Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 4 décembre 2017 à 21h20
Loi de finances pour 2018 — Action extérieure de l'état

Jean-Yves Le Drian :

Ce qui est certain, c’est que nous vivons une période de tensions considérables, marquée par la survenue quotidienne d’événements. C’est dans ce contexte qu’il nous faut maintenir un outil diplomatique de premier niveau.

Or, vous l’avez rappelé, depuis de nombreuses années, ce ministère subit une diminution continue et significative de ses moyens, tandis que le périmètre de son action ne cessait de s’étendre. Il fallait donc inverser cette tendance, tout en poursuivant l’effort de rationalisation et d’amélioration de l’efficience de notre action.

C’est pourquoi, pour la première fois depuis longtemps, le budget de ce ministère connaît une hausse, certes modeste, de 95 millions d’euros, pour s’élever, après transferts, à 4, 7 milliards d’euros. C’est le début d’une inversion de tendance que je voulais souligner et que certains entre vous ont bien voulu relever.

La mission « Action extérieure de l’État » représente les trois cinquièmes de ce budget. Elle sera dotée, en 2018, de 3 milliards d’euros, dont 923 millions d’euros de dépenses de personnel. Pour ma part, je m’en tiens au budget pour 2018, monsieur Delahaye ; la discussion du budget pour 2019 viendra en son temps.

La mission « Action extérieure de l’État » nous permet de mettre en œuvre, en particulier, trois priorités budgétaires.

La première priorité, c’est la sécurité et la protection des Français à travers le monde. La protection de nos emprises à l’étranger vient au premier rang de nos responsabilités, à l’égard tant de nos agents que de nos compatriotes ; c’est donc pour moi un impératif absolu. Elle exigeait une planification et une augmentation des moyens : plus de 75 millions d’euros seront consacrés à la sécurisation des emprises de notre réseau diplomatique et consulaire, ainsi qu’à nos établissements d’enseignement à l’étranger et aux Alliances françaises.

Protéger les Français à l’étranger implique également un engagement face aux crises internationales qui affectent nos intérêts, à commencer par la menace terroriste qui pèse sur l’Europe et sur la France. L’action du ministère fait partie intégrante de notre stratégie de sécurité et de contre-terrorisme. En appui à nos efforts diplomatiques et militaires, nous devons notamment aider les pays en crise à faire face aux tensions, à développer leur propre sécurité, à se stabiliser puis à se reconstruire, comme aujourd’hui en Irak et en Syrie. Cela relève aussi de la sécurité et de la protection des Français, et c’est pourquoi les crédits de gestion de sortie de crise augmentent de 14 millions d’euros, pour atteindre plus de 86 millions d’euros en 2018. Cet effort devra se poursuivre ; il est indispensable à la crédibilité de notre action diplomatique.

Parallèlement, nous développons des outils de prévention qui soutiennent directement nos actions en matière de sécurité nationale. Je pense au budget consacré à la coopération de sécurité et de défense, qui s’élève à plus de 36 millions d’euros, hors dépenses de personnel, 2 millions d’euros supplémentaires venant renforcer nos interventions dans le domaine de la lutte antiterroriste, de la sécurité aéroportuaire et maritime et de la lutte contre le trafic de migrants.

Enfin, notre sécurité comme le maintien de notre rang international passent aussi par notre action en faveur de la sécurité collective. C’est le rôle des opérations de maintien de la paix menées sous l’égide des Nations unies, pour lesquelles notre contribution obligatoire s’établit à 384 millions d’euros. C’est également le cas de notre action au sein des organisations internationales, comme l’OTAN ou l’Agence internationale de l’énergie atomique, aux fins de défense collective avec nos alliés ou de non-prolifération, telle que l’organise le traité de non-prolifération, le TNP. Nos contributions à ce titre s’élèvent à 372 millions d’euros.

La deuxième priorité de ce projet de budget, c’est l’action en faveur de l’attractivité de notre pays. Cette action doit être renforcée.

Je pense bien sûr à la diplomatie économique offensive que le Gouvernement entend promouvoir. J’ai entendu les observations de M. Cadic sur ce point ; je compte bien faire en sorte que la tendance commence à s’inverser, car cette dégradation de notre commerce extérieur, très ancienne, est en voie d’accélération. Cela suppose de développer une culture de l’exportation parmi nos entreprises et de modifier notre dispositif dans son ensemble. Jean-Baptiste Lemoyne et moi y travaillons ; nous serons amenés à faire, au début de l’année prochaine, des propositions assez audacieuses en vue de mobiliser nos entreprises autour de l’exportation.

Je pense également au rôle joué par mon ministère dans la promotion du tourisme. En 2018, 32, 6 millions d’euros seront affectés à Atout France. Je souhaite que nous puissions développer des partenariats et des dispositifs innovants pour dégager des financements et assurer la promotion du tourisme. Les acteurs y sont prêts, et c’est dans cette perspective que nous avons confié à trois personnalités la mission de définir rapidement les nouveaux modes de financement qui permettront de compléter utilement le dispositif actuel et d’atteindre, au travers d’actions de promotion, l’objectif de 100 millions de touristes étrangers en France à l’horizon 2020. Il faudra pour cela prolonger la trajectoire que nous connaissons aujourd’hui.

Notre réseau culturel et nos établissements scolaires à l’étranger sont un instrument essentiel du rayonnement et de l’influence de la France dans le monde. Vous m’avez beaucoup interrogé sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Je rappellerai d’abord que, en termes budgétaires, l’AEFE est la première priorité de notre diplomatie d’influence – elle représente 60 % du programme 185 – et qu’elle le restera.

Certes, nous avons dû demander à l’AEFE un effort en 2017, en raison de la répartition budgétaire de fin de gestion rendue nécessaire par la situation des finances publiques. La diminution de la subvention en exécution pour cette année a été de 33 millions d’euros. Nous avons pris une série de mesures, en veillant toujours à une juste répartition des efforts entre les services centraux et les établissements scolaires.

Dans ce contexte, j’entends, comme vous, les inquiétudes aujourd’hui exprimées. Je voudrais rappeler ici, à la suite de plusieurs d’entre vous, l’engagement du Président de la République, qui a salué, devant l’Assemblée des Français de l’étranger, le travail de l’AEFE et de son personnel, et a confirmé que ses crédits seraient préservés en 2018 et en 2019. Nous sommes tout à fait disposés à écouter les propositions qui pourront nous être faites quant à l’avenir de l’AEFE au-delà de 2019. Des questions ont été soulevées, en particulier par M. del Picchia. Il convient de réfléchir à une meilleure organisation de nos filières d’enseignement à l’étranger. Ce dispositif essentiel pour notre influence doit évoluer.

Je veux aussi aborder le sujet des aides aux associations à l’étranger.

Vous le savez, la réserve parlementaire ayant été supprimée, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2018, un amendement présenté par le Gouvernement visant à affecter 25 millions d’euros au financement de projets portés par des associations, au travers de l’abondement du Fonds pour le développement de la vie associative. Sur ces 25 millions d’euros, 2 millions d’euros seront consacrés spécifiquement au financement des associations à l’étranger. La gestion de ce montant sera affectée, de manière bien identifiée, au programme 151 du budget du ministère de l’Europe et les affaires étrangères. Nous proposerons, pour administrer ces crédits, une méthode associant à la fois des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger et des parlementaires représentant les Français de l’étranger, sur le modèle des commissions existant en matière d’aide sociale versée aux Français de l’étranger. J’espère que ces précisions sur le dispositif à venir seront de nature à vous rassurer.

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