Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 novembre 2017 à 8h30
Agriculture et pêche — Usage du glyphosate : communication de m. pierre médevielle au nom du groupe de travail composé en outre de mm. yannick botrel pierre cuypers daniel gremillet et claude haut

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Mes chers collègues, après ces deux interventions, je m'attacherai à évoquer les pistes de réflexion du monde agricole pour sortir du piège du glyphosate. Mais permettez-moi, au préalable, de vous livrer également quelques réflexions personnelles. En effet, nous commençons tout juste à mesurer les vives interrogations du monde agricole, à la suite du tweet du Président de la République.

Notre pays peut-il envisager de faire « cavalier seul » en s'imposant - à lui et à lui seul - de mettre fin au glyphosate d'ici trois ans, alors qu'on sait que les alternatives ne seront pas disponibles d'ici là ? J'observe surtout que la décision européenne autorise l'utilisation du glyphosate pendant cinq ans. Le sujet sera donc à nouveau évoqué dans cinq ans.

Le recours à une solution unilatérale - au terme de deux années de négociations avec nos partenaires - n'est-il pas contradictoire avec la volonté politique de replacer la France au centre du jeu européen ? En effet, alors que le Brexit nous oblige à redonner une ligne directrice à l'Europe, il ne semble pas envisageable de s'écarter des règles de fonctionnement de l'Union européenne aussi facilement.

Par ailleurs, on sait tous que les productions étrangères contenant cet herbicide, notamment allemandes, ne pourront être interdites d'accès à notre territoire, alors même que les agriculteurs français ne pourront plus, quant à eux, utiliser de glyphosate. Il s'agit là d'une véritable distorsion de concurrence au détriment de notre agriculture.

Désormais, nous devons tirer tous les enseignements de ce dossier pour éviter de nous retrouver, une nouvelle fois, à l' avenir, dans pareille situation : en effet, nos agriculteurs vont devoir se passer du Round up presque du jour au lendemain, sans alternative crédible.

Pour l'éviter, il faudra miser sur le progrès et sur l'innovation en matière phytosanitaire et surtout laisser du temps au temps - c'est-à-dire donner de la visibilité aux acteurs économiques - pour changer des habitudes de production anciennes, car il serait illusoire de vouloir convertir 100 % de notre agriculture au bio.

N'oublions pas que ce qui a permis à l'agriculture d'évoluer, c'est la diminution de la main-d'oeuvre, les mauvaises herbes étant autrefois arrachées manuellement.

La problématique est la même, toutes choses égales par ailleurs, que la démarche suivie par le Gouvernement avec les voitures à moteur thermique : en visant une interdiction à l'horizon 2040, on se donne collectivement la possibilité d'anticiper et de mettre en oeuvre des changements structurels majeurs.

Dans ce contexte, autour du premier syndicat agricole, trente interprofessions agricoles, organismes techniques et centres de recherche ont signé un texte, le 14 novembre 2017. Par cette initiative, baptisée Contrat de solutions, les parties s'engagent à rechercher au plus vite une palette de substituts aux produits phytosanitaires - et pas uniquement au glyphosate. C'est un enjeu sociétal et économique.

Enfin, je tiens à souligner que nos exploitants agricoles ont déjà réalisé d'importants efforts au cours des deux dernières décennies : depuis 1999, la quantité de pesticides épandue dans notre pays a globalement diminué de moitié.

Si la France demeure le plus grand consommateur européen, c'est tout simplement parce qu'elle possède la plus grande surface agricole. Si l'on examine la consommation de pesticides à l'hectare, notre pays ne se situe qu'au neuvième rang dans l'Union européenne.

Ces données sont malheureusement totalement absentes du débat public sur le glyphosate. Or, nos agriculteurs y font figure d'accusés, et ce de façon pour ainsi dire systématique. Ces critiques à charge sont injustes.

Notre réunion d'aujourd'hui est l'occasion d'en revenir à une présentation mesurée et objective des faits, d'une part, de la problématique des pesticides, d'autre part, mais aussi et surtout de l'économie agricole et de la santé humaine.

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