Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 février 2010 à 21h30
Récidive criminelle — Article 5 bis

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 5 bis tend à créer un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Si le principe d’une telle base de données n’est pas choquant, cet article 5 bis pose tout de même des problèmes relativement sérieux.

D’abord, il faut être clair : c’est un énième fichier qui est créé !

Ce fichier porte sur des données sensibles – notamment de santé –, données à caractère personnel collectées à toutes les phases de procédures judiciaires antérieures, de l’enquête à l’exécution de la peine. Pourtant, l’avis de la CNIL n’a pas été sollicité.

Seraient inscrites dans ce fichier les personnes condamnées, mais aussi les personnes poursuivies, autrement dit présumées innocentes. S’il est compréhensible que des données recueillies dans une affaire en cours, sur une personne non encore condamnée, puissent faire l’objet d’une consultation par les magistrats et experts, l’inscription au fichier ne saurait être possible avant la condamnation.

Ce fichier a pour finalité une connaissance de la personnalité et de l’évaluation de la dangerosité de ces personnes, poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle elles peuvent encourir – je dis bien simplement encourir – un suivi socio-judiciaire. Vous avouerez, mes chers collègues, que ce champ est bien large...

Il en va de même du contenu du fichier ! Celui-ci comprend toutes les pièces des examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires. Pourquoi ne pas se contenter de leur liste et de leurs conclusions ? Je note d’ailleurs que la commission des affaires sociales a instauré une limite à cette longue liste.

S’agissant des modalités, l’article 5 bis tend à renvoyer à un décret en Conseil d’État. Rien n’est dit de la durée de conservation. Quant à la « promesse » d’effacement en cas de classement sans suite, de décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, on voit ce qu’il en est du casier judiciaire ou du système de traitement des infractions constatées, le fameux STIC.

Il est totalement illusoire de penser que les moyens actuels de la justice permettront de faire fonctionner ce nouveau fichier dans de bonnes conditions.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, examinant la situation de la France en matière d’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, soulignait dans son rapport de juillet 2008 que la France devait veiller à ce que « la collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi ». Nous en sommes loin !

Par ailleurs, quel droit d’accès pour les personnes concernées ? La commission des lois a réservé l’accès à ce fichier à l’autorité judiciaire. C’est bien le moins !

Enfin, une question : quel est le véritable intérêt de ce répertoire, sachant qu’une expertise se fait à un moment précis, que la situation de la personne concernée peut avoir évolué et nécessite en tout état de cause de nouvelles évaluations, sachant aussi combien la notion de dangerosité est peu fiable ?

Nous proposons donc, pour l’heure, la suppression de l’article 5 bis.

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