, comment se prépare l'arrivée des drones armés ? Enfin, quelles sont vos principales attentes pour la préparation de la loi de programmation militaire; quelle sera la hiérarchie de vos priorités ?
Général André Lanata, Chef d'État-major de l'armée de l'air. - C'est toujours un réel plaisir de me tenir devant vous pour vous parler de ce qui me tient à coeur ; la vocation qui m'anime, puisqu'il s'agit davantage d'une affaire de coeur que d'un métier, et celle des milliers d'hommes et de femmes qui derrière moi, au sein de l'armée de l'air, servent la France. C'est un moment privilégié, pour un chef d'état-major de l'armée de l'air de venir témoigner devant la représentation nationale de l'engagement et du sens du devoir exceptionnel des aviateurs, comme des enjeux auxquels ils font face.
Vous savez toute l'importance que j'accorde à ces échanges et à la relation de confiance entre les Armées et votre commission, dont je salue les nouveaux membres, à l'heure où nos forces sont pleinement engagées, sur tous les fronts et dans la durée. Car je sais aussi l'appui apporté par votre commission à ces enjeux que nous rencontrons et je tiens à vous en remercier.
Lors de notre précédente rencontre il y a un an, je vous avais décrit l'ensemble des missions que les aviateurs mènent, souvent en première ligne et parfois au péril de leur vie sur le territoire national ou à l'extérieur de nos frontières, en réalité partout sur la planète.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour évoquer le projet de loi de finances 2018 et ses conséquences pour l'armée de l'air. Avant de vous les présenter en détail, j'évoquerai très rapidement la revue stratégique dont les résultats des réflexions viennent d'être remis au Président de la République.
Ces orientations me permettront de vous livrer les enjeux qui en résultent et que j'identifie pour le volet air de la future loi de programmation militaire. Il me parait toutefois important de commencer par revenir sur certaines évolutions récentes et notables concernant nos opérations. En effet, ces dernières constituent le seul véritable exercice de vérité pour nos armées, à la fois, sur la qualité de nos équipements, la valeur de nos soldats et la qualité de leur entrainement.
Au premier plan de nos missions permanentes, figurent la dissuasion et la posture permanente de sureté aérienne, missions exigeantes et fondamentales pour la protection de notre pays, menées sans discontinuité par les forces aériennes depuis plus de 50 ans. S'y ajoutent tout d'abord notre contribution aux opérations sur le territoire national en appui des forces de sécurité intérieure : Vigipirate et Sentinelle, ainsi que notre participation aux missions de service public : recherche et sauvetage, lutte contre les incendies de forêt, mission de surveillance du sol au profit d'autres ministères, etc...Nous procédons également à des missions de réassurance réalisées dans le cadre de l'OTAN, principalement des missions de police du ciel, de surveillance et de reconnaissance sur la façade Est de l'Europe. Nous conduisons régulièrement des missions de reconnaissance de l'espace libyen. Enfin nos engagements au Sahel et au Levant, constituent notre première ligne de défense dans la lutte contre le terrorisme. C'est en cela aussi que notre action contribue directement à la protection des Français. « Notre sécurité, elle se joue au Proche et Moyen-Orient et en Afrique aujourd'hui, pleinement », comme soulignait d'ailleurs récemment encore le Président de la République.
Toutes ces missions ont toujours cours au même niveau d'intensité et d'engagement. Je voudrais prendre quelques minutes pour évoquer avec vous en particulier les principales évolutions intervenues depuis notre précédente rencontre. Il s'agit d'une part de notre engagement au Levant ; et d'autre part de notre intervention aux Antilles suite au passage dévastateur du cyclone IRMA début septembre.
Au Levant tout d'abord, la campagne aérienne contre Daech se poursuit, inlassablement. Et les résultats sont là. Après la chute de Mossoul, Raqqah vient de tomber, ce qui constitue un symbole important. Daech continue de perdre le terrain qu'il avait conquis et finira par le perdre définitivement. C'est inéluctable. La question qui se pose désormais est celle des formes vers lesquelles se conflit pourrait glisser. A cet égard je constate une évolution notable de la physionomie de cet engagement. L'imbrication des forces au sol est de plus en plus marquée, au fur et à mesure que l'étau se resserre sur Daech en Syrie. Il en est de même dans les airs. Les avions de la coalition évoluent désormais quotidiennement dans un mouchoir de poche à proximité des Sukhoi russes et des Mig syriens, tout cela au coeur des systèmes de défense sol-air des forces armées russes et syriennes. Ceci illustre la complexité de la situation dont je ne vais pas ici décrire tous les ressorts. Je me limiterai à tirer plusieurs constatations dans le domaine qui est le mien. Tout d'abord, les forces aériennes produisent l'essentiel des effets militaires contre Daech dans cette campagne. Il en résulte mécaniquement que les espaces aériens dans lesquels nous opérons sont de plus en plus contestés : moyens de défense sol-air et chasseurs de dernière génération sont au coeur de l'engagement des forces de part et d'autre. Il s'agit désormais d'une réalité avec laquelle nous allons devoir compter sur nos théâtres d'opérations. Plusieurs incidents récents qui auraient pu avoir des conséquences graves et changer la physionomie de cette crise, l'illustrent. Enfin l'enjeu du contrôle du terrain est lié en réalité à celui du contrôle de l'espace aérien face à des rivaux disposant de capacités symétriques aux nôtres. Il s'agit, sur le plan militaire, d'une toute autre affaire.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse : dans un conflit de type symétrique, ou vous disposez des instruments de suprématie aérienne et vous avez une chance de l'emporter, ou vous ne les avez pas et vous êtes certain de perdre ! Cela impose à nos aviateurs de rester au meilleur niveau, tant en termes d'équipements que de préparation opérationnelle, pour maitriser des situations potentiellement conflictuelles et continuer de faire peser notre volonté par la voie des airs.
Aujourd'hui, il est difficile à ce stade de prédire avec certitude l'évolution de cette campagne dans les mois à venir. Après Raqqah, les opérations vont se poursuivre pour éliminer Daech dans la basse vallée de l'Euphrate. La phase de stabilisation qui devrait suivre la chute du Califat, sera certainement longue et exigeante. Elle nécessitera des moyens de surveillance et d'appui aérien. Il s'agit d'une phase essentielle aux opérations militaires car elle conditionne souvent la reprise du processus politique et diplomatique. Il ne faut donc pas en sous-estimer ni l'importance, ni la complexité. Dans ce contexte je voudrais souligner l'emplacement idéal de notre base aérienne projetée en Jordanie qui nous permet de nous adapter à toute évolution de la situation. Avec à peine 400 aviateurs, elle nous permet de durer dans un conflit de longue haleine et dispose de larges capacités d'accueil, le porte-avions venant renforcer et soulager périodiquement notre force aérienne à terre. En ce moment nous y accueillons d'ailleurs, pour une période de 2 mois, les Rafale de la Marine nationale qui opèrent depuis la terre compte tenu de la période d'entretien du porte-avions Charles de Gaulle. Cela nous permet en outre de renforcer les synergies entre l'armée de l'air et l'aéronavale.
Aux Antilles, les armées, et l'armée de l'air en particulier, se sont mobilisées pour porter secours et assister les populations en détresse, d'abord à partir de nos implantations outremer en Guyane et en Martinique, mais, aussi grâce aux rotations de nos avions de transport depuis la métropole. Cette opération, qui s'est achevée il y a quelques jours à peine, a permis le transport de près de 7000 personnes et 700 tonnes de fret au cours d'un véritable pont aérien réalisé par nos avions de transport soit depuis la métropole, soit depuis nos emprises en Guyane, Martinique et Guadeloupe, pour acheminer eau potable, vivres, matériel médical, etc. Cette nouvelle opération, m'amène à deux constats : Premièrement, l'importance de nos forces de souveraineté comme échelon de réaction immédiat. Nous sommes sans doute allés trop loin dans leur réduction lors des deux LPM précédentes. Deuxièmement, les théâtres lointains sont accessibles quasi immédiatement depuis la métropole grâce aux moyens modernes de transport aérien stratégique. L'A400M, capable de rallier les Antilles depuis sa base d'Orléans en moins de 10 heures de vol sans escale, a montré toute sa plus-value dans ce type de mission, malgré les défauts de jeunesse de cet appareil qui impactent encore trop souvent la disponibilité de cette flotte et par conséquent nos capacités de projection.
Dans les travaux de la LPM qui viennent de débuter, il faudra donc trouver les bons équilibres entre les forces de souveraineté et les capacités d'intervention immédiate dont nous disposons en métropole.
Voilà ce que je voulais vous dire concernant les évolutions récentes des engagements de l'armée de l'air. J'estime que l'ensemble des constats que j'ai dressés devant vous l'an dernier les concernant demeurent d'actualité : Durée, intensité, dispersion, diversité, durcissement... restent les mots-clefs qui caractérisent nos opérations. Rien ne me permet de penser que ces caractéristiques devraient évoluer à court ou moyen terme. De plus, la réalité de nos engagements se situe bien au-delà de ce que prévoit le modèle issu de la LPM en vigueur : 20 avions de combat projetés au lieu de 12, 3 BAP au lieu d'1, 4 théâtres d'opérations au lieu d'1. Ce niveau d'engagement, somme toute « mesuré » pour un pays comme la France - après tout 20 avions de combat ne constitue pas un volume de force exceptionnel- conduit notre dispositif aux limites de ses possibilités.
Les crises que nous vivons aujourd'hui se distinguent des précédentes : outre qu'elles se multiplient, elles sont plus intenses et surtout elles durent. Ainsi le nombre d'avions déployés n'est pas représentatif de l'intensité de nos engagements, ni du format à mobiliser pour soutenir nos opérations. Je vous donne une illustration. En 2016 à partir de notre seule base déployée en Jordanie nous avons réalisé environ 7500 heures de vol d'avions de chasse. Avec en moyenne 7 avions déployés, cela représente l'activité annuelle de 85 pilotes aptes aux missions de guerre. 85 pilotes c'est un tiers des capacités actuelles de l'armée de l'air... consommée à partir de notre seule base en Jordanie ! C'est ainsi que les déséquilibres organiques s'accumulent et le risque d'effondrement réel.
C'est bien là que réside l'enjeu des travaux de programmation qui débutent : « restaurer la soutenabilité de nos engagements, investir résolument dans l'avenir pour que nos armées puissent faire face aux menaces de demain » pour reprendre les mots de notre Ministre devant les députés de la commission de la Défense nationale. Il s'agit d'abord d'une question d'ambition, laquelle a été soulevée dans le cadre des travaux de la revue stratégique. Je ne reviens pas sur la description de la situation internationale et des menaces et la dégradation du contexte sécuritaire qui en résulte. Toutefois, les points suivants me paraissent devoir être soulignés : premièrement, la revue stratégique confirme la nécessité de disposer d'un modèle d'armée complet, capable d'agir dans la durée, sur tout le spectre des opérations militaires. Les opérations que je viens de décrire suffisent à le démontrer. Dans le domaine aérien, nous disposons toutefois d'une autonomie relative compte tenu de plusieurs fragilités préoccupantes, notamment dans les domaines du ravitaillement en vol et de la surveillance. Sans les capacités des alliées nous ne pourrions pas conduire nos opérations. Deuxièmement la revue stratégique réaffirme l'importance de la maîtrise de l'air et de la capacité à conserver la supériorité aérienne. Il s'agit d'un prérequis à toute opération militaire, qu'elle se déroule, sur terre, en mer ou dans les airs. L'évolution des conditions d'engagement de nos aéronefs en Syrie illustre ce contexte décrit par la revue stratégique d'espaces aériens devenant de plus en plus contestés en particulier par la mise en oeuvre de stratégie de déni d'accès, y compris sur des théâtres régionaux en raison de la dissémination de ces capacités. La revue stratégique constate également que cette contestation croissante s'étend désormais au domaine spatial, où nous devons préserver également notre liberté d'action. Elle est essentielle, et pas seulement pour les opérations militaires.
Par ailleurs, je tiens à souligner l'importance de la persistance des actions aériennes : c'est un point que j'estime extrêmement important car il n'est pas naturel pour le milieu aérien en raison de la contrainte d'autonomie que rencontrent les avions. Nos opérations démontrent cette tendance lourde de notre développement illustrée par exemple par le besoin de permanence de la surveillance au Sahel ou des appuis aériens au Levant pour contraindre Daech. Cette persistance de nos actions est obtenue par un équilibre entre le recours à des capacités spécifiques (systématisation du ravitaillement en vol, drone de longue endurance) et un nombre d'équipement suffisant.
Enfin, la revue stratégique préconise une capacité à durer, que je distingue de la persistance des actions aériennes parce qu'elle caractérise surtout la résilience de l'outil militaire, y compris la capacité à régénérer le capital humain et matériel. Je ne développe pas pour en avoir parlé. De même, la revue stratégique insiste, sur la capacité d'entrée en premier, intrinsèquement liée aux capacités d'actions dans la profondeur de l'aviation de combat.
Je terminerai par la question des moyens consacrés à chaque fonction stratégique : dissuasion, protection, intervention. Nous avons fait le choix d'équipements haut du spectre et polyvalents permettant des bascules d'effort rapides. Le même Rafale passe de la posture de dissuasion à la défense aérienne de notre espace aérien ou à une mission de reconnaissance en Libye. Un A400M livre du fret humanitaire aux Antilles un jour et un hélicoptère à Madama au Sahel le lendemain. Ce choix a permis une mutualisation des moyens consacrés à chaque mission et une réduction considérable de nos formats ces dernières années. Aujourd'hui, le nombre total d'équipements, donc le format de notre dispositif, redevient un facteur clef quand le nombre des engagements simultanés ne cesse d'augmenter, tout comme les espaces et les étendues terrestres ou maritimes à surveiller. Nos avions n'ont pas le don d'ubiquité ! L'ensemble de ces aptitudes et considérations constituera des données d'entrée pour la LPM.
Parmi les orientations fortes figurant dans la revue stratégique apparaît également l'ambition européenne. Parce que le milieu aérien est naturellement ouvert et partagé, les forces aériennes occidentales ont développé et déjà atteint un niveau de coopération et d'interopérabilité élevé. Cette aptitude à conduire des opérations en commun, à chaque fois que nos autorités politiques l'ont demandé, a été démontrée plusieurs fois comme lors de la campagne libyenne ou des opérations conduites aujourd'hui au Levant. Je crois pouvoir dire que les armées de l'air européennes sont capables d'opérer ensemble. Par ailleurs, les initiatives prises à l'échelle européenne afin de mutualiser nos capacités sont nombreuses. Je pense : aux accords de défense aérienne : dans le domaine de la défense aérienne, nous n'avons pas besoin de nous envoyer un ordre d'opérations pour coordonner nos actions lorsqu'un bombardier russe pénètre dans nos approches aériennes. D'autres exemples peuvent être cités : notre coopération dans le domaine spatial à partir du centre satellitaire de l'UE de Torrejon ; la mise en commun d'une partie de nos flottes de transport au sein du commandement du transport aérien militaire européen basé à Eindhoven. Je pense également aux nombreuses coopérations en cours avec l'armée de l'air allemande : escadron mixte de C130 à Evreux, formations communes des équipages et mécaniciens sur A400M, travaux sur le futur de l'aviation de combat, coopération sur le futur drone européen. La Royal Air Force est également un partenaire clef de longue date en Europe. Nous combattons côte à côte sur les théâtres d'opérations, nous contribuons à la mise en oeuvre d'une force d'intervention commune dans le cadre de la CJEF déclarée opérationnelle en 2016. Nous poursuivons des études dans le domaine des missiles et des drones de combat.
Tout ceci pour vous dire qu'au niveau des armées de l'air du continent, l'Europe avance. Aussi, il me semble que la défense de l'Europe dépend autant d'une volonté politique commune et des moyens qui lui seront consacrés collectivement.
Pour terminer sur le volet de nos actions conduites à l'international, je dois vous parler de la question du soutien à l'export, que la revue stratégique évoque également. En termes de soutien aux exportations, notamment du Rafale, l'armée de l'air joue un rôle de premier plan. Elle contribue à la promotion des équipements réalisés par notre industrie de défense. Elle accompagne ces marchés par des actions de formation des mécaniciens et des pilotes. Cela finit par représenter une charge considérable dont les moyens n'ont pas été prévus en programmation militaire. Pour l'année 2018, l'activité chasse réalisée dans ce cadre représentera près de 10% de notre activité, l'équivalent de l'activité chasse de l'opération Barkhane. Il s'agit d'une mission à part entière, qui consomme une part très importante de notre activité. C'est une mission indispensable pour notre pays et le soutien à notre industrie, aussi l'armée de l'air doit disposer des moyens nécessaires pour la réussir pleinement sans accroître les déséquilibres organiques dont j'ai déjà parlé. Cela constituera donc un point de vigilance de ma part dans les travaux de la prochaine LPM, dont les travaux débutent au sein du ministère.
Je souhaiterais vous présenter les principaux enjeux que j'identifie pour l'armée de l'air et mes priorités. Il faut commencer par rappeler quelle est la base sur laquelle nous allons bâtir cette nouvelle LPM. Face à une forte contrainte budgétaire, la LPM en cours avait fait le choix de préserver un modèle d'armée complet et notre base industrielle et technologique, au prix d'une série de compromis affectant nos capacités : réductions temporaires de capacités, contrainte sur l'entretien programmé des équipements et l'activité, report de modernisation, vieillissement de nos équipements ou de l'infrastructure, diminution des stocks de rechanges ou de munitions, poursuite de fortes déflations d'effectifs, fermetures d'emprises, etc. Un plan de transformation ambitieux et volontariste qui se poursuit encore aujourd'hui a permis à l'armée de faire face à cette situation tout en inscrivant ces évolutions majeures dans le cadre d'un projet d'avenir qui a donné un cap et un objectif à tous les aviateurs. Nos succès en opérations ont démontré la pertinence de cette démarche globale. C'est à ce cadre aux équilibres fragiles que s'est appliquée la pression croissante des opérations et les missions de soutien aux marchés export du Rafale, conduisant aujourd'hui à des déséquilibres organiques préoccupants.
