Intervention de Gilbert-Luc Devinaz

Réunion du 4 décembre 2017 à 21h20
Loi de finances pour 2018 — Action extérieure de l'état

Photo de Gilbert-Luc DevinazGilbert-Luc Devinaz :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les programmes soumis à notre examen constituent l’un des piliers de la sauvegarde de nos intérêts vitaux, avec la politique de défense et la dissuasion nucléaire.

Lors de son discours aux ambassadeurs, en août dernier, le Président de la République avait cité les trois « D » – défense, développement, diplomatie – comme étant les leviers de la stabilité. Ces propos, qui concernaient l’Afrique, sont valables pour l’ensemble de notre politique étrangère. En effet, notre action extérieure doit être pensée de manière globale.

Si les armées nous font gagner les guerres, ce sont la diplomatie et le développement qui nous permettent de conquérir la paix. Dans un monde certes plus durablement pacifié, les défis et les périls ne manquent pas : défi de la sécurité, défi d’une meilleure régulation économique, défi de la démocratie, défi de l’Europe et défi climatique.

Le changement climatique est assurément le péril auquel nous devons faire face en priorité. Du reste, le précédent gouvernement avait fait de la gouvernance climatique mondiale l’un de ses objectifs prioritaires.

Le Président de la République a également défini la sécurité du territoire comme notre intérêt vital. Si nous partageons cette appréciation, assurer la sécurité du territoire ne saurait se limiter à lutter contre le terrorisme. La revue stratégique a montré la diversité des menaces, tant sur le plan géographique que sur celui de la nature des acteurs.

Dans un monde interdépendant, la sécurité de notre territoire exige la stabilité internationale. Dans cette perspective, la France mène une politique étrangère active en faveur de la préservation de la paix et s’appuie sur une tradition d’excellence diplomatique.

La force d’une politique étrangère consiste justement à ne pas s’appuyer uniquement sur sa force, mais aussi sur sa capacité d’influence. Ce pouvoir de convaincre est le levier permettant de garantir nos intérêts.

Pour porter ce message, il nous faut maintenir l’excellence de notre corps diplomatique, tout en l’adaptant aux dynamiques nouvelles des relations internationales.

Le gouvernement précédent avait d’ores et déjà engagé une modernisation en ce sens. Il faut néanmoins renforcer la qualité de notre offre consulaire, développer la réputation culturelle de notre pays et améliorer son attractivité auprès des étudiants. C’est l’effort que doit prolonger ce projet de loi.

Notre position est simple ; elle se fonde sur la cohérence entre ce qui est dit, ce qui est écrit et ce qui sera fait. Le budget est l’acte politique fondamental. Il permet de mesurer l’adéquation entre les objectifs et les moyens qui leur sont consacrés. C’est bien cette adéquation qui fonde la sincérité et l’efficacité de l’action politique.

Nous nous félicitons de l’augmentation des crédits destinés à plusieurs postes de dépenses en lien avec la sécurité de nos compatriotes, d’autant que ces efforts prolongent l’action menée par le précédent gouvernement. Cette continuité s’illustre avant tout par la stabilité budgétaire en trompe-l’œil des programmes 105, 185 et 151.

Une politique ne peut être faite que de mots, c’est pourquoi je relèverai plusieurs points de vigilance, révélateurs des premières contradictions entre les objectifs affichés et les moyens alloués. Nos craintes sont d’ailleurs renforcées par les pratiques de Bercy, tel le gel de 700 millions d’euros de crédits dans le budget de la défense. Je crains que la stabilité budgétaire, que nous louons, ne soit que de façade.

Ce projet de budget alloue 3 milliards d’euros à l’action extérieure, mais, en juillet dernier, les crédits de cette dernière avaient été amputés de 141 millions d’euros au titre des coupes budgétaires. De plus, la stabilité budgétaire du programme 105 n’est qu’apparente ; en fait, elle masque un effet de périmètre, avec la création du nouveau programme pour la présidence du G7.

Les effectifs du ministère diminueront de 115 emplois en 2018. Une forte dynamique de réduction des emplois avait déjà été enclenchée. Toutefois, aujourd’hui, nous nous interrogeons : comment concilier l’objectif d’un rayonnement universel de notre dispositif consulaire avec une baisse constante des effectifs ?

Pour répondre aux défis de la stabilité, notre action extérieure doit aussi s’appuyer sur la politique d’influence, qui concerne des champs divers comme l’enseignement français à l’étranger, la diffusion culturelle, linguistique ou scientifique et la promotion du tourisme, champs qu’il est indispensable de couvrir pour que notre pays exerce son influence. Sur ce point aussi, l’écart entre les objectifs affichés et les moyens alloués est flagrant. Comment maintenir notre capacité d’influence quand les opérateurs qui y concourent sont fragilisés ? Les moyens dévolus à l’action culturelle subissent une contraction de 1, 6 %, ceux qui sont consacrés à l’Alliance française vont encore baisser, l’audiovisuel public à l’étranger est fragilisé, au moment où son poids comme vecteur d’influence est illustré par les stratégies agressives de nombreux pays.

Par ailleurs, le sous-financement du réseau des opérateurs à l’étranger se poursuit. En effet, si les crédits de l’Institut français augmentent de façon modeste, ceux du réseau continuent de diminuer. Au total, l’Institut français aura perdu 25 % de ses moyens depuis sa création en 2011, sur fond de rapprochement avec le réseau culturel porté par la Fondation Alliance française, laquelle est également en grande difficulté.

Devant tant d’incertitudes, devant le décalage entre les intentions et les moyens, le groupe socialiste et républicain, qui voulait initialement voter contre les crédits de la mission, s’abstiendra, l’adoption des amendements présentés pouvant permettre d’améliorer ce projet de budget. Cette position vise, paradoxalement, à soutenir, monsieur le ministre, votre détermination à obtenir des clarifications de la part du ministère des finances, qui pourrait se préoccuper bien davantage de ceux, militaires ou diplomates, qui œuvrent chaque jour pour assurer la sécurité de notre territoire.

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