Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre monde en crise, il n’y a pas de sécurité sans développement. C’est dire l’importance vitale des crédits que nous examinons.
Je me concentrerai sur deux séries de remarques, après la présentation par les rapporteurs de notre commission de leur excellent travail.
Premièrement, il existe un véritable décalage entre ce que nous croyons être notre politique d’aide au développement et ce que celle-ci est en réalité. Nous vivons sur le souvenir des années 80, quand notre aide publique au développement était de 0, 6 % du revenu disponible brut, ce qui nous permettait d’agir tous azimuts. Aujourd’hui, l’APD n’atteint plus que 0, 38 % de ce revenu. Il convient bien évidemment d’augmenter cette part, mais nous n’avons pas su, en réalité, définir des priorités à notre action.
À l’inverse, l’Allemagne fait le choix clair d’un financement massif d’une expertise internationale très bénéfique à ses entreprises, tandis que le Royaume-Uni sait se concentrer sur des territoires géographiques bien plus circonscrits, notamment en Afrique orientale, allant jusqu’à mettre fin à son aide à l’Inde lorsqu’il n’y trouve plus son intérêt. Et, pour soutenir leurs priorités, ces deux pays versent trois fois plus de dons que nous.
Sommes-nous aussi capables de dire clairement aujourd’hui quelles sont les priorités de notre propre aide ? J’espère, monsieur le ministre, que vous nous donnerez votre sentiment sur ce point.
Deuxièmement, selon les Nations unies, l’Afrique subsaharienne comptera environ 400 millions de jeunes de 15 à 24 ans en 2050. Il est impératif que ces jeunes puissent recevoir une éducation de base et, pour un nombre suffisant d’entre eux, un enseignement supérieur de qualité. Il est également nécessaire que l’économie crée assez d’emplois pour absorber ce flux important. À défaut, ce sera l’instabilité, avec un chômage massif, des migrations toujours plus importantes et, probablement, un renforcement des extrémismes.
Que faut-il en déduire pour notre aide au développement ?
D’abord, il est impératif de remettre l’éducation au centre.
Comment justifier que la France se soit désengagée de l’éducation en Afrique francophone ? Comment avons-nous pu laisser l’école publique y perdre tant de terrain ?
Certes, l’Agence française de développement augmente progressivement son aide bilatérale à l’éducation, mais les montants des subventions restent trop faibles.
Sur le plan multilatéral, entre 2014 et 2018, l’engagement de la France pour le Partenariat mondial pour l’éducation, qui a fait la preuve de son efficacité, s’est élevé à 36 millions d’euros, pendant que le Royaume-Uni participait à hauteur de 335 millions d’euros. Pour la seule année 2018, notre Fonds de solidarité pour le développement versera 385 millions d’euros au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, contre à peine 14 millions d’euros au Partenariat mondial pour l’éducation. Certes, le multilatéral, malgré sa complexité, a son utilité, mais encore faudrait-il que nos financements soient en ligne avec nos objectifs et nos intérêts actuels. Ainsi, monsieur le ministre, comment comptez-vous redonner à l’éducation l’importance qui lui revient au sein de notre politique d’aide au développement ?
Par ailleurs, si les tendances actuelles se poursuivent, les économies subsahariennes ne devraient créer que la moitié des emplois nécessaires pour permettre à ces 400 millions de jeunes de trouver un emploi d’ici à 2050. Nous devons donc tout mettre en œuvre pour contribuer à créer un tissu véritablement dynamique et dense.
À cet égard, je souhaite saluer l’annonce faite par le Président de la République à Ouagadougou la semaine dernière de la création d’un fonds africain pour les petites et moyennes entreprises. Il est impératif que cet outil ait pour priorité le soutien à des entreprises innovantes, mais aussi intensives en main-d’œuvre. Il serait également souhaitable qu’il puisse servir de levier à une meilleure coopération des entreprises africaines avec nos PME, lesquelles peuvent notamment faire valoir leur expertise en matière de croissance verte.
Ainsi, monsieur le ministre, au moment où le Président de la République vient d’annoncer une redéfinition de notre politique d’aide au développement, la commission va voter ces crédits. Elle souhaite cependant que nos priorités soient redéfinies dès 2018, notamment à l’occasion de la réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, et tiennent compte des réalités et des défis nouveaux des pays aidés. En d’autres termes, elle espère que les actes seront au rendez-vous des promesses, pour permettre à celles-ci d’être tenues.