Voici de façon très schématique, le contexte dans lequel il nous revient de bâtir cette nouvelle LPM. Celle-ci s'inscrit dans une perspective positive depuis l'annonce par le Président de la République d'un accroissement sensible de notre effort de défense consistant à rejoindre d'ici 2025 l'objectif des 2% du PIB. Cette perspective suscite une forte attente de la part des hommes et des femmes de l'armée de l'air après des années de restructuration et de déflations d'effectifs. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et du cadre redéfini par la revue stratégique, j'identifie trois enjeux majeurs pour l'armée de l'air dans la prochaine LPM 2019-25 :
Tout d'abord, ce que j'appelle « réparer le présent ». Il s'agit de redonner de la cohérence et de l'épaisseur au modèle existant pour soutenir dans la durée les engagements actuels sans dégradation organique. Autrement dit, il s'agit de chercher à tirer le meilleur parti du dispositif existant en faisant des efforts sur les stocks de rechanges ou de munitions, sur l'entretien programmé pour améliorer la disponibilité, sur les ressources humaines, sur les équipements de mission de nos avions dont l'insuffisance limite beaucoup trop nos capacités opérationnelles. Ceci permettra, incidemment, d'améliorer les conditions de travail de nos hommes et femmes, une part importante des difficultés de fidélisation que nous rencontrons y étant liée.
Ensuite, il faut poursuivre la modernisation de nos flottes. Les opérations que nous conduisons réclament cette adaptation continue tout comme l'évolution des standards d'engagement dans le milieu aérospatial. J'inclus ici bien sûr, le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée qui structure celle de notre aviation de combat.
Enfin, à terme, porter progressivement notre format de forces au niveau réclamé par les nouvelles ambitions opérationnelles, qui résultent des niveaux d'engagement constatés depuis plusieurs années.
A travers ces trois enjeux, j'identifie trois priorités : l'aviation de combat, le ravitaillement en vol, les ressources humaines.
La question du futur de notre aviation de combat est un sujet central, stratégique pour notre défense et plus largement notre pays, car elle constitue à la fois un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité. Il s'agit d'un sujet complexe où s'entrelacent de multiples dimensions : politique, stratégique, internationale, technologique, industrielle, capacitaire et budgétaire. Face à cette complexité, il me parait utile de poser les principales orientations telles que je les vois. A court terme, il s'agit principalement de renforcer la cohérence, la « densité » opérationnelle du dispositif existant : cela rejoint ce que je viens de vous dire au sujet de la priorité « réparer le présent ». J'estime en outre nécessaire de stabiliser le format de l'aviation de chasse de l'armée de l'air à 215 appareils, pour faire face au niveau d'engagement que nous constatons depuis des années. Deuxièmement, nous devons poursuivre nos efforts de modernisation. Le lancement d'un standard F4 ambitieux du Rafale, est en effet essentiel pour faire face à l'évolution des menaces et maintenir ce chasseur au meilleur niveau sur la scène internationale à l'horizon 2025. A moyen terme, c'est-à-dire à partir de 2030, il s'agira de remplacer les Mirage 2000 D arrivant en fin de vie par des appareils compatibles avec le futur missile nucléaire de la CNA. Je rappelle ici l'importance du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, décidé par le Président de la République. Parfaitement complémentaires l'une de l'autre, toutes deux concourent à l'ensemble des missions de la dissuasion. Je me permets d'insister sur les atouts spécifiques de la CNA : crédible et précise, son caractère démonstratif permet le dialogue dissuasif. Son renouvellement constituera un jalon clef pour notre aviation de combat. A plus long terme, c'est-à-dire celui du retrait de service des premiers Rafale, il s'agira de construire le système de combat aérien futur qui pourrait être réalisé dans le cadre d'une coopération européenne. Compte tenu des durées de développement de ce type de programme, des choix importants et engageants sur l'avenir de l'aviation de combat nous attendent à l'horizon 2020-2022. Les études préparatoires doivent être lancées pour nous permettre d'éclairer ces décisions.
Par ailleurs, vous connaissez mon point de vigilance au sujet du ravitaillement en vol, que je considère comme notre deuxième priorité. J'estime que l'âge excessif de la flotte C135 - plus de 50 ans - expose nos capacités à un risque trop important. L'usage systématique et intensif du ravitaillement en vol dans toutes nos opérations en intervention mais aussi protection et dissuasion, rend la sécurisation de cette capacité incontournable. C'est pourquoi je recommande vivement une accélération du calendrier des livraisons des MRTT. Par ailleurs, une augmentation de la cible de MRTT, sera indispensable pour couvrir l'ensemble des besoins de la CNA, de l'aviation de combat et du transport stratégique. Une révision de la cible finale des MRTT à hauteur de 18 appareils me paraît nécessaire au vu des engagements constatés.
Concernant les ressources humaines - notre troisième priorité -, j'estime notre modèle en danger. Il s'agit de ma principale préoccupation et de la priorité de mes priorités. Cette situation résulte d'un effort de déflation trop important demandé à l'armée de l'air ces dernières années. Après les mesures prises dans les actualisations de la LPM, l'armée de l'air à elle seule, supporte plus de 50% des déflations d'effectifs du ministère sur la LPM en vigueur. Cette situation est génératrice de tensions sur les rythmes de travail qui induisent à leur tour des problèmes de fidélisation et d'attractivité dans de nombreuses spécialités, comme chez les fusiliers commandos : 70% des militaires du rang fusilier commando ne vont pas au terme de leur premier contrat. Chez les spécialistes des systèmes d'information, nous n'arrivons à recruter que 60% du personnel requis. Les domaines du renseignement, des mécaniciens aéronautiques, des contrôleurs aériens, des spécialistes des infrastructures de nos bases projetées et de l'armement des centres de commandement font l'objet de difficultés comparables, d'autant qu'il s'agit souvent de spécialités de haut niveau soumises à une forte concurrence du secteur privé. Le rapport du HCECM du 6 octobre 2017 confirme ces difficultés ainsi que les problèmes de fidélisation que nous rencontrons. Il est urgent de casser ce cercle vicieux. La réponse doit être globale et nécessite une attention toute particulière aux conditions de vie et de travail de nos soldats, ainsi qu'à leurs familles. A ce propos, je salue la démarche conduite par notre Ministre dans le cadre de son plan famille. Elle me parait essentielle. Mon principal point d'attention concerne l'insuffisance des effectifs. Mon état-major étudie actuellement tous les leviers possibles pour dégager des marges de manoeuvres et tenter de résoudre cette très difficile problématique. Ces marges sont désormais réduites compte tenu des très nombreuses restructurations et optimisations déjà conduites ces dernières années : 17 bases aériennes fermées depuis 2008, suppression de la moitié des commandements et directions. Je n'exclue donc aucune voie.
Voilà donc les points essentiels dont je souhaitais vous faire part pour cette nouvelle LPM. Mes priorités s'inscrivent parfaitement dans la volonté de remontée en puissance du PR permise par l'ambition budgétaire des 2% du PIB qui l'accompagne.
Vous l'avez compris, cette ambition répondra à mon besoin de responsable militaire de mettre un terme au processus implacable d'usure des hommes et des équipements que je constate. Il s'agit tout simplement d'une question de cohérence entre les ambitions et les moyens.
C'est dans ce cadre opérationnel, capacitaire et budgétaire que s'inscrit le projet de loi de finances pour l'année 2018. Il s'agit d'un budget en augmentation sensible par rapport à 2017, à la hauteur des engagements pris ces dernières années. Plus important encore, le PLF 2018 inscrit la Défense sur la trajectoire des 2% du PIB.
Que ce soit en raison des livraisons attendues pour certaines depuis très longtemps ou des commandes essentielles à réaliser en 2018, je voudrais vous convaincre que ce projet de budget est capital, et je pèse mes mots, pour l'armée de l'air car il concerne toutes nos capacités centrales : ainsi pour le ravitaillement en vol, le PLF 2018 doit permettre l'arrivée du tout premier MRTT et la commande des 3 derniers prévus au titre de la cible des 12 de la LPM en vigueur. Concernant l'aviation de chasse, sont prévus la commande des kits de rénovation de 55 Mirage 2000D sans lesquels nos avions ne disposeront plus de capacité d'autoprotection dès 2022 ; la rétrocession des 3 Rafale prélevés et livrés finalement à l'Egypte en 2016 ; le lancement du standard F4 du Rafale.
Dans le domaine du transport aérien dont vous connaissez les fragilités : le PLF 2018 doit permettre la livraison de 2 A400M supplémentaires et du deuxième C130J complétant le premier livré d'ici la fin 2017. J'observerai avec attention la montée en puissance de cette nouvelle flotte dans l'armée de l'air, compte tenu des difficultés rencontrées par l'A400M.
S'agissant du renseignement aéroporté, nous prévoyons la livraison du premier avion léger de surveillance et de reconnaissance, capacité que nous sommes aujourd'hui contraints de louer à des sociétés privées pour soutenir nos opérations, ainsi que le lancement du programme de recueil de renseignement électromagnétique CUGE, central pour les capacités de guerre électronique de toutes les armées, et qui a vocation à remplacer nos Transall Gabriel, qui seront retirés du service en 2023. C'est-à-dire demain.
Dans le domaine de la formation, 2018 doit être l'année de la réception sur la base aérienne de Cognac des 8 premiers PC 21, indispensables autant pour moderniser la formation de nos pilotes de chasse que pour initier la profonde manoeuvre de restructuration qui verra d'ici 2021 l'arrêt de l'activité Alphajet et la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne de Tours.
Enfin, concernant les munitions, le PLF 2018 doit financer la livraison du tout nouveau missile air/air METEOR qui apportera une amélioration déterminante aux capacités d'interception du Rafale ; le lancement du programme « successeur MICA » sans lequel nos avions ne disposeront plus de missiles d'autoprotection à partir de 2024. Pour les munitions AIR/SOL, l'effort se poursuit après les alertes concernant le niveau de nos stocks de bombes. Je considère la situation sous contrôle pour les bombes de 250 kg. Je continuerai toutefois à demander l'intégration de l'AASM sous M2000 D et de la GBU49 sous Rafale pour faciliter nos opérations. Je trouve en effet cette ségrégation des stocks par type d'avion contraire au bon sens élémentaire. Je pense également nécessaire d'acquérir des bombes de 500 et 1000 kg, dotées de capacité tout temps.
Après cette énumération probablement un peu fastidieuse, MRTT, RAF, M2000D, ALSR, CUGE, A400M, C130J, PC21, munitions, vous comprenez probablement mieux pourquoi j'ai absolument besoin d'une exécution stricte de ce budget 2018.
Sur le plan de la préparation opérationnelle, la remontée vers les normes d'activité se poursuivra en 2018, soit 5% d'activité en plus pour les équipages chasse et 10% pour les équipages transport et hélicoptère par rapport à 2017. Cette progression s'ajoute à celles constatées les années précédentes. Elle me paraît remarquable si l'on considère la pression, non anticipée en programmation, qu'exercent nos opérations sur le système du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique. L'activité chasse en opérations a presque triplé en 5 ans. Elle est le fruit des efforts de modernisation du MCO aéronautique conduits en interne depuis plusieurs mois, et sur lesquels je pourrai revenir lors des questions si vous le souhaitez, et du coup de pouce accordé aux crédits d'EPM lors de l'actualisation de la LPM.
Cette activité reste néanmoins en deçà des normes d'entraînement reconnues par l'OTAN. Elle cache par ailleurs des déséquilibres préoccupants. D'une part, une grande partie de cette activité est réalisée en OPEX, plus de 50% pour de nombreux équipages Rafale. D'autre part, s'ajoute la charge de soutien à l'export qui pèse quasi exclusivement sur la flotte Rafale. Tout cela limite la part d'activité dédiée à l'entraînement et à la formation des plus jeunes qui accusent d'importants retards de progression illustrant l'érosion organique dont je vous parlais. La qualité de l'entraînement est également impactée : il manque cruellement d'équipements de missions comme les nacelles de désignation laser majoritairement déployées en opérations.
La situation est tout aussi préoccupante dans le transport aérien. La disponibilité de nos flottes et les engagements opérationnels ne permettent plus de maintenir les compétences des équipages. Aussi, seule une poignée d'entre eux maîtrisent encore certains savoir-faire de haut niveau tels que l'atterrissage sur terrain sommaire, la livraison par air ou la conduite d'une opération aéroportée.
Au terme de cette présentation de ses enjeux, j'estime que le projet de loi de finances 2018, dont l'exécution stricte est essentielle pour l'armée de l'air pour les raisons que j'ai indiquées, manifeste une ambition politique claire, celle de l'amorce d'une remontée en puissance, à condition toutefois de bien mettre à disposition du ministère toutes les ressources prévues d'ici la fin d'année 2017. Je pense notamment à la couverture des surcoûts OPEX restants et au déblocage de crédits encore gelés dont l'absence pèserait lourdement sur l'équipement de nos forces. Quant à l'impact des annulations de crédits à hauteur de 850 millions d'euros, et je pense anticiper vos questions, je le qualifierais de limité pour l'armée de l'air, sous réserve de reprogrammer au plus vite la commande de l'hélicoptère CARACAL qui vient d'être décalée.
En conclusion, je voudrais saluer le courage des hommes et des femmes de l'armée de l'air. Alors que j'ai surtout parlé d'équipements, de commandes et de livraisons, de taux et normes d'activité, de crédits d'EPM, d'annulation ou de reports de crédit, et autre barbarismes technocratiques, je souhaiterais que nous conservions à l'esprit qu'au bout de tout ceci il y a des hommes et des femmes qui risquent leur vie et combattent pour la protection des Français. J'en profite pour vous réitérer mon invitation à venir à leur rencontre, en opération, sur les bases aériennes, dans les centres de commandement et de contrôle, dans les salles d'alerte. Il n'y a que sur le terrain que l'on peut véritablement comprendre la vie et les missions de nos aviateurs.
Il faut être convaincu que nos succès en opérations, mais également les efforts considérables d'adaptation conduits par l'armée de l'air en ordre et avec responsabilité ces dernières années reposent sur leurs épaules, sur leur sens de l'engagement et surtout sur la gratuité de cet engagement. La satisfaction de servir leur suffit. Il ne faut pas pour autant que cela devienne un prétexte pour ne pas compenser ce qu'ils nous donnent.
Ces succès reposent également sur leurs familles qui endurent les restructurations, les longues absences, les départs avec un préavis de quelques heures à l'autre bout du monde, le doute, les blessures et parfois les disparitions dramatiques. Nos familles doivent être solides. Elles font intrinsèquement partie de notre force au combat.
Ils reposent aussi sur notre force morale et les valeurs que nous portons et que nous transmettons aux jeunes qui rejoignent notre institution ; ou ceux qui nous approchent et en direction desquels j'ai pris de nombreuses initiatives pour transmettre ce que nous estimons être une richesse.
C'est pour l'ensemble de ces raisons aussi que je suis tant préoccupé par les difficultés rencontrées au quotidien et qui conduisent un trop grand nombre de nos hommes et femmes à préférer quitter l'armée de l'air. J'estime que nous perdrions l'essentiel et c'est irrattrapable. Il y a urgence. Ces hommes et ces femmes font la fierté de notre pays et méritent la reconnaissance de la Nation entière. Ils sont ma source principale d'attention, de fierté et de préoccupation. Je tenais à terminer mon propos en leur rendant un hommage appuyé.
Mesdames et messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur leur professionnalisme, sur leur générosité, sur leur engagement et leur sens du devoir au service de nos compatriotes, au service de la France.
Avant tout, je souhaite vous dire que nous sommes extrêmement reconnaissants de l'engagement des hommes et des femmes de l'armée de l'air, ainsi que de l'ensemble des militaires dans nos trois armées. Je voulais évoquer la question de la diminution des crédits de 850 millions d'euros décidée en juillet dernier. Certaines mesures prises en conséquence concernent l'armée de l'air. Une renégociation, notamment, a été engagée avec l'industrie, portant sur la mise au point du standard F4 du Rafale, ainsi que sur la rénovation des mirages 2000D. Ce qui m'interroge, tout comme mon collègue Gilbert Roger, avec lequel j'ai réalisé lors de la précédente session un rapport sur les drones, ce sont la livraison des radars des avions légers de surveillance et de reconnaissance (ASLR) ainsi que la charge utile de renseignement électromagnétique des drones. Il est souhaitable que ce décalage puisse être rattrapé. Quelles seront les conséquences opérationnelles de ces mesures ? Y aura-t-il un impact sur le coût final de ces programmes ? En effet, le fait de décaler des engagements financiers a pour conséquence de faire gonfler le volume financier des programmes.
Enfin, vous avez dit ne rien exclure en matière de ressources humaines. Une telle déclaration peut être de nature à nous inquiéter. De nouvelles fermetures de bases aériennes sont-elles à prévoir ?
Je rejoins le propos de mon collègue qui salue l'engagement des hommes et des femmes dans l'armée de l'air. J'ai deux questions : en ce qui concerne l'A400M, il y a des difficultés de développement et de production. Ainsi, sur les 15 avions de transport qui doivent être livrés en 2019, 8 le seront au seul standard initial, c'est-à-dire permettant essentiellement une utilisation logistique. Or, cela ne répond pas aux besoins opérationnels actuels. Pouvez-vous nous donner plus d'information sur la situation ? Par ailleurs, les matériels sont vieillissants et très sollicités dans les opérations extérieures. Cela affecte-t-il les chantiers de régénération des principaux parcs ?
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements aéronautiques est un sujet de préoccupation, et depuis déjà de trop nombreuses années. Les réponses écrites délivrées aux parlementaires dans le cadre prévu par la LOLF sont lénifiantes. « Les plans d'actions lancés ont donné des signes encourageants d'amélioration. L'optimisation des capacités industrielles étatiques et privées et les plateaux État-industrie permettent une meilleure maîtrise des temps de visites de niveau industriel. Les objectifs de performance introduits dans les contrats de MCO ont notamment permis de limiter les délais d'immobilisation pour cause d'absence de rechanges (pénalité financière si dépassement du délai de livraison ». Comprenez mon étonnement : en effet, comment peut-on envoyer une telle réponse aux parlementaires indiquant que la situation est jugée satisfaisante, alors que, dans le même temps, la ministre des armées éprouve le besoin de nommer un spécialiste au chevet du maintien en condition opérationnelle aéronautique, en l'occurrence Christian Chabert, ancien directeur du service de la maintenance aéronautique et ingénieur général de classe exceptionnelle de l'armement. Pouvez-vous, sans langue de bois, nous dire ce qu'il en est de la maintenance aéronautique ?
