Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un principe au moins, nous sommes tout à fait d’accord – certains orateurs l’ont dit, et je partage complètement leur analyse – : l’aide publique au développement est un instrument de solidarité, mais aussi un instrument d’influence, et un instrument de gestion globale des crises. Constatons-le ensemble !
Deuxième remarque, à titre d’introduction – là encore, beaucoup l’ont dit – : notre rang parmi les acteurs du développement sur la scène internationale est remis en question, en raison d’une baisse continue de nos moyens, qui se poursuit depuis longtemps – M. Vallini l’a dit tout à l’heure.
Il importe donc d’inverser la tendance.
C’est précisément le sens de l’acte important annoncé par le Président de la République, conforme, d’ailleurs, à son engagement de campagne, consistant à porter l’aide publique au développement de 0, 38 à 0, 55 % du PIB d’ici à 2022.
Cet engagement a été pris devant l’Assemblée générale des Nations unies, pas n’importe où, donc. Il a été répété la semaine dernière, à Ouagadougou et à Abidjan, avec beaucoup de fermeté et de conviction. Il faut donc désormais nous atteler à la tâche, ce qui signifie en effet – certains d’entre vous l’ont souligné, mesdames, messieurs les sénateurs – faire passer notre aide publique au développement de 8, 5 milliards d’euros en 2016 à près de 15 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ces chiffres correspondant à l’aide global, et non au seul budget relevant de mon ministère.
Nous devons nous préparer à cet horizon. C’est ce que nous commençons à faire, certes modestement, mais la courbe est inversée avec le budget que je vous présente pour 2018 au nom du Gouvernement.
Pour arriver à ce montant et à ce niveau, il faut définir une trajectoire. Je suis assez sensible à l’idée, développée tout à l’heure par le rapporteur spécial Yvon Collin, de créer quelque chose qui pourrait ressembler à une loi de programmation permettant de valider la trajectoire, en tout cas de marquer les étapes nous menant à ce résultat.
Il importe aujourd’hui, quoi qu’il en soit, que nous prenions la responsabilité d’une telle augmentation ; à défaut, en effet, notre place dans le monde risque d’être progressivement relativisée, et notre message ne portera plus, puisque nous ne pourrons plus être au rendez-vous de nos engagements.
Toujours est-il que ce budget pour 2018 inverse l’évolution récente et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’en avoir pris acte.
Je voudrais faire quelques observations sur les propos tenus par les différents intervenants. Notre aide publique au développement obéit bel et bien à une vision stratégique, articulée autour de priorités. Ces priorités sont tenues, même si, pour chacune d’entre elles, des incertitudes demeurent et des corrections restent à apporter.
La priorité géographique, d’abord – elle a été rappelée par plusieurs orateurs –, est accordée aux 17 pays les plus pauvres, les pays les moins avancés, en particulier depuis le CICID de novembre 2016 – M. Vallini s’en souvient.
La seule difficulté est que les dispositifs mis en œuvre pour accorder cette priorité sont relativement pervers : pour pouvoir assurer cette priorité d’ordre géographique envers les 17 pays les plus pauvres, il faudrait faire davantage de dons que de prêts. Or notre situation, aujourd’hui, est devenue paradoxale : les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement française sont des pays à revenu intermédiaire, comme la Colombie, le Maroc, la Turquie, le Brésil et l’Inde, et non pas les pays les plus pauvres, qui ne peuvent plus emprunter et ne peuvent donc être bénéficiaires que des dons.