Par ailleurs, avec la mise en place du projet appelé « formation modernisée et entraînement différencié des équipements de chasse » (FOMEDEC), l'armée de l'air devrait avoir recours à un entraînement différencié en répartissant ses pilotes de chasse en deux cercles traités différemment. Toutefois, un certain retard a été pris dans la mise en oeuvre de ce projet, qui pourrait obérer la capacité de l'armée de l'air à atteindre enfin la norme d'activité individuelle de 180 heures de vol par pilote de chasse en 2020. En effet, en raison du retard de la mise en place de FOMEDEC et surtout du sur-engagement opérationnel, il n'a pas été possible de retirer des 290 pilotes des escadrons de chasse, les 50 pilotes qui devraient armer le deuxième cercle. Les 290 pilotes se sont donc partagé une activité globale qui ne leur a permis de réaliser que 163 heures de vol en moyenne en 2016 et sans doute 164 heures de vol en 2017. Pouvez-vous, Général, nous expliquer les raisons du décalage de mise en place de FOMEDEC ? Selon vous, quelle mesure faudrait-il prendre pour vous garantir d'atteindre l'objectif d'activité fixé en 2020 ? On sait bien que des niveaux trop bas des crédits de maintien en condition opérationnelle empêchent la qualification des équipages et briment la capacité organisationnelle de nos armées. 2018 sera-t-elle l'année au cours de laquelle les pilotes pourront suffisamment s'entraîner pour se qualifier, et être ainsi opérationnels ?
Ma question porte sur la protection au sol. Vous aviez déjà évoqué, il y a un an, la difficulté du recrutement, et de fidélisation des militaires, notamment des fusiliers commandos de l'air. Cette situation perdure, puisque seulement 30% d'entre eux renouvellent leurs contrats. Cela signifie-t-il que vous continuez à faire appel à des réservistes, ou encore à du personnel des bases aériennes pour assurer cette protection ? Quelles pourraient être les alternatives ? A titre personnel, je ne pense pas que le plan « Familles » que vous avez évoqué soit la seule réponse que l'on puisse apporter à ce problème de fidélisation.
Depuis une dizaine d'années, de nombreuses bases, et donc de pistes aériennes, ont été fermées. Pensez-vous que celles qui restent sont suffisantes pour assurer la protection du territoire ? Est-il envisagé de fermer d'autres installations à l'avenir ?
Pascal Allizard ne pouvant être présent, il m'a demandé de vous transmettre les questions suivantes. Vous avez évoqué la transformation du Rafale au standard F4 à l'horizon 2030. Quels sont les grands besoins et enjeux opérationnels en la matière ? En outre, qu'attend l'armée de l'air de la nouvelle coopération franco-allemande annoncée lors du dernier conseil des ministres franco-allemand, qui s'est tenu en juillet ?
Un programme de missiles air-sol de quatrième génération est nécessaire au regard de l'évolution des défenses adverses. La rupture technologique tient au système de type hypersonique, c'est-à-dire, capable d'évoluer à une vitesse supérieure à Mach 5. Des programmes d'études portant sur la furtivité et la vélocité ont été engagés. Le choix d'un missile hypervéloce pourrait rendre nécessaire un porteur de taille supérieure au Rafale actuel. Y-a-t-il un lien entre le format des futurs rafales F4 et ce potentiel futur porteur ? Quelle est la position de l'armée de l'air dans le débat vitesse/furtivité ? Enfin, quel est le calendrier prévu pour arrêter les choix sur ces questions ?
Un quotidien national a récemment alerté, en ce qui concerne le transport aérien stratégique, sur le contrat passé avec une société russe à hauteur de 62 000 euros de l'heure, alors qu'une autre société pouvait effectuer le même travail pour moins cher. Il semble qu'une enquête soit en cours à ce sujet. J'ajoute qu'on déplore aujourd'hui une disponibilité de seulement 2 des 11 A400M existants... Quelles sont vos réponses sur le transport aérien stratégique ?
Sur un autre sujet, si on se dirige vers le recours à des drones armés, comment voyez-vous leur articulation avec les avions de combat, les hélicoptères Tigre, et les avions Atlantique 2 de la marine ?
L'avion A400M coûte 136 millions d'euros. Or l'an dernier, il semble qu'un seul avion ait été en capacité de voler. Où en sommes-nous ?
Général André Lanata, Chef d'État-major de l'Armée de l'air. - En ce qui concerne l'annulation l'été dernier de 850 millions d'euros de crédits, je ne vais pas vous dire qu'il n'y a aucune conséquence. Je dis que les conséquences à court terme sont limitées, mais il faudra que la loi de programmation militaire se charge de lisser ces dernières à moyen terme. Deux types de dispositions ont été prises, l'une puisant dans les fonds de trésorerie. Ces derniers devront à un moment être reconstitués. L'autre touche le domaine capacitaire. Afin de faire face à cette annulation, nous avons agi sur certaines commandes qu'il restait à passer avant la fin de l'année. Il s'agit en particulier, pour l'armée de l'air, d'un décalage de la commande des kits de rénovation des Mirage 2000D. C'est également l'absence d'un capteur supplémentaire sur les avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), un report de la charge utile du renseignement d'origine électromagnétique sur Reaper, et un report de la commande d'un hélicoptère CARACAL. Toutefois, les conséquences sont limitées dans l'immédiat : en ce qui concerne l'aéromobilité et les Mirage 2000D, nous avons conduit des négociations avec la société Dassault. La livraison des premiers avions modifiés est légèrement repoussée, sans toutefois décaler l'échéancier global de livraison. Le plan de livraison, dans son ensemble, devrait être maintenu. Il en est de même pour le Rafale F4 : une nouvelle négociation avec l'industriel a conduit à décaler légèrement les études, sans toutefois avoir d'impact sur le déroulement de l'opération dans sa totalité. De même, les ALSR seront moins performants sans leur capteur supplémentaire, mais cela n'empêchera pas de commencer à exploiter ces appareils en utilisant leurs capteurs optroniques et c'est là l'essentiel pour nos opérations. Le retard pris concernant la charge utile de renseignement électromagnétique sur Reaper ne me préoccupe pas particulièrement, car ce déploiement aurait dû être mécaniquement décalé en raison des retards concédés dans les échanges avec l'administration américaine. Nous ne faisons ainsi qu'enregistrer un retard que nous aurions subi en toutes hypothèses. Le CARACAL concerne les forces spéciales de deux armées : l'armée de terre et l'armée de l'air. Nous en avons acquis 18, commandés en deux fois : tout d'abord en 1999, puis quelque uns ont été achetés dans le cadre des mesures prises après les attentats du 11 septembre 2001. Sur ces 18 appareils, deux ont été détruits en opération, les seize autres se répartissent entre nos deux armées. Il s'agit par ailleurs d'une flotte vieillissante : un certain nombre d'appareils sont en retrofit, ce qui induit un certain niveau d'immobilisation. Dès lors, afin de préserver la mobilité de nos forces spéciales en opération, il faut limiter le retard dans la livraison de l'appareil remplaçant une des machines détruites en opération. C'est la raison pour laquelle la commande doit être passée en début d'année 2018.
Je perçois vos interrogations à la suite de mon intervention relative à la situation des ressources humaines de l'armée de l'air et elle rejoint votre question concernant de potentielles restructurations. Je répondrai ainsi par la même occasion à la question de M. Roger. J'estime que l'armée de l'air manque d'effectifs, compte tenu des déflations excessives que nous avons subies. Des travaux sont en cours pour y palier. Ainsi, dans le cadre de la loi de programmation militaire, une augmentation des effectifs a été accordée au ministère des Armées. Les arbitrages n'ont pas été rendus au sein du ministère et je ne suis par conséquent pas en mesure de juger des besoins restants à couvrir afin de rétablir la cohérence interne à l'armée de l'air. J'observe toutefois une certaine dureté de la situation. J'étudie par ailleurs de nombreuses voies pour soulager la tension pesant sur les effectifs, comme le recours à la sous-traitance, ou l'allégement d'un certain nombre de charges. Je pense par exemple au processus de navigabilité qui pèse beaucoup sur nos mécaniciens et sur lequel nous avons peut-être été trop exigeants, ce qui conduit à une mobilisation de nombreuses ressources humaines. Enfin, en dernier recours, il y a l'hypothèse des restructurations. Toutefois, tant qu'il n'y a pas davantage de visibilité sur ces différents chantiers, je ne peux pas en parler davantage. Il ne faut pas l'exclure par principe, mais il est trop tôt pour évoquer ce sujet. Dans tous les cas, si nous devions arriver à cette solution, ce serait en ultime recours. Car après avoir fermé 17 bases aériennes au cours de ces 10 dernières années, d'une part, je connais le prix humain de telles décisions. D'autre part, nous ne disposons plus en métropole que de 15 plateformes aéronautiques majeures. J'estime donc qu'il faut maintenant être prudent dans de nouvelles réductions, l'enjeu consistant à pouvoir faire face à tous les scénarios de crise. Une base aérienne que l'on ferme ne se rouvre plus. Or les bases aériennes constituent des outils de gestion de crise remarquables : disposant de moyens de protection dédiés, de systèmes d'information puissants, de soutiens adaptés, une plateforme aéronautique est en mesure de répondre à de très nombreux scénarios de crise.
Je vais essayer de regrouper les questions concernant l'A400M. Les difficultés rencontrées par nos capacités de transport sont liées au renouvellement de nos flottes et sont donc la conséquence directe des choix faits dans les programmations militaires précédentes. Le renouvellement tardif de la flotte n'a pas offert un tuilage suffisant qui aurait permis de se mettre à l'abri de défauts de jeunesse des nouveaux appareils. Cela ne veut pas dire que ces derniers sont acceptables, mais nous payons aujourd'hui les risques pris en programmation. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle aujourd'hui nous avons besoin de recourir à de nombreux affrètements pour satisfaire nos besoins opérationnels, qui sont eux-mêmes sources de nouveaux risques. Nous savons d'où nous venons : les Transall ont plus de 40 ans, les C130 plus de 30 ans. L'A400M est censé venir palier la situation de ces flottes vieillissantes. Cet avion n'est pas complétement au rendez-vous, pour deux raisons. Tout d'abord, les standards tactiques, c'est-à-dire les capacités opérationnelles de l'A400M sont en retard. Ici, c'est l'industriel qui est en défaut. Aussi, le précédent Ministre avait lancé le plan Hexagone, afin que soient livrés six avions répondant à un premier standard tactique pour fin 2016. Cet objectif a été atteint, et permet d'effectuer des premières missions tactiques prioritaires comme des posés sur terrains sommaires ou encore des largages de charges. Le travail doit se poursuivre avec l'industriel afin d'améliorer ces premiers standards techniques. Je préconise ainsi un nouveau jalon au plan Hexagone, visant non pas à définir un nouveau standard, mais s'articulant autour d'une capacité, c'est-à-dire un nombre d'avions, un jalon calendaire et un nouveau « paquet » de fonctionnalités opérationnelles. En effet, l'A400M ne peut se limiter au seul transport logistique. Certes, c'est intéressant, mais le coeur de métier du transport aérien militaire, ce sont les missions tactiques et de combat que nous conduisons sur nos terrains d'opération : posés de nuit sur des terrains sommaires, transport de forces spéciales, opération aéroportée, à l'image de ce que nous faisons au Sahel actuellement.
La deuxième difficulté résulte d'un problème de fiabilité des avions, ce qui a conduit l'an dernier à une disponibilité catastrophique en raison des moteurs notamment. Là aussi, nous avons eu un échange franc avec l'industriel. La disponibilité est remontée : d'un appareil disponible en moyenne en 2016, nous sommes passés, début 2017, à cinq avions. Ce nombre est assez remarquable, car une partie de la flotte était immobilisée en retrofit chez l'industriel, en raison du rattrapage des standards tactiques. En effet, la flotte existante doit être modifiée par l'industriel pour être mise à niveau afin de disposer d'une flotte homogène. Je n'accepte pas d'avoir des A400M différents : ils doivent tous avoir la même capacité et les mêmes fonctionnalités, pour nos équipages. L'A400M a connu une nouvelle crise au début de l'été en raison d'un nouveau fait technique. La disponibilité est en train de remonter : elle est de trois à quatre appareils aujourd'hui et nous espérons atteindre six appareils sur les onze composant la flotte. Le travail se poursuit. Je dois aussi vous dire, pour être complet, que je crois en cet appareil ; et mes équipages aussi. Mais il faut que chacun se mette au travail et aide l'armée de l'air à satisfaire ses besoins opérationnels. Lors de la crise consécutive au passage de l'ouragan IRMA, grâce à l'A400M, nous avons pu nous rendre sans escale en 10 heures dans les Antilles pour y déposer des charges significatives. Cela change la donne, nos capacités et la façon de concevoir nos opérations. Un même avion peut partir le lundi pour les Antilles, revenir pour partir le mercredi au Sahel et finir le vendredi en Jordanie. Un Transall a besoin de quatre jours pour se rendre aux Antilles, et autant de temps pour en revenir. En outre, il ne peut pas transporter la même charge.
Je souligne que la question du transport aérien ne se limite pas à celle de l'A400M. Vous savez en effet que les MRTT, avions multi-rôle, ont vocation à satisfaire aussi bien nos besoins cruciaux de ravitaillement en vol que ceux du transport aérien stratégique. Notre parc d'avions C135 est vieillissant, atteignant dans ce domaine les limites du supportable. Ici également la situation dans laquelle nous nous trouvons est la conséquence des choix faits lors des lois de programmation militaires précédentes. Des charges de maintenance supplémentaires en résultent. Ainsi pour les C135, cette charge a doublé en 10 ans, passant de 20 heures à 40 heures de maintenance par heure de vol. Ces avions ont en effet plus de 50 ans et font face à des faits techniques impromptus et imparables que nous ne sommes pas en mesure d'anticiper et de gérer. L'industrie rencontre en effet des difficultés à soutenir ces appareils, tout simplement parce qu'elle est « passée à autre chose ». Nous sommes ainsi contraints d'inventer, avec de nouveaux acteurs industriels, des solutions de réparation, ce qui évidemment prend davantage de temps et génère des indisponibilités rédhibitoires.
J'en viens aux perspectives du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique. Tout d'abord, je fais deux constats : la situation de certaines flottes est objectivement mauvaise ; ce n'est toutefois pas le cas de toutes les flottes comme par exemple celui de l'aviation de chasse. Je constate également qu'à un niveau macroscopique, le MCO aéronautique réalise une performance supérieure à celle prévue par la LPM, malgré la pression opérationnelle et en dépit de la charge de soutien à l'export que les choix de programmation n'avaient pas anticipé. Je viens de vous en fournir plusieurs illustrations.
Compte tenu des enjeux considérables, budgétaires et opérationnels, portés par le maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques, je voudrais vous faire part de quelques convictions. Première conviction, le pilotage du MCO par le facteur opérationnel est celui qui a permis la remontée d'activité. C'est pourquoi je pense nécessaire d'être prudent concernant toute approche fonctionnelle qui éloignerait la finalité opérationnelle du pilotage du MCO.
Deuxième conviction, la performance du MCO dépend aussi - et peut-être surtout - des choix de programmation : l'âge des parcs, le manque de pièces de rechange, l'absence d'appareils en volant de gestion, l'insuffisance des ressources humaines et des crédits d'entretien programmés, les immobilisations pour chantier de retrofit pèsent sur la disponibilité des flottes.
Troisième conviction, les équipements récents ont un coût de soutien plus élevé, en partie parce que leurs performances sont supérieures. Il ne faut pas aujourd'hui regretter la conséquence de nos choix. Par ailleurs, nous n'avons probablement pas suffisamment accordé d'attention à ce facteur dans la conception de nos programmes d'armement. Il s'agit là d'un axe de progrès mais dont les effets ne se feront sentir qu'à long terme.
Quatrième conviction, les opérations pèsent sur la performance du MCO : usure accélérée compte tenu de la sévérité des conditions d'emploi (C-130, hélicoptères, CASA), consommation de potentiel accélérée, attrition au combat (CARACAL), dispersion des ressources logistiques et de maintenance (quatre bases aériennes projetées au lieu d'une prévue).
Cinquième conviction, si nous avons certainement des progrès à faire en interne du ministère, certains industriels sont défaillants dans leur performance.
Sixième conviction, il n'y a pas un sujet MCO aéronautique, il y a autant de sujets qu'il y a de flottes. La situation de la flotte A400M n'a rien de comparable à celle du Tigre ou de l'ATL2.
Septième conviction, les temps du MCO sont longs : les effets de l'effort sur l'EPM dans l'actualisation de la LPM en 2015 ne se feront sentir qu'à partir de 2018 (cinq ans pour engranger les effets de la modification du plan de maintenance du Tigre, deux ans entre la commande et la livraison d'un réacteur ou d'un radar de Rafale). Ainsi il faut donner de la sérénité à ce système et se mettre en situation de mesurer les effets des réformes entreprises depuis plusieurs mois.
Je peux vous garantir que tous les acteurs sont mobilisés pour améliorer la performance globale du MCO aéronautique, et en particulier la disponibilité des flottes en situation critique.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, plusieurs axes d'amélioration sont d'ores et déjà identifiés : amélioration de la gouvernance haute consistant à renforcer le rôle de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD), meilleure approche du soutien d'une flotte sur la totalité de son cycle de vie et la globalité des activités de maintenance, effort de simplification en matière de navigabilité, développement de systèmes d'information performants et surtout commun à tous les acteurs - ce n'est pas le cas aujourd'hui -, politique contractuelle visant à réduire le nombre de contrats et inciter à une meilleure performance industrielle, élaboration de plans spécifiques pour les flottes critiques, etc.
Mais au-delà de tous ces axes, je reste convaincu que les choix de la LPM seront primordiaux pour définir le niveau d'EPM et les ressources humaines garantissant les équilibres. Les conclusions du rapport d'audit demandé par la Ministre contribueront enfin à nous aider à renforcer et à accélérer ce processus d'amélioration.
Mon Général, en raison des délais très contraints qui sont imposés à cette audition, je vous propose d'apporter une réponse écrite aux questions demeurées sans réponse.
Général André Lanata, Chef d'État-major de l'Armée de l'air. - Nous transmettrons directement aux sénateurs des éléments écrits de réponse. Je souhaite juste évoquer deux points très rapidement. En ce qui concerne la composante nucléaire aéroportée et le futur missile, je privilégie l'hypervélocité, à condition que cela soit technologiquement et financièrement accessible à l'horizon 2035, et un porteur de type chasseur. Je crois personnellement à la pertinence de notre modèle et au besoin de continuer à recourir à un chasseur performant, car ce sont bien les qualités de pénétration du couple chasseur-missile qui sont gage de la capacité de percer les défenses ennemies et donc de la crédibilité de la composante nucléaire aéroportée, crédibilité sur laquelle repose le principe même de la dissuasion nucléaire. Les études en cours devront déterminer les compromis entre le porteur et le vecteur. A ce stade, rien ne permet d'affirmer qu'il faudra augmenter la taille du porteur.
En ce qui concerne les drones, je considère que les drones MALE sont avant tout des systèmes de surveillance complémentaire, dont je vois difficilement comment ils pourraient aujourd'hui remplacer les flottes actuelles. Quant à leur articulation avec l'aviation de chasse, les hélicoptères de combat, et les avions Atlantique 2 - ainsi que pour les autres questions -, je vous apporterai une réponse par écrit.
Amiral, soyez le bienvenu devant notre commission, que vous connaissez bien - même si vous n'en connaissez peut-être pas encore tous les nouveaux membres.
La marine reste aujourd'hui sollicitée de façon intense. Elle lutte, avec les autres armées, contre le terrorisme islamiste ; depuis la fin septembre, quatre Rafale Marine ont été déployés sur la base aérienne projetée au Levant, aux côtés de quatre Rafale de l'armée de l'air.
Notre marine fait face également au retour des États puissances, et en particulier elle défend nos côtes de certaines incursions sous-marines - vous nous direz ce qu'il en est pour la période récente. Elle a pris une part importante dans l'aide d'urgence apportée, après l'ouragan Irma, aux Antilles ; le BPC Tonnerre y a déployé d'importantes capacités de reconstruction. Enfin, elle continue à assumer, parallèlement, ses missions permanentes, au titre de la dissuasion ou de l'action de l'État en mer.
Pour notre part, nous conservons des inquiétudes, au regard de cette activité « tous azimuts », quant aux équipements et au maintien en condition opérationnelle des plus anciens, avec les lacunes que l'on sait - je pense aux navires pétroliers et aux patrouilleurs outre-mer -aux enjeux de ressources humaines, notamment le recrutement, la fidélisation des effectifs et le maintien des compétences existant au sein de la marine, et quant aux infrastructures et au soutien, qui constituent un autre point de vigilance.
En 2018, notamment, des livraisons d'équipements importants sont prévues pour la Marine, dont trois Rafale Marine « rétrofités » et une frégate multi-missions (FREMM). D'importantes commandes sont également programmées, dont un sous-marin d'attaque (SNA) Barracuda et trois avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés. Ces nouvelles capacités, dans leur calendrier d'acquisition, suffisent-elles à faire face aux besoins ?
Par ailleurs, quelles seront pour la Marine les conséquences de l'annulation de crédits décidée en juillet dernier sur le programme 146 ? Qu'en sera-t-il, notamment, de la renégociation engagée avec l'industrie sur la chaîne logistique du programme de frégates de taille intermédiaire (FTI) Belh@rra, et du décalage de la livraison du pod de détection de missile des Rafale Marine ?
Pour ce qui concerne la programmation financière pour l'après-2018 - d'ores et déjà inscrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques - quelles sont les garanties que la « marche » budgétaire à passer pour renouveler les sous-marins nucléaires de la force océanique stratégique (FOST) ne se transforme pas en un « mur » infranchissable ?
Amiral, vous avez la parole.
Comme vous le savez, les armées font face depuis deux ans à un engagement opérationnel d'une intensité bien supérieure à la norme prévue par le Livre blanc de 2013, à savoir, pour la Marine, deux missions permanentes :
- la dissuasion nucléaire avec au moins un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) en patrouille depuis 1972 et la participation des Rafale Marine et du porte-avions à la composante aéroportée ;
- la défense maritime du territoire qui mobilise environ 3 000 marins dans la protection de nos approches, de nos ports et, depuis l'été dernier, de nos navires à passagers.
En outre, cinq autres opérations sont devenues permanentes depuis octobre 2015 - alors que le Livre blanc n'en prévoyait que deux:
- dans le Nord de l'océan Indien et dans le golfe Arabo-Persique, la Marine exerce une présence le long d'une artère maritime vitale et lutte avec nos alliés contre l'important trafic de drogue qui contribue au financement des réseaux terroristes ;
- en Méditerranée orientale, face à la Syrie, un bâtiment nous renseigne sur la situation de ce théâtre afin d'entretenir l'autonomie d'appréciation de notre pays ;
- en Méditerranée centrale, la Marine est présente dans le cadre de l'opération européenne Sophia de lutte contre les réseaux de trafic de migrants qui l'amène aussi à intervenir pour éviter les pertes de vies humaines en mer ;
- dans le golfe de Guinée, la Marine mène une mission de prévention et de transfert de savoir-faire en matière de sécurité maritime ; 100 000 de nos concitoyens vivent dans cette zone d'où proviennent 22 % de nos importations pétrolières, dans laquelle opèrent une centaine de grandes entreprises françaises (Total, Bourbon, etc.), et par laquelle transitent les deux tiers de la logistique de la force Barkhane ;
- et enfin, dans l'Atlantique Nord, la Marine fait face depuis quelques années à une pression sous-marine très forte.
Je souhaiterais, à ce titre, souligner la qualité exceptionnelle des équipages des unités françaises. Vous rappeliez, monsieur le président, l'implication de la Marine après le passage de l'ouragan Irma : vingt-quatre heures après cette catastrophe, deux frégates, deux avions et deux hélicoptères étaient présents à Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour mettre en place les premiers secours. Une fois les besoins recensés, le Tonnerre se préparait à Toulon avec à son bord mille tonnes de fret, plus de cent véhicules (bulldozers, tractopelles) et des centaines de militaires des trois armées, qui ont été débarqués dix jours plus tard sur les lieux de la catastrophe, par moyens amphibies, au plus près du besoin.
Je prendrai un deuxième exemple qui témoigne de la disponibilité et de l'efficacité de nos marins : dans le golfe Arabo-Persique, le Jean Bart, frégate antiaérienne, a connu un incendie dans sa salle des machines ; l'équipage est parvenu à éteindre cet incendie puis à réparer les dommages causés quelques jours plus tard. Cette frégate est déployée aujourd'hui dans le golfe Arabo-Persique où elle participe notamment à l'escorte du porte-avions américain Nimitz. S'agissant de nos moyens de lutte sous la mer, nos frégates multi-missions et les équipages qui les arment ont un niveau sans égal dans le monde, grâce à leur degré de maîtrise tactique et à la technicité des sonars et de ces bâtiments de conception française.
La compétence exceptionnelle de nos marins, qui assurent la réussite de nos missions, ainsi que leur engagement et leur professionnalisme ont toutefois un coût. Vous avez pris connaissance de la Revue stratégique, qu'Arnaud Danjean a présentée devant votre commission, et du tableau qu'elle dresse : le terrorisme militarisé, le retour des Etats-puissances... Ces menaces ne devraient pas diminuer à court terme. La lutte contre le terrorisme est l'affaire d'une génération, et une génération c'est un marathon ! Nous venons en quelque sorte d'en courir le premier kilomètre sur le rythme d'un 400 mètres ; le projet de loi de finances pour 2018 est donc indispensable pour accompagner le surcroît d'efforts et soutenir le rythme.
Je constate que dans ce projet de loi de finances un effort significatif est réalisé pour l'entretien programmé du matériel, qui augmente de 13 % et qui suit l'augmentation de l'activité. Un jour de mer ou une heure de vol en plus représentent en effet des besoins d'entretien supplémentaires.
S'agissant du renouvellement de nos unités, des livraisons sont attendues, en particulier celle d'une cinquième FREMM et la sortie d'arrêt technique du Charles de Gaulle. À plus long terme, des commandes devraient être passées, comme celle d'un cinquième sous-marin d'attaque Barracuda - qui devrait être livré vers 2028 - et d'un patrouilleur pour les Antilles, du même type que les deux patrouilleurs livrés en Guyane, lequel viendra combler une rupture capacitaire qui existe depuis 2010.
Enfin, cette loi de finances permettra la poursuite et la mise en oeuvre, en année pleine, d'une revalorisation significative des compensations liées aux absences opérationnelles et à l'embarquement, ainsi que l'entrée en vigueur des premières mesures du « Plan famille » annoncé par la ministre des Armées.
À plus long terme, la Marine doit gagner en robustesse. Ce travail devra être mené dès l'an prochain dans le cadre de la loi de programmation militaire. J'identifie pour la Marine quatre enjeux principaux :
- d'abord retrouver une flotte cohérente, c'est-à-dire sans impasse capacitaire. Depuis 2010, il n'y a plus de patrouilleur de la Marine aux Antilles ; nos Alouette III volent pour certaines depuis 50 ans et nos pétroliers sont à simple coque ; s'ils étaient civils, ils seraient interdits depuis 2015 ! Le renouvellement des patrouilleurs, des hélicoptères et des pétroliers a trop attendu. Je veux accélérer leur remplacement en proposant des solutions innovantes ;
- puis augmenter notre format. Nous avons le même nombre de frégates qu'il y a vingt ans, alors que le nombre de théâtres d'opérations a quasiment doublé. Le Livre blanc de 2013 prévoyait de baisser encore ce format, ce qui ne me paraît pas raisonnable. A terme, le format à atteindre est, a minima, celui de 2008 avec dix-huit frégates, dix-huit avions de patrouille maritime et dix-huit patrouilleurs ;
- lancer rapidement les études préliminaires à la construction d'un nouveau porte-avions, a minima pour remplacer le Charles-de-Gaulle Je pense que l'ambition de retrouver la permanence d'un groupe aéronaval à partir de 2030 est raisonnable et à la portée de notre pays ;
- enfin, il est essentiel de consolider notre modèle de ressources humaines. Être marin militaire, c'est un métier à part, vous le constaterez en embarquant à bord de nos unités. On choisit un mode de vie difficile avec un rythme de travail élevé, et pour affronter cela il faut être jeune. La moyenne d'âge des marins embarqués est de 30 ans, celle des militaires de 35 ans et celle de la population active de 40 ans. Conserver cette moyenne d'âge à 30 ans est pour moi un impératif qui nécessite des efforts particuliers. Ce n'est sans doute pas un hasard si le premier régime social au monde est celui fondé par Colbert en 1673 pour les marins. Par ailleurs, puisque vous évoquiez tout à l'heure la question de la fidélisation, sachez que nos métiers sont attractifs pour le monde extérieur, à tel point que nos atomiciens, électroniciens, informaticiens sont très sollicités. Or, sur une FREMM dont l'équipage compte une centaine de marins, un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! Il nous faut donc nous battre pour fidéliser nos marins. Je vois en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, des bâtiments de combat modernes rester à quai faute d'équipage ou faute d'avoir le spécialiste requis pour permettre au bâtiment d'appareiller.
Voilà mes « amers », à la fois pour le budget 2018 et la loi de programmation militaire. Les ressources humaines en constituent le point essentiel car pour moi, chaque marin compte.
Merci Amiral pour cette présentation parfaitement claire. J'en profite pour rappeler à mes collègues que nous nous rendrons à Toulon le 13 décembre prochain dans le cadre d'une journée d'immersion, où nous verrons notamment le chantier du porte-avions Charles-de-Gaulle, actuellement en arrêt technique majeur. Je donne à présent la parole à Cédric Perrin, co-rapporteur du programme 146 « Équipement des forces ».
Merci Monsieur le Président. Amiral, je vous remercie pour les propos que vous avez tenus et pour votre présentation de la Marine nationale et du rôle fondamental qu'elle joue. J'en profite également pour vous remercier de votre concours à l'organisation des Universités d'Été de la Défense de Toulon, au cours desquelles nous avons eu l'occasion de voir un certain nombre de bâtiments dans l'arsenal de Toulon. Nous avons eu aussi l'opportunité de visiter la base militaire accueillant 23 000 militaires, pour laquelle nous avons pu prendre conscience des efforts budgétaires qu'il serait nécessaire de consentir.
Par ailleurs, nous nous sommes aperçus qu'au cours de 2017, les forces armées étrangères, notamment les forces armées chinoises, étaient en capacité de produire près de 80 navires sur l'année, ce qui est absolument colossal. Dans ce contexte de réarmement, il est à noter que la France doit protéger 11 millions de km2 d'espaces maritimes sur lesquels s'exerce notre souveraineté.
À ce titre, j'en profite pour évoquer rapidement le rôle de nos navires patrouilleurs en service outre-mer, que vous avez évoqués dans vos propos liminaires, et qui sont aujourd'hui en fin de parcours. D'ici 2020, hors Guyane évidemment, six sur huit de ces bâtiments auront été désarmés. Les quatre bâtiments multi-missions (B2M) prévus par la LPM dans sa version actualisée de 2015, même s'ils permettent d'assurer le maintien de la capacité en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à La Réunion et aux Antilles, ne constituent qu'une solution d'attente pour un rattrapage promis à l'horizon 2023 seulement.
J'ai évoqué tout à l'heure le rôle important joué par ces patrouilleurs pour la protection de notre souveraineté. Ce « trou » capacitaire outre-mer n'est-il ainsi pas incohérent avec la volonté de la France d'affirmer sa souveraineté sur les espaces maritimes et de jouer un rôle dans le Pacifique ?... Notre marine peut-elle être crédible dans la zone ? J'ai évoqué en la matière l'émergence de quelques puissances maritimes. Et est-ce que le partenariat stratégique que nous sommes en train de conclure avec l'Australie suffira à pallier notre manque de moyens propres ?
Amiral, nous venons de voir avec le Général Lanata (Chef d'Etat-major de l'Armée de l'Air) combien les économies et les coupes budgétaires qui se sont succédé nous empêchent d'être au rendez-vous capacitaire. Nous avons accumulé du retard dans le renouvellement de nos flottes. Nous avons surtout subi une nouvelle annulation de 850 millions d'euros de crédits, décidée en juillet dernier sur le programme 146, qui débouche sur une renégociation avec l'industrie visant la chaîne logistique du programme de frégates de taille intermédiaire (FTI) mentionnée par vous-même et par Monsieur le Président. Cette renégociation vise également la livraison du pod de détection de missile des Rafale Marine qui a été décalée dans le temps. Pourriez-vous préciser quelles sont les éventuelles conséquences opérationnelles de ces mesures ? Pourriez-vous aussi préciser les solutions innovantes pour le renouvellement du matériel que vous avez abordées dans votre introduction ?
Amiral, je vais évoquer la question du maintien en condition opérationnelle (MCO). Il est vrai que nous entendons surtout parler de la problématique du MCO de l'Armée de l'Air, dont vous souffrez par ailleurs. Nous connaissons aussi les performances moyennes du parc des hélicoptères Caïman, et la vétusté des Alouette, des Lynx et les difficultés rencontrées dans le soutien industriel du Panther. En revanche, le MCO naval paraît satisfaisant. J'aimerais donc avoir votre avis sur ce sujet. Cela tient-il à la mise en oeuvre du MCO « en continu », caractérisé par les « périodes de disponibilité opérationnelle à 10 jours (PDO 10) » inscrites dans le programme des unités et dans le plan de maintenance majeure ? Ces PDO 10 devaient être testées en 2017 sur les frégates anti-sous-marines (FASM), les frégates antiaériennes (FAA), ainsi que sur les frégates type La Fayette (FLF). D'autres expériences sont-elles prévues en 2018 ? Le PLF 2018 vous permet-il d'espérer maintenir les résultats satisfaisants et d'améliorer les points faibles de la disponibilité technique - DTO - de vos matériels ?
Je me permets également, Monsieur le Président, de poser la question de ma collègue Christine Prunaud, qui concerne le nombre de jours en mer par bâtiment, dont nous nous félicitons de l'augmentation. Il a été de 96 en 2017 et devrait atteindre 99 en 2018. En revanche, à la lecture du projet annuel de performance, on comprend que la capacité de la marine à réaliser son contrat opérationnel dépend de la disponibilité, dégradée, des avions de patrouille maritime, des moyens de guerre des mines et des bâtiments de commandement et de ravitaillement. Il semble que cette situation ne s'améliore pas en 2018 pour la composante frégate en raison du vieillissement des frégates anti-sous-marines (bâtiments que vous connaissez je crois et que vous avez commandés jadis) et antiaériennes, notamment. De même, la remontée de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) de la composante chasse et des hélicoptères est très lente. Est-ce par manque de moyens, humains ou financiers ou par inefficience de la chaîne d'entretien ?
Ma première question concerne la fidélisation du personnel militaire de votre service. Le Haut comité pour l'évaluation de la condition militaire ainsi que la Revue stratégique sur la défense et la sécurité nationale soulignent cette problématique, et vous l'avez rappelé, Amiral, en particulier concernant les fusiliers marins qui ont une activité contrainte et routinière. Pour ces postes, une difficulté demeure pour renouveler leur contrat au bout de trois ans. Comment agissez-vous pour y remédier et quelles mesures ont déjà été prises pour confronter les failles de la fidélisation ?
Ma deuxième question porte sur l'augmentation de sous-marins étrangers proches de nos côtes. La navigation sous-marine sur nos côtes bretonnes ne risquerait-elle pas, par exemple, de conduire un jour à une collision avec les Russes, compte tenu de la discrétion des sous-marins russes ?
Ma question concerne les crédits de la politique immobilière qui sont en augmentation sur 2018 (soit 30 % en PLF 2018), et qui doivent permettre l'accompagnement de programmes majeurs tels que le SNA Barracuda. Qu'en attendez-vous pour l'amélioration des conditions de vie et d'hébergement des marins liés à cette opération et de leurs familles ?
Là encore, Monsieur le Président, je me ferai le porte-parole d'un de nos collègues, M. Pascal Allizard, excusé ce matin, pour poser la question sur le programme pour lequel nous sommes co-rapporteurs. Pour rappel, le programme 144 concerne toutes les études amont qui relèvent d'une dimension d'anticipation. En ce qui concerne la marine, elles visent surtout à préparer les futurs bâtiments de premier rang et les évolutions des systèmes en service, ainsi notamment que la lutte en surface et sous la mer (dans ses aspects de détection, contre-mesures, lutte anti-torpilles, etc.). Font l'objet de ces études, à la fois, l'architecture des plateformes, les systèmes de combat, les radars et sonars dont vous avez souligné tout à l'heure l'excellence dans la lutte dans laquelle vous deviez vous livrer en cas d'approche de bâtiments qu'on souhaiterait voir le plus loin possible de nos côtes.
Amiral, quels sont, à vos yeux, les grands besoins et enjeux opérationnels de demain dans les domaines que je viens de citer ? Qu'en est-il, en particulier, de la cybersécurité des navires et des moyens de guerre électronique parce qu'on sait qu'aujourd'hui, c'est un domaine dans lequel beaucoup de pays étrangers s'adonnent avec un goût particulier et essaient de mettre à mal nos propres moyens.
Ma deuxième question porte sur le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération, après la phase d'étude, on est passé au stade d'élaboration fin 2016 ; sa réalisation pourrait débuter en 2020 avec un objectif d'admission en service actif à l'horizon 2033. On voit donc la longueur entre le moment où l'on étudie et le moment où l'on admet au service actif. Du côté des capacités de construction de Naval Group à Cherbourg, il y a un problème lié au retard pris dans l'exécution du programme Barracuda et de la construction des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA). Ce problème pose une contrainte industrielle, puisqu'il rend indisponibles les installations de construction de Naval Group pour d'autres projets de construction de sous-marins lanceurs d'engins (SNLE). En cas d'indisponibilité prolongée de ces infrastructures, allez-vous être conduits à examiner la possibilité de prolonger l'activité de nos actuels SNLE en service ?
Amiral, mon inquiétude porte sur le futur du programme Batsimar, dont on parle depuis des années, et qui accuse des retards. Il aurait été souhaitable en effet d'avoir ces navires à disposition lors de l'ouragan Irma, par exemple. Quel est votre avis sur le sujet ?
Ma deuxième inquiétude porte sur le projet de construction d'un futur porte-avions : y-a-t-il un calendrier ? Des études sont-elles envisagées sur le projet de l'année prochaine ? Une construction est-elle vraiment prévue, et le cas échéant, ce nouveau porte-avions sera-t-il le petit-frère ou bien le fils du Charles-de-Gaulle ?
Amiral, je vous remercie pour vos propos concis et précis. Nous le savons, les commandos de marine sont présents sur de nombreux théâtres d'opération. Le PLF 2018 et la part consacrée aux Forces Spéciales de la Marine nationale vont-ils vous permettre de maintenir en condition opérationnelle votre personnel et votre matériel et surtout de disposer de personnel en nombre suffisant formé pour faire face au niveau actuel d'engagement ?
Première question portant sur les mesures prises pour faire valoir notre souveraineté. Comme vous l'avez rappelé, la zone à couvrir, de près de 11 millions de km2, correspond à la surface des Etats-Unis et du Mexique réunis. Est-ce que tout le monde sait ce qui se trouve sous le territoire des Etats-Unis et du Mexique réunis ? Non. De la même manière, on ignore tout ce que recouvrent nos 11 millions de km2 maritimes, en termes de richesse notamment. En premier lieu, il s'agit de contrôler ce qui se passe dans nos zones. Or nous avons bel et bien baissé la garde sur ce contrôle. Nous avons fait des paris depuis 10 ans en prolongeant nos bâtiments de souveraineté, comme le BATRAL Dumont-d'Urville aux Antilles, que nous avons dû désarmer cet été après l'avoir déjà prolongé trois fois.. Je suis l'avocat d'un retour à la situation que nous connaissions depuis 1982, lors de l'adoption de la convention de Montego Bay et de la reconnaissance des Zones Economiques Exclusives (ZEE), à savoir disposer dans nos départements et territoires d'outre-mer de deux patrouilleurs, d'un bâtiment logistique (le B2M) et d'une frégate de surveillance pour naviguer un peu plus loin. L'année prochaine, le dernier B2M, destiné aux Antilles, sera livré. On sera alors bien équipé pour la partie logistique, mais il faudra absolument accélérer le renouvellement du programme des patrouilleurs. A ce sujet, la marine attendait initialement un programme intitulé Batsimar qui consistait à remplacer les patrouilleurs outre-mer - ceux-ci s'assurent par exemple que les bâtiments de pêche vietnamiens qui pillent la zone économique de Nouvelle-Calédonie soient détectés, interceptés, et arraisonnés - ainsi que les patrouilleurs métropolitains qui participent par exemple à la mission européenne Sophia devant les côtes libyennes mais aussi au transfert de savoir-faire vers nos amis africains dans le Golfe de Guinée. Cela représente un coût important et l'innovation sur laquelle vous m'interrogiez et que je propose consiste à diminuer les spécifications des patrouilleurs outre-mer - leur prix sera probablement divisé par deux - afin d'accélérer le renouvellement de ces bâtiments. Quant aux patrouilleurs métropolitains, ma proposition est de s'en tenir au calendrier et donc à leur remplacement d'ici 2023. Je souligne qu'en matière d'innovation, nous avons un nouveau patrouilleur, l'ASTROLABE, qui vient d'appareiller il y a deux jours depuis la Réunion pour se rendre à Hobart en Tasmanie d'où il assurera la desserte logistique de nos établissements en Antarctique sur la base Dumont-d'Urville en Terre Adélie. C'est une opération originale car ce bateau, qui a été acheté par les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) et l'Institut Paul-Emile-Victor, sera mis en oeuvre par la Marine et alternera six mois par an depuis Hobart pour approvisionner l'Antarctique et six mois par an depuis la Réunion pour patrouiller les TAAF, les îles éparses autour de Madagascar, Kerguelen, Amsterdam et Crozet dans le Grand Sud.
En ce qui concerne les conséquences pour la Marine des annulations de crédits de 850 millions d'euros, la livraison des pods de détection missiles sur les rafales rétrofités F1-F3 est décalée de quelques mois, mais cela n'aura pas d'impact opérationnel. S'agissant des missiles antinavires MER-MER 40, le retard de quelques mois que j'ai accepté aura un impact opérationnel limité. Enfin, il n'y a pas de remise en cause de la date de livraison de la première frégate de taille intermédiaire (FTI) prévue à partir de 2023. Ces retards sont supportables par la Marine et n'auront pas d'impact sur la conduite des opérations.
S'agissant du maintien en condition opérationnelle (MCO) naval, pourquoi fonctionne-t-il bien et pourquoi est-il mieux maîtrisé que le MCO aéro ? C'est notamment une question d'organisation. Nous avons créé le service Soutien de la flotte (SSF), placé sous mes ordres mais dirigé par un ingénieur général de l'armement qui possède à la fois une expertise technique et une expertise contractuelle. Pour la première fois, nous allons passer, pour 2018, un contrat d'entretien pluriannuel des FREMM, ce qui permettra de réduire les coûts. Le SSF met en concurrence l'entretien des bâtiments les plus simples, comme les patrouilleurs et les pétroliers.
Pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéro, j'ai des difficultés avec les hélicoptères anciens dont le taux de disponibilité est très faible, de l'ordre de 22 % pour les Lynx. Ce taux est également faible pour les hélicoptères récents comme les NH90, pour lesquels nous avons une multitude de versions et d'interlocuteurs. Quand pour le MCO naval, j'ai un contrat pour les frégates multi-missions (FREMM), j'ai une dizaine de contrats pour les NH90. Il faut donc rationnaliser tout cela. Je constate également une augmentation du coût de l'heure de vol en hélicoptère. En quatre ans, nous sommes passés de 14 000 à 22 000 euros pour les Lynx et de 5 000 à 11 000 euros pour les Alouettes III. Le coût de la maintenance de l'Alouette III va continuer à exploser. Je milite pour leur remplacement anticipé et la location d'hélicoptères en attendant que le programme hélicoptère interarmées léger (HIL) arrive, au milieu des années 2020. Je suis ainsi prêt à louer des hélicoptères civils d'occasion pour faire le travail de liaison entre les bâtiments à la mer, aujourd'hui réalisé par les Alouettes III.
Le nombre de jours de mer annuel est passé de 96 à 99. Pour autant, nous avons des difficultés avec les unités les plus anciennes. La priorité serait de les changer, mais s'il est relativement facile de changer un patrouilleur car beaucoup de chantiers sont capables de construire ce bateau assez simple en un ou deux ans, c'est plus compliqué pour une frégate de premier rang, dont la construction demande six ans, voire dix ans avec la conception. La frégate antiaérienne Cassard est hors d'âge. Sa ligne d'arbres s'est cassée en pleine mer et il y a eu un incendie dans les machines du Jean Bart. Ces bâtiments sont à bout de souffle et doivent être remplacés par de nouvelles frégates de défense aérienne à partir de 2022. Je dois donc prendre des mesures palliatives sur les bateaux les plus anciens pour qu'ils continuent à naviguer en sécurité pour les équipages. Il faut surveiller et réparer les fissures dans les coques et les chaises de lignes d'arbres. On a évalué ce coût à une centaine de millions d'euros dans le projet de loi de programmation militaire. La priorité est d'accueillir des bateaux neufs, mais avec l'étalement des programmes, il faut bien adopter des mesures palliatives. Je n'ai aujourd'hui que quatre frégates de défense aérienne et si j'enlève celles de l'ancienne génération, il ne m'en reste plus que deux.
S'agissant de la fidélisation : selon le rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, 82 % des marins envisageraient de quitter la marine. Parmi ceux-ci, il y a deux types de marins. Les premiers, qui ont acquis une compétence de cyberdéfense, d'électronique, de mécanique ou en énergie nucléaire et qui se disent, après vingt ans passés dans la Marine, qu'il est temps de trouver un emploi à terre. Je les comprends parfaitement et c'est d'ailleurs le modèle « Ressources Humaines » de la Marine, car « une marine de vieux » ne peut pas fonctionner. Sur un bateau, on fait les « 3x8 » ou les « 2x12 », c'est passionnant mais c'est usant. Le départ de marins qui ont travaillé vingt ans dans la Marine est donc sain. Avec une formation professionnelle de 23 jours par an, ils ont acquis une autonomie, une compétence technique et une capacité de travailler en équipe qui sont très recherchées. Les seconds sont des gens qui se disent que la Marine n'est pas faite pour eux. Il faut donc recruter des gens qui ne s'engagent pas sur un coup de tête mais avec un projet réfléchi. Je veux donc multiplier les partenariats avec l'Education nationale, avec les lycées professionnels, les BTS. Nous avons une soixantaine de partenariats pour permettre aux jeunes de faire leur stage professionnalisant dans la Marine. Il faut aussi que les jeunes viennent dans la Marine comme réservistes pour mieux la connaître puis faire un choix d'engagement raisonné. Pour certains jeunes de dix-huit ans, l'obstacle est la coupure numérique qu'ils ont du mal à supporter. Il y a aussi des métiers difficiles. Par exemple, les fusiliers marins, chargés de la protection des emprises, ont l'impression de faire un métier routinier. C'est ma responsabilité donc de diversifier leurs activités. Je veux les envoyer faire de la protection de navires civils, comme on l'a fait pendant longtemps sur les thoniers dans l'océan Indien et sur les câbliers dans les zones dangereuses. Depuis l'été dernier, nous protégeons les navires à passagers. Cette diversification suppose préalablement que j'aie augmenté les effectifs. En 2019, j'espère atteindre un nombre suffisant de fusiliers marins pour pouvoir varier leurs activités de protection.
S'agissant du programme 212, j'ai trois besoins en matière d'infrastructures. Premièrement, l'accueil des unités nouvelles : les structures d'accueil du Barracuda doivent répondre à de nouveaux critères de sûreté nucléaire qui tiennent compte du retour d'expérience de la catastrophe de Fukushima, l'accueil des FREMM exige des quais qui répondent à leurs besoins en alimentation électrique et de ravitaillement. Deuxièmement, les infrastructures portuaires militaires de la Marine datent du plan Marshall : les réseaux d'eau fuient, les stations électriques doivent être remplacées et les stations de pompage des bassins sont en cours de renouvellement. Tout doit être remplacé au même moment. Nous réalisons actuellement de gros investissements dans les ports de Brest, Toulon et l'Ile-Longue. Troisièmement, l'hébergement des jeunes marins : l'effort commencé il y a deux ans doit être poursuivi pendant encore plusieurs années. A Brest et à Lorient, sur les 4 000 marins que je dois loger, la moitié est mal logée, dans des chambres à six, sans wifi et avec un caisson en guise d'armoire. Un internat de collège ne pourrait pas loger des élèves dans ces conditions. Il y a un gros effort à faire sur plusieurs années. Tout cela est identifié et fait l'objet de plans d'infrastructures dans nos grands ports.
S'agissant des études amont, parmi les grands sujets, nous étudions les drones sous-marins pour la guerre des mines et les drones aériens. Nous avons commencé des expérimentations, mais il faudra aller plus loin avec des drones à décollage et à appontage verticaux que l'on pourra équiper de radars et d'électronique. S'agissant de l'espace cyber, nous avons pris conscience des menaces. Nos futures unités, comme les frégates de taille intermédiaires (FTI), seront « cyberprotégées » dès l'origine mais il faudra construire des « cyberbarrières » pour les bâtiments plus anciens. Nous nous y employons avec les industriels et les chercheurs. L'Ecole navale vient d'ouvrir une chaire de cyberdéfense maritime. Un autre sujet majeur est la défense antimissile : nous assistons à une prolifération des missiles, y compris au sein de groupes armés non étatiques. Ces missiles ont une capacité de pénétration de plus en plus importante et sont pour certains hypervéloces. Il faudra pouvoir les détecter et les intercepter. C'est un des grands sujets de la prochaine décennie. Je pense que nous ne sommes pas loin du jour où un missile antinavire sera tiré contre un bâtiment français et il est de ma responsabilité que ce bâtiment soit alors bien équipé pour y faire face. Enfin, nous devons développer les moyens de traiter de manière automatique les centaines de millions de données récoltées dans le domaine maritime.
S'agissant des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), nous prévoyons toujours un lancement de réalisation de la troisième génération en 2020 pour admission au service actif dans les années 2030. Vous avez parfaitement souligné les enjeux du séquençage. Il nous faut absolument six sous-marins nucléaires d'attaque de classe « Barracuda ». En 2017, les six sous-marins nucléaires d'attaque de génération actuelle, type « Rubis », ont effectué 1 000 jours de mer, soit en fait 200 jours pour cinq sous-marins (l'un d'eux est toujours en grand carénage). J'en profite pour souligner que ce résultat traduit à la fois la pression opérationnelle que nous subissons et l'excellence des acteurs de l'entretien des sous-marins qui permettent cette disponibilité très élevée. Ces six « Barracuda » sont indispensables et, malgré les difficultés actuelles sur les premiers de série, l'industriel m'assure du respect du calendrier des dernières livraisons. Dans ce cadre, nous réfléchissons à prolonger la durée de vie du sous-marin de première génération Rubis, dont le retrait avait été envisagé à l'été 2017.
Sur la question du porte-avions, il me semble que c'est un outil militaire de première importance et un outil politique majeur pour notre pays. C'est un outil qui sert utilement nos ambitions européennes. Depuis 2000, il a toujours été déployé avec nos alliés. Chaque fois qu'il est intervenu contre Daech, il a été escorté par des bâtiments européens : belges, allemands, britanniques et italiens. C'est donc un agrégateur de volontés politiques européennes. Il me semble que c'est une ambition raisonnable que d'avoir un groupe aéronaval permanent, soit deux porte-avions, comme nous en avons eu jusqu'en 1997. C'est un investissement majeur et vous serez appelé, le moment venu, à donner votre avis sur ce point.
S'agissant des commandos marine, leurs équipements lourds sont en cours de renouvellement, notamment leurs embarcations ECUME qui ont quasiment toutes été renouvelées. Nous travaillons actuellement sur le propulseur sous-marin de troisième génération, un mini sous-marin qui pourra aller sur le dos du Barracuda à partir des années 2020, ce qui nous permettra de retrouver une capacité d'intervention spéciale depuis la mer que nous avions perdue depuis le retrait du service actif des sous-marins classiques de type « Ouessant ».
Comment se fait-il que la Marine chinoise puisse mettre en service le quart de la flotte française chaque année ? Est-ce en raison de la simplicité du matériel utilisé, de son caractère « rudimentaire », ou de l'importance des moyens financiers consacrés à sa conception ?
La Chine dispose d'une économie planifiée et a donc un plan. En matière navale, ce plan s'étale sur la période 2008-2020, et les Chinois y avaient annoncé la montée en puissance que vous mentionnez. Le budget des forces armées chinoises, qui a considérablement augmenté, prévoit un investissement important dans les forces navales. Il y a vingt ans, la Marine chinoise était une marine côtière, puis une Marine qui se cantonnait à des activités de patrouille en mer de Chine méridionale. C'est devenu une marine déployée sur toutes les mers du monde : en juillet dernier, durant une semaine environ, il y avait, en Méditerranée, plus de navires de combat chinois que de navires de combat français. Leurs unités de combat ne sont pas encore aussi sophistiquées que les nôtres mais ce sera le cas dans les vingt ans qui viennent.
Je profite des quelques minutes qu'il nous reste pour rebondir sur ce que vous avez dit concernant le successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle. Dans le contexte du projet de loi de finances 2018, j'aurais aimé avoir une idée des financements à prévoir car si vous êtes sur une mise en service d'ici 2030, il faut y réfléchir dès maintenant. Je me faisais l'idée de trois années d'étude moyennant 100 millions d'euros d'investissement par an, puis d'une dizaine d'années de construction moyennant 400 millions d'euros annuels soit 20 km de lignes TGV par an, comparaison que j'avais indiquée dans ma tribune publiée dans Le Figaro. Cet ordre de grandeur vous parait-il juste ? Et s'il faut construire deux porte-avions, faudra-t-il construire les deux en même temps, ou bien faire un tuilage avec le Charles-de-Gaulle dont la Ministre des Armées a indiqué hier qu'il pourrait avoir une fin de vie d'ici à 2040, voire 2038. Personnellement, je pense que ce sera en 2050.
J'aimerais avoir également une idée du calendrier.
Votre ordre de grandeur financier me parait réaliste. Concernant le tuilage, il faut d'abord se poser la question suivante : que voulons-nous ? Avons-nous l'ambition de revenir à la situation dans laquelle nous étions entre 1960 et 1997 avec un porte-avions disponible en permanence, soit deux porte-avions en parc, deux équipages et un groupe aérien, ambition raisonnable qui a un sens politique et stratégique, ou bien avons-nous l'ambition plus modeste de renouveler le Charles-de-Gaulle ? Pour faire simple, si on vise un nouveau porte-avions en 2030, sur la base de la conception de ce premier porte-avions, un deuxième pourrait suivre quelques années plus tard, pour remplacer le Charles-de-Gaulle. Ces nouveaux bâtiments seraient construits dans la forme Joubert de STX à Saint-Nazaire, seul endroit en France où l'on peut construire des bâtiments de plus de 10 000 tonnes.
Mon Général, c'est la seconde fois depuis votre désignation comme Directeur général de la gendarmerie nationale, le 1er septembre 2016, que nous avons le plaisir de vous recevoir.
Avant de commencer, je voulais vous faire part de notre sympathie dans la regrettable polémique qui vient d'éclater au sujet d'une enquête en cours. Nous voulons nous redire notre confiance et notre amitié.
Vous savez à quel point notre commission reste attachée à la Gendarmerie nationale, même depuis qu'elle relève pour son emploi du ministère de l'intérieur et non plus de celui chargé de la défense. En effet, ses personnels restent en majorité des militaires et c'est ce qui constitue, malgré des velléités de rapprochement qui tendent parfois à omettre cette spécificité indispensable, sa principale différence avec l'autre force de sécurité intérieure, la police nationale. En outre, la Gendarmerie remplit également des missions militaires, il est vrai minoritaires dans son activité globale, mais qui nous intéressent tout particulièrement.
Cette audition nous permettra de faire le point sur la menace terroriste et sur le rôle joué par la gendarmerie nationale dans l'analyse de cette menace présente sur la plus grande partie du territoire national. La gendarmerie a perfectionné au cours des dernières années l'organisation de sa fonction « renseignement » pour mieux capter les « signaux faibles » de la radicalisation. Outre le rôle de renseignement assumé par toutes les unités, il existe désormais 73 « antennes du renseignement territorial » (ART) qui regroupent 150 gendarmes. Cette organisation a-t-elle permis de mieux déceler les phénomènes de radicalisation ? Existe-t-il un véritable continuum entre gendarmerie et police, entre le renseignement capté sur le terrain et le travail des services spécialisés, permettant de faire circuler l'information de manière fluide jusqu'au service le mieux à même d'y donner les suites les plus adaptées ? Nous savons que cela n'a pas toujours été le cas par le passé.
En ce qui concerne l'activité de la gendarmerie, nous sommes naturellement préoccupés par l'application de la directive européenne « Temps de travail ». Pourriez-vous faire le point sur les quelque 6 000 ETP qu'a déjà couté cette mise en oeuvre, et sur la suite ?
La gendarmerie travaille également sur une modernisation permanente de la gendarmerie et de ses outils informatiques. Celle-ci permet d'abord d'accroître la productivité des personnels, mais aussi de les décharger en partie des taches les plus répétitives au profit de celles qui ont du sens. Quelles sont les principales évolutions en cours dans ce domaine ? Les crédits prévus au programme gendarmerie nationale pour 2018 permettront-ils de poursuivre cet effort ?
Enfin, nous avions été très attentifs l'année dernière à l'annonce de l'expérimentation des Brigades territoriales de contact (BTC) qui doivent permettre de revitaliser le lien entre les gendarmes et les citoyens et à associer davantage les élus à l'action de la gendarmerie dans les territoires. Où en est cette expérimentation et se poursuivra-t-elle en 2018 ?
Je vous laisse à présent la parole pour nous présenter les principaux axes du budget de la gendarmerie pour 2018, avant de la passer à nos rapporteurs, Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, puis à l'ensemble des membres de la commission.
Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'inviter à échanger avec vous sur le budget de la gendarmerie nationale, ainsi que sur les priorités qui sont les siennes. Je souhaitais également vous remercier pour le soutien de l'ensemble de la commission à l'égard des enquêteurs mis en cause dans une affaire récente. Dans cette dernière, je pense d'abord à l'enfant : nous travaillons et nous nous mobilisons pour elle. C'est un travail d'importance, associant de nombreux enquêteurs, mais aussi une communauté locale et des citoyens qui ont participé aux recherches. Je souhaite remettre au centre du débat le plus important : cette enfant et la manifestation de la vérité.
Les priorités de la gendarmerie nationale sont influencées par la menace terroriste. Cette dernière a impacté nos modes de fonctionnement et d'action. Toutefois, elle n'efface pas le reste de l'activité, notamment celle concernant la délinquance quotidienne, comme la lutte contre les cambriolages, ou encore l'insécurité routière. Il nous faut intégrer dans un spectre plus large l'ensemble des menaces de manière à pouvoir y faire face. Afin d'assurer la sécurité des citoyens, notre action s'articule autour de trois points : la sécurité des personnes, celle des biens, et enfin la sécurité numérique et des données.
La sécurité des personnes est la mission la plus classique : elle renvoie à la fois à la menace de la délinquance, mais aussi à la menace terroriste. Or, nous sommes confrontés aujourd'hui à un terrorisme qualifié de « low-cost » : parfois il se sert d'armes sophistiqués, ou d'explosifs, mais aussi d'armes du quotidien. Ce terrorisme est présent sur la totalité de notre territoire et doit être pris en compte. Nous avons évolué à la fois au plan ministériel et dans l'organisation de la gendarmerie nationale.
Au plan ministériel, tout d'abord, une capacité d'intervention partagée a été mise en place et un schéma national d'intervention a été élaboré, dans lequel s'inscrivent les grandes forces d'intervention : le RAID pour la police nationale, la BRI pour la préfecture de police, le GIGN pour la gendarmerie nationale.
Les antennes régionales de ces différentes forces ont également évolué. On a remplacé le principe de la compétence territoriale par le principe de proximité. Il y a quelques années, le GIGN intervenait dans les zones de gendarmerie, le RAID dans celle de la police. Aujourd'hui, la synectique rapide des attentats et des crises nous obligent à remettre en cause cette dichotomie. Désormais, l'unité la plus proche, quel que soit sa zone de compétence, intervient sur l'évènement qui a lieu. Cela représente un changement majeur dans le fonctionnement des forces d'intervention.
Nous avons également durci la capacité d'intervention et de protection de nos unités territoriales. Aujourd'hui, n'importe quelle patrouille, comme nos camarades des armées, peut se retrouver confronter à une action terroriste. Nous devons mettre en place des dispositifs de protection individuelle, mais aussi collective, notamment grâce à des véhicules davantage renforcés. Dans les unités, la capacité de riposte a été augmentée. Je pense notamment à l'instauration de PSIG (peloton d'intervention et de surveillance de la gendarmerie) durcis dits « PSIG-Sabre » dans chaque compagnie territoriale - nous en avons 450 en tout. Nous avons transformé un tiers des PSIG en PSIG-Sabre, comportant un plus grand nombre de professionnels, des moyens offensifs et défensifs plus importants, et une plus grande mobilité. Ce plan, qui doit s'achever en 2018, doit permettre, via l'existence de 150 PSIG-Sabre de répondre sur tout le territoire à une menace terroriste, dans un délai de 20 minutes - délai fixé par le Ministre de l'Intérieur.
Nous avons également travaillé en matière de renseignement, qui est un point central dans la lutte contre le terrorisme. Les unités territoriales effectuent un travail de recherche d'informations. Elles se nourrissent des contacts avec les personnels actifs, mais aussi avec les réservistes mobilisés ou non. Cette information est ensuite remontée au niveau de la gendarmerie départementale, mais aussi du service départemental de renseignement territorial. Celui-ci est un service partagé regroupant militaires de gendarmerie et fonctionnaires de police. Les informations sont ensuite travaillées, analysées, et transformées en renseignement. Aujourd'hui, la gendarmerie représente 10 % des effectifs du renseignement territorial.
Les signaux faibles collectés sur le terrain par les gendarmes et la sécurité publique et traduits en renseignement sont transmis au niveau central - à la direction générale de la sécurité intérieure si la menace est précise, laquelle procède aux actions nécessaires afin de la neutraliser. Le domaine du renseignement a fait l'objet depuis quelques années d'une évolution majeure. En effet, il y a encore peu, étaient juxtaposées la chaîne de renseignement de la police nationale et celle de la gendarmerie. Aujourd'hui, nous avons une chaîne partagée, jusqu'au plus haut niveau des structures et institutions, permettant la production de renseignements communs.
La menace terroriste n'est pas la seule, s'agissant des menaces contre les personnes et les biens. Nous avons également la délinquance quotidienne, dite de masse. Les cambriolages sont ainsi en augmentation régulière due à un double effet : la délinquance de proximité, d'opportunité, qui est aujourd'hui minoritaire ; et une délinquance organisée, majoritaire, avec souvent une structure pyramidale et commandée de l'étranger. Elle investit une région ou un département et progresse ensuite de manière quasi-militaire. Nous avons démantelé un certain nombre d'organisations, avec des donneurs d'ordre se situant à l'étranger, des structures d'encadrement sur le terrain national et régional, puis des cadres de contact et enfin, des hommes et des femmes de main. Ce sont d'ailleurs souvent des mineurs, ce qui pose des problèmes juridiques, par exemple pour la mise sous écrou. Ces mineurs sont aujourd'hui formés pour commettre des actes de délinquance, avec des objectifs journaliers de résultat. Sur ces phénomènes délinquants, nous travaillons en lien avec l'office central de lutte contre la délinquance itinérante qui est un organe conjoint police/gendarmerie nationale. Nous faisons également appel au service central du renseignement criminel, qui agrège la totalité des données et des modes opératoires, ainsi que toutes les procédures établies pour détecter l'existence d'un tel phénomène dans une zone. Ces outils permettent une analyse de situation extrêmement importante que nous souhaitons développer. Ils nous permettent en effet d'avoir une connaissance sur les phénomènes d'aujourd'hui, mais surtout de prévoir ceux de demain. Ce qui est en jeu, c'est la prédictibilité des lieux de délinquance. Ainsi, en Aquitaine, nous sommes actuellement en train de travailler sur la capacité à prévoir l'occurrence de tels phénomènes. La totalité des données en matière de délinquance et de criminalité ont été intégrée à une application, tout comme celles relatives à la météo, ou encore les données socio-économiques, et économiques. Pour l'instant, nous nous concentrons sur les cambriolages, afin d'affiner la méthodologie. Bien évidemment, ce n'est pas une science exacte, mais cet instrument doit nous permettre de nous aider et d'orienter les patrouilles.
Ainsi, à partir d'un phénomène existant, celui de l'atteinte aux biens, nous modernisons la gendarmerie nationale. La modernisation est désormais inscrite dans nos réflexions et nos modes d'actions.
La sécurité des biens est aussi celle de la sécurité des échanges sur notre territoire. Il y a une importante circulation de valeurs, notamment à l'approche des fêtes, avec des chargements importants. Il était essentiel pour nous de réfléchir à sécuriser ces mobilités. C'est un axe stratégique important pour assurer la sécurité des citoyens qui circulent, dans les transports publics notamment dans et en dehors des métropoles, ainsi que celles des frets sensibles. Nous nous sommes rapprochés des opérateurs qui procédaient déjà à une géolocalisation de leurs cargaisons, par exemple les cargaisons de tabac. Il est important pour nous d'agréger ces données et de se faire communiquer le plus rapidement possible les alertes lorsqu'il y a un incident. A partir de celle-ci, nous pouvons alors alerter la patrouille la plus proche.
Nous développons en ce moment le dispositif NÉOGEND : d'ici la fin de l'année 2017, nous allons attribuer à chaque gendarme départemental une tablette ou un smartphone, qui comprend la totalité des outils métiers existants. Pour ainsi dire, le gendarme amènera son bureau avec lui sur le terrain. Il aura accès à sa messagerie opérationnelle, à sa documentation, à l'ensemble des fichiers existants auxquels il est habilité à accéder. Cet outil est déjà en place à titre expérimental dans le département du Nord et dans la région Bourgogne. Le gendarme peut, en prenant une pièce d'identité, interroger immédiatement la totalité des fichiers existants et avoir la réponse en quelques secondes. Auparavant, il fallait à chaque fois interroger un à un les fichiers. Cela permet un important gain de temps. Ainsi, un bus de 45 personnes pourra désormais être contrôlé en une vingtaine de minutes, contre deux heures aujourd'hui. D'autres facilités ou applications pourront être intégrées dans ce dispositif, comme le dispositif « tranquillité vacances ». Grâce à la cartographie et sa géolocalisation, le gendarme saura où se trouvent les maisons vides pendant les vacances et à quel endroit il n'a pas été depuis plus de 48 heures. Lorsque la zone est affichée en vert, cela signifie qu'un gendarme y est passé il y a moins de 24 heures ; en rouge, le délai de la dernière visite est de 48 heures ; et en noir, il doit impérativement y aller. NÉOGEND propose une aide au fonctionnement pour rendre un meilleur service public au citoyen.
Nous travaillons sur d'autres applications, notamment sur les procès-verbaux d'accident. Aujourd'hui, ce travail prend une demi-journée, pour faire les photos, les croquis d'accidents. Demain, avec cet outil, les photos seront géolocalisées, intégrées dans une annexe et permettront de faire automatiquement le croquis. Le procès-verbal est donc déjà avancé lorsque le gendarme rentre à la brigade. Une application semblable, GENDNOTE, est déjà utilisée : le gendarme, à l'occasion de ces patrouilles et en contact avec la population, est amené à prendre des déclarations. Jusqu'à présent, il le faisait sur un carnet de notes, qu'il devait ensuite recopier. Aujourd'hui, il peut prendre des notes directement sur son smartphone ou sa tablette, qui sont intégrées dans un logiciel de rédaction de procédure, ainsi que dans les bases. Son procès-verbal est donc prérempli, en intégrant ce qu'il a noté sur le terrain. En outre, cette application permettra d'alimenter les données statistiques. Les évolutions des technologies permettent ainsi de faire évoluer le métier du gendarme.
Cela doit notamment lui permettre d'aller au contact de la population. C'est pour moi un axe majeur. Il faut que la population et les élus voient davantage les gendarmes. Une certaine distance a pu se créer, pour diverses raisons : la volonté de développer les nouvelles technologies, ou encore la création des communautés de brigades, qui a entraîné la dissolution d'un certain nombre d'unités. Ainsi, dans les dix dernières années, près de 600 brigades territoriales ont été dissoutes. De ce fait, on a abandonné certaines parties du territoire, dans lesquelles la gendarmerie continue certes à être présente, mais pas de la même façon. Le moment est venu - et le Ministre de l'Intérieur a validé cette approche - de renforcer le contact avec la population, qui est, à mon sens, l'ADN de notre métier. Le gendarme doit prendre le temps pour aller vers les autres, contacter les élus, les informer de ce qui se passe, échanger avec eux, et surtout recueillir le renseignement. C'est pourquoi, nous avons mis en place depuis le début de l'année une trentaine de brigades de contact, dont la seule mission est d'aller au contact de la population. Elles ont été déchargés de toutes les autres missions, sauf urgence : la police de la route est faite par la brigade motorisée, l'intervention est faite par le PSIG, les accidents sont traités par quelqu'un d'autre,.... Nous avons fait un premier retour d'expérience, à la fois en interne, mais également et surtout sur la façon dont ces nouvelles brigades sont perçues par les élus et la population locale. En effet, la gendarmerie n'existe pas pour elle-même, mais pour la population qu'elle est chargée de protéger. Les retours des élus sont, dans leur quasi-totalité, très positifs. Bien évidemment, il y a des points sur lesquels nous devons travailler. Les gendarmes concernés ont, pour leur part, l'impression de retrouver leur métier. L'objectif pour moi est de poursuivre sur cette lancée, pas forcément en multipliant les brigades de contact, mais en laissant la main à mes commandants de groupement au niveau départemental, afin qu'ils trouvent la solution la plus adaptée au territoire. Ce qui est important est de garder cette idée de contact, mais c'est au niveau local, en liaison avec les commandants d'unités subordonnées que la meilleure solution doit être trouvée. Elle s'intégrera naturellement dans la sécurité du quotidien telle que le Président de la République l'a annoncée récemment. Il y a la même logique de proximité et de retour vers la population.
Enfin, en ce qui concerne la sécurité numérique, nous travaillons avec le service central de surveillance criminelle et le service de lutte contre la cybercriminalité sur le Dark net afin d'identifier et de traquer les infractions. Nous sommes également en relation avec l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, qui est plus spécialement chargé de suivre tous ces phénomènes. Chaque jour, 1,9 million d'atteintes, d'escroqueries de toute nature ont lieu sur internet. C'est une nouvelle criminalité qui se développe à la faveur de ces territoires numériques. Aujourd'hui, il ne viendrait à l'idée de personne de laisser traîner son code de carte bleue sur son bureau. Or, sur internet, on le donne à beaucoup de monde, sans savoir réellement qui est de l'autre côté. Ces nouveaux territoires sont à la fois des opportunités magnifiques, mais aussi des vulnérabilités importantes sur lesquelles nous devons travailler. Les objets connectés représentent également un enjeu important. On peut s'intégrer, pirater un véhicule, qui n'est pour certains aspects qu'un simple ordinateur. Des interférences avec l'ensemble des objets connectés, pour des raisons malveillantes sont également possibles. Nous avons vu récemment, à travers des virus comme WANNA CRY, qu'ils peuvent mettre en jeu la sécurité de nos concitoyens ou bloquer des entreprises. Il nous faut ainsi lutter en permanence contre une criminalité imaginative. C'est la raison pour laquelle j'ai mis en place depuis le 1er mai 2017 une mission numérique, ainsi qu'un conseil scientifique chargé de suivre les évolutions technologiques. Un observatoire central chargé de suivre toutes les nouvelles technologies concernant la sécurité et la délinquance a également été créé.
Enfin, je finirai mon intervention par l'outre-mer. Il y a plusieurs sujets de préoccupations. À Mayotte, nous avons une situation sociale qui conduit à des tensions régulières. Je pense également à la Guyane et aux Antilles où la situation est difficile. En Calédonie, doit être organisé l'année prochaine le référendum d'autodétermination, et nous avons déjà un certain nombre de fermentation, d'agressions, de tirs contre les gendarmes. C'est d'ailleurs l'endroit en France où il y a le plus de tirs directs contre les gendarmes. Aujourd'hui, 25 escadrons sur 109 sont présents en permanence dans les outre-mer. Vous voyez l'importance que j'y attache.
Combien de forces mobiles sont employées comme gardes statiques, au lieu de missions de maintien de l'ordre ? Quel est le dispositif actuel mis en place à Calais ? En outre, compte-tenu des évolutions dans les collectivités, comme la création de communes nouvelles ou le développement des métropoles, comment se passe l'articulation entre la gendarmerie nationale et la police ?
Je tiens tout d'abord à exprimer mon soutien fort à la gendarmerie dans la période que nous traversons depuis les attentats. C'est un métier en constante évolution. Sachez que dans cette période, la gendarmerie fait partie intégrante, essentielle et déterminante de notre vie démocratique et de la protection de notre sécurité.
Ma première question concerne les réservistes, qui sont actuellement au nombre de 28 500. Dans un contexte sécuritaire de plus en plus important, la réserve opérationnelle de la gendarmerie s'affirme. Comment s'effectue cette montée en puissance, qui doit conduire la gendarmerie nationale à disposer de 40 000 réservistes en 2019, avec une emprise quotidienne de 4 000 réservistes l'année prochaine ?
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé une simplification des procédures l'année prochaine. Où en est la réflexion à ce sujet au sein de la gendarmerie nationale ? Avez-vous déjà élaboré une liste de simplifications ou des domaines de simplification qui vous apparaissent souhaitables ?
La loi d'actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015 a créé le régime juridique des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), afin de conformer la législation française à une directive européenne. Pouvez-vous faire le point sur les APNM constituées au sein de la gendarmerie nationale et la manière dont elles peuvent concevoir leurs activités ?
L'étau se resserre en Syrie, la défaite de Daech est proche. Un prochain retour de potentiellement 5 600 djihadistes sur notre territoire est possible. Y-a-t-il au sein de la gendarmerie nationale et au niveau interministériel une réflexion sur le déroulement des prochains mois et années ?
Enfin, pour faire suite à l'intervention de notre président de commission, je vous remercie pour votre hauteur de vue, laquelle considère que le plus important est de retrouver cette enfant. Aujourd'hui, le procureur de Grenoble lance une enquête. Ce n'est pas notre rôle, nous parlementaires, de prendre position. Je soutiens complétement la gendarmerie et je souhaite que, la lumière étant faite, la gendarmerie soit écartée de ce questionnement et de cette accusation. Pour que cela puisse se faire, avez-vous l'intention de diligenter une enquête interne ?
Mes observations rejoignent les vôtres, mon cher collègue ; nous sommes tous attachés au respect du secret de l'instruction, et je pense que la médiatisation de ce genre d'interpellation n'est souhaitable, ni pour le parquet, ni pour la gendarmerie. Je vois le danger d'une mise en cause d'un corps qui ne mérite pas de l'être par les médias, les réseaux sociaux, des gens peu informés. Mon intervention s'arrêtait là. Tout comme vous, je suis attaché au secret de l'instruction, et au respect des familles qui apprennent ces choses par voie de presse, et doivent se poser des questions. Il ne s'agit en aucun cas pour le Parlement de se mêler de cette enquête, mais simplement de rappeler la nécessité de laisser la justice travailler dans la sérénité et d'éviter des interpellations par voie de presse. Les résultats ne sont en général jamais très bons.
Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie. - Les gardes statiques mobilisent environ 1 600 personnels militaires, gendarmes et gardes républicains. Ces derniers ne rentrent pas dans une logique de remise en cause, car leurs missions consistent à garder les palais institutionnels. Nous gardons aujourd'hui encore des emprises diplomatiques, ce qui répond à une protection habituelle de ces bâtiments. Pour Calais, il y a actuellement un escadron et demi qui garde le tunnel sous la Manche. Ce dernier avait été bloqué par un certain nombre de migrants il y a trois ans. 7 escadrons avaient été engagés pour rétablir l'ordre et empêcher l'arrêt des trains. Entretemps, la société Eurotunnel a procédé à d'importants de sécurisation du site. On peut peut-être aujourd'hui s'interroger sur l'évolution du dispositif, qui pourrait peut-être ressortir d'une société de sécurité privée.
Le Président de la République et le ministre de l'Intérieur ont souhaité que nous réfléchissions ensemble à la meilleure manière d'assurer la sécurité du quotidien, à la fois sur des zones bien définies, mais aussi sur l'ensemble du territoire. Pour ce qui relève des zones de gendarmerie nationale, les propositions que j'ai faites visent à intégrer cette sécurité du quotidien à une logique de proximité rapprochée et de présence auprès de notre population. On retrouve ici la fonction contact qui est, pour moi, la déclinaison du dispositif gendarmerie en matière de sécurité du quotidien. Une augmentation ou un report d'effectifs dédiés sont également prévus, et seront possible grâce à l'annonce d'un recrutement de 2 500 gendarmes supplémentaires sur une période de 5 ans. Ceux-ci ont vocation principalement, voire exclusivement, à être consacrés aux unités territoriales. Vous connaissez tous des brigades qui subissent aujourd'hui un déficit d'effectifs. Mon objectif est de renforcer ces dernières en hommes et moyens afin qu'elles puissent remplir leurs missions.
Parallèlement, je vais également proposer la mise en place de deux systèmes. Le premier doit permettre à chaque élu et chaque parlementaire d'avoir un point de contact au sein de sa gendarmerie de proximité. Ce n'est pas forcément le commandant de brigade. Mais je souhaite que chacune et chacun d'entre vous ait un contact privilégié avec un militaire de la gendarmerie. Il en est de même pour les maires, afin qu'ils puissent nous faire part d'un certain nombre d'observations, de questions, et de pouvoir être tenus informés de ce qui se passe dans le département ou la circonscription. Je considère qu'il est légitime que les maires soient informés.
En outre, je souhaite mettre en place l'année prochaine une réunion semestrielle d'une demi-journée, au niveau de l'arrondissement entre les compagnies départementales, les préfets, pour échanger avec les élus et faire le point sur l'action passée de la gendarmerie, mais aussi pour imaginer ensemble les évolutions et adaptations possibles.
La mise en place des communes nouvelles et des métropoles nous concerne. En effet, 20 % des effectifs des métropoles sont des effectifs de gendarmerie. On a ainsi 3 600 militaires de la gendarmerie nationale dans le périmètre des métropoles actuelles ou à venir, hors métropole parisienne. Ces effectifs sont de 14 000 si on y inclut les structures d'état-major et de gendarmerie mobile. Nous devons davantage travailler la coopération opérationnelle avec la police nationale, municipale et la sécurité privée. La métropole représente un état d'esprit, un partenariat élargi qui regroupe l'ensemble des forces en charge de la sécurité. Nous sommes très présents dans certaines métropoles : nos unités représentent 38 % des effectifs de sécurité dans la métropole rennaise. En revanche, nous sommes complétement absent de celle de Nancy. La question des communes nouvelles est plus délicate car elles peuvent regrouper des territoires qui étaient dans des zones de compétences différentes. Dès lors, par texte réglementaire, la commune nouvelle relève de la compétence de la police nationale. Ainsi, si 4 anciennes communes - dont l'une était en zone de police nationale - se regroupent, alors la totalité de la commune nouvelle passe en zone de police nationale. Annecy est une commune nouvelle depuis le 1er janvier 2017 et regroupe la ville centre et la totalité des communes périphériques. Cela représente 54 000 habitants qui étaient jusqu'à présent en zone de gendarmerie nationale et qui se retrouvent en zone de police nationale. Aucun texte n'a prévu la manière dont la gendarmerie nationale devait se retirer de cette zone.
L'une des difficultés de l'outre-mer est de renforcer la présence sur place avec des moyens adaptés. Nous avons 7 escadrons en Guyane, 6 en Calédonie. Depuis deux ans la présence de la gendarmerie a été renforcée à hauteur de 160 ETP et continuera sur cette voie, d'autant plus que la démographie y est dynamique. Toute une logistique est également mise en place en cas de catastrophe majeure. Au côté des autres forces armées, nous avons engagé 5 escadrons à Saint Martin. En outre, les réservistes ont également été mis à contribution. J'ai envoyé il y a une dizaine de jours une compagnie de réservistes volontaires à Saint-Martin, une autre doit partir demain ; Un appel à volontaires pour un séjour de trois mois dans des conditions dégradées a été lancé, et plus de 700 personnes y ont répondu. Les réservistes sont aujourd'hui une composante majeure de la gendarmerie nationale. D'ailleurs, je les compte dans les effectifs. Les premiers retours pour cette mission sont très positifs. Les réservistes font preuve d'un engagement exceptionnel. Cette mission permet également de valoriser le concept de réserve, qui est à inscrire dans la durée.
La cible affichée de disposer de 40 000 réservistes reste en vigueur. Toutefois, elle ne sera pas atteinte en 2019 pour des raisons budgétaires. Je souhaite consolider le dispositif à 30 000 personnes pour l'année prochaine, puis je verrai quelles seront les possibilités militaires pour 2019 et 2020. Le chiffre de 40 000 est un horizon chronologique légèrement différé. Cela dit, disposer de 30 000 réservistes permet d'avoir une empreinte au sol de 3 000 par jour, ce qui est déjà important et mérite d'être maintenu.
Sur la simplification des procédures, le Ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux mènent un travail conjoint, en liaison avec l'ensemble des juridictions. Une consultation nationale entre les ministères a lieu, tout comme au niveau local, à travers les juridictions départementales et les différents services. Nous avons plusieurs pistes de réflexion. Par exemple, il s'agirait de donner une compétence nationale à l'OPJ, afin d'éviter un certain nombre de complexités, lorsqu'il sort de sa circonscription. Le recours à la visio-conférence pourrait être simplifié. On pourrait également réfléchir à l'extension de la forfaitisation pour un certain nombre de délits, routier, mais aussi en matière de consommation de stupéfiants, ou encore à la suppression de l'accord préalable du Procureur de la République pour un certain nombre d'opérations, notamment les réquisitions adressées aux organismes étatiques. Le contrôle pourrait se faire a postériori. Nous travaillons sur l'ensemble de ces sujets avec la chancellerie.
Il existe aujourd'hui deux APNM se réclamant de la gendarmerie, même si, par nature, ces associations sont interarmées : « Gendarmes et citoyens » et Gend21. Gend21 est historiquement la première à avoir été créée. On estime à 600-700 le nombre d'adhérents à celles-ci. Il me paraît important de les intégrer dans le dialogue social, qui est structuré autour de la concertation. Le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie est d'ailleurs un organisme élu et chaque membre a déjà un mandat local. Ils peuvent ainsi prendre le pouls sur le terrain et échanger avec moi sur la meilleure manière d'avancer. Certes nous n'avons pas encore avec les APNM les relations ouvertes, constructives et franches que l'on peut espérer, mais il y a des progrès.
La directive temps de travail suscite un certain nombre de réactions et de réflexions. Nous nous inscrivons dans une logique statutaire pour sa mise en place. Elle a vocation à être analysée sous l'angle du statut militaire qui précise que ce dernier doit être disponible en tout temps et en toute heure. Il appartient ensuite à chaque responsable d'organiser le temps de repos. C'est ce qui a été fait il y a des années, avec la mise en place des permissions, des repos hebdomadaires, ou des 10 heures de récupération de service après un service nocturne. Depuis le 1er septembre 2016, chaque gendarme dispose de 11 heures de repos physiologique par tranche de 24 heures. Cela conduit à une perte de la capacité opérationnelle, représentant 5 % pour les unités territoriales pour les services de jour, 3 % pour les services de nuit, et 12 % pour la gendarmerie mobile. Nous essayons de contrebalancer cet impact par une évolution technologique qui doit nous permettre de gagner du temps par ailleurs. Ainsi, la perte des 6 000 ETP affichée est absorbée par l'institution, afin d'organiser la continuité du service de la gendarmerie nationale qui doit être assuré 24h/24, 365 jours par an. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne souffrons pas de manque d'effectifs. Quant à la suite à donner aux travaux de la Commission européenne, je m'inscris dans ce que fera la ministre des Armées, car s'agissant d'une logique statuaire, c'est à elle de donner le la.
Un travail est actuellement en cours au sujet des Français revenant des théâtres de conflits d'Irak et de Syrie - ce que l'on appelle « les returnees » - sous l'égide du Procureur de la République de Paris, chargé de l'action antiterroriste, et en associant l'ensemble des ministères. Les mineurs nés dans ces territoires est une population extrêmement vulnérable et problématique. Outre les problèmes d'état civil, il s'agit de savoir comment les suivre et les accompagner. Des discussions sont en cours. Pour l'instant, la gendarmerie nationale n'a pas de mission précise en termes de suivi, à l'exception des cas des personnes signalées comme radicalisées.
Le Président de la République a rappelé la semaine dernière lors de son intervention en matière de sécurité que les Français ne supportent plus l'impuissance publique, et a souligné la nécessité de donner aux forces de gendarmerie et de police les moyens de leurs actions et de leur efficacité.
Les communautés de brigade ont certes permis d'assurer une présence minimale sur le territoire, notamment dans les zones rurales, mais n'ont pas réussi à maintenir le lien entre les élus les populations et les forces de gendarmerie. Les brigades territoriales de contact constituent-elles une nouvelle forme de gestion de la pénurie d'effectifs ? En outre, la vague de fermeture de brigades est-elle définitivement derrière nous ?
Je note votre souhait louable de modernisation de la gendarmerie via le plan NÉOGEND.
La menace terroriste est partout, et nos gendarmes peuvent être des cibles. Sont-ils physiquement assez protégés ? Les gilets pare-balles sont-ils suffisants face à des armes de gros calibre ? Que pouvez-vous nous dire sur leurs entraînements dans ce contexte, notamment l'entraînement au tir ? Quel est la fréquence ? Est-ce suffisant ?
Le contact avec la population, que vous aviez érigé l'an dernier comme une priorité, est encore trop difficile à voir sur le terrain pour les élus. Nous ne voyons pas suffisamment les gendarmes, en dehors de quelques passages dans des véhicules. En outre, les maires sont régulièrement informés des interventions réalisées par les SDIS dans leurs communes. Or un système similaire n'a jamais pu être mis en place avec la gendarmerie, alors que nous le réclamons depuis des années. Le travail entre les gendarmes et les maires nécessite une bonne information réciproque de ce qui se passe sur leurs territoires.
Par ailleurs, l'évolution des menaces a pour conséquence des interventions dans un nombre très important de secteurs. Disposez-vous des moyens suffisants pour intervenir dans tous ces domaines ?
En tant que sénateur de l'étranger, je me permets de vous mentionner deux expériences étrangères intéressantes. Au Maroc, la gestion des signaux faibles est d'une grande efficacité. Ainsi à Essaouira, c'est le boulanger qui a prévenu les forces de sécurité lorsqu'il a constaté qu'un client se mettait à commander d'un coup un grand nombre de pains. Les autorités ont découvert un commando prêt à passer à l'action. Avez-vous des contacts avec les autorités marocaines sur ce sujet ?
Par ailleurs, lorsque l'on arrive aux Émirats Arabes Unis, votre visage est scanné et une reconnaissance faciale permet de savoir qui vous êtes grâce à une interconnexion avec les fichiers d'information. Où en sont les réflexions sur le recours à l'intelligence artificielle ?
La vague d'attentats a-t-elle amené la gendarmerie nationale à modifier sa doctrine dans le domaine du renseignement ? De quelle manière ?
Comment faites-vous face à une délinquance particulière présente sur deux sites en France, à savoir à Notre-Dame-des-Landes et sur le site de Bure, à cheval entre la Meuse et la Haute-Marne ? En effet, ce sont des ZADistes, occupant illégalement le terrain, certains pendant une période de quelques heures, d'autres s'installent pour plusieurs semaines ou mois. Quelles consignes avez-vous reçues, et comme agissez-vous ?
Le site de Roybon en Isère est également concerné. Des gens occupent illégalement un terrain appartenant à l'ONF depuis 4 ans.
Enfin, que pensez-vous du transfert des contrôles radars à des sociétés privées ?
Général Richard Lizurey. - Les brigades territoriales de contact sont un signe donné en interne témoignant de la volonté de revenir à notre vrai métier. Toutefois, à un moment donné il faut faire un choix. En effet, nous ne sommes pas capables de tout faire, la polyvalence a ses limites. Certes des directives nationales existent et doivent être appliquées, en ce qui concerne les missions à réaliser. Mais je fais également confiance à l'intelligence locale du commandant d'unité, de compagnie ou de groupement par rapport aux problématiques et menaces locales. J'ai récemment publié une tribune, qui peut laisser perplexe, intitulée « le devoir de désobéir ». En effet, de temps en temps, il faut être capable de remettre en perspective les orientations données par la direction générale de la gendarmerie nationale avec la réalité de son territoire. Les orientations nationales définissent un point moyen, lequel dans les faits n'existe pas.
C'est dans cette idée que s'inscrivent les brigades de contact. Il n'y a pas de plan de poursuite des dissolutions. Toutefois, nous ne nous interdisons pas non plus de procéder à certaines d'entre elles, par exemple lorsque les problèmes immobiliers sont importants. S'il n'y a pas d'autres solutions, et en concertation avec les élus locaux, on procédera alors à des dissolutions. L'idée est de conserver le maillage du territoire tel qu'il est aujourd'hui - soit 3 100 brigades territoriales - pour ne pas créer de désert de sécurité, et pour assurer la présence de la gendarmerie nationale sur la totalité du territoire français.
Nous avons réalisé un investissement important en gilets pare-balles car ils constituent le premier élément de protection de l'individu. Aujourd'hui, chaque gendarme sur le terrain à un gilet pare-balles. En 2017, nous en avons acheté 40 000, autant seront achetés l'année prochaine, notamment pour permettre un remplacement de certains. Certes, nous avons bénéficié depuis deux ans de plusieurs plans de renforcement de matériels et de moyens. Toutefois, je souhaite que l'ensemble des mes réservistes soient également équipés d'un gilet pare-balles individuel.
L'entraînement au tir a également été renforcé. Il y a quelques années, il était de 30 cartouches par an. Nous sommes passés à 60 l'année dernière et je souhaite atteindre 90 cartouches d'instruction. Ce qui est important, ce n'est pas forcément le nombre de cartouches, mais la fréquence d'entraînement. Aussi seront mis en place des dispositifs de simulation de tirs, permettant de développer une habitude de manipulation des armes. Nous travaillons également avec la fédération française de tir et les clubs de tirs locaux afin de permettre aux gendarmes, de s'y entraîner, à titre individuel avec leur arme de service. Mon objectif est de donner à chacun les moyens, mais aussi le temps et l'opportunité de tirer. En effet, le tir fait partie des éléments essentiels de notre métier. Nous sommes sur la voie publique avec une arme, et il est important que les gendarmes sachent s'en servir et à bon escient.
Je remercie M. Perrin pour son retour sur les dysfonctionnements et l'insatisfaction de la population et des élus dans son territoire. Cela nous incite à travailler davantage. J'ai d'ailleurs instauré, dans le cadre de la mission de contact, une formation des personnels. En effet, dans l'esprit de beaucoup, lorsqu'ils sont en patrouille dans leur véhicule, ils sont au contact de la population. Pour moi, une patrouille doit progresser de points en points et à chaque fois descendre de voiture pour aller à la rencontre des gens. 90 heures de formation sur ce point ont été réintégrées dans la formation initiale des gendarmes et officiers.
Nous avons d'excellents contacts avec notre homologue marocain dans de nombreux domaines. Je me rapprocherai de lui pour savoir s'il existe des pratiques intéressantes en matière de recueil des signaux faibles. Dans tous les cas, c'est à nous de former nos personnels au domaine du renseignement pour qu'ils soient attentifs à ces derniers, et sachent quoi faire quand une telle information leur est transmise.
La mise en place des SPIG-Sabre, l'élaboration d'un schéma national d'intervention établissant la capacité du primo-arrivant à agir font partie des modifications apportées pour répondre au terrorisme. En outre, depuis l'année dernière, un dispositif de renseignement instantané du gendarme de base au directeur général a été mis en place. En cas d'attentat, ou de suspicion terroriste, tout gendarme, quel que soit son grade, doit me contacter directement. Je souhaite avoir l'information dans les dix minutes, concernant tout évènement de nature terroriste. Cela me permet d'avoir des informations directement de la patrouille sur le terrain, de pouvoir en rendre compte au Ministre, et de pouvoir organiser les renforts.
Les consignes reçues face aux ZAD sont simples. Il faut appliquer la loi de la République. Toutefois, cela doit être mis en accord avec le principe de droit administratif selon lequel l'intervention ne doit pas créer un problème plus important que le problème initial. A Notre-Dame-des-Landes, dès lors que l'on constate des actes de délinquance ou de criminalité, nous conduisons des enquêtes et procédons à une mise en cause. Par contre, à ce stade, nous n'entrons pas dans la ZAD, afin de ne pas créer une logique de confrontation. A Bure, la situation est différente, car les personnes contestataires sont chez elles. La capacité juridique est donc plus limitée. Mais nous conduisons également des enquêtes en cas de délinquance et délit, comme le récent incendie d'un hôtel-restaurant. Nous faisons ainsi notre travail qui est de réprimer les infractions et d'interpeller leurs auteurs.
Enfin, je souhaite préciser que lorsqu'une infraction routière est constatée, ceci est le résultat d'un processus. Ce n'est pas le gendarme dans la voiture équipée d'un radar qui constate l'infraction, mais l'OPJ situé au CACIR à Rennes, qui valide l'infraction - ou non. Le radar est ainsi un simple outil de photographie. Les informations numérisées sur le terrain sont envoyées par flux informatique au CASIR où des OPJ doivent valider le message d'infraction qui se transforme alors en avis de contravention. A titre personnel, le remplacement des gendarmes et policiers dans ces missions de surveillance routière me permettrait de dégager des forces pour remplir d'autres missions relevant de la sécurité au quotidien.
Après vérification, le nombre de gilets pare-balles est de 4 000 et non pas de 40 000 comme annoncé précédemment.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de transport aérien, signé en juin 2011, qui a pour objet d'étendre, à l'Islande et à la Norvège, l'accord de transport aérien transatlantique signé en avril 2007 entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis, d'autre part, ainsi que le protocole, signé en juin 2010, qui l'amende.
À titre liminaire, je vous indique que l'accord de 2007 est appliqué à titre provisoire depuis mars 2008 et qu'il devrait entrer en vigueur formellement dans les prochains mois. La France, quant à elle, l'a ratifié en 2008. Le protocole de 2010 n'est pas non plus en vigueur car il manque encore la ratification de 3 États membres (Autriche, Italie et Lituanie). La France l'applique à titre provisoire depuis novembre 2014, date à laquelle le Parlement a autorisé sa ratification.
Tout d'abord, un petit rappel sur l'accord de transport aérien transatlantique de 2007 qui sera étendu à l'Islande et la Norvège par le présent accord : il fait suite aux arrêts dits de « Ciel ouvert » de la Cour de justice de l'Union européenne de 2002, relatifs à des accords aériens bilatéraux concernant 8 États membres (Royaume-Uni, Danemark, Suède, Finlande, Belgique, Luxembourg, Autriche, Allemagne) et les États-Unis. En 2003, prenant acte de ces arrêts, la Commission a reçu mandat pour négocier un accord avec les États-Unis visant à établir « un espace aérien sans frontière » avec l'Union européenne, qui remplacerait les accords bilatéraux des États membres. En avril 2007, les parties concernées ont signé l'accord aérien transatlantique qui contenait une clause prévoyant des « Négociations en vue d'une seconde étape ». Le protocole signé en juin 2010, est le fruit de ces nouvelles négociations.
L'accord aérien transatlantique de 2007 libéralise les services aériens transatlantiques en prévoyant une ouverture totale des liaisons transatlantiques aux compagnies aériennes européennes et américaines. Il permet principalement aux transporteurs aériens européens et américains de déterminer librement leurs tarifs et d'exploiter les routes internationales entre l'Union européenne et les États-Unis (droits dits de 3ème et 4ème libertés, selon la nomenclature de l'Organisation de l'aviation civile internationale, OACI) et les routes au-delà de l'Union européenne et des États-Unis (droits de 5ème liberté), sans aucune limitation sur le nombre de routes, sur la fréquence de services, sur la capacité des appareils. S'agissant du transport de fret, il les autorise à exploiter des routes déconnectées de leur territoire d'origine (droits dits de 7ème liberté).
Le bilan de la mise en oeuvre de cet accord de 2007 montre qu'il n'a pas révolutionné un marché déjà ouvert et fortement concurrentiel. On peut donc raisonnablement penser que son extension à l'Islande et la Norvège ne le fera pas davantage. Ainsi entre 2007 et 2016, le trafic passager entre l'Union européenne à 27 et les États-Unis est passé de 52 millions de passagers à 56 millions, soit une progression de moins de 9 %, tandis que le trafic entre la France et les États-Unis est passé de 6 millions de passagers à 7 millions. Il faut ajouter que l'opportunité offerte par l'accord de 2007 à n'importe quelle compagnie européenne de desservir les États-Unis au départ de n'importe quel aéroport européen n'a été que très peu utilisée et s'est généralement soldée par des échecs économiques, comme les tentatives de la compagnie Air France au départ de Londres.
Compte tenu de leurs liens avec l'Union européenne, l'Islande et la Norvège apparaissent comme des candidats naturels à cette extension, prévue dès l'origine, en vue de « maximiser les avantages pour les consommateurs, les transporteurs aériens, les travailleurs et les populations des deux côtés de l'Atlantique ». En effet, il s'agit de deux membres de l'Espace économique européen (EEE), qui appliquent déjà, à ce titre, l'ensemble de la réglementation européenne afférente au secteur du transport aérien. En contrepartie, les transporteurs aériens islandais et norvégiens sont considérés, à l'égard du marché intérieur, comme des transporteurs européens et bénéficient des mêmes droits. Ces deux pays ont demandé à adhérer à l'accord de 2007 dès sa signature et le comité mixte composé des représentants des parties a formulé, en novembre 2010, une proposition comprenant le présent accord d'extension.
Composé de 6 articles, d'une annexe contenant les adaptations nécessaires à l'application de de l'accord de 2007 à l'Islande et à la Norvège et de trois échanges de lettres authentifiant la version française, le présent accord d'extension prévoit, à titre principal que, sous réserve des adaptations nécessaires, l'accord de 2007 s'applique à ces deux pays « comme si ces pays étaient des États membres de l'Union européenne » avec les mêmes droits et obligations. En conséquence, les transporteurs aériens européens, islandais, norvégiens et américains pourront proposer des vols entre tout aéroport situé sur le territoire de l'Union européenne, de l'Islande et de la Norvège, d'une part, et tout aéroport du territoire des États-Unis d'Amérique, d'autre part, et ces vols seront traités de manière uniforme dans un cadre règlementaire harmonisé.
Le présent accord d'extension ouvre de nouveaux marchés, dont l'intérêt est cependant limité pour les compagnies aériennes régulières de l'Union européenne. En effet, ces deux pays n'offrent pas de véritables opportunités en raison, d'une part, de leur faible population - l'Islande ne compte que 330 000 habitants et la Norvège un peu plus de 5 millions - et d'autre part, de l'existence de transporteurs aériens solides dans ces deux pays. Pour l'Islande, il s'agit de la compagnie régulière Icelandair et la compagnie à bas coût Wow air qui relient, via leur hub de Reykjavik, l'Europe au Canada et aux Etats-Unis. Pour la Norvège, il s'agit du transporteur aérien régulier, Scandinavian Airline System (SAS) et de la compagnie à bas coût Norwegian, la troisième en Europe en termes de passagers transportés. En revanche, les transporteurs aériens de ces deux pays auront accès au marché européen de 500 millions de consommateurs potentiels mais cela devrait avoir un impact économique relativement limité. En effet, la compagnie Norwegian n'a pas attendu pour développer un réseau de liaisons transatlantiques au départ de plusieurs États membres, notamment l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Elle a ainsi créé deux filiales dans l'Union européenne, Norwegian Air International (NAI) en Irlande, et Norwegian Air UK (NUK) au Royaume-Uni, qui sont considérées comme des transporteurs européens car titulaires d'une licence de transporteur aérien délivrée par un État membre. En France, Norwegian a implanté, en 2016, une base à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle avec deux avions desservant Fort-Lauderdale (Miami), Los Angeles, New-York et Orlando et exploite, depuis l'hiver 2015-2016, avec sa filiale NAI, ses liaisons saisonnières entre les Antilles françaises et les États-Unis avec un succès considérable. Ajoutons qu'en matière d'investissements, le présent accord présente l'avantage de permettre à des intérêts européens d'investir dans des compagnies aériennes islandaises et norvégiennes, sans perdre pour autant les droits de trafic sur les marchés transatlantiques.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, d'autant que le présent accord d'extension ne requiert aucune modification du droit interne français. Au 1er septembre 2017, 14 États membres avaient notifié l'accomplissement de leurs procédures internes de ratification.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 9 novembre 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Je précise à nos nouveaux collègues qu'ils sont appelés à rencontrer souvent cette procédure d'examen en forme simplifiée pour les conventions internationales. D'ailleurs, c'est une formule qui va se généraliser dans les autres commissions pour les textes de nature technique, afin d'alléger l'ordre du jour de la séance publique. Bientôt les textes techniques seront examinés en commission et le vote de la commission vaudra approbation du Sénat. Il sera toutefois toujours possible d'examiner les textes ou les conventions les plus importants selon la procédure normale dans l'hémicycle, comme le protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro. Par ailleurs, le volume des conventions internationales à examiner chaque année est très important et il faudrait pouvoir accélérer le rythme. C'est un problème sur lequel je réfléchis avec la présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.
Je souhaiterais savoir si le présent accord aura des incidences sur notre compagnie aérienne nationale.
C'est un marché de libre concurrence et il y a toujours des incidences possibles. Pour l'instant, c'est difficile à dire.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
- Présidence de M. Cédric Perrin, vice-président -
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification de deux protocoles relatifs à la sécurité maritime.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, l'assemblée générale de l'Organisation maritime internationale a souhaité réviser les textes relevant de sa compétence et visant à prévenir et réprimer le terrorisme en mer ainsi que la prolifération. À ce titre, deux instruments ont été actualisés :
- d'une part la convention SUA - S.U.A. pour Suppression of Unlawful Acts, qui signifie en français « Répression d'actes illicites » - signée en 1988 et relative à la sécurité de la navigation maritime ;
- et d'autre part le « protocole » SUA, signé la même année et qui concerne la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.
Les deux traités qui nous sont soumis aujourd'hui ont été adoptés en octobre 2005 et signés par la France en février 2006. Ils sont entrés en vigueur quelques années plus tard, en juillet 2010, lorsqu'un nombre suffisant d'États les a ratifiés. À ce jour, quarante et un États sont parties à la convention SUA et trente-cinq sont parties au protocole SUA, mais toujours pas la France, qui possède pourtant le deuxième domaine maritime au monde avec environ 11 millions de kilomètres carrés.
Le contexte international et la menace terroriste qui pèse depuis plusieurs années sur notre pays et ses intérêts, plaidaient en faveur d'une ratification plus rapide de ces traités.
Je commencerai tout d'abord par vous présenter les principaux apports de la convention SUA de 2005 par rapport à sa version antérieure.
Tout d'abord, le champ des infractions a été étendu aux actes à caractère terroriste, c'est-à-dire des actes qui, - je cite - « par [leur] nature ou [leur] contexte, vise[nt] à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ». L'incrimination terroriste vise aussi bien l'utilisation d'explosifs que les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses, ou encore l'usage d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels et matériels. La menace de réaliser de tels actes constitue également une infraction.
S'agissant de la lutte contre la prolifération en mer, le transport d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires (BCN) est incriminé, de même que le transport d'équipements ou de matières nécessaires à la conception ou à l'utilisation de ces armes. Une clause de sauvegarde a toutefois été inscrite, notamment à l'initiative de la France, pour ne pas entraver les transferts entre États dotés de l'arme atomique, comme les y autorise le traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires.
La convention SUA de 2005 crée par ailleurs une infraction de transport par mer d'un fugitif impliqué dans une infraction - ce que le droit français qualifie de « recel de malfaiteur ».
De nouvelles dispositions améliorent la coopération entre les États ainsi que l'entraide judiciaire. Elles prévoient notamment que toutes les infractions définies dans la convention de 2005 puissent faire l'objet d'une extradition. À cet égard, une clause de dépolitisation a été insérée afin d'éviter que les infractions incriminées soient considérées comme des infractions politiques, de nature à faire obstacle à une demande d'extradition. Dans un souci d'équilibre, une clause de non-discrimination a été ajoutée ; elle rend l'extradition non obligatoire si l'État requis considère que la demande a été présentée pour des raisons tenant à la race, à la religion, à la nationalité, aux opinions politiques ou au sexe de la personne concernée.
Une procédure d'arraisonnement, très encadrée, est également introduite. Elle permet à chaque État de contrôler le navire d'un État tiers ainsi que sa cargaison et son équipage, s'il « a des raisons sérieuses de soupçonner que le navire ou une personne à bord du navire a été, est ou est sur le point d'être impliqué dans la commission d'une infraction ». Pour ce faire, l'accord préalable de l'État du pavillon est bien entendu requis.
Enfin, le droit interne de chaque État partie à la convention doit désormais permettre d'engager la responsabilité pénale, civile ou administrative de toute personne morale située sur son territoire ou constituée sous sa législation, pour les infractions et les actes illicites commis à l'encontre de la sécurité maritime.
Le droit français devra quant à lui s'adapter sur deux points, à savoir :
- la prise en compte dans le code de procédure pénale des nouvelles incriminations entrant dans le champ de la compétence des juridictions pénales françaises ;
- et la modification de la loi de 1994 sur les modalités d'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer, pour y apporter quelques précisions.
Deux autres points feront en revanche l'objet d'une déclaration et d'une réserve lors de la ratification des protocoles pour préserver les principes du droit français en matière de menace de violences et de recel de malfaiteur.
J'en viens à présent aux dispositions du protocole SUA. Ce protocole s'applique aux plates-formes ancrées en mer jusqu'à 300 mètres de profondeur, c'est-à-dire sur le plateau continental, et qui permettent d'extraire, de produire ou de stocker du pétrole et du gaz. Je précise toutefois qu'à ce jour, aucune plate-forme de ce type n'est sous juridiction française.
En résumé, les nouvelles dispositions prévues pour la sécurité de ces plates-formes sont, mutatis mutandis, similaires à celles prévues pour les navires, à l'exception de la procédure d'arraisonnement. En effet, en application de l'article 80 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer, l'État côtier a juridiction exclusive sur les installations situées sur le plateau continental.
Pour conclure, ces nouveaux instruments répondent aux intérêts de la France dans sa volonté d'une meilleure coopération entre les pays dans la lutte contre le terrorisme. Ils permettront en outre de protéger aussi bien notre domaine maritime que les bateaux battant pavillon français, dont plusieurs ont été attaqués ces dernières années, soit par un groupe terroriste - à l'image du pétrolier Limburg en 2002 au large du Yémen - soit du fait de pirates, comme ce fut le cas en 2008 et 2009 au large de la Somalie pour les voiliers Tanit et Le Ponant.
En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux que recommander l'adoption de ce projet de loi, qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en août dernier.
À cette occasion a été déploré le délai de ratification particulièrement long de certaines conventions internationales, dont celle que je viens de vous présenter et qui concerne un sujet particulièrement important. Pour pallier ce problème, le gouvernement souhaite se fixer l'objectif ambitieux d'un délai de un an entre la signature d'un accord et son examen par le Parlement ; nous ne pouvons, à cet égard, que l'encourager dans cette voie.
Pour ce qui nous concerne, l'examen en séance publique est prévu le jeudi 9 novembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.
La réunion est close à 13 h 05.